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Bulletin de la Société nivernaise
des lettres, sciences et arts
Société Nivernaise des
Lettres, Sciences et Arts, Nevers
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GENERAL LIBRARY
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BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ NIVERNAISE
DES
LETTRES, SCIENCES ET ARTS.
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NEVERS,
IMPRIMERIE FAY. — G. VALLIÈRE, SUCCESSEUR,
PLACI DK LA BALLK BT RUB of REMPART.
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BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ NIVERNAISE
DES
LETTRES, SCIENCES ET ARTS.
TROISIÈME SERIE. - TOME II*. - XII* VOLUME DE LA COLLECTION.
QUATRIÈME FASCICULE.
A NEVERS
CHKZ MICHOT, LŒRAUtE DE LA SOCIÉTÉ, PI, ACE SaINT-SÉBABTIKH,
Et cbbz M. MORIN-BOUTILLIER , libraire , bue de l’Embarcadèhb.
1886
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S?
s-vr|
SOCIÉTÉ NI VE RN AISE
DES LETTRES, SCIENCES ET ARTS.
COMPOSITION DO BUREAU.
MM. le comte George de Soültrait président .
Roubet, président honoraire,
l’abbé Boütillier, vice président,
Ernest de Tottot, secrétaire,
Dcminy, bibliothécaire,
Lutz père, architecte.
Bricbetbau, trésorier.
Morin- Boütillier, pro- secrétaire.
Henri Ganat conservateur du musée de la Porte du Grouse.
MEMBRES D’HONNEUR.
M |r l'ÉvÉQUB DE NEVBRS.
MM. le Préfet de la Nièvre.
le Président dü tribunal civil.
de Tottot # , ancien président du tribunal civil.
LISTE DES MEMBRES TITULAIRES
dresséb selon l'ordre de leur réception.
MM. l'abbé Clément, curé de Châtillon, membre
fondateur, 5 juin 1851.
l'abbé Hurault, curé de Saint-Pierre, à Nevers,
id., id.
le D r Jacquinot (Honoré) # , à Imphy, id., id.
Lhospied, ancien instituteur, à Nevers, id., id.
V. db Maumignv (le comte), à Nevers, id., id.
Robert Saint-Cyr #, docteur-médecin à Nevers,
id., id.
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vt
MM. Adolphe de Rosemont , propriétaire à Nevers,
membre fondateur, 5 juin 18tfi.
Arthur de Rosemont, à la Girardière, par Bel-
leville-sur-Saône (Rhône) , id., id.
de Soultrait (le comte George) # , à Toury-sur-
Abron, par Dômes (Nièvre), ûf., id.
dü Verne (Henri), à Nevors, id., id.
de Villepossb , ancien archiviste à Nevers, id id.
le comte Charles de Savigny de Moncorps à
Fertotot, 3 août 1854.
le vicomte René de Savigny db Moncorps à
Fertotot , id.
Roubet, à La Guerche (Cher), 2 août 1855.
de Laügardîère, ancien conseiller à la cour de
Bourges, 23 avril 1857.
Dèsveaux # , lieutenant-colonel d’artillerie, à
Lyon, 14 janvier 1858.
Bogros docteur en médecine à Château-
Chinon, 3 février 1859.
Laovbrnay, agent- voyer d’arrondissement re-
traité, à Nevers, 14 juin 1860.
Millibn (Achille) # « à Beaumont-la- Ferrière , id.
l’abbé Pot, curé de Magny-Cours, id.
l’abbé Rolland, aumônier des Ursulines, à
Nevors , id.
l'abbé Boutillibr, curé de Coulanges, 6 décembre 1861.
de Toytot (Ernest), 6 février 1862.
Bouvbault, architecte à Nevers, 3 avril 1862.
Maurice d’Aiguson, ancien magistrat, à Chà-
teauroux (Indre), id.
Dbcray conseiller général, à Decize, 12 novembre 1863.
l'abbé Fouché, aumônier du lycée, à Nevers, 2 décembre 1863.
Bobert, docteur en médecine à Nevers, 12 janvier 1865.
Mirault, régisseur à Cours-les-Barres (Cher), 10 janvier 1866.
René de Lespinassb >J«, à Urzy, 8 juin 1867.
Malleval, banquier à Nevers, 8 août 1867.
Morlon, conseiller à la cour d’appel, à Bourges, 5 décembre 1867.
Henri d’Assigny, à Sauvigny-les-Bois, 7 juillet 1868.
Blandin- Lyons, propriétaire à Nevers, 4 février 1869.
l’abbé Dblost, curé de Cercy-ia-Tour, 4 mars 1869.
db Villbnaut , à Vauzelles, près Nevors, 13 mai 1869.
du Vbrnb (Charles), au Veuillin (Cher), 3 mars 1870.
L. Charpentier, docteur en médecine à Prémery, 20 avril 1871.
Fbraibr (Henri), peintre, à Prémery, id.
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VII
MM. de Pibrredon directeur, à Imphy, 1'* février 1872*
Auguste Le Blakc-Bellevaux , licencié en droit,
à Paris,
Gaston de Chalvron , à Nevers ,
Albert Blaudim-Vaubrb , à Nevers,
l'abbé Bogros , curé de Marzy,
l'abbé Pannbtieb, curé d'Arleuf,
Monteignibr, à Dompierre-sur-Nièvre,
l'abbé Chapois , curé d'Aunay,
Chbvambr-Lagémssière, président du tribunal
civil de Mâcon,
du Verre (Victor), à Nevers,
l'abbé Soyer , à Nevers ,
Michot, libraire de la Société nivemaise ,
Mokot docteur en médecine à Montsauche,
Hugon (Edmond), ancien juge à Nevers,
Victor Gdbicbau , receveur particulier à Loudun
(Vienne) ,
l’abbé Grosnibr, curé de Saint-Louis de Four-
chambault,
Pelletier de Chambcre, au château de la Chaux,
par Saulieu (Côte-d’Or),
Busqoet, directeur à La Machine,
l'abbé Ddbarbier, vicaire général à Nevers,
de Berthjbr (Charles), propriétaire à Nevers,
. î de Chabrol , à Saint-Patrice , près Tours ,
. d'Esmard (le baron Henri), à Mazille, par Mou-
lins- Engilbert, 7 mai 1874.
Abel Métairie, à Fontfaye, par Châteauneuf-
val-de-Bargis, 9 juillet 1874.
_ i Locqum, licencié en droit à Nevers, id.
Bebtaux (Prosper), à Nevers, id.
: Ajbéric Gobât, à Saint-Pie rre-le-Moûtier, 17 août 1874.
Massillon Rouvet, architecte à Nevers, id.
Théodore Meynier , propriétaire à Coulanges, 5 novembre 1874.
Gadoih, président à Cosne, 14 janvier 1875.
Robert, juge à Cosne , id.
de Lakgle de Cary, ancien juge à Nevers, 13 mai 1875.
Fa dlqüier (Adrien), ancien conseiller général,
à Clamecy, id.
Bobheao do Martray, ingénieur, à Chalon-sur-
id.
7 mars 1872.
id.
9 mai 1872.
29 août 1872.
id.
30 août 1872.
5 décembre 1872.
9 janvier 1873.
id.
6 février 1873.
6 mars 1873.
3 juillet 1873.
7 août 1872.
id.
6 novembre 1873.
id.
4 décembre 1873.
5 mars 1874.
26 mars 1874.
Saône,
bb Laubismn (le comte) à Tracy,
Jayilubr, pharmacien à Nevers,
7 octobre 1875.
9 décembre 1875.
id ;
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VIII
r juin 1878.
août 1879.
id.
id.
octobre 1877.
id.
MM. Paul Usquin , à Donzy, 6 avril 1876*
de Saint-Vallier # , à la Cave , commune de
Beaumont-Sardolles, 1
Pot, ingénieur à Alby, 3
Luquet, imprimeur à Château-Chinon ,
Legrand , agent - voyer d'arrondissement à
Nevers ,
l’nbbé Marillibr, vicaire général à Nevers, 4
Prégbrmain aîné, au château de Gron, par
Ch&tillon ,
Maurice de La Planche , au ch&teau de la
Planche, par Mi Uay, 10 janvier 1878.
Frédéric d’Assigny, à Sury, commune deSaint-
Jean-aux-Amognes, 4 avril 1878.
Montagnon , à Nevers , 13 février 1879.
Edouard de Fontenay, à Va rennes, x 3 avril 1879.
Raoul de Dreuillb, à Donzy, l #r mai 1879.
le D r Perrier , à La Charité , 13 novembre 1879.
Amédée Julien, 5, rue Saint - Benoist , à
Paria ,
Paul Perreau, notaire à Saint- Benin-d’Azy
l'abbé THépÉNiBR, curé de Saint-Parize-le-Châtel,
le D r Fichot, à Nevers ,
Sarriaü , propriétaire à Cosne ,
Ricard , sous-intendant militaire , à Nevers ,
Charbonnier , prote de l’imprimerie Fay,
de Rémusat, rue du Lycée , à Nevers,
Auguste du Verne, à Nevers,
Brichetbau, banquier à Nevers,
Henri Canat, à Nevers,
Maurice Canat, vérificateur de l’enregistrement,
à Nevers ,
Henri Marandat #, officier retraité, à Thé,
par Saincaize ,
Charles Lutz, architecte h Nevers,
Louis Thévenin , directeur des usines de La
Pique. 2 juin 1881.
Félix de Grandprê, à Imphy, id.
Girard (Gustave) , curé de Gimouille , id.
Albert Maron , rédacteur du journal la Vraie
France y à Lille, 2 juin 1881.
Edmond Duhiny, rue Saint-Genesl, à Nevers, id.
l'abbé Sert, curé de Grenois, 27 octobre 1881.
l'abbé Cadeau, curé de Livry, id.
8 janvier 1880.
4 mars 1880.
octobre 1880.
id.
id.
id.
id.
id.
novembre 1880.
id.
id.
id.
mars 1881.
id.
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IX
MM. l’k&fcô Charrier (Jules) , vicaire de Clamecy, 27 octobre 1881.
Gaston de Montiuchard , & la Chasseigne, id.
Raoul Mbvnibr , officier d’état-major, à Paris, id.
Mohin-Boutillier , commis au chemin de fer,
à Ne vers , \d.
Edouard Mahandat, rue du Sort, 10, Nevers, 24 novembre 1881.
Albert Robelin, contrôleur des contributions
directes, & Nevers, id.
Henri Carimantrand, rue de l’Embarcadère,
à Nevers, 30 décembre 1881.
Julien , employé secondaire des ponts et chaus-
sées, 26 janvier 1882.
Henri de Flamabe, archiviste du département, 23 février 1882.
Hippolyte Blanc, à Ghamenay, commune de
Garchizy, 30 mars 1882.
Tabbé Boitiat, archiprôtre de la cathédrale, 27 avril 1882.
le D # Jourdan, rue du Clottre-Saint-Cyr, &
Nevers, 27 juillet 1882.
le colonel de Charrant $ , rue d'Auvergne , à
Nevers , id.
le comte de La Fargüe, à Fougues, 30 novembre 1882.
le docteur Robert Saint-Cyr fils, à Nevers, id.
Charles Col, à Nevers, 25 janvier 1883.
G. Debourges, avocat à Nevers, 22 février 1883.
Algar Griveau , juge honoraire à Nevers , id.
Prôsper de Berthier-Bizt, à Parigny les-Vaux, 31 mai 1883.
le marquis de Veyny, rue des Moulins , id.
1 Roger de Cotignon, rue Creuse, id.
Paul de Maumigny #, lieutenant-colonel, 28 juin 1883.
Jacques Régnier , négociant au Pont-Patin , 28 février 1884.
Simon Moutardier , caissier à La Pique , id.
Théophile Gillotin, négociant à Nevers, id.
Davanture, marécbal-des-logis-chef de gendar-
merie à Nevers, 26 juin 1884.
l'abbé Brunbau, curé de Maux, id.
Octave Roger >}<. ancien magistrat, à Bourges, id.
Henri Ponroy, ancien sous-préfet, à Bourges, id.
Paul BonTROux, propriétaire à Nevers, 31 juillet 1884.
Charles Dbton, rédacteur en chef du Journal
de Saône- el- Loire, à Mâcon, 30 octobre 1884.
l'abbé Guillemenot, curé-doyen de Prémery, id.
Robert de Mauduit, aux Coques, commune de
! Chaolgnes , id.
l'abbé Roy, curé d'Onlay, par Moulins-Engilbert , décembre 1884*
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X
MM. OucotJBTHiAL , agent d'assurances de la compa-
gnie le Phénix , à Nevers, janvier 1885.
l'abbé Poupin , professeur & l'institution Saint-
Cyr, à Nevers, id .
le comte db Cbastellux, à Chas tel 1 ux- sur* Curo
(YonneJ , février 1885.
Teste , au château de Vésigneux , par Saint-
Martin-du-Puy (Nièvre), id.
A. Jolly, directeur de la Banque de France, à
Nevers, id.
l'abbé Bonoron, vicaire de SaintrBtienne , à
Nevers , id.
Henri de Borniol, 70, rue des Saints -Pères,
Paris, 30 avril 1885.
Achille Mazeron, libraire à Nevers, 25 juin 1885.
le comte du Hamel de Breuil, au Reconfort, >
commune de Moneeaux-le-Comte , 30 juillet 1885.
Rocoffort , au château de Retz , commune de
Toury-Lurcy, id.
Emmanuel Cheminade, à Nevers, 26 novembre 1885.
Roger db Boüteyre, à Munot, près La Charité, 31 décembre 1885.
Louis-Désiré Langellé, ancien notaire à Pouilly, id.
Léon Gadoix, à Cosne, id.
Amédée Sallbix, au château de la Brangelie, com-
mune de Vauxains, par Ribérac (Dordogne), 27 mai 1886.
Henri de Lavenne de La Montoisb, chef de gare
de Paris-Orléans, quai d’Austerlitz, Paris, id.
Raoul Marcy, ingénieur civil , Nevers, id.
Léon d’Arbadib de Barrad, 24 juin 1888* -■ •
François Caquet, à Saint-Hilaire-Fontaine , par,.
Fours, 29 juillet 1886..
MEMBRES CORRESPONDANTS.
MM. Moreau de Charny, professeur de dessin, à Nevers.
Baudoin , architecte à Avallon.
Blanchê, ancien juge.
Blandin , docteur en médecine à Nantes.
Bouchardon, & Saint-Denis (Seine).
Boudard, inspecteur des enfants assistés, & Gannat.
Brillaud, inspecteur des écoles primaires à Autan.
Bulliot, président de la Société éduenne , â Antun.
de Bures, membre de la Société d’émulation, à Moulins (Ailier)
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XI
MM. db Brêmond d'Abs (le comte), à Nantes.
db Chambghe fils.
Cirodde , ingénieur des ponts et chaussées.
Cocokt, inspecteur d’académie h Paris.
Cougny, ancien professeur de dessin, à Bourges.
Dbsrosier, professeur au collège de Riom.
Garsonnet # , inspecteur de l’académie de Dijon.
Gautherin, statuaire, 11, impasse du Maine, Paris.
Germain , docteur en médecine à Paris.
Hum ann, propriétaire à Saint-Loup.
Jullîkn, peintre & Paris.
Lapetre de Crussol, receveur de l’enregistrement.
dr L’Etoile (le comte), à Moulins (Allier).
Morellet, censeur retraité, à Paris.
Raynaud 3j$ , ancien recteur.
ce Senac.
Thomas, employé au ministère de la guerre, à Paris.
Paul Lehugeub, professeur d'histoire à Angers.
D r Janicot , à Pougues.
l'abbé Victor Hugenot, à Brion (Indre).
E. Bouchard, avocat & Moulins (Allier).
G. Marty, géomètre à Toulouse.
SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES.
t Comité des travaux historiques et des sociétés savantes.
2 Société française d’archéologie.
3 Société philotechnique, à Paris.
4 Société éduenne, à Autun.
5 Société d'agriculture, de commerce, etc., du département de la
Marne, à Châlons.
6 Société archéologique de Sens.
7 Société archéologique et historique , à Orléans.
8 Académie de Reims.
9 Société d’émulation de l’Ailier, à Moulins.
10 Société des sciences naturelles et historiques de l’Yonne, à Auxerre
1 1 Société historique du Cher, à Bourges.
12 Société d’émulation de Montbéliard.
13 Société des lettres, à Varzy (Nièvre).
14 Société académique du Var, à Toulon.
15 Académie de Mâcon.
16 Académie des sciences et belles-lettres d'Angers.
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XII
17 Société de l’histoire naturelle, à Colmar.
18 Société d’études, à Avallon (Yonne).
19 Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse , à
Guéret.
20 Société littéraire de Lyon.
21 Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace,
à Strasbourg.
22 Académie des sciences de Clermont-Ferrand.
23 Société académique de Boulogne-sur-Mer.
24 Société des antiquaires du Centre, à Bourges.
25 Académie des sciences , belles-lettres et arts de Marseille.
26 Société des sciences , lettres et arts des Alpes-Maritimes.
27 Société d’agriculture, sciences et arts d’Angers.
28 Commission historique du département du Nord.
29 Société des sciences naturelles et médicales de Seine-et-Oise.
30 Bociété des sciences et arts de Vitry-le-François.
31 Société des travaux de statistique de Marseille.
32 Académie du Gard.
33 Société d’agriculture, belles-lettres, sciences et arts d’Orléans.
34 Société archéologique de Rambouillet.
35 Société d’histoire naturelle de Toulouse.
36 Société d’agriculture, de commerce et d’industrie du déparlemen
du Var, Draguignan.
37 Société académique de Cherbourg.
38 Société historique et archéologique de Soissons (Aisne).
39 Société d’études des sciences naturelles de Béziers.
40 Société des sciences et arts du Havre.
41 Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne.
42 Académie de la Val-d’Isère, à Moutiers (Savoie).
43 Société historique et archéologique du Périgord.
44 Société niçoise des sciences naturelles et historiques, à Nice.
45 Société littéraire de Clamecy (Nièvre).
46 Archives générales de la Côte-d’Or, à Dijon.
47 Société havraise d’études diverses, au Havre.
48 Comité archéologique de Senlis, à Senlis.
49 Société historique et archéologique de Langres.
50 Société des archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis.
51 Directeur du musée Guimet, à Lyon.
52 Société des antiquaires de l'Ouest , à Poitiers.
53 Société d'études des Hautes- Alpes , à Gap.
54 Société archéologique de Tarn-et-Garonne.
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XIII
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ.
i® PÉRIODIQUES.
Journal des Savants , décembre 1882 à décembre i 885 .
Musée Guimet, Revue de Vhistoire des religions , tomes V, VI, VII,
VIII, IX, X. Catalogue, première partie: Inde, Chine, Japon.
Mémoires de la commission des antiquités de la Côte-d’Or, tome X,
années 1872-1884.
Mémoires de la Société historique, littéraire et artistique du Cher,
quatrième série, premier volume (1884).
Mémoires de la 'Société historique et archéologique de Langres,
tomes I #r , II, III.
Bulletin de la Société archéologique, historique et scientifique de
Soissons, tomes XII, XIII, XIV.
Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire, tome XXXVIII.
Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne, années 1882,
1 883 , 1884, i 885 .
Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais ,
n # ® 124 à 127.
Bulletin de la Société académique franco -hispano- portugaise de
Toulouse, tomes IV, V et VI.
Annuaire de la même Société (1884-1885).
Bulletin de la Société archéologique de Sens, tome XI.
Bulletin de la Société des antiquaires de l’Ouest, années i 883 à i 885 .
Mémoires de l’Académie de Nîmes, tomes IV, 1881 ; V, 1882; VI,
i 883 .
Revue des Sociétés savantes des départements, septième série,
tomes I** et II.
Annales de la Société des Alpes-Maritimes , tomes VIII et IX.
Bulletin de la Société philomathique de Paris, tomes VI, VII, VIII
et IX.
Société des arts et sciences de Vitry-le-François, tomes XI et XII.
Mémoires de la Société philotechnique, tome XLII, année 18 82.
Bulletin de la Société d’émulation de l’Ailier, tomes XVI et XVII.
Mémoires de la Société littéraire, historique et archéologique de
Lyon, années 1879-1881.
Bulletin de la Société archéologique et historique de Tara-et-
Garonne, tome XII, année 1884.
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XIV
Recueil de la Société des sciences, lettres et arts de Tarn-epGaronite,
années 1879 à i 883 .
Bulletin de la Société d’histoire naturelle de Colmar, tomes XXTI,
XXIII (1881-1882).. <
Bulletin de la Société pour la conservation des monuments histo-
riques de l’Alsace, tome XII.
Bulletin de la Sociétété académique de Boulogne-sur-Mer, tomes III
et IV.
Bulletin de la Société des sciences et arts agricoles et horticoles du
Havre , n M 24 à 28.
Travaux de l’Académie nationale de Reims, tomes LXXI à LXXVI.
Mémoires de la Société d’agriculture, sciences, belles-lettres et arts
d’Orléans, tomes XXIII, XXIV, XXV.
Comptes-rendus et mémoires du Comité archéologique de Senlis,
tomes VIII et IX.
Mémoires de la Société des antiquaires du Centre, tomes X, XI
et XII.
Bulletin de la Société d’études des Hautes-Alpes, janvier, février,
mars, avril, mai, juin i 885 .
Recueil des mémoires et des documents de l’Académie de la Vàl-
d’isère, série des mémoires, tome III.
V Investigateur, revue de la Société des études historiques, quarante- :
huitième, quarante-neuvième et cinquantième année.
Annuaire de la Société philomathique de Paris (i 883 ).
Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques: Section
d’histoire et philologie (1882, i 883 , 1884). — Section d’archéotogie
(1883-1884). <
Table générale des Bulletins du Comité des travaux historiettes
(i 883 ).
Enquêtes et documents relatifs à l’enseignement supérieur (i 883 ),
n ot 1, 2, 3 , 4, 5 , 6, 7, 9, 10, 11, i 3 . ’
Discours de M. Ferry à la réunion des délégués des Sociétés savantes,
le 3 i mars i 883 .
Annales de l’Académie de Mâcon, onzième série, tome IV.
Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de
l’Yonne, tomes XXXVI à XXXIX.
Bulletin d’histoire ecclésiastique et d’archéologie religieuse des
diocèses de Valence, Digne, Gap, Grenoble et Viviers, quatrième
année, cinquième livraison.
Mémoires de l’Académie de Clermont, tomes XXIII, XXlV, XXV.
Bulletin de l’Académie du Var, tome XII, premier fascicule.
Mémoires de la Société éduenne, tome XIII (1884).
Romania, recueil consacré à l’étude des langues et de la littérature
romanes, n* 42 à 54.
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XY
Mémoires de là Société d’agriculture , sciences et arts d’Angers,
tomes XXIV, XXV et XXVI.
Mémoires de la Société des sciences naturelles et archéologiques de
la Creuse, tome V, bulletins deuxième et troisième (i 885 ).
Mémoires de la Société d’agriculture, commerce, sciences et arts de
la Marne (1882 à 1884).
Mémoires et documents publiés par la Société archéologique de
Rambouillet, tomes VI et VII.
Bulletin de la Société scientifique et artistique de Clamecy (Nièvre),
n* 4.
Société d’histoire naturelle de Toulouse, tomes XVI à XIX.
Mémoires de l’Académie de Marseille (1882, i 883 , 1884, i 885 ).
Société de secours des amis des sciences, vingt-cinquième exercice
(| 885 ).
Bulletin des recherches historiques de l’Aunis et de la Saintonge ,
tomes V et VI.
Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord
tomes IX à XII.
Bulletin de la Société d’agriculture, de commerce et d’industrie du
Var, septième série, tomes V, VI, VII.
Bulletin de la Société d’étude des sciences naturelles de Béziers >
sixième année (1881).
Mémoires de la Société d’émulation de Montbéliard, tomes XIV et
XV.
Sntith sonian Report, année 1882.
Journal of the New-York microscopical [society , volume premier,
n* 2, february i 885 .
Acfas de la academia nacional de ciencias en Cordoba Republica
Argentine, tomes IV, V, VI, VU.
Informe general de la comision cientifica de la expedicion al Rio
Negro {P ata g onia) entrega , I , II , III.
2 « HOMMAGES DES AUTEURS.
De Chambrun de Rosemont, Essai d’un commentaire scientifique de
la Genèse .
Baschet, Mémoire sur les dépêches des ambassadeurs vénitiens.
Bonneau dp Martray (Adrien), Dante, l’Enfer , traduction en vers.
Du Broc de Segange, Notre-Dame de Moulins.
Godard (docteur Jules), Du Bégaiement x
Marty (Gustave) , La Caverne de Montlaur ou de l’Hervier ( Ariége ).
Sa y (Léon), La Politique financière de la France .
Soucaille (Antonin), Montagnes et Vallées .
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XVI
Histoire de la ville , des seigneurs et du comté de Gien , par M. L.-A.
Marchand.
Rapport sur les travaux du conseil d’hygiène en 1884, par
M. Guerrin.
Guillemenot, curé de Prémery, Essai de science sociale, Éléments
d'économie politique.
Marty (Gustave), Deux nouvelles Sépultures de l'époque des dolmens .
De Soûl trait, De V Iconographie chrétienne dans le diocèse de
Besançon .
Subert (docteur), Rapport sur les conseils d’hygiène de la Nièvre
(1884 et i885).
Cantonné (E.), La Langue néo-latine.
Forestié (Em.), Biographie d'Arnaud Sorhin.
Harold de Fontenay, La Roussillonnade et son véritable auteur.
Griveau, Etude sur la condamnation du livre des maximes des
saints, deux volumes.
Abbé Boutillier, Archives paroissiales de Nevers.
Docteur Fichot, Causeries du docteur.
Enquêtes et documents relatifs à l’enseignement supérieur. Etat des
études dans les facultés des sciences et des lettres.
Enquêtes et documents relatifs à l’enseignement supérieur. Bacca-
lauréat, conseils académiques.
Rapport sur les musées et écoles d’art industriel, par Marius
Vachon.
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BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ NIVERNAISE
DES
LETTRES, SCIENCES ET ARTS.
SÉANCE DU 26 AVRIL 1883.
Présidence de M. Roubet.
Étaient présents : MM. Roubet, président ;
Boutillier, vice-président ; Canat, conservateur
du musée ; Ernest de Toytot, secrétaire ; l’abbé
Rolland, le colonel de Charrant* Paul Marandat,
Duminy, l’abbé Crosnier, le docteur Subert, Col,
de Lespinasse, Massillon Rouvet, Robelin, de
Flamare , de Villenaut , Léonard.
Il est donné lecture d’une lettre de M. le Ministre
de l’instruction publique au sujet de la préparation
du programme du congrès des sociétés savantes
de 1884. Chacun des membres de la Société niver-
naise est invité à signaler au ministre les questions
qu’il serait intéressant de voir traiter à la réunion
des sociétés savantes.
t. ii, 3 # série. i
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M. le président Roubet donne lecture d’une
communication sur la « Céramique nivernaise ».
Cette note sera insérée au Bulletin.
M. Bulliot, président de la Société éduenne,
adresse à la Société nivernaise des remerciements
au sujet d’une charte que M. Roubet lui avait
envoyée. Cette charte contient l’accord entre le
prieuré de Saint-Pierre-le-Moûtier et un seigneur
voisin , du nom de Girart , pour la délimitation des
droits de justice de Varie-les-Saint-Pierre.
Elle intéresse aussi l’Autunois, comme contenant
les noms de la plupart des moines qui appar-
tiennent à la région du Beuvray.
La Société pense qu’il y a lieu de faire imprimer
le plus tôt possible cette charte dans son Bulletin.
M. de Villenaut renouvelle une proposition qu’il
a formulée déjà à la Société ; il s’agirait de de-
mander à M. Bonvalletde vouloir bien abandonner
à notre musée une plaque en fonte, aux armes des
Clèves, qui figurerait parfaitement dans la che-
minée de la porte du Croux, à côté des landiers
de M. de Maumigny.
M. de Lespinasse est chargé d’adresser cette
requête à M. Bonvallet.
Sur la proposition de M. de Villenaut, il est
décidé que la bibliothèque de la Société pourra,
quand il y aura lieu, se rendre acquéreur des
livres intéressant le Nivernais, toutes les fois que
ces livres n’auront pas été adressés à la Société
par les auteurs. Il y aura lieu, néanmoins, dans ce
cas, à un vote spécial pour chaque ouvrage.
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— 3 —
M. Massillon Rouvet donne communication des
principaux travaux lus à la Sorbonne pendant la
session des sociétés savantes.
M. le docteur Subert fait hommage à la Société
des rapports sur les travaux des conseils d’hygiène
publique et de salubrité du département de la
Nièvre pendant les années 1880, 1881 et 1882.
UN MOT SUR LA CÉRAMIQUE.
En publiant son beau travail sur la faïence, notre ancien
collègue M. du Broc de Segange se plaignait de l’extrême
pénurie de documents devant laquelle il s 'était trouvé pour
aborder l’histoire de la céramique nivernaise.
Depuis lors, vingt années se sont écoulées, et bien des do-
cuments nouveaux ont dû éveiller l’attention des chercheurs,
et leur mention me semble de nature à prendre place dans
notre Bulletin .
Dernièrement M. de Flamare signalait le passage de
quelques marchands du Bourbonnais, qui venaient faire
emplette à Nevers des divers produits céramiques qui s’y
fabriquaient vers le commencement du dernier siècle.
Or, voici une lettre curieuse sur plus d’un point qui cons-
tate l’importance commerciale de la faïence.
Cette lettre est datée de Blois du 16 mars 1736 ; elle est
adressée à M. le baron Pierre de Frasnay, seigneur de Neuvy-
le-Barrois ; elle est ainsi conçue :
« Nous avons l'honneur de vous réitérer par celle-cy que
» toute la recepte de la foire de la Saint-Jean sera pour vous,
» tant de nos marchandises de cristaux, verrerie, que de
» faïence de Rouen et la vôtre que nous avons.
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- 4 —
» Nous espérons une bonne vente malgré la mauvaise
» année.
* Vos fermiers pourront-ils nous donner des assorts qui
» nous sont nécessaires pour écouler nos marchandises ; nous
b savons qu’ils en ont livré peu à Orléans, et qu’ils n’ont
3 pas vendu en apparence trop cher le bleu et brun de suie à
• quatre livres la douzaine, et cinquante sols le blanc bien
b assorty.
b Sinon, nous irons à Nevers, ne pouvant nous passer dudit
b assort ; et nous n’irons à Neuvy que pour avoir le plaisir
b de vous assurer et à Madame votre épouse de nos respects.
b Marquez-nous, s’il vous plaît, pour la route et quel
b chemin nous prendrons, pour les voitures les plus com-
3 modes; nous serions partis à cheval sans que nous comptons
b venir avec les marchandises.
b Veuillez, etc.
» Badaire père et fils. »
Il convient de dire ici que Pierre de Frasnay était devenu
seigneur de Neuvy-le-Barois (ou Neuvy-sur-Allier) en 1725.
Il voulut établir peu de temps après une fabrique de faïence
à l'instar de Nevers, dans les dépendances mêmes du château
de Neuvy. Il y appela les ouvriers, les artistes et les maîtres
faïenciers qu’il recruta à Nevers.
En 1735 , il affermait sa manufacture à Claude- Rodrigue
Duplessis et à François Duplessis, l’un et l’autre peintres en
faïence, demeurant audit Neuvy et à Nevers.
Nous comprenons maintenant comment Pierre de Frasnay,
que nous avons fait connaître comme auteur dramatique,
put concevoir la pensée de composer en 1735 son fameux
poème didactique sur la faïence. Il avait sous les yeux tous
les secrets de la fabrication.
§
L’auteur de l’histoire des faïences hispano-moresques et
des céramiques de Moustiers, M. Charles Daviilier, vient de
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- 5 —
mourir à Paris ; c'est une perte pour les lettres et pour les
arts ; il a légué au musée du Louvre sa riche collection parti-
culière que nous avions visitée plus d’une fois.
Un jour, M. Davillier me communiqua un document qui
*ntéressait notre cité et qu’il avait rapporté de ses voyages en
Espagne. C’était une supplique adressée à Ferdinand VI par
Claude Seigne, fils de François Seigne, manufacturier à
Nevers, et qui avait été appelé par le roi pour diriger comme
contre-maître une faïencerie à Aranjuez.
Notre Nivernais sollicitait un congé pour cause de santé.
Il ajoutait que les ouvriers qu'il avait dressés ne manquaient
point d’habileté et que déjà ils savaient fabriquer des gobelets.
M. Davillier, en me laissant prendre copie de la supplique,
qui est signée Glaude Seigne, se réservait de la publier à son
nom. J’ai pensé que je pouvais la reproduire actuellement.
Ce document prouve ce que nous savions déjà, c'est que les
ouvriers et artistes des manufactures de Nevers allaient par
tout pays porter leur enseignement industriel et puiser eux-
mêmes les nouveaux secrets et les nouveaux genres qu’ils
introduisaient dans la fabrication nivernaise.
L. ROUBET.
LES JEUX DE PAUME A NEVERS ( i ).
Nous avons eu déjà l’occasion de faire connaître dans le
Bulletin (2), à propos des réjouissances du jour de Pâques,
l’usage fort ancien à Nevers du jeu de paume ou de la pelote
(pilota). La pelote n’est autre chose en effet que la balle (pila)
dont on se sert pour ce jeu , et que l’on devait renvoyer non
i
(1) Voir dans le volume précédent le procès-verbal du 3 o no-
vembre 1882.
{2) Tome VIII, Drames liturgiques.
1
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— 6 —
pas avec une raquette, comme cela se fit plus tard , mais avec
la paume de la main (lusus pilœ cum palma). Dans le nord
de la France, où tant de coutumes anciennes sont demeurées
en vigueur jusqu’à ce jour, on voit encore chaque dimanche,
après vêpres, à la sortie de l’église, les jeunes gens lancer
d’un bras vigoureux la balle qu’ils appellent indifféremment
la paume ou la pelote.
Donc, au treizième siècle , le soir de Pâques , après dîner ,
(post prandium), les chanoines de Saint-Cyr réunis à l’évêché
(in curia episcopi) , ne croyaient pas déroger à leur dignité
en venant lancer les pelotes (fcrire poletas), et l’évêque,
loin de condamner , après les grandes pénitences quadragé-
simales, cette innocente distraction, avait inscrit, en 1287,
sur son registre-terrier, parmi ses redevances, l’obligation de
faire servir des rafraîchissements à tous ceux du chœur qui
y prendraient part (item episcopus debet dare ad potandum
omnibus illis qui sunt de choro , qui veniunt in curia
episcopi...)
Dans le siècle suivant , le chapitre , de son côté , rappelait
dans ses statuts que, d’après une antique coutume (de anti -
qua consuetudine usitatum), les nouveaux chanoines sta-
giaires doivent fournir des pelotes et aussi des rafraîchisse-
ments (debent vinum bonum et pilotas) à tous ceux du chœur
(omnibus de choro), le lendemain de Pâques; seulement,
cet usage était alors renvoyé au lendemain de la Pentecôte et
aux jours suivants.
Dans un réglement du chapitre d’Auxerre, du 18 avril
1396 , il était spécifié que la pelote sans être trop grosse ne
devait point cependant être si petite qu’on pût la tenir d’une
seule main , mais de telle grosseur qu’il fût nécessaire d’y
mettre les deux mains pour l’arrêter (1).
L’usage persistait encore au commencement du seizième
siècle. Cependant, en 1531, un chanoine d’Auxerre, Laurent
(1) Rational des divin ' offices , traduction de M. Ch. Barthélemy,
t. IV, p. 448.
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Bretel, ayant refusé d'assister à la réjouissance du pilota, les
zélateurs de l’antiquité, dit l'abbé Lebeuf, s'insurgèrent;
mais comme l'évêque, François de Dinteville, désirait l'abo-
lition de cet usage , un procès-verbal fut envoyé à la cour du
Parlement qui , le 7 juin 1 538 , prononça que la complainte
des doyen , chanoine et chapitre d'Auxerre étoit non rece-
vable , qu’à l’avenir la cérémonie serait réformée et qu’elle se
ferait sans aucune oblation de pelotte en forme sphérique
ni aucune comessation (repas).
11 est à remarquer que le chapitre clerici du droit-canon
ne défendait pas ce jeu aux ecclésiastiques. Des person-
nages très-graves, comme Auguste et Antonin le Philosophe,
s’adonnaient au jeu de paume et, parmi les chrétiens , des
magistrats du premier rang en prenaient le plaisir. On voit
dans une lettre de saint Sidoine , fils des préfets du prétoire,
qu’il se retirait souvent à sa maison de campagne , et que là
il se divertissait avec son beau-frère à jouer à la paume
( pilæ vacamus) dans une allée de tilleuls , jusqu’à ce que la
pelote fût usée et hors d’état de servir ( consumpto sphæris -
terio).
C’est donc l’abus seulement qui était condamné.
Aussi bien , dans la seconde moitié du seizième siècle , un
vénérable chanoine de Nevers, messire Étienne Tenon, et
son frère noble homme maître Guillaume Tenon , élu pour
le roi en l'élection de Nivernais, sont-ils possesseurs, à Nevers
même , d’une maison assise au bourg Saint-Étienne , en la
rue des Bourgeois (1) , où pend pour enseigne la Salemande
et communément appelée la maison du jeu de paulme de la
Salemande .
Bien plus , dans le bail que les deux frères Tenon font ,
le 26 juillet 1564, de leur maison, à François Leclerc, mar-
chant, demeurant à Nevers, et à Gabrielle Garnier, sa femme,
les preneurs et leurs hoirs se reconnaissent tenus , outre les
redevances pécuniaires annuelles, à recevoir ledit messire
(1) Aujourd’hui rue du Lycée.
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- 8 —
Étienne Tenon « toutes fois qu’il lui plaira aller jouer audit
jeu de paulme et lui bailler des esteufz blancs, et pour ceux
qu’il perdra n’en payera que trois deniers pour pièce, et s’il
n’en perd plus de trois, n'en paiera aucune chose, » laquelle
condition, après le décès dudit « maistre Estienne, » retour-
nera à Guillaume Tenon, son frère ( i). Parmi les charges du
bail, il est aussi noté que les preneurs devront fournir
annuellement « deux douzaines d’esteufz blancs (2). *
Le jeu de paume , ainsi tenu en honneur par les clercs ,
était de même le divertissement accoutumé des grands
seigneurs. Nos archives locales nous en donnent fréquem-
ment la preuve. Au mois de septembre 1460, Madame la
comtesse de Nevers ayant fait sa nouvelle entrée à Nevers,
avec Mgr d’Albret , son père, les échevins leur firent donner
deux quarts de vin et une boîte de dragées, un jour des
Quatre-Temps qu’ils sont allés « après dyner, 1 en la maison
de ville, voir jouer à la paulme ( 3 ).
Le 14 novembre de la même année, M. le comte de
Charolais faisant aussi sa joyeuse et nouvelle entrée à
Nevers , il va voir jouer à la paume avec Monsieur le comte
de Nevers et Madame, et on lui donne dragées, pain, vin et
épices.
L’année suivante, au mois de février 1461, M. le comte
d’Étampes, frère du comte de Nevers, étant venu en cette
ville, après une absence de plus de vingt années, les échevins
le reçurent avec de grands honneurs et lui firent de nombreux
présents.
Le soir, dit le receveur Philibert Poimbeuf, mesdits sei-
gneurs de Nevers et d’Étampes et Madame la comtesse étant
allés, o pour leur plaisance *, regarder jouer à la paume en la
( 1 ) Minutes Taillandier, archives des notaires.
( 2 ) L 'esteuf, que Ton prononce éteuf \ était une petite balle foi le
d'étoffe et garnie aussi d'étoffe, comme l'indique le vieux mot latin
stoffus, étoffe. (Dictionnaire de Littré.)
(3) Archives communales, comptes, série CC. 36.
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- 9 ~
maison de ville, on leur offrit la collation , dont le menu
consistait en douze quartes de vin tant blanc que vermeil , du
pain blanc, des poires, « noizetes, noiz » et autres fruits (i).
Il y avait donc un jeu de paume dans l’hôtel de ville, et
voici comment: Lorsqu’en 1433 Jean Bourgoing, « hu-
chier » (2), qui avait acheté les bâtiments abandonnés de
Y Hôpital-Neuf y dans la rue des Merciers, les eut revendus aux
échevins qui voulaient y établir leur maison commune , ces
constructions reçurent dès le premier moment le nom de
Maison-de - Ville ( 3 ). Or, un jeu de paume, établi peut-être par
ledit sieur Bourgoing ou d’origine plus ancienne, était ren-
fermé dans ces bâtiments, et les seigneurs comtes et leurs
familiers continuèrent à aller s'y ébattre et à y conduire
leurs nobles visiteurs.
Au dernier siècle encore, en 1767, la ville fait faire des
réparations « au jeu de paulme » (4).
Cependant le comte dut avoir bientôt son jeu de paume
particulier dans son château de Nevers. Un ancien terrier de
Thôpital mentionnant les redevances qui lui appartiennent
en la paroisse de Varennes-les-Nevers , observe qu’elles
avaient été données en janvier 1 559 par le duc de Nivernais,
en récompense de plusieurs maisons « où est le jeu de paulme
du chasteaul », lesquelles maisons étaient anciennement
portées et tenues de l’hôpital ( 5 ).
Un titre de 1600, relatif à une maison assise en la rue des
Ouches la délimite en ces termes: « Tenant d'une part à
Testable et scellier de noble seigneur Jehan de Damas, baron
d’Anlezy, d’autre aux murailles du chasteaul et du grand
jeu de paulme de Monseigneur le comte de Nevers .
Dans l’arrêté pris au commencement de ce siècle (4 mai
(1) Archives communales, CC. 57.
(2) Et non huissier, comme le porte l'édition très-souvent fautive
des Archives de Nevers , de Parmentier.
( 3 ) Archives de Nevers , t. I #r , p. 1 3 2- 1 3 3 .
{4) Archives communales, CC. 218.
'b) Archives hospitalières de Nevers, B. 5 o.
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10
1809) pour la démolition et la reconstruction du mur du
château donnant sur la rue des Ouches, lequel mur, dit l’ar-
rêté, surplombe par suite des déblais de la nouvelle rue (la
rue Sabatier) qui conduit de la promenade du château à la
place du Marché-aux-Blez, il est aussi noté, comme pour
conserver un dernier souvenir, que les déblais ont été déposés
dans remplacement de Y ancien jeu de paulme f attenant le
château.
Dès le seizième siècle les jeux de paume étaient entrés dans
le domaine public, et dès-lors ils se multiplièrent (1). Outre
celui de la Salemande y dans la rue actuelle du Lycée , alors
rue des Francs-Bourgeois, voici celui de la Cigogne, en la
paroisse Saint-Arigle. En 1 565 , le i er octobre, honorable
homme Nicolas Gryngoreaul, marchand « estuvier » demeu-
rant à Nevers, vend à maître Jacques Desprez, élu pour le
roi en l’élection de Nivernais, une redevance annuelle et
perpétuelle de 8 livres 6 sols 8 deniers tournois , constituée
sur la maison où lui Gringoreaul fait sa demeurance et qu’il
a naguère acquise de honorable homme maître Guy Coti-
gnon, secrétaire de Mgr le maréchal de Bourdillon; laquelle
maison , ci-devant appelée la maison de la beufve , tenant
d’une part à la rue qu’on descend derrière l’église Saint-Ari-
gle à la porte Saint-Nicolas, dite du Pont-Cizeau, et d’autre
à la maison presbytérale de la cure de Saint-Arigle , il a fait
reconstruire, y faisant faire un jeu de paulme , et y plaçant
pour enseigne « la Cycoingne » (2).
La maison du « jeu de paulme de la Cigongne » apparte-
nait en 1592 à noble homme Claude Miron, prévôt en la
maréchaussée de Nivernais, qui l’affermait pour cinq années
à Jehan Guelot, maître paulmier, moyennant le prix de
(1) < Je donneray le premier lieu à celuy (le jeu de paulme) auquel
on peut aussi dire la nation françoise estre plus adonnée qu'aucune
autre : tesmoin le grand nombre de tripots qui sont en cette ville de
Paris. » (Dictionnaire de Littré, citant H. Estienne, le célèbre éditeur,
mort à Lyon en i 520 .)
( 2 ) Archives des notaires, minutes Taillandier.
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»
— II —
27 écus 40 sols , payables par chacun ail , à quatre termes
égaux, et aussi à la condition que ledit Guelot sera tenu
c faire sa demorance audit jeu de paulme , le faire valoir,
l’entretenir de racquettes, battouers, esteufs, balles et aultres
choses appartenant audit jeu ».
Plus anciennement encore devait exister le jeu de paume
des Quatre-Fils-Aymon. Déjà, en 1 53 o, les échevins faisaient
sortir de la ville un bonnetier demeurant près les Quatre -
Fils-Aymond , parce que deux de ses enfants étaient morts
de la peste. Un acte de 1558 cite la maison où pend Y ensei-
gne des quatre fil\ Emond , sise à l’extrémité d'une petite
ruelle venant de la descente de la montée du château à la
rue de la Costellerie (aujourd'hui rue de l’Oratoire). Le
dernier jour de juin i 6 o 3 , par-devant le notaire Taillandier,
François Berthelot, marchand, demeurant à Nevers, baille
et accense pour trois années, commençant au jour de la
nativité de saint Jean-Baptiste dernier et finissant à pareil
jour, à Claude Drault, a maistre paulmier », demeurant
audit Nevers, « ung jeu de paulme assis en cette ville,
appellé le jeu des Quatre-Fils-Aymon , avec la chambre
joignant ledit jeu », moyennant le prix de 65 livres par
chacun an, payé par moitié aux termes de la nativité de
Notre-Seigneur et de saint Jean-Baptiste. Un acte de vente
du 22 octobre 1 638 fait mention de la maison et <* tripot
entiennement appellé les Quatre-F ils- Edmond », qui a ci-
devant appartenu à François Berthelot, puis à Charles Carré,
et a été ensuite vendue et adjugée par décret à noble homme
et sage maître Christophe Cochet, avocat général au domaine
de Nivernais, et à maître Thomas Berthelot, marchand à
Nevers.
Le souvenir de cet ancien établissement est aujourd’hui
rappelé par la rue qui en porte le nom.
Dans le siècle suivant, il est fréquemment question d'un
autre jeu de paume et tripot appartenant aux Gascoing,
dans la rue des Merciers. En 1696, le conseil de ville
c >nsent l’acquisition d'une maison appartenant à maître
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i
— 12 —
Claude Girard de Cheugny, élu en l'élection de Nevers,
ladite maison tenant par le devant, du midi à la rue de
la Maison-de-Ville (rue Traversière avant son prolon-
gement pour la création de la rue de la Banque en 1 865 ), du
couchant à l'hotel commun de la ville , du septentrion à la
rue de Rome et du levant au jeu de paulme des Gascoing [\).
Cet établissement était occupé en 1689 P ar Antoine Delorme,
maître paulmier. Il y eut alors une procédure à la requête de
François Baillet, compagnon paulmier de la ville de Châlons
en Champagne , demeurant audit « jeu de paulme des Gas-
coing », à l’encontre des nommés Bouteron, fils d'un paumier
de Moulins en Bourbonnais, et Mesnier, compagnon paul-
mier, accusés d’avoir cherché querelle audit Baillet et de
l’avoir violemment frappé (2).
De l'ancien jeu de paume il ne reste plus aujourd’hui
qu’un léger souvenir dans le nom du café de la Paume, qui
paraît occuper, en etfet, remplacement du premier jeu de
paume de la rue des Merciers.
L’abbé BOUTILLIER.
SÉANCE DU 31 MAI 1883.
Présidence de M. Roubet, président.
Étaient présents : MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de
Toytot, secrétaire ; Bricheteau, trésorier ; Henri
Canat, conservateur du musée ; M. Canat, Ré-
gnault, Chevrier, Charles du Verne, Victor du
(1) Archives communales, registre des délibérations, BB. 32.
( 2 ) Archives communales, dénonciations, FF. i5.
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— i 3 -
Verne, le comte de Maumigny, de Villefosse,
Blaudin-Valière, deChalvron, Henri d’Assigny,
Robelin, Carimantrand , P. Perreau, Edouard Ma-
randat, Duminy, Charbonnier, l’abbé Crosnier,
l’abbé Thépenier, l’abbé Rolland, Col, l’abbé
Dubarbier, l’abbé Girard, Lhospied, l’abbé Pot,
de Flamare, de La Fargue, Michot, de Villenaut,
l’abbé Boitiat, Thévenin, Léonard, l’abbé Dufrène,
de Rosemont, Massillon Rouvet.
M. Bricheteau, trésorier de la Société, donne
lecture de la situation financière du 31 décembre
1882 au 31 mai 1883.
Nous la reproduisons au Bulletin :
Situation financière de la Société nivemaise du 3 1 décem-
bre 1882 au 3i mai i883.
DÉPENSES.
Mémoire de M. Vallière, imprimeur 2, 1 a 5 r 35
Fournitures et déboursés de M. Morin- Boutillier. 89 i 5
Dépenses diverses 149 90
Total 2,364 4 °
RECETTES.
Solde en caisse au 3 i décembre 1882 1 ,6 1 8 f 12
Cotisations en 1 883 1,460 »
Versé par M. Morin-Boutillier 47 50
Versé par M. Michot 98 60
Total 3,224 22
Solde en caisse au 3 i mai r 883 859 f 82
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M. le président Roubet prend la parole pour
rendre hommage à M. l'abbé Laborde, notre
regretté confrère, décédé le 22 mai 1883.
« Nous avons, dit-il, le douloureux devoir de
vous rappeler la perte récente qui vient d’atteindre
notre Société. La mort de M. l’abbé Laborde, ce
collègue si modeste , si savant et si sympathique ,
laisse un grand vide parmi nous.
» Je crois me faire aujourd’hui l'interprète de
tous en signalant ici les profonds regrets que nous
vouons à une mémoire si aimée et si nivernaise.
» Mais c’est peu que de lui accorder quelques
paroles à inscrire dans un froid procès-verbal ;
nous espérons que MM. les abbés Boutillier et Pot
voudront bien reproduire dans notre Bulletin une
note complète sur les travaux et la vie d'un des
premiers fondateurs de notre Société. »
L’ordre du jour appelle la nomination du bureau
qui, aux termes du réglement, doit être renouvelé
tous les trois ans.
Le nombre des membres présents , après appel
nominal , s’élève à 39.
39 bulletins sont déposés dans l’urne. Le dépouil-
lement du scrutin donne le résultat suivant :
Pour les fonctions de président :
MM. Roubet a obtenu 3 o voix.
le docteur Jacquinot 5 —
de Villefosse 2 —
de Lespinasse 1 —
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— 15 —
Pour les fonctions de vice-président :
MM. l’abbé Boutillier a obtenu. ... 33 voix,
de Lespinasse 5 —
Pour les fonctions de secrétaire :
M. de Toytot a obtenu 34 voix.
Voix perdues 5 —
Pour les fonctions de vice-secrétaire :
MM. Morin-Boutillier a obtenu. ... 26 voix.
l’abbé Soyer 7 —
Lhospied 4 —
Marandat 1 —
Pour les fonctions de bibliothécaire :
MM. Duminy a obtenu 32 voix.
l’abbé Boutillier 4 —
Henri Canat 1 —
Léonard 1 —
Bulletin blanc 1 —
Pour les fonctions de trésorier :
M. Bricheteau a obtenu 38 voix.
Pour les fonctions d ’ architecte :
MM. Lutz a obtenu 22 voix.
Massillon Rouvet 14 —
Pour les fonctions de conservateur :
M. Canat a obtenu 38 voix.
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— i6 —
M. le Président adresse alors à la Société l'allo-
cution suivante :
Messieurs ,
Si nous étions constitués en académie, vous vous trouveriez
à cette heure exposés bien volontairement à entendre un
discours présidentiel.
Fidèle à la bonne tradition , je vous aurais développé tout
d’abord, et tant bien que mal, quelques considérations sur
l’esthétique des lettres, des sciences et des arts.
Puis, redescendu bien vite sur la terre, je vous aurais rap-
pelé le but de notre association ; j’aurais tenté de faire entre-
voir aux travailleurs les carrières qui, jusqu’à ce jour, n’ont
pas encore été suffisamment explorées ; j’aurais indiqué
certains faits qui restent à éclaircir dans nos chroniques ;
enfin, je vous aurais entretenus avec prédilection de l’étude si
féconde, si intéressante de l’antiquité, en vous mettant en
rapport avec le sol du cher Nivernais, dont le contact a le
privilège de nous communiquer des forces toujours nou-
velles.
Si nous étions une académie, notre sympathique secrétaire
perpétuel eût pris la parole à son tour : il vous eût énuméré
les travaux accomplis depuis le jour oti vous nous avez
conviés à continuer la difficile mission qui , pendant tant
d’années , a été le digne apanage de l’illustre et regretté fon-
dateur de notre Société ; il vous eût alors rappelé les diverses
communications historiques et archéologiques qui sont venues
à chacune de nos séances ajouter quelque chose à nos annales
locales.
Sans effleurer la modestie ou la susceptibilité de nos colla-
borateurs, il eût dit « que si notre Société n’a pas offert
toujours des fruits rares et recherchés, elle a été au moins
exempte de produire des fruits atteints de pâleur et de
siccité ».
En terminant, il n’eût point omis, j’en suis sûr, d'accorder
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— 17 —
de justes remercîments à notre zélé conservateur et aux géné-
reux donateurs de notre musée lapidaire.
Mais , Messieurs , telles ne sont pas nos conditions respec-
tives : nous ne sommes point une académie exigeante et
fermée ; notre porte du Croux a dès longtemps levé sa herse,
et pour arriver à cette salle, ou peut-être s’accomplissait jadis
la veillée des armes, il suffit de faire preuve de bonne volonté
et de manifester son penchant pour les lettres et les arts.
Aujourd’hui , il n’incombe donc à votre président qu’une
tâche facile et toute gracieuse : c’est celle de vous témoigner,
tant en son nom qu’au nom de ses auxiliaires, toute la grati-
tude qui vous est due pour l’honneur que vous leur avez fait
en les appelant à siéger à ce bureau.
Malgré quelques vagues appréhensions qui pouvaient
naître dans les esprits les meilleurs , notre Société a , depuis
trois ans, suivi son cours normal , modestement mais sûre-
ment. Quarante nouveaux collaborateurs sont venus à nous,
et le grand nombre de nos collègues qui se pressent aujour-
d’hui dans cette enceinte trop étroite, proteste suffisamment
de la vitalité de notre association.
Je me trouve en rapport assez direct avec plusieurs sociétés
historiques et archéologiques; eh bien! on s’y plaint momen-
tanément de l’indifférence et de la pénurie des travailleurs.
Grâce à Dieu, notre Société n’est pas atteinte par ce malaise
passager : les mémoires, les monographies, les chartes incon-
nues qui nous restent à publier ne font point défaut ; mais ,
hélas ! nous avons à compter avec le prudent administrateur
de nos finances, qui sait modérer notre 'ardeur et qui nous
dit : « Tout viendra à bien à qui saura attendre. »
Aujourd’hui , dans la lutte courtoise qui vient de se pro-
duire et que comporte à peine la capacité de cette urne, j’aime
à croire qu’il n’y a ni. victoire ni défaite, pas même de
blessure.
Demeuré loin du bord, je veux ignorer si d’aventure quel-
que souffle capricieux est venu rider la surface d’un verre
d’eau.
t. il, 3* série. a
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— i8 —
Nous faisons donc appel de bien grand cœur à cette confra-
ternité auxiliatrice qui contribue à diffuser les secrets de
l’érudition , en même temps qu’elle entretient de sympathi-
ques relations.
Dans les suffrages que vous venez d'exprimer je ne veux
voir, Messieurs , qu'un satisfécit aux efforts plus ou moins
heureux que nous avons consacrés à notre œuvre commune
et un encouragement à y persévérer.
Il y a trois ans, nous vous promettions assiduité et travail ;
aujourd'hui nous vous devons encore plus de zèle, encore
plus de labeur.
Et grâce à la bonne volonté de tous , notre Société pourra,
j’en ai l'espoir, répéter la devise de l’un de nos ducs, inscrite
sur quelque pierre de ce musée :
Nec devio nec retrogradior.
MM. de Rosemont et H. d’Assigny présentent,
pour être admis comme membres de la Société,
MM. Prosper de Berthier-Bizy et le marquis de
Veyny d’Arbourse.
MM. de Chalvron et de Rosemont présentent
au même titre M. Roger de Cotignon.
Après le dépouillement des bulletins, qui don-
nent Tunanimité aux candidats, MM. le comte de
Berthier-Bizy, de Veyny et de Cotignon sont
admis comme membres de la Société.
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9 —
SÉANCE DU 28 JUIN 1883.
Présidence de M. Roubet, président.
Étaient présents: MM. Roubet, président-,
l'abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de
Toytot, secrétaire ; H. Canat, conservateur du
musée ; Chevrier, le docteur Subert, l’abbé Soyer,
Robelin, Marandat, l’abbé Fouché, H. d’Assigny,
Robert Saint-Cyr, de Flaraare , Massillon Rouvet,
de Pierredon, de La Fargue, l’abbé Roland, le
comte V. de Maumigny, de Villefosse, de Rose-
mont, l’abbé Pot.
M. Massillon Rouvet renouvelle la demande
qu’il a faite précédemment au sujet du catalogue ,
ou tout au moins de la liste des ouvrages et bro-
chures de la bibliothèque de la porte du Croux ,
afin que ces ouvrages puissent être utilement
consultés.
M. le Président répond que ce travail sera fait
ultérieurement et que même il pourra être imprimé
à la suite du prochain Bulletin.
MM. H. d’Assigny et de Pierredon présentent
comme membre de la Société M. le lieutenant-
colonel V 1 ® Paul de Maumigny.
Après le vote au bulletin sècret , M. le V Paul
de Maumigny est admis.
Lecture est donnée par M. le Président d’une
lettre adressée à la Société par M. le docteur
Jacquinot au sujet des dernières élections. M. le
docteur Jacquinot proteste contre l’usage qui a été
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— 20
fait de son nom sur la liste affichée aux murs de la
porte du Croux. M. le docteur Jacquinot remercie
les membres qui lui ont donné leurs voix, mais il
affirme que cette candidature a été posée sans son
consentement et à son insu.
M. Massillon Rouvet déclare prendre la respon-
sabilité à lui seul de la liste sur laquelle figurait le
nom de M. le docteur Jacquinot.
M. l’abbé Boutillier donne lecture de quelques
pages d’un travail qu’il prépare sur les anciens
artistes de la ville de Ne vers. Cette intéressante
étude devra être insérée au Bulletin ; mais la
Société exprime le vœu que la nomenclature des
oèuvres signalées et relevées par M. l’abbé Boutil-
lier dans les papiers de la chambre des notaires et
les diverses archives de la ville soit complétée par
quelques détails, et notamment par la situation
présente des sculptures et des monuments actuel-
lement existants.
M. le président Roubet donne communication
d’une note relative à la découverte de jetons trou-
vés dans une maison en démolition à Paris , près
de Saint-Séverin , frappés à l’occasion des filles de
Nevers aumônées.
M. le Président donne lecture d’un question-
naire de M. Rohault [de Fleury relatif aux monu-
ments et objets liturgiques antérieurs au treizième
siècle que la Société pourrait posséder ou tout
simplement connaître.
Les renseignements demandés sont relatifs aux
plus anciens monuments de la messe et sont des-
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21 —
tinés à compléter le grand ouvrage intitulé : La
Messe. Études archéologiques sur ses monu-
ments, , par Ch. Rohault de Fleury, auteur du
mémoire sur les instruments de la Passion.
M. de Toytot donne connaissance d’une lettre
qu’il a reçue de M. Georges Veyret, Nivernais, qui
vient de fonder un cabinet spécial pour recherches
et copies de manuscrits à faire dans les bibliothè-
ques et archives de Paris.
M. Georges Veyret, qui demeure à Cormeilles-
en-Vésin (Seine-et-Oise) , se met à la disposition
de la Société.
SÉANCE DU 26 JUILLET 1883.
Présidence de M. Loubet, président.
Étaient présents : MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice-président ; Léonard, Canat,
l’abbé Soyer, Chevrier l’abbé Fouché, de Lespi-
nasse, Robert Saint-Cyr, Duminy, l’abbé Pot,
Hippolyte Blanc, de La Fargue, de Flamare, Mas-
sillon Rouvet, de Pierredon, Ernest de Toytot,
secrétaire.
M. Canat demande à ce qu’au catalogue déjà
publié de la porte du Croux on ajoute celui des
nombreux objets qui sont venus depuis cette
époque enrichir le musée.
M. l’abbé Pot donne lecture d’une intéressante
notice sur la vie et les ouvrages de M. l’abbé
Laborde , notre savant et regretté collègue.
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22 —
Ce travail sera inséré au Bulletin .
M. Ernest de Toytot, comme secrétaire, demande
au nom de M. de Lespinasse qu’il soit donné suite
au vote précédemment acquis de l’impression du
Cartulaire de La Charité , dont le manuscrit,
très-précieux pour l’histoire du Nivernais, est mo-
mentanément en sa possession.
M. de Lespinasse a la parole pour expliquer le
travail qu’il propose. Il offre de publier intégrale-
ment le manuscrit du Cartulaire , qui contient
158 pages.
Dans ces conditions, M. de Toytot estime que
l’impression sera plus avantageuse et moins oné-
reuse que celle qui a été votée il y a un an.
Au lieu de 1,2c» pages il n’y en aurait que 450
environ.
Sous le bénéfice de ces observations, M. le Pré-
sident dit qu’il n’y a pas lieu à un vote nouveau ,
puisque cette décision, prise l’année dernière, sub-
siste dans son entier. L’impression aura donc lieu
le plus tôt possible par fascicules , conformément
au vote du 27 août 1881. L’ouvrage sera imprimé
en caractères pareils à ceux du Bulletin et tiré à
450 exemplaires, dont 50 réservés à M. de Lespi-
nasse , les fascicules se suivront par la pagination
et pourront être brochés en volume.
M. le Président donne lecture d’une lettre de
M. R. Brothier de Rollière, demandant des rensei-
gnements sur une de nos illustrations nivernaises,
l’abbé Brothier; il se propose d’écrire une notice
sur la vie de notre savant compatriote.
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— 23 —
Cette lettre elle-même fournit quelques docu-
ments intéressants sur la vie de M. Brothier.
M. l’abbé Pot communique à la Société l’em-
preinte d’un sceau trouvé entre Tâche et Moiry,
commune de Saint-Parize. Ce sceau, de forme
orbiculaire, porte la légende : f s. hvgonis. de.
noiers. moach., et dans le champ , deux écussons
très-pointus, suspendus aux rameaux d’un arbre
placé au milieu, et présentant, l’un un lion, l’autre
trois bandes.
M. l’abbé Boutillier rappelle que, dans une pré-
cédente séance, M. Perreau, notaire à Saint-
Benin-d’Azy, avait communiqué aussi à la Société
un sceau de forme elliptique offrant dans le champ
un oiseau de proie , empiétant un autre oiseau dont
il becquète la tête, et autour cette légende :
f s. ioh’is. de. loriaco. cl’ici. (Sigillum Johannis
de Loriaco clerici.) Ce sceau a été trouvé à Langy,
commune de Ville-les-Anlezy. Il ressemble beau-
coup au sceau de Jean Picard, clerc, décrit par
par M. le comte de Soultrait dans sa Notice sur
les sceaux du cabinet de M e Febore, de Mâcon
(page 40). M. de Soultrait observe que le type de
ces sceaux se retrouve assez fréquëmment au trei-
zième siècle, et figure un oiseau dressé pour la
chasse capturant une proie.
M. Massillon Rouvet demande qu’il soit fait
mention d’une erreur commise dans une précédente
séance. L’épée qui a été déposée sur le bureau de
la Société avait été présentée au nom de M. Per-
rier, horloger à Nevers ; M. Massillon Rouvet, en
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- 24 —
apportant cette épée sur le bureau, n’était que le
mandataire de M. Perrier.
Le même membre demande en outre qu’il soit
fait communication à chaque séance des dépôts
des Revues et Bulletins des sociétés savantes.
M. Massillon Rouvet ajoute que dans le procès-
verbal de la séance du 28 décembre 1882, en ren-
dant compte de la discussion sur le bas-relief du
château de Cuffy, on a oublié de faire mention que
le dessin de ce bas-relief avait été exécuté par lui.
Il est voté des remerciements à M. Ligeron pour
le don qu’il a fait à notre musée , sur les instances
de MM. H. Canat et Chevrier, des fragments du
tombeau de Yolande de Bourgogne, première fon-
datrice du couvent des Cordeliers de Nevers.
NOTICE SUR M. L’ABBÉ LABORDE.
Edmond-César Laborde naquit à Nevers le 17 janvier 1808.
Les sentiments de droiture et d'honnêteté qui étaient le fond
de son caractère s’étaient développés merveilleusement sous
l’exemple de ses parents , chez qui brillaient toutes les qua-
lités qui font l’honneur et la félicité du foyer domestique. De
si dignes parents placèrent leur enfant au petit séminaire,
qui, sous la direction de M. l’abbé Sautot, attirait la con-
fiance de bon nombre des meilleures familles du département.
Il fit ses études avec distinction et entra au grand séminaire.
Ses nouveaux professeurs remarquèrent bien vite en lui une
rare aptitude pour les sciences , et on l’employa à l’enseigne-
ment des mathématiques au petit séminaire, dont le supé-
rieur était alors l’illustre M . Gaumç.
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— ** —
Après avoir été ordonné prêtre par Mgr Naudo, il exerça
le saint ministère pendant quelques mois comme vicaire de
Saint-Benin-d’Azy, et desservait simultanément la paroisse
de Limon. Mgr Naudo, ayant remarqué en lui un goût
prononcé pour l'étude des sciences, l'envoya quelque temps à
Paris pour se former, sous les leçons des meilleurs professeurs
de l'époque, au cours de physique et de chimie qu’il voulait
inaugurer dans son petit séminaire , transféré à Corbigny.
Entré dans cette maison en i835, il y commença, sous
la direction de MM. Rouchauce et Sergent, cette savante
carrière qu’il continua sous M. Cortet à Pignelin, et reprit
ensuite dans la maison de Saint-Cyr, berceau de son éduca-
tion.
Pendant cette carrière, qui dura près d'un demi-siècle, il
ne cessa de s’illustrer par un grand nombre de découvertes
d’une grande portée, comme le dit le savant abbé Moigno. Il
ne nous est pas possible de les rapporter toutes ; nous n’avons
pas sous la main les documents nécessaires pour cela. Une
des plus anciennes et des moins connues est celle de la télé-
graphie électrique. Plusieurs années avant que cette décou-
verte n’eût été annoncée , il l’avait mise en pratique à
Corbigny. Il avait établi un courant électrique entre sa
chambre et celle d’un autre professeur et correspondait ainsi
avec lui.
En restant toujours dans le domaine de l’électricité, nous
rappellerons aussi l’ingénieuse pile de son invention qui,
sous un petit volume, produit un effet puissant, se basant sur
ce principe que la force électrique s’obtient moins par la
grandeur des éléments que par leur nombre. Cette pile, dont
M. Becquerel s’est servi pour ses belles expériences à l’Aca-
démie, est d’un maniement facile et n’a que quelques déci-
mètres de longueur sur un décimètre de largeur.
Rappelons aussi qu’il apporta des simplifications à divers
autres appareils, et notamment à la puissante machine de
Holtz, dont la théorie n’avait pas été expliquée d’une manière
aussi claire avant lui. Nous ne saurions non plus passer sous
i
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— 26 —
silence la simplification des appareils télégraphiques, qui
réduit à un seul fil l’action électrique pour les bureaux
établis sur le même parcours.
Nous croyons devoir rappeler encore la savante explication
qu’il donna le premier de ce texte mystérieux du livre des
Psaumes : Fecit fulgura in aquas . « Il changea la foudre en
eau, et fit de l’eau avec l’électricité de l’atmosphère. Il décou-
vrit le premier et prouva par l’expérience directe que l’effluve
électrique, en pénétrant au sein d’un amas de vapeur d’eau,
y détermine un abaissement de température et la condense en
eau. On savait simplement jusque-là que les décharges d’élec-
tricité dans l’atmosphère sont le plus souvent suivies d’une
averse d’eau. » (F. Moigno.)
Nous ne quitterons pas cette question de leiectricité sans
rappeler l’explication qu’il a donnée dans cette enceinte des
aurores boréales, cîes orages et des trombes. (2 mai 1872,
Bulletin de la Société nivemaise , tome VI, 2 • série.)
Après avoir établi qu’on ne peut guère isoler les grands
phénomènes de la nature, parce qu’ils se rattachent plus ou
moins les uns aux autres, et que pour expliquer l’un d’eux il
est souvent utile d’en faire intervenir plusieurs , il compare
le globe terrestre à une immense bouteille de Leyde, dont la
terre forme l’armature intérieure chargée d’électricité néga-
tive; l’atmosphère remplace le verre, et le vide conducteur
qui l’enveloppe représente l’armature extérieure chargée
d’électricité positive ; et après avoir expliqué comment l’air
échauffé de la zone torride, en s’élevant, entraîne avec lui des
vapeurs chargées d’électricité positive ; après avoir abandonné
l’électricité négative à la terre , il explique que pour rétablir
l’équilibre troublé entre l’atmosphère et la terre, les aurores
boréales, les orages et quelquefois les trombes sont les grands
moyens qui se substituent les uns aux autres et se complètent.
L’analyse du spectre ne pouvait échapper à son esprit inves-
tigateur, et l’on a pu voir comment, à l’aide d’instruments
par lui inventés ou modifiés , il a pu simplifier les moyens
d’arriver à un résultat plus facile et reconnaître promptement
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— 27 —
la plupart des métaux et les radicaux d’un grand nombre de
sels. 16 juillet i 865 , Bulletin de la Société nivemaise ,
tome II, 2 e série.)
Il a découvert aussi le moyen de mesurer la vitesse insai-
sissable de la lumière, et vous savez tous que la lettre qu’il
avait adressée à ce sujet au savant Arago s’est trouvée perdue
dans l’immense portefeuille de l’Observatoire, et n’a été
retrouvée que six ans plus tard, au moment où M. Fizeau
en exécutait l’expérience. (F. Moigno.)
Les phénomènes les plus insaisissables de la nature, et dont
le mécanisme échappe à l'observation ordinaire même des
savants, étaient l’objet continuel de ses observations et de ses
études. Il a donné des explications fort curieuses sur les
mouvements ascensionnels, descendants, circulaires, droits
comme une flèche du vol des oiseaux; et après toutes ces
savantes observations il finit par avouer, en les voyant
ralentir leurs mouvements, revenir sur eux-mêmes et conti-
nuer leur route sans descendre et sans faire un seul mouve-
ment d’ailes, que si un oiseau mort ayant le même poids , la
même surface et le même mouvement était à leur place , il
tomberait comme une pierre, « L’oiseau vivant, continue-t-
il, aurait-il le moyen de se soustraire à la pesanteur et de la
combattre ? » Il reconnaît qu’on n'a pu encore expliquer ce
phénomène parce qu’on ignore ce que c’est que la pesanteur.
« L’oiseau qui plane dans l’air, dit-il en terminant, sera
longtemps encore une énigme vivante et comme un défi porté
à la sagacité du physicien. » [Bulletin de la Société niver -
naise, séance du 9 juillet 1874, tome VII, 2® série.)
Une de ses dernières communications est celle relative à
l’attraction universelle dans tous les corps. Une expérience
faite en 1798 par le savant Cavendisch l’avait depuis long-
temps déjà mise en évidence, mais elle exigeait des instru-
ments si parfaits et des précautions si minutieuses que peu
de physiciens ont osé la renouveler. Le génie inventif et
pénétrant de notre collègue a pu , avec un appareil des plus
simples et à la portée de tout le monde , arriver au même
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résultat: un fil à plomb suspendu solidement au plafond
d’une salle et deux corps solides, comme deux pierres de taille
placées à la suite l’une de l'autre, à droite et à gauche de la
ligne que devront suivre les oscillations du poids. Ce poids,
en passant devant la première pierre, subit une attraction qui
le fait dévier à droite, et en passant devant la seconde, l’at-
traction qu’il subit concourt à le faire dévier dans le même
sens. Les premières déviations paraissent peu ; mais en renou-
velant l’expérience on ne tarde pas à observer une déviation
très-sensible vers la droite. Après différentes expériences,
soit avec plusieurs masses, soit avec une seule , il termine en
disant que pour faire une étude mathématique de ces expé-
riences il vaudrait mieux n’employer qu’une seule masse
attractive, parce que les conséquences, qui ne lui paraissent
pas faciles à établir, sont, comme celles de Cavendisch , très-'
importantes, puisqu’elles ont servi à mesurer la densité de la
terre, et cette densité une fois bien déterminée a servi à son
tour à mesurer la masse du soleil, la masse des planètes et de
leurs satellites. [Bulletin de la Société nivemaise, tome I er ,
2 e fascicule, séance du 28 juillet 1881.)
Il travaillait en même temps au téléphone, à l’aide duquel
il cherchait à arriver à calculer la vitesse du son. La maladie
qui l’a enlevé est venue mettre fin à ses investigations.
La photographie, pour laquelle la chimie joue un si grand
rôle, ne pouvait manquer d’attirer son attention. 11 s’y est
appliqué dès l’apparition du procédé sur plaque d’argent de
Daguerre. Par les perfectionnements qu’il y apporta, il obtint
des épreuves d’un modelé plus profond , d’un aspect plus
suave et plus velouté. Puis vint le procédé sur papier ; il
enrichit aussi les épreuves négatives ou clichés de procédés
plus prompts et d’un effet plus puissant. Vint ensuite le pro-
cédé au collodion, qui a détrôné complètement les clichés
sur papier. Il l’a amené en peu de temps à un tel perfection-
ment que ses procédés ont été adoptés par les meilleurs opé-
rateurs. Les tons noirs, pourprés, violacés des épreuves sur
papier sont également une de ses découvertes, et la Société
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- 29 -
française de photographie, dont il était une des lumières, lui
a décerné, il y a quelques années, une médaille d’argent pour
plus de trente perfectionnements qu’il y avait apportés. Mais
la plus importante de ses découvertes en photographie est,
sans contredit , celle qui l'occupait encore quand la mort est
venue l’arrêter, savoir : son procédé sur émail. Les procédés
photographiques sont aujourd’hui d’une grande perfection :
on obtient des épreuves positives sur papier d’une grande
beauté; mais, il faut le dire avec regret, elles ne sont pas
durables. Elles s’altèrent plus ou moins promptement, selon
les soins avec lesquels elles ont été traitées. En peu d'années
on les voit jaunir, s’altérer et disparaître ; en passant ses
épreuves au four d’émailleur chauffé au rouge il les fixe pour
toujours, et elles traverseront le cours des siècles sans s’altérer.
Nous devons mentionner que MM. Geymet et Alker ont,
depuis plusieurs années déjà , publié un procédé photogra-
phique sur le même sujet ; mais les opérations préliminaires
soht longues et d’une difficulté telle qu’on obtient rarement
une épreuve satisfaisante au premier passage à la moufle. Il
faut la retoucher à plusieurs reprises et la repasser au feu
après chaque retouche, ce qui explique pourquoi ce procédé,
qui est dans le domaine public depuis une dizaine d’années,
est si peu répandu et ne peut d’ailleurs être mis en pratique
que pour des épreuves de petite dimension. Dans le procédé
de notre collègue, qui n’a de commun avec celui de ces Mes-
sieurs que le passage au feu, tout est simplifié, et l’on obtient
au premier coup, comme dans le procédé sur papier, une
épreuve parfaite, quelle qu’en soit la dimension.
N’oublions pas d’ajouter qu’à la reconnaissance des photo-
graphes vient se joindre aussi celle de nos artistes faïenciers ,
pour les nouvelles couleurs dont il a enrichi leur palette,
comme celle de nos agriculteurs qui , dans un des concours
tenu à Nevers il y a quelques années , lui a décerné une mé-
daille d’argent pour un appareil très* simple de son invention
au moyen duquel on peut reconnaître, en quelques instants,
la quantité d’élément calcaire contenu dans un terrain.
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— 3o —
L’amour des arts n’était pas moins vif chez lui que celui
des sciences. La musique avait pour lui un tel attrait qu’il l’a
cultivée toute sa vie, non-seulement par la manière pleine de
charme avec laquelle il maniait divers instruments, mais par
la connaissance profonde des règles de la composition et de
Tharmonie , dont il a laissé des spécimens pleins de grâce et
de suavité. Dès l’apparition des anches libres, il avait entrevu
le parti qu’on pouvait en tirer. Il avait composé avec ces
lames un instrument portatif d’un maniement facile, auquel
il avait donné le nom de mélodino. Il en jouait lui-même
avec une grande perfection et n’en employait pas d'autre pour
diriger le bel orchestre qu’il avait fondé à Corbigny.
Il simplifia aussi le jeu de la contre-basse en la réduisant à
une seule corde , et par le moyen d’un clavier dont chaque
touche agit sur un mécanisme qui pince ladite corde et rend
le jeu de ce gros instrument facile, au point qu’après quelques
exercices on arrive à exécuter ce qu’on n’obtenait qu’après de
longues études. Cet instrument, qu’il fit figurer à l’avânt-
dernière exposition, fixa l’attention des experts, qui lui
décernèrent une mention honorable.
Comment parlerons-nous maintenant de ses qualités per-
sonnelles ? Quel beau caractère ! On admirait en lui le prêtre
estimable et sans reproche. Plein de bonté, de bienveillance
pour ses semblables , jamais parole d’aigreur ne sortit de ses
lèvres. Sa modestie était si grande qu’il ne pouvait souffrir ce
qui avait pour lui la moindre apparence d’éloges. Ce savant,
que ses découvertes avaient mis en rapport avec les sommités
scientifiques contemporaines ne s’en est jamais prévalu. En
un mot , cet homme de bien ne laisse après lui qu’un senti-
ment d’admiration pour son savoir et de vénération pour ses
vertus.
L’abbé POT.
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— 3i —
SÉANCE DU 25 OCTOBRE 1883.
Présidence de M. Roubkt, président.
Étaient présents: MM. Roubet, président ;
l'abbé Boutillier, Ernest de Toytot, l'abbé Pot,
l'abbé Fouché, Massillon Rouvet, Canat, Robert
Saint-Cyr, le docteur Subert, Duminy, de Rose-
mont , de Lespinasse , de Maumigny, de Lafargue,
de Flamare, de Pierredon, Marandat.
M. le Président annonce en ces termes la mort
d'un de nos regrettés collègues , M. Léonard :
Avant de reprendre nos [paisibles travaux, nous avons le
devoir de consacrer quelques paroles à la mémoire de l’un de
nos collègues, Victor Léonard, que la mort vient de nous
enlever.
Il fut quelque temps mon condisciple au collège de Nevers,
où il obtenait, notamment en la classe de philosophie, des
succès incontestés ; après quoi , suivant le programme rétros-
pectif du ci-devant collège des Quatre-Nations, il voulut
recommencer vaillamment son cours de rhétorique sous
M . l'abbé Sergent.
Doqé d’un caractère facile, Victor Léonard se faisait aimer
de tous ses camarades, et nous pouvons ajouter que, dans la
durée de sa vie privée, il fit toujours preuve d’aménité et
d’une abnégation sans limites.
Travailleur modeste, collectionneur intelligent, il ne de-
meura jamais indifférent à tous les travaux publiés par notre
Société; il ne négligeait point d’y apporter son tribut et de
faire connaître toutes les intimités qui intéressaient notre
histoire locale.
Il aimait surtout à lire et relire les Commentaires de César ,
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— 32 —
qui furent quelque temps son vade mecum. Il y puisa sou-
vent des remarques utiles et judicieuses.
Nous ne voulons pas ici entreprendre 'la biographie de
notre regretté collègue ; elle trouverait naturellement sa place
à l’occasion de la lecture qui vous sera donnée d’un travail
qu’il avait préparé sur la vie et les œuvres de Marchangy,
dont il revendiquait la glorieuse parenté.
Confié il y a quelques mois à M. l’abbé Boutillier et à
moi, ce manuscrit vous sera bientôt présenté, et nous espé-
rons que son insertion sera agréée au Bulletin.
Ce sera là une marque de sympathie en même temps qu’un
hommage posthume accordés à la mémoire de Victor Léonard,
qui fut l'un des fondateurs de notre Société et l’un de ses
membres des plus zélés.
M. Duminy, à l’occasion du projet de catalogue
des livres de la Société, signale un certain nombre
de livres qui, empruntés à la bibliothèque, ne sont
pas rentrés. Cette liste des ouvrages qui manquent
à nos archives devra être publiée , afin de les pré-
senter à l’attention de ceux qui pourraient les avoir
en leur possession. Désormais il sera tenu un regis-
tre des livres prêtés, et chaque ouvrage devra être
timbré d’un timbre humide.
M. Massillon Rouvet demande la parole. IJ allè-
gue qu’à une précédènte séance il a présenté
diverses observations verbales, notamment au sujet
de l’épée à mains déposée par lui sur le bureau de
la Société au nom de M. Périer, dont il n’était que
le mandataire.
M. Massillon Rouvet estime que cette obser-
vation verbale n’a pas été reproduite au procès-
verbal d’une façon suffisamment explicite. Il
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— 33 —
*
demande à ce qu’on imprime en entier le texte de
la note écrite- qu’il a déposée sur le bureau à la
séance même.
M. le Secrétaire répond à M. Massillon Rouvet
que son observation verbale a été reproduite dans
les termes mêmes où elle avait été formulée. La
lecture faite en fin de séance a consacré comme
exacte cette rédaction, et M. Massillon Rouvet
lui-même n’a point réclamé.
En ce qui concerne l’impression au Bulletin
d’une note manuscrite, M. le Président fait obser-
ver qu’il n’est point d’usage de faire imprimer
textuellement les observations présentées orale-
ment au cours de la discussion. Si M. Massillon
Rouvet considère la note manuscrite qu’il a déposée
sur le bureau comme un travail d’impression, il
devra la soumettre à nouveau à la Société , qui en
votera ou en rejettera l’insertion au Bulletin, sui-
vant les dispositions du réglement voté dans la
séance du 29 mars 1883.
M. Canat lit une note sur quatre médailles
trouvées à Saint-Révérien, canton de Brinon-les-
Allemands (Nièvre).
Ces pièces sont très-minces ; module, 17 milli-
mètres. Le métal employé paraît être de l’argent
allié à une forte proportion de cuivre.
Sur la face principale, les deux écus de France
et d’Angleterre accolés, surmontés du mot : heri-
cus, avec un signe d’abréviation pour Henricus ;
en exergue : francorum et angliæ rex. A la
suite, un léopard.
t . 11, 3* série. 3
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-3 4 -
Au revers, une croix accostée d’une fleur de lys
et d’un léopard ; au-dessous : hericus , et en
exergue : sit nomen domini benedictum.
Ce sont d’anciennes monnaies , dites grands
blancs aux écus, appartenant à la période désignée
dans les catalogues sous la rubrique : France
sous la domination des Anglais.
Il en a été frappé à Paris, Rouen, Saint-Lô,-
Auxerre, Le Mans et Dijon.
Leur valeur commerciale est de 2 à 3 fr.
M. l’abbé Boutillier donne lecture d’une étude
au sujet de la signature jusqu’ici inconnue d’Adam
Billault, dont le paraphe semble représenter un
rabot.
M. de Toytot donne communication de quel-
ques objets en granit trouvés à Alexandrie par le
P. Méchin, Nivernais ; il lit une notice sur ces objets.
La Société ne pense pas que ces instruments soient
des marteaux, mais plutôt des polissoirs.
Les manuscrits de MM. Boutillier et de Toytot
seront insérés au Bulletin.
M. le Président remet en question le vote d’une
somme d’argent pour la restauration de la statue
de Yolande de Bourgogne, qui a été donnée à
notre Société par M. Ligeron. Le devis de cette
restauration a été préparé par notre architecte,
M. Lutz, sur l’avis d’un sculpteur, M. Ballet,
qui serait chargé de ce travail.
La Société vote en principe la restauration de la
statue, mais il est décidé qu’il sera sursis à ce
travail jusqu’à nouvel ordre.
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- 3 5 -
UNE SIGNATURE D'ADAM BILLAULT
LE VIRGILE AU RABOT.
On connaît aujourd’hui bon nombre de signatures de
maître Adam ; nous ne sommes plus en 1 842, où les derniers
éditeurs des poésies du menuisier de Nevers étaient obligés
d’avouer que malgré les recherches les plus minutieuses et
les plus persévérantes, il leur avait été impossible de se procu-
rer un autographe de maître Adam , qui eût si bien complété
leur série de documents (1).
A cette époque, on n’avait pas encore songé à explorer,
comme une mine précieuse, les anciens registres des paroisses.
Or, c’est précisément dans les registres des paroisses de
Nevers que nous avons, plusieurs fois déjà, rencontré, notam-
ment à Saint- Laurent et à Saint-Pierre, des signatures
d’Adam Billault à la suite d’actes oü il figure comme
parrain.
Le menuisier de Nevers signe toujours non par un o sim-
ple, comme l’écrivent le plus souvent les curés dans le corps
de l’acte, mais par un au avec la terminaison It ; ceci soit dit
pour fixer d’une manière certaine l’orthographe du nom . et
répondre à un article antrefois publié dans le Bulletin , sous
ce titre : Adam Billiot et ses enfants (2).
Des recherches faites tout récemment dans le « Livre des
(1) Introduction. Note de la page vu.
(2) L'auteur ayant rencontré une signature d'Adam Billiot à la suite
d’un acte de 1623, en avait conclu que telle était la véritable orthogra-
phe. {Bulletin de la Société nivemaise , 2* série, tome l #r , pages 122-
123.) Mais il est à remarquer que cette signature est unique ; que le
jeune Adam, à cette époque, avait seulement vingt-un ans ; que l’or-
thographe des noms propres variait alors très-fréquemment, et qu’il
avait écrit son nom de la même manière que le curé dans le corps de
l’acte. Depuis i63o jusqu’à sa mort, en 1662, la signature de maître
Adam n’a jamais varié.
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— 36 —
baptesmes de la paroisse de Sainct-Eloy », pour compléter
nos Archives paroissiales de Nevers , nous ont fait rencontrer
une autre signature de maître Adam. Elle se trouve apposée
à la suite d’un acte solennel de bénédiction de la plus grosse
cloche de l’église dudit « Sainct-Esloy », faite, le i 3 septem-
bre 1657, par vénérable et discrète personne messire Adrien
de Chéry, écuyer, chanoine de Nevers. Le parrain est
noble Ferdinand de Pirville, écuyer, capitaine des châteaux
de Nevers et de Saint-Éloy ; la marraine , M mo Marie de
Pirville, épouse de noble Gilbert Charteron , seigneur de
Clavières.
Tous ces personnages ont signé au bas de l’acte avec le
sieur Cougnet, curé du lieu, et plusieurs autres témoins,
parmi lesquels J. Billault , sans doute fils de maître
Adam, et enfin notre poète (1).
L’intérêt particulier de cette signature consiste en une sorte
de paraphe qui l’accompagne et figure, sans qu’on puisse s’y
méprendre , cet instrument du menuisier illustré par maître
Adam , le rabot.
Les poètes et les beaux-esprits du grand siècle, qui tous
ont chanté le menuisier de Nevers, ne manquent jamais de
faire allusion à son métier et surtout à son rabot. L’un dit
que ce rabot fait moins de bruit que sa plume; l’autre pré-
tend qu’on ne doit plus dire « limer » mais « raboter » un
vers ; celui-là déclare que le bois dont le « poète pousse-
rabot » fait ses chevilles n'est pas un bois commun et qui
croisse en tout lieu (2).
(1) Il avait eu successivement deux fils baptis r, sous le nom de
Jehan , en la paroisse Saint-Jean (aujourd’hui la cathédrale) : l’un le
9 juin i 63 o, l’autre le 9 mars i 632 .
(2) Maître Adam, étude biographique et littéraire sur le poète-
menuisier de Nevers, par Ch. Deton, 1882.
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- 3 7 -
Écoutons le grand Corneille lui-même célébrer, dans un
sonnet, médiocre il est vrai, mais intéressant pour nous, les
mérites de notre compatriote :
Le dieu de Pythagore et sa métempsycose,
Jetant l’àme d’Orphée en un poète françois :
« Par quel crime, dit-elle, ai-je offensé vos lois,
» Digne du triste sort que leur rigueur m’impose ?
» Les vers font bruit en France, on les loue, on en cause;
» Les miens en un moment auront toutes les voix,
» Mais j’y verrai mon homme à toute heure aux abois
» Si, pour gaigner du pain, il ne sait autre chose. »
— « Nous savons, dirent-ils, le pouvoir d’un métier,
• • Il sera fameux poète et fameux menuisier,
» Afin qu'un peu de bien suive beaucoup d’estime. »
A ce nouveau parti l’àme le prit au mot,
Et s’assurant bien plus au rabot qu’à la rime,
Elle entra dans le corps de maître Adam Billot.
Scudéri , l’émule de Corneille , adresse aussi ces strophes à
maître Adam :
Nevcrs, séjour glorieux,
Cache ton émail curieux ;
Ne le fais plus voir à l’Europe ,
Mais fais voir à tous les passants
L’immortelle et grande varlope
Sur l’autel où fume l’encens.
Fais voir sur les rives de Loire
Des arcs de triomphe élevés ,
Où soient doctement engravés
Et le rabot et l’écritoire.
Un bel-esprit du temps, M. de L’Isle Chaudieu, pousse
Thyperbole jusqu’à comparer maître Adam tenant son rabot
au dieu des vers, à Apollon lui-même, tenant en main la
lyre :
Muses, que me venez-vous dire,
Que Phébus est un grand faliot
De quitter l’archet et la lyre
Pour prendre en sa main le rabot ?
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— 38 —
Tout beau ! troupe sçavante et belle ,
Le rabot vaut bien la truelle
Pour le divin faiseur de vers;
Il veut que tout le monde croye,
S’il fut jadis maçon à Troye
Qu'il est menuisier à Nevers.
Enfin, M. de Nicolle termine son éloge au poète
A qui le dieu des vers apprit
L’art de la scie et de la plume
par cet hommage :
Ces vers sont mal polis, ils sont sans élégance,
Ils sont provinciaux de l’un et l’autre bout;
Mais pour les ajuster et polir d’importance,
Passes-y ton rabot , ils passeront partout.
Et maître Adam lui-même prend plaisir dans ses vers à par-
ler de son rabot ; plus d’une fois il aime à s’appeler le raboteur.
La dernière de ses stances à Son Altesse Royale , qui pre-
nait les eaux de Bourbon, est ainsi formulée :
Voilà tout ce que souhaite
Maistre Adam le raboteur ,
Qui n’est pas si bon poète
Comme il t’est bon serviteur.
Au surplus , si l’on s’en rapportait à quelques assertions
fréquemment reproduites dans les dictionnaires historiques,
maître Adam , qui aimait à donner à ses ouvrages des noms
rappelant son métier, comme les Chevilles et le Villebrequin,
en aurait composé un troisième , portant le titre du Rabot ;
mais des recherches persévérantes ont fourni la preuve qu’il
n’existait pas même en manuscrit. On peut affirmer, sans
crainte d’avoir à se rétracter, que le Rabot n’a jamais vu le
jour ; que ce fut un titre adopté momentanément par le poète,
et que les pièces dont il devait se composer ont été fondues
dans le Villebrequin (i).
(i) Poésies de maître Adam Billault. Nevers, 1842. Introduction,
page iv.
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— 39 —
Que si, en terminant , quelqu’un s’étonne de rencontrer
Adam Billault à Saint- Éloy, pour la cérémonie toute reli-
gieuse d’une bénédiction de cloche , la réponse nous paraît
bien facile.
D’abord les parrain et marraine étaient des familiers du
château de Nevers , où maître Adam aussi avait ses entrées ;
et quoi de plus naturel que d’inviter le menuisier-poète à
une fête solennelle où sa muse pouvait se trouver inspirée, au
grand contentement de la noble assemblée ? Et puis, le héros
de la fête était le neveu de
Ce grand de Chéry,
Dont le fameux renom est partout si chéry
Qu’il doit un jour passer dans le nombre des anges,
messire Eustache de Chéry, évêque de Nevers , que le poète
se plaisait à chanter ; qu’ailleurs encore il appelle :
Honneur de cent temples divers,
Enfin, grand subject de mes vers.
C’est là plus qu’il n’en faut, assurément, pour expliquer la
présence de maître Adam, celui qu’alors surtout le monde
appelait, ironiquement ou non , le Virgile au rabot , et qui,
dans un mouvement de bonne humeur sans doute, voulut
ajouter à sa signature l’image même de ce rabot.
En vérité, il nous est agréable d’avoir pu, le premier, offrir
cette image aux regards curieux, non pas « doctement engra-
vée », comme le voulait Scudéri, mais mieux encore, tracée
de la main même du poète.
Octobre 1 883.
L’abbé BOUTILLIER,
Curé de Coulanges-les-Ncvers.
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— 40 —
UN ARCHÉOLOGUE NIVERNAIS
A ALEXANDRIE.
Messieurs,
Je voudrais faire passer sous vos yeux quelques objets qui,
malgré leur minime importance, ne sont pas sans quelque
intérêt archéologique.
Ces débris ne sont point nivernais.
Ils ne ressemblent nullement à ceux qui font l'objet de
vos études ; ils appartiennent à une antiquité, à une civi-
lisation, à une matière qui n’ont rien de commun avec les
médailles , les bronzes ou les pierres que fournissent parfois
les fouilles de notre sol.
Ils sont égyptiens , et je me serais demandé quel droit ,
aux termes de nos réglements , j’avais de vous en entretenir,
si celui qui les a découverts à Alexandrie n'était lui-même
un enfant de la Nièvre.
Avant donc de vous parler des modestes petits vases et des
humbles marteaux que j'ai l’honneur de déposer sur le
bureau, je voudrais mettre cette note sous le patronage de
celui qui , archéologue et Nivernais, m’a chargé de soumettre
ces objets plus ou moins énigmatiques à l’appréciation et à
l'examen de la Société.
Le R. P. Méchin, de la Compagnie de Jésus, est Nivernais
par la naissance autant que par le cœur : il est né à Decize et
a fait ses études au petit séminaire de Pignelin.
C’est lui qui a découvert à Alexandrie, dans les jardins
du collège de Saint-François-Xavier, dont il est le fondateur,
les objets en question.
Je veux tout d’abord vous le faire connaître.
Depuis quelques années, notre compatriote s’est fait
apprécier par ses travaux dans les sciences naturelles et
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— 4i —
physiques. Plusieurs de ses observations et de ses mémoires
sont consignés dans les annales des diverses sociétés savantes
dont il est le correspondant en France, en Belgique et surtout
en Angleterre.
En dehors de cette notoriété scientifique, le P. Édouard
Méchin s’est illustré récemment par le courage, on peut dire
l’héroïsme, avec lequel, à l’époque du bombardement
d’Alexandrie, il a su affronter la mort et soutenir vaillam-
ment l’honneur du nom chrétien et du nom français devant
les populations arabes.
Deux Jésuites, le P. de Dianous et le P. Méchin, les
deux seuls Français qui fussent restés dans la ville au milieu
de la fuite générale de nos compatriotes, furent emmenés
comme otages en prison par les hordes d’Arabi- Pacha à tra-
vers des scènes épouvantables de meurtre, d’incendie, de
pillage. Pendant près de quatre jours le P. Méchin et son
compagnon surent tenir tète aux brigands qui voulaient les
massacrer, avec les 50 otages qu’ils avaient enlevés de vive
force. Sans proférer une parole ni une plainte, sans daigner
même implorer le secours des soldats égyptiens qui eussent
pu les sauver, les religieux endurèrent les plus atroces traite-
ments le front haut et le cœur impassible. Le crâne à moitié
fendu, couvert de sang et de blessures, le P. Méchin put
maintenir, par son exemple et par ses paroles, le courage de
ses compagnons d’infortune; il les prépara à la mort, les
assista dans leur agonie ; en fin de compte il sut organiser
et soutenir une sorte de siège dans la prison même d’où les
soldats voulaient faire sortir les otages pour les livrer aux
assassins et aux pillards qui ravageaient la ville. Enfin, après
des souffrances épouvantables et des aventures sans nombre
à travers la ville, qui ont fait l’objet de récits dramatiques
dans les journaux, le P. Méchin et quelques-uns de ses com-
pagnons parvinrent à échapper miraculeusement à la mort.
C’est à lui en grande partie que les Européens emmenés en
prison durent leur salut. Ces faits sont de notoriété publique
à Alexandrie.
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— 42 -
Qu’il me soit permis d’adresser publiquement ici, pour le
conserver dans nos annales, l’hommage de notre admiration
à ce Français, à cet enfant de la Nièvre, à ce savant modeste
non moins qu’illustre, qui a su honorer si grandement notre
pays par son courage, sa charité et sa grandeur d’âme ; il n’a
qu’un regret aujourd’hui : celui de n’être pas mort martyr de
sa foi et de sa patrie, pour l’amour desquelles il a souffert.
Cet héroïsme toutefois ne devait pas rester sans récompense.
Après avoir fait l’objet de l’étonnement des séides eux-mêmes
d’Arabi-Pacha , il a conquis aux Pères Jésuites d’Alexandrie
une sympathie et une reconnaissance immenses dans la popu-
lation égyptienne. Quelques mois à peine après le bombar-
dement de la ville, les religieux étaient sollicités d’ouvrir un
collège; ce collège est aujourd’hui déjà extrêmement florissant.
C’est là qu’afflue en grand nombre la jeunesse de l’Égypte,
avide de se former aux langues , aux sciences , à la civilisation
de la vieille France. Cet apostolat de la religion, de la science
et des lettres n’est-il pas le plus glorieux de tous ? N’illustre-
t-il pas notre pays jusque dans ces régions lointaines, où son
influence est combattue précisément parce qu’on la sait toute-
puissante, invincible, féconde entre toutes ? Et pouvais-je
me dispenser de vous dire un mot de ces nobles exploits, de
ces grandes conquêtes avant de vous parler des découvertes
beaucoup plus modestes que notre savant compatriote a été
amené à faire, précisément en creusant les fondations du
collège d’Alexandrie ?
Mais hélas !
Desinit in piscem mulier formosa superne.
C’était déjà vrai au temps d’Horace ! et voici que les mas-
sacres du légendaire Arabi- Pacha, les scènes dramatiques de
la vieille cité d’Alexandre, le courage héroïque d’un Fran-
çais, qui est en même temps un enfant de notre province, tout
cela, que je n’ai fait qu’effleurer, se termine en queue de
poisson et aboutit à de minuscules marteaux de granit :
Desinit in piscem .
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-43 -
Il est vrai, c’est là ce qui fait mon excuse, que sans le
bombardement d’Alexandrie le P. Méchin n’eût pas été arrêté,
qu’il n’eût pas eu la tête fendue , qu’il n’eût pas eu occasion
de se conduire en héros d’épopée, que vraisemblablement
aussi il n’eût pas été appelé à fonder le collège dont je vous
ai parlé et que, toujours par voie de conséquence, il n'eût pas
été amené à trouver sous la terre de la vieille Égypte ces
débris de l’antiquité.
Qu’est-ce à dire, sinon que, contrairement au proverbe, les
grandes causes produisent quelquefois de petits effets?
Le collège de Saint-François-Xavier à Alexandrie et les
vastes jardins qui l’entourent sont situés près de la porte
de la colonne de Pompée , au milieu même de l’ancienne
ville d’Alexandre, non loin de l’emplacement qu’on croit
être celui de la fameuse bibliothèque brûlée par Omar.
Dans ces jardins, où les fouilles viennent à peine de
commencer, on a découvert de magnifiques chapiteaux
corinthiens en marbre de Carrare, des colonnes finement
ciselées, des marbres précieux entourés d’ornements élégants,
des blocs énormes de pierre dont quelques-uns ont plus
d’un mètre cube , tous les spécimens de l’art et de l’architec-
ture de Rome. Nul doute qu’on ne se trouve en cet endroit
dans le voisinage de temples et de monuments d’une certaine
importance. Il est probable que des fouilles subséquentes
sortiront des œuvres sculpturales plus précieuses encore.
Mais, en dehors des monuments d’architecture, on a
recueilli une grande quantité de lampes funéraires en terre
cuite , les unes analogues à celles de la poterie étrusque, de
couleur brun - foncé , d’autres en terre rouge , fine et
onctueuse au toucher, comme les poteries samiennes ,
d'autres enfin de forme et de substance plus grossières. Il
est certain que ces lampes trouvées au milieu d’objets romains
appartiennent à la même civilisation et sont de la même
époque.
Dans le jardin , on a recueilli aussi des vases en terre de
diverses formes , des lacrymatoires , un ornement en verre
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— 44 —
de style étrusque destiné à former un pendant de bracelet ou
de collier, analogue à ces bijoux d’or qu’on rencontre encore
chaque jour dans les tombeaux de Rome ou de Pompéï.
Peut-être cependant ce petit objet n’est-il tout simplement
qu’un vase lacrymatoire.
Au milieu de divers débris de bronze plus ou moins
altérés par le feu , une des œuvres les plus remarquables et
les mieux conservées est un os travaillé avec art , qui repré-
sente une femme nue, la tête coiffée de nattes enroulées en
forme de turban, et tenant d'une main un bouclier, de l’autre
une sorte de pierre.
Le P. Méchin nous a signalé aussi divers objets parmi
lesquels nous citerons un vase à anse et à renflement qui
paraît être une lampe funéraire. Ce vase est en terre de
couleur bleu - verdâtre , comme les statuettes funéraires
égyptiennes qu’on remarque en grand nombre dans les
vitrines de nos musées.
Cette couleur bleue, d’un aspect assez riche, est pro-
bablement due à la présence d’un sulfate de cuivre qui
ressortait de la terre à la cuisson. Tout le monde sait qu’on
faisait avec cette même substance des scarabées et d’autres
emblèmes funéraires destinés à orner les momies ; on en
fabriquait également de plus précieux en lapis-lazuli , en
cristal de roche, en cornaline , en améthyste.
Mais nous voulons insister plus particulièrement sur les
objets qui nous ont été communiqués par le R. P. Méchin
et que nous avons l'honneur de présenter à la Société.
11 s’agit: i # d’un petit mortier en granit;
2 ° De deux marteaux de forme cylindrique également en
granit, et d’un autre marteau de forme conique en marbre
blanc ; ces trois marteaux ne portent pas trace d’emmanchure ;
on pourrait les prendre au besoin pour de petites enclumes ;
3° Enfin, nous signalons deux autres marteaux en granit,
précédés d’une sorte de manche taillé dans le même morceau,
dont on ne saurait mieux définir la forme qu’en la compa-
rant à celle d’une pipe.
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— 4 * —
En ce qui concerne le petit vase ou mortier, il est droit,
lourd, non évasé ; il porte ce cachet d’immobilité et de pe-
santeur qui fait le propre de l’architecture de l'Egypte et qui
se retrouve jusque dans les plus petits objets; le P. Méchin
pense qu'il doit être rapporté à l’époque égyptienne con-
temporaine de tombeaux, par ce motif qu’on en rencontre
d'absolument semblables dans les sarcophages de l’Egypte.
On ne saurait dire d’une façon précise à quoi servaient ces
petits vases; ce qui est certain, c’est qu’ils se trouvent en
grand nombre, le plus souvent empilés les uns sur les
autres, aux côtés de la momie.
Comment cet objet, en apparence d’origine égyptienne,
s’est-il trouvé dans les fouilles du jardin avec les marteaux
de granit provenant vraisemblablement d’une autre fabri-
cation et d’une tout autre époque? Voilà ce que nous ne
saurions expliquer, sinon par le bouleversement des ruines
et la succession des diverses races qui ont occupé l’empla-
cement d'Alexandrie.
Le R. P. Méchin a parcouru diverses collections égyp-
tiennes à Marseille, à Paris et ailleurs, sans compter le
musée de Boulacq. Il lui semble difficile de trouver aucune
analogie précise entre ces marteaux et les divers instruments
qui nous révèlent l’industrie antique, soit dans les fresques,
soit dans les divers objets trouvés.
Il s'est demandé néanmoins si ces objets, de fabrication
beaucoup plus récente, n’étaient pas semblables à ceux
dont on se servait, il y a quelques années encore, dans
les carrières du Sinaï pour extraire les turquoises de la
pierre.
Dans un ouvrage récemment paru, la description de
marteaux semblables de granit semble en effet se rapprocher
beaucoup de ceux qui nous occupent. Plusieurs portent
même, à l’instar de l’un des nôtres, la trace d'une rainure ou
sillon qui servait à emmancher l’objet ou peut-être même à
le détacher du bloc.
Quant à moi, s’il me fallait hasarder une opinion, je
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- 4 6 -
pencherais à croire que les prétendus marteaux ne sont autres
que des polissoirs.
Dans toute hypothèse, d'ailleurs, il faudrait admettre qu’en
dehors de la grande civilisation égyptienne antérieure à Jésus-
Christ, les instruments usités pour les divers usages de la vie,
analogues à ceux que nous produisons, ont pu conserver au
moyen-âge et plus tard les formes, l'aspect extérieur, la cou-
leur locale, en un mot, qu’affectent les objets égyptiens. Il
est certain que le granit, la diorite et les autres substances
minérales provenant de la Haute- Egypte n’ont cessé d’être
employés et ont même gardé le plus souvent leur forme
primitive.
Quoi qu’il en soit, et dussions-nous rester, au sujet de
l’usage de ces outils , dans la plus complète ignorance , nous
nous en consolerions aisément à la pensée que la science
égyptologique n’en périclitera pas pour autant. Ce malheur
d’ailleurs serait moins grand assurément que l’incendie de
la bibliothèque d'Alexandrie.
En tout cas, c’est à vous, Messieurs, qu’il appartient
d’apprécier si l’opinion du R. P. Méchin est justifiée et
rationnelle. A vous aussi de me pardonner si , à l’occasion
de ces minuscules instruments de granit , je vous ai entraîné
en dehors de nos voies habituelles pour vous faire connaître
l’homme qui les a découverts.
Ernest DE TOYTOT.
SÉANCE DU 27 NOVEMBRE 1883.
Présidence de M. Roubbt.
Étaient présents : MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice-président ; Ernest de
Toytot, Canat, conservateur du musée ; le
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— 47 —
colonel de Charrant, l’abbé Soyer, l’abbé Foucher,
le docteur Robert Saint-Cyr , Marandat , de
Rosemont, A. Griveau, le docteur Subert, le
colonel de Maumigny, Massillon Rouvet et de
Flamare.
M. Canat, conservateur du musée, rend compte
de la démarche qu’il a été chargé, à la dernière
séance , de faire auprès de M. Ruprich Robert
M. Ruprich Robert a bien voulu examiner la
statue de Yolande de Bourgogne. Il a trouvé
l’œuvre remarquable et pensé qu’il serait à désirer
que la statue fût restaurée , qu’elle était d’ailleurs
dans un état de conservation très-suffisant. Le prix
approximatif serait de 700 à 800 fr.
M. Canat, conservateur du musée, a bien voulu
exposer la question financière à M. l’Architecte des
travaux de la cathédrale, en lui faisant observer
que nos ressources modestes nous permettraient
difficilement de donner suite à notre projet.
Selon M. Ruprich Robert, il y aurait lieu de
s’adresser à la direction des beaux-arts pour obte-
nir gratuitement cette restauration. Un rapport
sur cette question a été préparé par M. l’abbé
Boutillier. Il est donné lecture de cette intéressante
notice, qui sera annexée à la demande au directeur
des beaux-arts.
Une courte discussion s’engage sur la date du
monument, que M. l’abbé Boutillier et la plupart
des membres attribuent au quatorzième siècle
avancé.
La Société décide que le rapport de M. l’abbé
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- 4 * -
Boutillier sera tiré à part à un certain nombre
d'exemplaires.
M. le président Roubet donne lecture d'une note
dans laquelle il annonce son intention de com-
pléter les diverses notices biographiques concer-
nant Marie-Casimire de LaGrange-d’Arquien, née à
Nevers, le 28 juin 1644, épouse de Jean Lamoisky,
palatin de Sandomir, et de Jean Sobieski, roi de
Pologne.
Nos historiens nivernais et Salvandy lui-même, dit M. le
Président , ignoraient l'existence d’une correspondance pres-
que mystérieuse échangée entre Marie-Casimire et Sobieski
avant leur mariage, qui eut lieu le 6 juillet 1 665, c’est-à-dire
trois mois après la mort du palatin de Sandomir.
Cette correspondance a été récemment révélée par
M. Kluczychi, publiciste polonais. C’est là que seront
puisés les nouveaux documents qui permettront de faire
connaître plus intimement cette fille d’honneur de Marie-
Louise de Gonzagues et à qui il fut réservé une si haute
destinée.
Plusieurs de ces lettres sont datées de Prix (s/c) en Niver-
nais; elles sont d’autant plus curieuses qu'il existait entre
Sobieski et la princesse un vocabulaire de convention , mais
qu’il est facile de traduire. C’est ainsi que Marie-Casimir se
nommait la Rose ou le Bouquet , et que Sobieski s’appelait
Céladon ou Orondate. Leurs lettres étaient désignées sous
le nom assez doucereux, mais fort étrange, de confitures.
Le travail annoncé, pour prendre date avant tous autres,
sera produit surtout au point de vue nivernais.
Il est fait hommage à la Société, par M. Marty,
membre de la Société d’histoire naturelle de Tou-
louse , d’un travail sur les grottes de Montlaur ;
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— 49 “
l'auteur demande à faire partie, comme membre
correspondant , dë la Société nivemaise.
M. le docteur Subert voudra bien prendre
connaissance de ce travail et nous en lire un
rapport à la première séance.
Il est déposé sur le bureau , à titre de don ,
quatre livraisons des actes de l’Académie des
sciences de Corduba (République argentine) et
deux Bulletins de la même société. Ces ouvrages,
très-soignés comme typographie et gravures, nous
sont adressés en échange de nos Bulletins que la
société de Corduba veut bien nous demander.
M. le Président donne lecture d’une notice
intitulée : « Decize, la chapelle des Sallonyers »,
laquelle sera insérée au Bulletin.
RAPPORT
SUR LE TOMBEAU D’YOLANDE DE BOURGOGNE , COM-
TESSE DE NEVERS, RÉCEMMENT DÉPOSÉ AU MUSÉE
LAPIDAIRE DE LA PORTE DU CROUX.
Au mois d’août de l’année 1879, des travaux de restau-
ration entrepris à Nevers dans la maison Maratray, qui
occupe une partie de l’ancienne église des Récollets , mirent
à découvert les débris d’un magnifique tombeau en marbre
noir.
Ces fragments avaient servi , en guise de moellons , à
maçonner une baie dans le mur latéral , à gauche de
l’église.
Un de nos collègues de la Société nivernaise, M. Bou-
veault , architecte à Nevers , immédiatement instruit du fait,
t. ii, 3* série. 4
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— 5 o —
écrivit aussitôt , dans un journal de la ville , un long article
sur cette précieuse découverte (i).
L’article se terminait ainsi :
« Quel que soit l’état de mutilation dans lequel se trouve
cette œuvre d’art de la fin du treizième siècle, il est impor-
tant que ces vestiges soient au moins soigneusement recueillis
au musée lapidaire de la porte du Croux. »
Ces vœux sont maintenant réalisés ; grâce au zèle de
M. Henri Canat, conservateur du musée, habilement
secondé par M. Chevrier, le propriétaire de ces débris,
M. Ligeron, a consenti à s’en dessaisir gracieusement et à
les abandonner au musée de la porte du Croux.
La Société nivernaise , fidèle à son titre de t société des
sciences, lettres et arts, * a dès- lors voté en principe, aussitôt
que l’état de ses finances le lui permettra , la restauration de
ce monument vraiment artistique. Mais quel est donc le
personnage pour qui avait été construit ce tombeau aujour-
d’hui si horriblement mutilé? C’est là, assurément, une
question des plus intéressantes pour notre histoire niver-
naise.
M. le comte Georges de Soultrait a publié, il y a quelques
années , d’après le Recueil d'épitaphes de la collection
Gaignières, une description du caveau sépulcral de la
vieille église des Récollets (2).
Nous voyons qu’on y trouvait : i° le tombeau d’Engilbert
de Clèves, en son vivant comte de Nevers, d’Eu et d’Auxerre,
décédé le 2 1 janvier 1506 et inhumé en ce lieu le 2 décembre.
A côté se trouvait aussi le tombeau de son fils Charles de
Clèves , deuxième de ce nom.
2 0 Le tombeau de très -haute et puissante princesse
madame Marie d’Albret, duchesse de Nivernois, comtesse
(1) La République de Nevers , 7 novembre 1879.
(2) Guide archéologique dans Nevers , par le comte Georges de
Soultrait, pages 58-59.
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— 5i -
de Rethelois et Dreux et de Beaufort en Champagne , dame
de Donziois , etc., laquelle trépassa en son hôtel , à Paris ,
’e 27 octobre 1549.
3 ° Le tombeau de très-illustre, très-vertueuse et pru-
dente dame Marie de Clèves, fille de François de Clèves,
duc de Nivernois, décédée à Paris, au mois d’octobre
1574, etc.
Évidemment, le tombeau qui nous occupe ne peut
appartenir à ces personnages ; il est bien antérieur à cette
époque , puisqu’il porte tous les caractères du style de la fin
du treizième siècle , peut-être même du quatorzième siècle
avancé, mais certainement pas au-delà.
Les Cordeliers ou Frères-Mineurs, dont les Récollets
tirent à Nevers leur origine, et auxquels ils ont succédé, ont
été, dit Parmentier (1), selon la plus commune opinion,
appelés et établis en cette ville, entre 1270 et 1280, par
Yolande de Bourgogne, comtesse de Nevers, femme en pre-
mières noces de Jean de France, dit Tristan , et en secondes ,
de Robert de Béthune.
Ce qu’il y a de certain à cet égard , c’est que cette prin-
cesse, par son testament fait à Decize au mois de mai 1280,
leur donne 40 livres de rente et choisit sa sépulture dans
leur monastère, qui était alors situé à la Chaussée, au lieu
où fut depuis établie la maison des Minimes.
Les églises des faubourgs de Nevers ayant été détruites
pendant les guerres du quatorzième siècle , dans la crainte
qu’elles ne servissent de refuge aux bandes anglaises, la
maison des Cordeliers fut ruinée en 1 358 . Mais cinq ans
plus tard, en 1 363 , Marguerite de France, comtesse de
Nevers, fille de Philippe-le-Long et veuve de Louis II,
comte de Nevers , qui avait fait élever chez eux son fils
Louis III, les retira dans la ville et leur fit donner par le
comte, pour leur habitation, une partie de son château
nommée Gloriette.
( 1 ) Inventaire historique des archives de Nevers , tome !•% page 35 1 .
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— 52 —
Les Cordeliers entrèrent dans le nouveau couvent le
16 avril 1 363 et y apportèrent avec eux le corps de leur
fondatrice et son épitaphe , gravée sur une grande table de
marbre noir qu'on voit encore , ajoute Parmentier, derrière
le maître-autel, c'est-à-dire en 1770, époque où le laborieux
archiviste terminait son Inventaire .
Or, n’est-il pas tout naturel de supposer que cette sépul-
ture de ladite Yolande qui, pour parler comme Guy-
Coquille , par cette translation d'église et monastère , fut
aussi transférée au chœur de ladite église des Cordeliers ,
devant le grand autel , est bien vraisemblablement le tom-
beau qui nous occupe ?
Et comme la translation de la sépulture n’implique pas
nécessairement la translation du monument lui-même, qui
avait pu être brisé dans la ruine des bâtiments de l'ancien
monastère, les principes archéologiques qui, rigoureusement
appliqués, indiquent le milieu du quatorzième siècle, se
trouveraient, une fois déplus, d'accord avec l’histoire. Il
suffirait d’admettre que le monument funèbre eût été refait
avec le nouveau monastère. Quoi qu’il en soit, voici, d’après
Guy-Coquille, qui seul nous l’a conservée, la copie de
l’épitaphe gravée d'ancienneté sur ladite sépulture de
marbre noir haut eslevée ( 1 ) :
HIC JACET, UT CERNIS, LAPIDIS SÜB PONDERE GRANDIS,
QUONDAM NI VERNIS COMITISSA POTENS YOLANDIS :
JUSTA FUIT, STABILIS, CONSULTAQUE , M1T1S , HONESTA ,
COMPATIENS , HUMILIS , SAPIENS , DEVOTA , MODESTA :
EJ US NEC METRA CAPERBNT LAUDES , NEQUE PKTRA.
(1) Histoire du pays et duché de Nivernois . Paris, 1612, pages 175-
176.
Si Ton en croit notre vieil historien, cette épitaphe était déjà effacée
de son temps. Cependant Parmentier, qui l’avait vue, observe qu'au
cinquième vers il faut lire compensant au lieu de caperent (et, en
effet, la mesure du vers l’exige), ce qui indique qu’on pouvait encore
en déchiffrer le texte.
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- 53 —
SIT PROCUL A TETRA CALIGINE , REGNET IN ÆTRA :
MŒSTIS SOLAMEN ERAT HÆC MISERISQUE JUVAMEN.
SIT TIBI SOLAMEN TRINUS ET UNÜS. AMEN.
BIS CENTUM, MILLE, SEPTEM DECIES , NOTAT ILLE,
ATQUE DECEM, CLALE QUI VULT SUA FATA NOTARE ,
FERIA PRIMA JUNIO, TOLLITUR E MEDIO.
HÆC QUOQUE QUI VIDET, ORANDO JUVAMEN El DET.
VISU CHRISTI TUI POSSIT UT IPSA FRUI.
On nous permettra d’ajouter la traduction de cette épitaphe :
Ici gtt, comme tu le vois, sous le poids de cette haute pierre ,
Yolande , autrefois puissante comtesse de Nevers ;
Elle fut juste, ferme et de bon conseil , douce , honnête ,
compatissante , humble , sage , dévouée , modeste :
Ni ces vers ni cette pierre ne pourraient justement redire
ses louanges.
Loin d'elle soient les ténèbres profondes , qu'elle règne
au plus haut des deux !
Elle était la consolation des affligés , le secours
des malheureux.
Que la Trinité sainte soit sa consolation . Amen.
Qpi veut clairement compter les jours de sa destinée
Devra noter deux fois cent , mille, dix fois sept
en y ajoutant dix .
C'est en la première férié de juin qu'elle fut enlevée
du milieu de ce monde .
Que celui qui lit ces lignes lui accorde le secours
de sa prière,
Et qu'il puisse comme elle , ô Christ , jouir de ta vision
éternelle !
Après cet éloge emphatique, assez accoutumé d’ailleurs
dans les monuments de ce genre , on peut se demander ce
qu’il faut penser de certaines chroniques qui font peser sur la
comtesse Yolande la plus grave accusation.
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- 5 4 -
D’après Y Histoire latine des Évêques et des Comtes de
Nevers, attribuée à notre compatriote Henri Le Tort, au
seizième siècle, et publiée pour la première fois dans nos
Bulletins , par M. René de Lespinasse, Robert de Dampierre,
second mari d’Yolande, avait eu de sa première femme*
Blanche, fille du roi de Sicile, un fils nommé Charles. Pen-
dant que Robert guerroyait en Sicile , Yolande dit un jour
au jeune prince : « Mon fils, mes enfants seront de bien petits
princes auprès de vous , car ils auront peu de territoire à
attendre de leur père. Le droit d’aînesse vous attribue presque
tout. * Celui-ci répondit fièrement : « Ils en auront toujours
assez, s’ils ont quelque valeur personnelle, et ils seront bien
faits pour me servir. » Or, peu de temps après, Charles
mourut empoisonné, sorte autem contigit , dit le texte, quod
paulo post dictus Carolinus intoxicatus obiit, et on attribua
ce crime à Yolande. Robert, irrité de cette mort, et prévenu
contre la princesse, rentrait vainqueur de ses guerres de
Sicile; apercevant son épouse Yolande parmi ceux qui
venaient le féliciter, il la frappa si rudement avec le mors de
son cheval qu’elle en mourut à l’instant. Les parents de cette
noble dame voulurent venger sa mort ; mais , pour le respect
dû au père, on parvint à étouffer la discorde... (i)
On nous saura gré d’ajouter à ce trop long rapport
la restitution du tombeau d’Yolande telle que l’établit
M. Bouveault dans l’article précédemment cité :
« Autant qu’on en peut juger par les débris qui nous res-
tent, et en comparant ce tombeau à ceux de la même époque,
ce monument devait se composer d'un socle en marbre noir
richement mouluré, portant un dé, dont les quatre faces
étaient ornées d’arcatures. Le dé était recouvert par une large
dalle également en marbre noir, taillée en corniche, dont les
profils, élégants et fermes, portaient une ombre puissante
sur le dé.
(i) Bulletin de la Soc . niv., a* série, t. V, p. 36-8i.
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— 55 —
» Sur cette dalle était couchée une statue en marbre noir
de grandeur naturelle.
» La comtesse était vêtue d’une longue robe dont l’un des
plis retombait sur le bras gauche. Les deux mains jointes et
posées en avant de la poitrine lui donnaient l'attitude de la
prière. La tête, parfaitement sculptée, encore intacte aujour-
d'hui, n'a pas de couronne; des bandelettes et un voile
entourent le visage et viennent se réunir sous le menton. Les
yeux ouverts donnent à la figure un aspect doux et vivant.
La tête était abritée par un dais richement sculpté. »
Enfin, il nous semble superflu d’expliquer, en terminant,
que l’époque de la mutilation du tombeau , dont les impor-
tants débris seront désormais conservés avec honneur, n’est
autre que celle qui vit disparaître, dans un irréparable oubli,
tant d'autres monuments de ce genre, en particulier, dans le
chœur de notre cathédrale, les magnifiques tombeaux de
Louis de Gonzague et d’Henriette de Clèves, son épouse.
L’abbé BOUTILLIER
DECIZE.
FONDATION DE LA CHAPELLE DITE DES SALLONNIER,
en l'église des minimes.
Quatre années après leur installation à Nevers, c'est-à-dire
en 1621 , les Pères Minimes proposèrent de fonder à Decize
un couvent de leur ordre. Le duc de Nivernois et les échevins
de la ville donnèrent une adhésion complète à cette œuvre,
qui avait pour but principal de combattre l’hérésie du pro-
testantisme.
11 existait alors à Decize un ancien prieuré sous le vocable
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— 56 -
de saint Pierre ; il avait , par suite du malheur des temps ,
été en partie abandonné par l’abbaye de Saint-Germain
d’Auxerre de laquelle il relevait ; on pensa que les bâtiments
et l’église qui en dépendaient pourraient être restaurés et mis
en état de recevoir les nouveaux religieux.
Après de nombreux pourparlers , il intervint une con-
vention pécuniaire t qui amena l‘abbé de Saint-Germain
d’Auxerre à faire l'abandon complet de tous les droits quel-
conques qu’il possédait sur l’ancien prieuré de Saint-Pierre.
Les bâtiments étaient bien délabrés, l’église surtout était
en si déplorable état , que les portes , faute de fermetures ,
demeuraient ouvertes jour et nuit et servaient de refuge aux
mendiants et aux animaux.
On dut naturellement songer tout d’abord à la reconstruc-
tion de l'église ; mais avant que l’on pût recueillir toutes les
ressources nécessaires à cette entreprise, la nef s’écroula dans
la nuit du 17 juin 1626 ; il ne resta debout que l’abside et le
clocher qui existent encore aujourd’hui.
Les travaux d’édification commencèrent vers l’année 1629.
A cette époque , noble maître Jacques Sallonnier, sieur de
La Garde, conseiller du roi , receveur des gabelles au grenier
à sel de Decize , en même temps procureur fiscal pour le
duc, et honnête femme dame Esmée Dornant, son épouse,
voulant contribuer de leurs commodités à l' édification ,
construction et ornement de Véglise que les révérends
Pères Minimes faisaient alors bâtir en lenr couvent , leur
proposèrent de faire construire à leurs frais une chapelle qui
serait dédiée à la glorieuse vierge Marie.
Les propositions furent agréées; et le 7 septembre 1629,
devant Gilbert Jolly et Gilbert Cousin, l’un et l’autre notaires
royaux à Decize, il était dressé acte
Entre lesdits Sallonnier et Dornant, d’une part, et les
vénérables Pères, frère Ignace de La Forest, vicaire et
supérieur dudit couvent , Claude Lorinet, Jehan Robineau
et Denys Arnoult, prêtres et religieux dudit couvent, d’autre
part.
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— 5 7 — '
En voici un extrait :
Moyennant une somme de huit cents livres tournois , les
religieux Minimes de Decize s'engagent à taire construire
« une chapelle à costé droict de la nef de leur église qui se
» bastit présentement, de longueur de douze pieds et demy,
i et de largeur de dix pieds, et de hauteur convenable,
» pavée et couverte de mesme forme, pierre, thuille ou
» ardoise que la nef de leur dite église, voultée par le
i dessus, avec une pierre platte servant de clef au milieu de
» la voulte sur laquelle seront mises les armes dudit Sallon-
» nier et de ladite Dornant qui leur seront données à ceste
» fin (i); une petite voulte par dessoulz pour servir à inhumer
» lesdits sieur et dame fondateurs, leurs hoirs héritiers ou
» ayant-cause à l’advenir ; fournir aussy le verre nécessaire
» pour faire le jour; apposer ung tableau en thoille au-
» dessus de l’autel auquel sera représentée la Visitation , où
1 lesdits Sallonnier et Dornant tirez au vif au bas d’iceluy,
î scavoir ledit Sallonnier du costé droict, et ladicte Dornant
» de l’autre costé, à genoux en prières et ayant la vue vers
» la Vierge. »
Ce à quoi lesdits religieux se sont obligés.
Le contrat ci-dessus, était dans le courant du même mois
de septembre lu , enregistré et remis au chapitre provincial
tenu au couvent de Nigeon, et recevait l’approbation du
chapitre, ainsi qu'il résulte d’une copie collationnée délivrée
le 2 7 août i 632 et signée par frère Luc de Troyes, du
couvent de Nigeon.
Nous avons cru convenable de faire connaître cet acte de
fondation qui précise exactement la date de la construction
de la nef de l’église du couvent des Minimes de Decize.
( i ) Sallonnier : D’aqur, à la salamandre d'or lampassée de gueules sur
des flammes de même. ( Armorial du Nivernais, le comte de Soultrait.)
Dornant et d 'Ornant : De gueules , à une tour sommée d'un casque de
même . Devise : Vit tûtes adornant. (Communication de M. Griveau.)
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/ - 5 8 -
Nous ajouterons que la façade en pierre de taille de cette
église porte en relief deux blasons qui représentent les armes
royales.
Ils avaient été placés pour enseigner à tous, qu’en l’an
i65o, le vingt-troisième jour de novembre, Sa Majesté, de
l’advis de la royne régente, sa mère, exemptait le couvent
des Pères Minimes de Decize de tous logements des gens de
guerre, sous peine aux officiers d’en répondre en leurs
propres et privés noms et aux soldats de la vie ; et permettait
de mettre ses armoiries aux endroits des lieux que besoin
serait, pour monstrer qu’ils sont en la protection et sauvegarde
de Sa Majesté.
Les documents originaux que nous venons de citer sont
entre nos mains.
L. ROUBET.
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE 1883.
Présidence de M. Roubet, président.
Étaient présents : MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice - président ; H. Çanat,
Robelin, E. et Paul Marandat, l’abbé Soyer, le
docteur Subert, de Flamare, Massillon Rouvet,
le colonel de Charrant, de Lespinasse, l’abbé
Crosnier, A. Griveau.
M. le docteur Subert dépose sur le bureau le
compte-rendu de l’Association des Médecins de
la Nièvre pour 1883.
Le même membre lit un rapport relatif au
travail de M. Marty sur les grottes de Montlaur.
Après la lecture de ce rapport, qui sera inséré au
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— 59 —
Bulletin , M. Gustave Marty est nommé membre
correspondant de la Société.
M. le Président communique à la Société deux
lettres de M. le Ministre de l’instruction publique ,
suivies du programme des questions soumises à la
réunion des sociétés savantes en 1884.
M. le Président annonce ensuite qu’on a décou-
vert récemment sur la voie romaine de Patinges
et à cent mètres de la ville de Mons A Ibanus,
un plat en bronze près duquel était une statue,
également en bronze, de Marc- Aurèle, de très-
bonne conservation, avec la légende : m. avrel.
antoninvs. pivs ; sur la face et au revers : imp.
ni. cos. m. p. p. pm. tp. xviiii, et un fragment de
poterie romaine.
M. l’abbé Boutillier donne lecture du premier
chapitre de la deuxième époque de la verrerie
nivemaise , consacré aux Castellan.
ANALYSE
D’UN TRAVAIL DE M. GUSTAVE MARTY
SUR LA GROTTE DE MONTLAUR (ARIÉGE).
C’est avec un bien vif intérêt que j’ai parcouru le travail
de M. Gustave Marty, et je suis heureux d’en avoir entrepris
l'analyse, pour la présenter à la Société nivernaise.
En dehors du mérite incontestable des découvertes qui
y sont mentionnées , j’ai trouvé , à chaque instant , des
descriptions qui ont rappelé à mon souvenir l’époque où
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nous visitions si gaiement et si cordialement les grottes
d’Arcy (i).
La caverne de Montlaur ou de l’Herm (Ariége) offre
avec ces dernières des similitudes nombreuses que je vais
signaler, au fur et à mesure qu'elles se présenteront.
La grotte de l’Herm , à laquelle M. Marty restitue le nom
de grotte de Montlaur, est située dans le hameau de ce nom,
vers l’ancien château de Montlaur. Elle a été visitée par
plusieurs savants et en particulier par M. E. Filhol, direc-
teur de l’école de médecine de Toulouse, et qui est très-
compétent en semblables matières , en raison du grand
nombre de grottes analogues qu’il a explorées. Cette grotte
de l’Herm a été décrite (au point de vue historique ou
paléontologique ) par M. l’abbé Pouech , M. Alzieu , les
docteurs Garrigou , Filhol et Noulet. M. Marty l’a par-
courue et fouillée en géomètre , en compagnie d’un de ses
amis, M. Fouque, qui a bravément partagé ses fatigues et
ses dangers.
Cette grotte a 1,800 mètres de parcours (les grottes d’Arcy
n’en ont que 876) , abstraction faite des méandres et des
détours inévitables en semblables excursions.
C’est un ossuaire du terrain quaternaire; nos infatigables
et courageux collectionneurs y ont recueilli un nombre
considérable de squelettes de carnassiers, dont les principaux
types appartiennent au genre ursus (1 ursus spelœus , ursus
arctos, ursus priscus et ursus gaudryi) et au genre felis
ou lion ( felis spelœa et felis antiqua).
Ils ont également trouvé la hyène des cavernes (hyena
spelœa ), le rhinocéros (rhinocéros tichorrinus) , des osse-
ments de loup, de renard, de cheval, de grand cerf, de renne,
de bœuf, d’aurochs, de chèvre, de brebis, de chien, de
cochon, etc., etc.
(1) Bulletin de la Société nivernaise , a* série, t. VII. Excursion de
la Société nivernaise dans les vallées de la Nièvre , du Beuvron, de
V Yonne, de la Cure et du Nohain , en juillet 1873.
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— 6 1 —
Comment de tels ossuaires se sont-ils formés? L'auteur
admet avec raison que : « La vraie cause de l'accumulation
des débris fossiles est le transport par les eaux , et que ces
dépôts se trouvent dans les parties les plus profondes et
souvent même disposées par couches. » Il se déclare par-
tisan de vieille date des idées de Boucher de Perthes. lia,
comme ce dernier, retiré de ces divers dépôts des haches de
pierre et d'autres objets également en silex.
M. Marty a non-seulement tracé sur place des croquis
des différentes cavités qu’il décrit, mais il a joint à sa
description un plan d’ensemble très-important et très-
intéressant. Ce plan seul suffirait pour assurer au travail
de M. Marty la plus sérieuse attention de la part des savants
qui s’occupent de ces recherches. Il en donne la description
dans un chapitre spécial.
« C’est à l’ouverture de la grotte que furent pratiquées,
dit-il , les fouilles qui amenèrent la découverte d’ossements
humains, (une mâchoire, comme à Arcy), des débris de
poteries et quelques rares objets travaillés de l’époque de la
pierre polie. » Il nomme cette pièce le vestibule , puis se
trouve V antichambre , et un couloir conduit à la salle ovale
ou ossuaire qui présente c cinq couches bien distinctes
d’ossements fossiles, qui se trouvaient séparés de chacune
d’elles par un plancher stalagmitique dont l’épaisseur variait
de dix à quarante centimètres ». Puis il rencontre le passage
du bénitier , et décrit les amas de guano formés par les
excréments d’innombrables chauves-souris. Il a recours à
une échelle, puis il franchit le canal qui le mène à la
galerie d'Amphitrite , précédée par la salle d'attente de la
galerie d'Amphitrite , puis vient le passage des orgues qui
aboutit à la salle de Tantale .
Cette dernière appellation est assez caractéristique par
elle-même, et elle explique le lyrisme de l’explorateur qui
y voit « les ornementations fantastiques que les romanciers
ou les poètes décrivent quelquefois , ou que les peintres
représentent sur nos théâtres pour figurer les palais en-
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— 62 —
chantés, la demeure de cristal élevée par les caprices des
ondines. »
Puis il traverse la salle du loup , le passage perdu , la
salle du chat , les trois caveaux , la salle du lac, la cathé-
drale, le chemin du paradis , la galerie dangereuse, le
paradis et le conservatoire .
J'emprunterai mes conclusions à M. le professeur Melliés,
de l’Académie des sciences de Toulouse:
< M. Marty a trouvé des ossements de presque tous les
animaux qui constituent la faune des cavernes, et le grand
ours est représenté (dans ses trouvailles) par plusieurs milliers
de pièces. »
En résumé , Messieurs , je viens , à mon tour, vous dire
que M. Marty est digne du titre de membre correspondant
qu’il sollicite , et que l’œuvre que j’ai analysée fait double-
ment honneur à son courage et à sa science.
Docteur SUBERT.
SÉANCE DU 31 JANVIER 1884.
Présidence de M. Roubet.
£
Etaient présents: MM. Roubet , président ;
l’abbé Boutillier, vice-président ; Canat, Messery,
l’abbé Soyer, l’abbé Fouché, Col, Subert, F.
d’Assigny, de Chalvron, Blaudin Valière, H.
d’Assigny, de Berthier, de La Fargue, Massillon
Rouvet, de Pierredon, de Villenaut, Duminy, de
Flamare, E. de Toytot, Griveau, Marandat, le
vicomte de Maumigny, le colonel de Charrant,
l’abbé Pot.
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— 63 —
M. le Président donne lecture d’une circulaire
de M. le Ministre de l’instruction publique et des
beaux-arts relativement à la réunion des délégués
des sociétés savantes qui aura lieu du 15 au 19 avril
1884.
M. le Président donne lecture d’une préface de
M. le vicomte René de Savigny de Moncorps,
destinée à précéder la publication posthume de
fables et opuscules dont son père, M. de Savigny,
est l’auteur. Trois fables inédites et deux poésies
sont lues à la Société, qui en vote l’impression au
Bulletin.
Par une autre lettre, dont il est aussi donné
lecture, M. le vicomte de Savigny communique à
la Société une petite pièce de vers qu’il a retrouvée
dans un livre excessivement rare : La Terre-
Sainte ou Description topographique très-
particulière des Saints-Lieux et de la terre
de promission, etc., le tout enrichi de figures
par F. Eugène Roger, récollet, missionnaire de
Barbarie, publié à Paris, chez Antoine Bertier,
rue Saint-Jacques, à l’enseigne de la Fortune.
1 664.
L’auteur est ce même; a prieur de Sainct-Quaize »
connu surtout par son « épistre à maistre Adam » :
Ornement du siècle où nous sommes
Maître Adam le premier des hommes
épltre qui se lit en tête de la première édition
du Villebrequin de notre poète nivemais, en
1663.
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— 6 4 —
Voici la copie de ce sonnet :
A FRÈRE EUGÈNE ROGER
sur son livre
De la Terre-Sainte.
SONNET.
Séraphique escrivain , rare et dévot Eugène,
Que le zèle est ardant, que le sort est heureux,
Qui t’a fait accomplir le dessein généreux
D’aller au sacré mont où ton Dieu fit la Cène !
Que le plaisir est grand qui succède à la peine
D’avoir veu de Jésus le séjour amoureux ,
Nazareth, Bethléem et le mont douloureux
Où mesme il expira pour la nature humaine.
Après avoir marché dessus ses sacrez pas,
Des lieux de sa naissance à ceux de son trépas
Et baisé de ses pieds les vestiges augustes ;
Après, dis-je, avoir veu le tombeau glorieux
Où fut ce Saint des saints et ce Juste des justes,
Que te restait-il plus que de voler aux cieux ?
BERTIER , curé de Saint-Caise.
M. de Villenaut demande la parole.
A l’occasion de la révocation des fonctions gra-
tuites d’archiviste de la ville de Nevers que
M. l’abbé Boutillier remplissait depuis dix-huit ans,
M. Adolphe de Villenaut propose à la Société de
voter l’ordre du jour suivant :
« La Société, désirant donner un témoignage
de sympathie à son vice-président, M. l’abbé Bou-
tillier, émet un vote d’éloges en faveur du savant
et laborieux archiviste, et passe à l’ordre du jour. »
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— 65 —
La Société vote sans discussion la proposition
de M. de Villenaut.
M. Griveau dépose sur le bureau la description
des armes de la famille d’Omant : De gueules, à
une tour d’or sommée d’un donjon de même,
timbrée d’un casque trois quarts d’acier poli,
orné de lambrequins d'or et de gueule, avec
cette devise : Virtutes adornant.
M. le président Roubet fera figurer cette note
dans son travail sur les Sallonyer.
Lecture est donnée par M. le Président d’une
lettre du P. de la Croix, S. J. Le savant religieux
demande que ‘ les sociétés savantes de France
s’unissent pour tenter auprès du Gouvernement la
conservation des monuments romains de Sanxey.
Autant que faire se pourra il sera donné suite
à la proposition.
QUELQUES MOTS
SUR LES FABLES INÉDITES DE M. DE SA VIGNY.
M. A. Duvivier, dans la préface qu’il a publiée en tête de
l ’ Inventaire des archives de Nevers , par Parmentier,
développe avec talent l'idée de la création de bibliothèques
départementales : « La science gagnerait énormément à cette
organisation ; les études locales seraient plus faciles et plus
profitables ; chaque chef-lieu de département deviendrait un
foyer de lumière; chaque ancienne province posséderait
complètement ses richesses intellectuelles en même temps
que sa statistique scientifique , littéraire et artistiqué, etc...
t. il, 3* série. 3
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— 66 —
Ne pourrait-on donc pas réimprimer sous le titre de Biblio-
thèque nivemaise toutes les productions littéraires de notre
pays , en y ajoutant les ouvrages manuscrits ? Il y a encore
disséminés dans le champ du passé maints épis à recueillir
et à lier en gerbes. »
Tout en partageant l’avis de M. Duvivier, tout en faisant
des vœux pour le succès d’une pareille entreprise, j'y recon-
nais aussi comme lui , du reste , des difficultés nombreuses.
Les recherches seraient pénibles , la publication très-longue
et la question d’argent élèverait certainement entre l’idée et
sa réalisation une barrière presqu’infranchissable.
Mais ne pourrait-on pas du moins glaner quelques-uns de
ces épis et faire connaître des œuvres inédites, dans lesquelles
on trouverait toujours , j’en suis sûr, quelque chose de bon
et d’utile? Chacun apporterait son tribut et le Bulletin de la
Société nivemaise s’enrichirait encore de documents très-
intéressants pour le pays.
Aujourd’hui, j’en veux donner l’exemple , tâche qui me
sera bien douce , puisque j’aurai à parler de mon père.
Presque tous les membres de la Société nivemaise Font
connu ; les autres ont entendu souvent prononcer son nom.
J’espère donc qu’ils apporteront un bienveillant intérêt à ces
quelques lignes consacrées à sa mémoire et me pardonneront
volontiers le légitime sentiment d'orgueil qui me pousse à
faire revivre en eux le souvenir d’un homme de bien , ami
fort éclairé des arts , collectionneur passionné , cultivant les
lettres avec amour, à ses heures de loisir.
Un mémoire fort remarquable sur des questions fores-
tières : Considérations sur la diminution de valeur et la
dépréciation des bois dans la Nièvre , mémoire qui a valu
à son auteur la médaille d’or décernée en 1845 par la Société
d'agriculture et qui a été complété par deux autres sur
l’aménagement des ioréts et sur la situation forestière du
département en 1 856 ; un recueil inédit de jolies fables , un
traité de la pêche du mulet , dont plusieurs chapitres ont été
jugés dignes d’être insérés dans le Dictionnaire des Pêches t
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- 67 -
de H. de La Blanchère , sont les titres scientifiques et litté-
raires de mon père.
Parmi les manuscrits qui sont entre mes mains , il en est
un auquel j attache une réelle importance , à tous les points
de vue. Il renferme soixante-neuf fables , toutes charmantes
de verve et de finesse ; les vers en sont bien tournés , vifs et
élégants et Ton y trouve les traces d’une observation délicate,
d'une douce philosophie et la connaissance approfondie du
cœur humain. Ces petites narrations enjouées et aussi variées
que possible contiennent de vrais principes de morale et des
vérités utiles au bonheur des hommes. Ce sont des leçons de
sagesse pour tous les rangs et pour tous les âges, propres à
l’instruction de l’enfance aussi bien qu’à celle des hommes
faits, qui ne sont le plus souvent que de grands enfants.
Toutes les qualités qui conviennent à l’apologue: la
naïveté, la grâce, la correction du langage, se trouvent
réunies dans les fables de mon père dont je veux faire
connaître quelques-unes. On en appréciera , j’en suis sûr, le
charme et la pureté de style.
Mon père, chasseur ardent, pêcheur passionné, un jour le
fusil sur l’épaule , un autre jour la ligne en main, trouvait
dans ses exercices favoris presque tous les sujets de ses fables.
Les mœurs , les habitudes des animaux , l’état du ciel , la
configuration du sol , étaient l’objet de ses constantes obser-
vations. Aussi excellait-il dans ces agréables passe-temps.
« Ce qui constitue le vrai chasseur ou le vrai pêcheur,
nous disait-il souvent, ce qui fait de la chasse ou de la
pêche un art véritable , ce n’est point le plus ou moins de
perfection des instruments , des armes ou des filets , ce n’est
point la lecture des livres, c’est tout simplement l’étude de la
nature. » J’ajouterai, moi, que cette même étude de la nature
a fait aussi un véritable fabuliste.
Des poésies diverses , dans lesquelles on rencontre parfois
une légère teinte de mélancolie , complètent le petit trésor
littéraire que je me suis fait un pieux devoir de signaler à la
Société nivernaise.
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Les jolis vers: Pontilîard (i), souvenirs, seront d’autant
mieux accueillis , sans doute , qu’un vieux manoir de notre
belle province du Nivernais a su les inspirer à celui qui y
passa la plus grande partie de son enfance.
Je pourrais faire de plus nombreux emprunts à mon
précieux manuscrit ; mais , voulant rester dans le cadre
que je me suis tracé d’avance, je rappellerai simplement
l'épilogue qui termine le premier recueil des fables de La
Fontaine :
Bornons ici cette carrière;
Les longs ouvrages me font peur;
Loin d’épuiser une matière
On n’en doit prendre que la fleur.
V* DE SAVIGNY DE MONCORPS.
Château de Fertot, janvier 1884.
L’ENFANT ET LA FUMÉE.
FABLE VI.
A mon fils Henry.
Naïf, heureux comme à cet âge
Où les jours passent sans regret,
Où tout encore est plaisir, badinage ,
A côté de son père un enfant folâtrait,
Lui faisant tour à tour, au gré de son caprice ,
Une caresse , une malice.
Pendant qu’il surveille ses jeux,
Pendant qu’avec amour il le couve des yeux ,
L’heureux père , au tuyau d’une pipe enflammée ,
Pleine d’un tabac superfin,
(ij Pontilîard, petit manoir flanqué d’une tourelle seizième siècle,
commune de Saxi-Bourdon. ( Répertoire archéologique du département
de la Nièvre , par le comte de Soultrait.)
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— 69 —
Aspirait l’odeur parfumée
De cette plante renommée
Qui fait le désespoir du sexe féminin.
Voir fumée pour l’enfant c’était chose nouvelle !
Aussitôt il quitte le jeu
Pour s’approcher du point d’où la flamme étincelle,
U veut voir de plus près pourquoi brille ce feu ,
Prendre à ses doigts cette pipe allumée,
Retenir dans sa main ces flocons de fumée;
Ne faut-il pas qu’un enfant touche à tout?
Le voilà s’efforçant d’arrêter au passage
Le blanchâtre brouillard qui voile son visage
Et l’épaisse vapeur qui se répand partout :
Fol espoir, trompeuse chimère !
Malgré lui la fumée impalpable, légère,
S’élève en voltigeant et passe dans ses doigts
En montant par-dessus les toits.
Comme cet autre enfant qui veut prendre la lune.
Le nôtre, hélas! n’en peut venir à bout.
Laissons passer la fortune ,
La gloire, les honneurs: que sont-ils après tout?
Cette fumée en est l’image,
Et qui les poursuit est moins sage
Que le folâtre enfant : ils sont capricieux
Et trompent les désirs de maint ambitieux.
LE BRICK ET LA CHALOUPE.
FABLE XII.
Que la mer soit tranquille, ou qu’un flot écumant
Vienne en courroux frapper la plage,
Tout plaît au spectateur assis sur le rivage ;
Le moindre objet apparent,
Une barque que la rame
Fait résister à la lame,
Un bâtiment gracieux
Qui se joue au milieu des vents et des orages
Et s’apprête à lutter de vitesse avec eux,
Plus loin ces oiseaux sauvages
Reposés sur la vague ou planant dans les cieux.
Tout charme, tout distrait, tout occupe la vue.
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- 7 « -
L’Océan à ses pieds, un voyageur pensif
En silence, des flots admirait l’étendue,
Et suivait deux points noirs que son œil attentif
Ne voyait que par intervalle ;
Éloignés et confus, de grosseur inégale,
Chacun d’eux approcha : d’abord un frêle esquif
Sans mât, sans voile et pour tout équipage
Quelques bras endurcis luttant contre la rage
Des éléments capricieux ;
Fuis au-delà paraît, ses voiles déployées,
Comme un cygne élégant aux ailes argentées ,
Un navire majestueux ;
Et ce géant ailé semble voler sur l’onde
En laissant dans sa course une trace profonde.
« Ramez, dit l’inconnu, pécheurs, ramez bien fort,
t Travaillez, vous aurez beau faire,
» Ce gros vaisseau touchera terre
> Quand vous serez, hélas 1 encor bien loin du port ;
» N’est-ce pas le droit du plus fort
» Qui toujours a fait loi sur la machine ronde ?
» Que peuvent les petits contre les grands du monde ?
>i Souffrir, céder le pas et se mettre à l’écart ;
» Aux heureux la fortune, aux faibles le courage,
» Oui... ce brick le premier atteindra le rivage,
» Et vous, pauvres pêcheurs, ne viendrez que plus tard. »
Mais tout-à-coup le vent cesse d’enfler les toiles
Et le long des grands mâts on voit tomber les voiles ;
La vague s’aplanit; ce superbe vaisseau
Un instant si rapide est inerte sur l’eau ,
Il a perdu soudain le mouvement , la vie :
Son équipage est triste et voit avec envie
Passer auprès de lui la barque de pêcheurs.
Aux cris joyeux de ses rameurs
L’esquif léger s’avance et bientôt il arrive ,
Laissant l’autre attendre le vent ;
La chaloupe a touché la rive
Tandis que le navire attend.
C’est ainsi que, dans sa sagesse,
Dieu trompe quelquefois nos orgueilleux efforts ;
En signe de puissance, il abaisse les forts
Et prend pitié de la faiblesse.
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— 7 I —
LE PÊCHEUR A LA LIGNE.
FABLE XXVII.
Un pécheur à la ligne, au bord de la rivière,
Essayait les remous, l’eau calme, les courants;
Un badaud, sur le pont, depuis une heure entière
Le voyait s’épuiser en efforts impuissants ;
Pas un goujon... pas même une ablette légère...
« Métier de sot, dit-il, stupide passe-temps !
9 L’ami, ces plaisirs-là sont par trop innocents ! »
Mais l’autre : < Je sais, moi, soit dit sans te déplaire,
b Métier plus sot encore, celui de ne rien faire. »
PONTILLARD.
SOUVENIRS.
A ma mère.
Petit château, frais ombrage,
Grands arbres dont le feuillage
Mollement penche sur l’eau,
Lieux chéris de mon enfance,
J'éprouve un plaisir nouveau
Quand, après les jours d’absence,
Je vous revois : vieux château ,
Bel étang dont l’eau limpide
Reflète mille couleurs,
Où la sarcelle timide
Se cache au milieu des fleurs ;
Joncs que le brochet agite,
Roseaux que la carpe habite,
Grenouilles, léger bateau
Flottant sur le bord de l’eau !
Enfant, aux grands jours de pèche,
Quand barbottaient dans la crèche
Mille et mille gros poissons,
Ou qu’on tondait les moutons,
Mon cœur palpitait d’avance
De joyeuse impatience.
La nuit souvent m’a surpris ,
Immobile au marécage,
Guettant le canard sauvage
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_ 7 2 —
Dans le silence des bois ;
Et quand , malade autrefois ,
L’âme pleine de tristesse.
Fatigué de la jeunesse.
Pouvant à peine marcher...
Sur ces collines fleuries
Et dans ces vertes prairies
Souffrant, je venais errer.
Près de ces objets que j’aime,
Pourquoi ce bonheur extrême r
D’ou vient-il ? Je n’en sais rien ;
Et cependant, à leur vue,
Une larme inattendue
Vient couler... Je la sens bien !
C’est que là cachés, ma mère,
Sa sœur et leurs vieux parents (i),
Au règne de Robespierre,
Fuyaient jadis les tourments,
La terreur et la misère.
Sans cesse attendant la mort ;
Et, pour abriter leur tête
Des fureurs de la tempête,
C’est là qu’ils trouvaient un port.
Cette maison solitaire
A vu fiancer ma mère
Naïve comme à seize ans,
Pauvre mère dont le temps
Était compté sur la terre,
Qui devait, hélas! mourir
Et trop tôt dans la souffrance
Voir briser sans espérance
Ses beaux rêves d’avenir,
Allant où va toute chose ,
Où tous nous devons aller...
Maintenant elle repose...
Mon Dieu ! laissez-moi pleurer ;
Tous ceux qu’aimait mon enfance
Vous les avez appelé,
Et ces lieux m’ont rappelé
Du bonheur ’a souvenance.
a) Le comte et La comtesse des Ulmes.
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— 73 -
RICHESSE OBLIGE.
Lorsque, son b&ton à la main,
Un inconnu de pauvre mine,
A la porte de la cuisine
Vient s’arrêter, disant : a J’ai faim, »
Et demande un morceau de pain.
Où va mon fils ?... Laissez-le faire ;
Car, devinant la charité
A l’aspect de tant de misère,
Le peu d’argent qu’a mérité
Son travail et sa diligence,
Il vient l’offrir à l’indigence :
« Prenez, dit-il, vous avez faim ,
» Voilà pour acheter du pain. »
« Mon enfant, Dieu vous récompense,
1 Répond le pauvre. Il gardera
i De vos bienfaits la souvenance;
» Merci, le bon Dieu bénira
» Les jours heureux de votre enfance. î
C’est bien , mon fils. En grandissant
Reste bon comme en ta jeunesse,
Sois généreux, compatissant.
Si Dieu nous donna la richesse,
U fit notre frère indigent.
Et nous devons soulagement
A ceux que la fortune afflige.
Souviens-toi que richesse oblige.
Janvier 1843.
SÉANCE DU 28 FÉVRIER 1884.
Présidence de M. Roubet, président.
Étaient présents : MM. Roubet, président ;
l'abbé Boutillier, oice-président ; E. de Toytot,
secrétaire ; Canat, conservateur du musée ; le
t. ii, 3 * série. g
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— 74 —
docteur Subert, l’abbé Soyer, de Rosemont, de
Villenaut, Massillon Rouvet, de Flamare, Du-
miny, Ch. de Berthier-Bizy, l’abbé Foucher,
l’abbé Crosnier, Griveau , Edouard et Henry
Marandat.
Lecture est donnée : i° d’une circulaire du
Comité archéologique de Senlis, relativement à
une souscription pour la commission des arènes ;
2° d’une circulaire du ministre de l’instruction
publique au sujet de la réunion des sociétés
savantes à la Sorbonne ; 3 0 d’une lettre du prési-
dent au ministre de l’instruction publique au sujet
de la demande de subvention formée par la Société
nivernaise pour aider à la publication du Cartu-
laire du prieuré de La Charité-sur-Loire. Le
ministre demande certains renseignements sur
le travail de M. de Lespinasse. La Société est en
mesure de répondre à la demande de M. le
Ministre ; le premier fascicule imprimé du Car—
tulaire sera adressé au ministère à titre de
spécimen.
M. le docteur Subert communique à la Société
une hache en pierre lui appartenant. Cette hache ,
à pointe et à tranchant brisé garni d’un sillon , a
été trouvée sur les cailloux de la Loire par M. le
curé de Challuy.
Il est donné lecture d’une notice fort intéres-
sante écrite sur cette hache par M. Canat.
M. Ad. de Rosemont soumet à la Société une
Vierge en bois de la commune de Tresnay. A titre
de renseignement, il demande de quelle époque
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— 75 —
est cette statuette, et en outre s’il n’y a pas une
particularité spéciale dans ce fait que la Vierge
tient l’Enfant- Jésus sur le bras droit au lieu de le
tenir sur le bras gauche , comme d’habitude. Il est
répondu que cette statue, assez médiocre d’ailleurs,
est du dix-septième siècle. Quant à la particularité
indiquée par M. de Rosemont, M. l’abbé Boutillier
fait observer que cette attitude n’a aucune impor-
tance iconographique. Il est naturel que la Vierge
tienne l’Enfant avec la main droite ou plutôt avec
les deux mains, car elle ne le porte point, à
proprement parler, au repos ; elle le présente , et
c’est pourquoi la main droite paraît être en avant.
M. l'abbé Boutillier continue la lecture du
travail commencé sur les gentilshommes verriers
de Nevers. Le chapitre relatif à la deuxième
époque concerne les Castellan.
M. le président Roubet donne lecture d’une
notice sur la verrerie d’Aspremont.
Il est procédé au scrutin de vote pour la récep-
tion comme membres de la Société nivernaise de :
M. Régnier, négociant au Pont-Patin, présenté
par MM. l’abbé Boutillier et Thévenin ; de
MM. Gillotin, négociant à Nevers, et Moutardier,
caissier à la Pique, présentés par MM. Boutillier
et Subert.
MM. Régnier, Gillotin et Moutardier sont
admis.
oe>
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- 7 6 —
NOTE SUR UNE HACHE A SILLONS
TROUVÉE A CHALLUY (NIEVRE),
APPARTENANT A M. LE DOCTEUR SUBERT.
Cette hache est d’une pierre gris verdâtre dont la nature
ne m’est pas connue. Elle a été faite avec un caillou roulé
qui n’a été poli artificiellement que dans la partie où devait
se trouver le tranchant, lequel a disparu par suite d’une
cassure ancienne. Elle présente sur chacune de ses faces un
sillon longitudinal qui les partage inégalement.
Sur l’une des faces le sillon est à peine indiqué et n’existe
que dans la partie qui a été soumise à un polissage. Sur
l’autre face il est beaucoup plus accusé et se prolonge jus-
qu’auprès de la pointe, un peu sur le côté. Sa profondeur,
dans la partie la plus saillante de l’instrument, est de deux
millimètres, la largeur de trois; le fond en est obtus et les
parois sont striées dans le sens longitudinal.
Les haches à sillons sont réputées rares; il en existe
cependant, à ma connaissance, dans un certain nombre de
collections publiques ou privées. Les rainures ne sont pas
toujours tracées sur les faces et dans le sens de la longueur;
elles sont parfois transversales, diagonales ou disposées en
forme de V, ou bien encore placées sur la tranche latérale.
Quelle était la destination de ces sillons ?
Diverses hypothèses se sont fait jour. On a prétendu
notamment qu’ils servaient à assujettir un lien de suspension
et que les haches ainsi préparées devaient être portées comme
des amulettes ; mais cette explication ne saurait s’appliquer à
celle que nous avons sous les yeux, car les sillons creusés sur
les deux faces ne se rejoignaient ni à la base ni au sommet,
et comme ils ne se dirigeaient pas exactement vers la pointe,
le centre de gravité se fût trouvé déplacé. Elle est encore
moins applicable à un échantillon que je possède et qui ne
présente qu’une seule rainure placée sur le côté.
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- 77 -
Je passe sous silence d'autres explications plus ou moins
fantaisistes, et j'arrive à celle fournie par M. de Mortillet.
Voici ce qu’on lit à ce sujet dans son dernier ouvrage (le
Préhistorique , 1 883) :
« Les palafittes nous ont fait connaître un procédé parti-
culier pour préparer le premier éclatement des ébauches.
C’est le sciage. Les pièces polies des palafittes de la Suisse
ont été faites avec des caillous roulés. La surface de ces
caillous étant arrondie et rendue lisse par le roulis, il était
assez difficile de les éclater régulièrement. Le marteau mor-
dait mal sur la surface lisse et en dos d’âne. Pour remédier à
cet inconvénient et pour régulariser les cassures, on pro-
duisait sur le caillou un trait de scie longitudinal dans le
sens de la cassure désirée. Ce trait était poussé jusqu’à un ou
deux centimètres de profondeur. On n'avait plus alors qu’à
frapper violemment sur un des côtés du trait pour diviser la
pierre dans le sens voulu.
» Ces traits de scie se donnaient aussi pour diviser, sans
les morceler, les pierres d’espèces rares et de qualité supé-
rieure dont on utilisait avec soin tous les fragments. C’est
ainsi qu’on voit souvent des tracés de scie sur les haches en
jade, en chloromélanite et autres roches de première
qualité.
» Parfois on trouve des échantillons portant le trait de
scie, sans que le détachement des deux parties ait été opéré.
On reconnaît alors que l’évasement du sillon est assez consi-
dérable. Dans trois échantillons de ce genre que possède le
musée de Saint-Germain, cet évasement est au sommet de
7 , 8 et 9 millimètres pour des profondeurs de 12 , 9 et i5.
» Le fond, au lieu d'être aigu, est obtus. Ses parois sont
toutes garnies de stries longitudinales. Ces stries prouvent
qu’on employait du sable interposé pour opérer le sciage.
L’évasement du sillon et son fond obtus montrent que
l’outil employé n'était pas en silex. Ce devait être tout bon-
nement un morceau de bois taillé en biseau à la base.
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- ;8 -
L’agent actif était le sable humide; l’outil en bois n’avait
d’autre fonction que celle de promener le sable tout le long
du trait en le pressant contre la pierre à entamer. »
Les sillons devaient en outre avoir, dans certains cas,
pour objet de permettre d’abattre les parties saillantes de la
pierre et d’en diminuer l’épaisseur sans crainte de l’entamer
trop profondément, de manière à lui donner la forme défi-
nitive et à en rendre le polissage plus facile et plus prompt.
Le Bulletin de la Société d’anthropologie de Paris
(tome III, 3 e série, 1880, 736 ) contient la description de
différentes pièces découvertes par M. Franck Bousselot dans
la station lacustre de Treytel, près Bevaix, canton de
Neuchâtel, qui permettent de se rendre compte des procédés
de fabrication qui viennent d’être expliqués. C’est d’abord
un gros caillou glaciaire en roche serpentineuse très-tenace»
provenant du Valais. Vers l’un des côtés, dans le sens de la
longueur, on voit une entaille rectiligne dont la coupe forme
un angle en forme de V, produit d’un sciage. Un second
échantillon montre comment s’opérait l'équarrissage : c’est un
caillou roulé dont un côté offre une trace de sciage et au-
dessous une face de cassure obtenue par le choc, suivant la
ligne creusée. Un troisième échantillon est en outre dégrossi ;
enfin, un quatrième est une hache polie, finie, mais qui
présente encore des traces de faces de sciage.
Une remarque curieuse, c’est qu'en faisant la part de
certains perfectionnements dus à l’emploi d’agents métal-
liques, on est amené à reconnaître que les procédés en usage
de nos jours pour le dégrossissement et la mise au point des
blocs que l'on veut sculpter sont à peu près les mêmes que
ceux qu’avait trouvés le sauvage de l’époque néolithique pour
la fabrication de ses outils.
CANAT.
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— 79 —
SÉANCE DU 27 MARS 1884.
Présidence de M. Roubet, président.
Étaient présents : MM. Roubet, président;
l’abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de
Toytot, secrétaire ; Canat, conservateur du
musée ; Griveau, Robert Saint-Cyr, Charbonnier,
l’abbé Pot, de Villenaut, l’abbé Soyer, Massillon
Rouvet, de Flamare, Ed. et Henry Marandat,
le comte de Maumigny, le lieutenant-colonel de
Maumigny, Duminy.
M. le Président donne lecture d’une lettre de
M. d’Asis, nous informant qu’un arrêté municipal
aurait autorisé la Société académique à tenir ses
séances dans le local de la porte du Croux, à des
jours différents de la Société.
Le même arrêté municipal serait dans l’intention
de charger la Société académique de la conserva-
tion des musées de la ville , parmi lesquels se
trouverait compris le musée lapidaire de la porte
du Croux.
M. d’Asis demande si la Société conteste le
droit en vertu duquel la Société académique serait
substituée à la Société nivernaise ; en tout cas,
M. d’Asis prévient M. le Président que la Société
académique compte siéger dans notre local samedi
prochain, c’est-à-dire le dernier samedi du mois
de mars.
M. le président Roubet a déjà répondu à la
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— 8o —
lettre de M. d’Asis, en lui permettant, à titre
purement gracieux, mais sous toutes réserves de
nos droits, de tenir la prochaine séance samedi
29 mars à la porte du Croux. En tout cas , il n’y a
pas lieu à répondre pour le moment à un arrêté
qui n’a pas été notifié et que nous ne connaissons
que par la lettre de M. d’Asis.
En outre , la Société pense qu’il y a lieu de
répondre à M. le Président de la Société acadé-
mique du Nivernais. La teneur de cette lettre est
votée à l’unanimité.
M. Roubet fait part à la Société de la décou-
verte faite à Preuilly, commune de Lury (Indre),
d’une médaille en bronze à l’effigie du cardinal
Robert de Lenoncourt, prieur de La Charité.
La figure du cardinal porte une longue barbe ;
sur le revers on lit cette légende : in labore
quies. 1554, autour d’un écu portant : D’or , à la
croix engrèlée de gueules.
Enfin, M. le Président fait passer sous les yeux
de la Société une affiche indiquant une représen-
tation du Théâtre de la Nation par les comédiens
français ordinaires du Roi, donnée le 5 décem-
bre 1789.
Au mois de juillet 1789, dit-il, la Comédie-
Française prit le titre de Théâtre de la Nation.
Elle garda néanmoins le sous-titre de comédiens
ordinaires du Roi, ce qui fit dire à un plaisant :
Le» comédiens français très-prudemment calculent ;
En citoyens ardents, ces messieurs s'intitulent :
a Théâtre de la Nation, »
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— &I —
Titre qui permet seul à leur ambition
Une recette toujours riche ;
Et « comédiens du Roi n reste encore sur l'affiche
Pour garantir la pension.
Le titre de la pièce est : Charles IX , tragédie
nouvelle, suivie du Legs de Marivaux.
SÉANCE DU 24 AVRIL 1884.
Présidence de M. Roubkt, président.
9
Etaient présents : MM. Roubet, président;
l’abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de
Toytot, secrétaire; Canat, conservateur du
musée; le colonel de Charrant, Col, de Rosemont,
Edmond et Henri Marandat, de Villenaut, Jullien,
Massillon Rouvet, l’abbé Soyer, Duminy, Griveau.
M. Ernest de Toytot demande à M. le Président
quelle suite a été donnée à l’incident relatif à
l’abandon provisoire de notre salle à la Société
académique du Nivernais.
M. le Président constate qu’aucune séance n’a
eu lieu à la porte du Croux, malgré l’autorisation
donnée à M. le Président de la Société acadé-
mique.
Il ajoute qu’aucune réponse n’a été adressée à
notre lettre et que nulle communication des arrêtés
dont il nous avait été donné officieusement avis
par M. le Président de la Société académique ne
nous a été notifiée.
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— 82 —
Dans les circonstances actuelles, les choses
restent en état , et nous continuons à réserver les
droits de la Société nivemaise, sans avoir à entre-
prendre aucune démarche nouvelle.
Sur l’observation d’un membre, il est bien
entendu d’ailleurs que si une nouvelle demande
nous était adressée pour l’occupation de notre
local, il y serait fait une réponse dilatoire, sauf
délibération ultérieure à la séance suivante.
M. Duminy demande qu’un délai de trois mois
soit fixé réglementairement au-delà duquel les
livres de la bibliothèque devront être rendus, sauf
à renouveler la demande.
M. de Villenaut donne lecture d’une intéres-
sante notice sur la famille de La Ferté-Meung.
M. l’abbé Boutillier continue la lecture de son
travail sur les verriers de Ne vers (troisième
époque : les Borniol).
SÉANCE DU 29 MAI 1884.
Présidence de M. Roubet, président.
Étaient présents : MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice-président ; l’abbé Marillier,
Massillon Rouvet, Col, Duminy, de Pierredon,
Arthur et Adolphe de Rosemont, de Flamare,
l’abbé Soyer, Robert Saint-Cyr, l’abbé Crosnier,
Griveau, de Villefosse, Henri et Édouard
Marandat.
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— 83 -
M. le Président communique une lettré de
M. Ruprich-Robert , par laquelle il promet d’in-
téresser M. le Ministre des beaux-arts à la
restauration du tombeau d’Yolande et de lui
transmettre la requête de la Société nivemaise.
M. Roubet donne également lecture d’une lettre
de M. Canat qui annonce que Mme veuve Barat
offre au musée de la Société une meule romaine.
Dans la même lettre sont signalées plusieurs trou-
vailles faites à l’occasion des travaux du percement
des nouvelles rues sur les terrains de l’ancienne
caserne : i° un mur parallèle à la façade de
l’église des Minimes, et qui aurait peut-être appar-
tenu à l’enceinte de l’ancien monastère des
Cordeliers ; 2° un meneau de fenêtre avec sa base
et son chapiteau et l’extrémité d’un autre meneau
identique au premier, qui n’a pu être extrait ;
3° un assez grand nombre d’ossements humains,
parmi lesquels un doigt auquel était adhérent un
anneau que les ouvriers ont brisé en voulant le
retirer ; 4 0 trois pièces de monnaie, dont deux de
métal jaune, très-frustes.
M. l’abbé Boutillier continue la lecture de son
travail sur la verrerie de Nevers. Il donne con-
naissance du chapitre intitulé : Principales
verreries du Nivernais.
M. Arthur de Rosemont fait hommage à la
Société de son livre : Essai (T un commentaire
scientifique sur la Genèse.
M. le vice-président Boutillier, invité à lire une
note qu’il a rédigée au sujet de l’œuvre, dit que
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- 8 4 -
certaines propositions paraissent difficilement con-
ciliables avec les données de la théologie.
La parole est à M. de Rosemont , qui expose le
sommaire de son travail.
M. l’abbé Marillier fait observer à M. de Rose-
mont qu’il est très-difficile, sinon impossible, de
concilier son système avec l’enseignement de
l’Église sur la création de l’homme, le péché
originel et l’universalité de la rédemption du genre
humain. M. de Rosemont défend de nouveau ses
assertions, tout en reconnaissant que l’universalité
de la rédemption constitue à ses yeux une immense
difficulté. En fin de compte , il proteste que les
hypothèses qu’il a émises n’ont , dans sa pensée ,
rien de contraire à l’enseignement catholique.
M. de Villefosse annonce qu’il a trouvé dans
l’église de Château-Landon ( Castrum Nantonis
— Seine-et-Marne) une boiserie du dix-septième
siècle provenant du prieuré de Saint-Révérien de
la même ville , représentant la guérison de saint
Eulade, évêque de Nevers, par saint Séverin.
SÉANCE DU 26 JUIN 1884.
Présidence de M. Roubet, président.
Étaient présents: MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice - président; Ernest de
Toytot, secrétaire ; Canat, conservateur du
musée; le docteur Subert, Durainy, de Flamare
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— 85 —
de Villenaut, Col, de Villefosse, Soyer, Griveau,
de Rosemont, E. Marandat, H. Marandat.
M. le docteur Subert lit une notice nécrologique
consacrée à la mémoire du docteur Thomas,
notre regretté confrère. Cette notice sera insérée
au Bulletin.
M. le Président communique à la Société une
lettre du président de l’Association française pour
l’avancement des sciences. Cette lettre est destinée
à inviter les membres de notre Société à assister à
la réunion de Blois du 4 septembre 1884.
Lecture est donnée par M. le Président d’une
note sur un petit objet de bronze gallo-romain
parfaitement conservé, trouvé très-récemment
dans la commune de Chantenay.
Le similaire de ce • bronze ne se rencontre pas
dans nos musées; il mérite donc que nous en
fassions la description.
Cet objet, de (orme cylindro-conique, haut de six centi-
mètres, affecte la forme d’une gerbe de blé. Il se compose de
deux valves identiques qui s’entr’ouvrent au moyen d’une
charnière longitudinale.
L’intérieur présente le moule d’une petite gerbe de blé.
Quelle était la destination de cette petite boitte, capsula ou
receptaculum ?
Etait-ce un moule? Il ne pouvait alors recevoir pour la
reproduction du moulage qu’une matière malléable, comme
la cire ou l’argile.
On pourrait peut-être hasarder que cet objet a dû servir
au culte de Cérès.
Sur la partie externe on voit en relief la lettre C deux fois
répétée.
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- 86 -
Pourrait-on interpréter ces deux lettres par Cultus
Cereris ?
Ce n’est là qu'une conjecture fort osée.
Ce petit monumentum est entre les mains d’un membre
zélé de notre Société, M. Albéric Gonat.
M. le président Roubet et M. Ernest de Toytot
présentent M. Octave Roger, ancien magistrat,
chevalier de la Légion-d’ Honneur, et M. Henry
Ponroy, ancien sous-préfet.
M. l’abbé Boutillier et M. Régnier présentent
M. Davanture, maréchal-des-logis-chef de gendar-
merie à Nevers ; M. l’abbé Boutillier et M. l’abbé
Soyer présentent M. Bruneau, curé de Maux,
comme membres de la Société.
Ces Messieurs sont admis.
M. l’abbé Boutillier termine la lecture de son
intéressant travail sur Y Histoire des gentils-
hommes verriers et de la verrerie de Nevers.
Le dernier chapitre est intitulé : Altare et
Nevers.
La Société vote , avec ses félicitations et ses
remercîments, l’impression spéciale de l’ouvrage
de M. l’abbé Boutillier, avec les planches qui s’y
rapportent. Le tirage à part sera de deux cents
exemplaires.
La Société décide qu’il y a lieu de commander
à la Monnaie, le plus tôt possible, une certaine
quantité de jetons d’argent de présence pour
opérer l’échange de dix jetons de bronze à ceux
qui en ont cette quantité. Il sera frappé quarante
jetons d’argent.
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— 87 —
La Société confirme le vote précédent au sujet
de l’échange des jetons de présence de bronze
contre un jeton d’argent, dont le principe avait
été mis en discussion. Il est maintenu qu’il faudra
dix jetons de bronze pour obtenir un jeton
d’argent.
M. le président Roubet lit une notice sur les
capitaines châtelains de Cufiy.
NOTICE NÉCROLOGIQUE
SUR LE DOCTEUR THOMAS.
Vous me permettrez , Messieurs, de retarder de quelques
instants vos travaux habituels pour rendre, au sein de notre
Société, un hommage de plus à la mémoire de notre tant
regretté collègue, M. le docteur Edmond Thomas.
Je ne vous entretiendrai pas ici de son habileté chirur-
gicale ni de sa dignité confraternelle. Cette partie si glorieuse
de sa vie sera rappelée dans une autre réunion. Je ne m’ar-
rêterai pas non plus sur les sentiments charitables de ce
favorisé de la fortune, qui savait faire de celle-ci un si noble
emploi. Vous savez tous, du reste, combien il en fut récom-
pensé ici-bas par l'estime générale de son vivant , et après sa
mort par le concours unanime de la population nivernaise
autour de son char funèbre, qui disparaissait sous un amon-
cellement de couronnes de laurier et de fleurs , témoignage
touchant de la reconnaissance publique.
Ce que je veux présenter à votre souvenir, à l’occasion de
cette fin si attristante, c’est que le docteur Thomas fut un
des ardents fondateurs de notre Société, qu’il joignait à
toutes les qualités , qui en firent l’homme exceptionnel que
chacun regrette, un goût éclairé pour les choses artistiques.
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— ss-
ii pouvait facilement satisfaire à ce charmant penchant, et
il réussit à grouper une collection d'amateur qui constitue
actuellement un véritable musée. Il se plaisait à en faire les
honneurs aux connaisseurs qui lui étaient présentés, et cet
accueil était toujours fait avec un gracieux empresse-
ment et une exquise courtoisie. Il s’était passionné depuis
longtemps pour les faïences, dont il possédait des spécimens
admirables. Il aimait les vieilles tapisseries, les bronzes, les
tableaux, les meubles anciens, les produits de nos verriers et
de nos émailleurs . et il avait une riche bibliothèque où la
place de prédilection était réservée aux livres concernant
notre histoire locale.
Enfin, il portait un vif intérêt à notre Société nivernaise,
dont il avait accompagné l’excursion de. 1873. Il suivait en
véritable érudit vos remarquables travaux et il en approuvait
la marche et les progrès. Le docteur Edmond Thomas était
donc, à tous ces titres, digne de notre respectueux hom-
mage.
D r SUBERT.
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ.
Bulletin de la Société historique et archéologique du
Périgord , tome IX, 3 « et 4* livraison.
Bulletin de la Société académique franco-hispano-portu-
gaise de Toulouse , tome III, 1882, n° 1.
Recueil des publications de la Société havraise d'études
diverses , 46 e année, 1879.
Annales de la Société des lettres , sciences et arts des
Alpes-Maritimes , tome VII, 1881. — A consulter, un docte
mémoire de M. Edmond Blanc : Tables de Vépigraphie
antique du département .
Mémoires de la Société d'agriculture , commerce , sciences
et arts du département de la Marne , année 1880-81. —
Volume rempli de mémoires importants : La Sépulture de
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- 8 9 -
Champignjr (Aube), première époque du fer, et Le Cimetière
mérovingien de l'Académie , par M. Auguste Nicaise; —
L'Église de Buison et sainte Posenne (beate Posinne vir -
ginis), d’après une inscription du onzième siècle, par M. le
chanoine Lucot ; — Cartulaire de l'abbaye de Saint-Pierre
d'Oyes, par M . le comte Édouard de Barthélemy, etc.
Bulletin de la Société d'études d'Avallon, trois volumes,
19 e , 20 et ai* année, 1878-1879^880. — Le troisième
volume contient un important rapport sur l’exploration des
tumulus de Rochiguard, commune de Blannay, accompagné
de planches.
LA VERRERIE D’APREMONT.
Les seigneuries de Neuvy-le-Barrois et d’Apremont, que
baignent les eaux de l'Ailier, faisaient partie de l'ancien
Nivernais. En 172 7, le comte Louis des Crots, capitaine des
galères du roi, vendait sa baronnie de Neuvy, à Pierre de
Frasnay, alors trésorier du roi à Nevers, où fleurissait
l’industrie de la faïence. Comme le nouveau seigneur avait
sous la main des artistes et des ouvriers , il songea à créer
dans l’enceinte même du château de Neuvy, une manufac-
ture qu’il célébra en vers et qui eut ses jours de prospérité.
Les seigneurs d’Apremont, voulant aussi mettre à profit le
cours propice de l'Ailier, en même temps que l'exploitation
de leurs bois : résolurent, vers la même époque, d’y créer un
établissement industriel, c'est-à-dire une verrerie.
Tel est l’objet de ce court mémoire.
La châtellenie d’Apremont avait été acquise, en 1722,
par Louis de Béthune- Pologne et par Marie-Françoise Poitier
de Gesvres de Thème, sa femme. En 1731, cette seigneurie
devenait la propriété exclusive de M m « de Béthune. C’est à
elle à qui est dû l’établissement de cette verrerie.
Elle s’adressa à cet effet à un habile ingénieur, nommé
t. 11, 3 * série. 7
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— 9<> —
Dubuisson, qui lui transmit tous les enseignements et
moyens pour conduire l’entreprise à bonne fin.
11 lui indiqua, pour la partie technique, un sieur de La
Fosse, qui devint le premier directeur de rétablissement.
11 fallut tout d’abord se pourvoir de privilèges royaux.
L’administration des eaux et forêts est consultée et donne
un avis préalable. Après quoi le bailliage de Saint- Pierre-le-
Moûtier fait procéder à une enquête de commodo et mcom-
modo .
« C’est une assez longue procédure, sujette à bien des
atermoiements, écrivait alors Dubuisson ; il est visible que
ces formalités, dites nécessaires, n’ont lieu que pour donner
à Messieurs du Parlement de quoi gruger ; les supprimer
serait tirer sur les pigeons de son colombier. »
Bref, le 3 juillet 1752 , Blanzat, conseiller du roi au bail-
liage de Saint-Pierre, se transportait à fin d’information parti-
culière et générale et de dresser son procès-verbal de commo-
dité ou d’incommodité.
Paimi les témoins assignés, nous voyons Jean-Marie
Colin , juge de la prévôté de Sancoins , qui déclare devant le
commissaire délégué « — qu’il y a utilité ; — que l’établis-
sement sera très-appréciable pour beaucoup de gens qui se
trouvent sans travail, ont peine à vivre, et qui, par suite,
pourront plus facilement payer leurs tailles. »
Comme on doit le présumer, des lettres-patentes furent
obtenues avec tous les privilèges que Henri IV avait
octroyés aux verriers, et que treize siècles avant lui Constantin
avait promulgués en leur accordant le titre d'ingenui ,
hommes libres.
La verrerie d’Apremont prit donc le nom de Verrerie
royale.
Pendant que s’accomplissaient ces formalités administra-
tives, les aménagements et préparatifs pour la prochaine
exploitation suivaient leur cours.
Au pied des remparts en terre-plein du château, près de la
rive de l’Ailier, on construisait des fours, de vastes halles et
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— 9i —
magasins, des bâtiments destinés à la pillerie , à la poterie .
On demandait du sable à Nemours et des terres réfractaires
à la Bouchatte, près Saint-Amand-Montrond ; et comme les
cendres neuves ne paraissaient point devoir être recueillies
en suffisante quantité, on se précautionnait de soude aux
bords de l'Océan.
Tous ces approvisionnements, avait écrit Dubuisson, sont
essentiels, mais il convient de ne point négliger les autres,
qui sont infinis et vétillards.
La verrerie devait fabriquer à la fois des bouteilles , du
cristal et du verre blanc : tiseurs, fondeurs, potiers, tamiseurs
et grands-garçons se mirent à l’œuvre.
Parmi les potiers nous trouvons deux frères, Pierre et
François Semel ; ils sont du pays de Lorraine. Nous rencon-
trons Krine , ouvrier en bouteilles ; Stander, ouvier en verre
blanc ; ScherfF, ouvrier en cristal , et Keser, ouvrier salinier.
Bientôt, les ouvriers verriers fabriquaient un lustre des
plus merveilleux , pour en faire don à l’église Notre-Dame
d’Apremont. Plus tard , Alexandre André offrait une lampe
en cristal à la chapelle du bourg. C’est devant cette chapelle
que, dans une rixe arrivée le 16 octobre 1753, avait été tué
un malheureux tiseur.
Le directeur de La Fosse avait été remplacé par Jean
Letard ; celui-ci mourut à Apremont le 25 juin 1734.
Son successeur fut Nicolas Perrin , qui décédait le 1 1 dé-
cembre 1755, et était inhumé dans l'église, à côté de Jean
Letard. Il était du pays de Lorraine.
Après Nicolas Perrin nous trouvons Nicolas Philibert, qui
mourut à Apremont en 1761.
la comtesse de Béthune étant décédée à Paris le
25 août 1764, son fils, Joachim-Casimir- Léon , comte de
Béthune, maréchal des camps et chevalier d’honneur de
Adélaïde de France, devint possesseur de la terre d'Apre-
mont.
Il choisit pour directeur de la verrerie Charles-Joseph de
Rupt, avec lequel il fit un traité le 28 juin 1766.
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— 9 ? —
Aux termes de ce traité, le fonds d’association était fixé à la
somme de 24,000 livres. Le propriétaire entrait pour deux
tiers et le directeur pour un tiers dans les bénéfices de
l’exploitation.
Un jour de la fête de l’Épiphanie, de Rupt se présente à
l’église si excentriquement encapuchonné, que les assistants
ne purent tenir leur sérieux. Et le curé, sans doute pour
transmettre à la postérité le fait local , laissa tracer sur le
registre de la paroisse le portrait, peu flatté, du directeur,
avec cette mention textuelle :
« Un monsieur à perruque rousse , dont la figure est ici
tirée au naturel , s’est avisé de venir ainsi bâti à la messe.
Monstrum horrendum ingens , s’écria saint Roch , qui mit
son chien après luy. »
On ne devait guère s'attendre à voir saint Roch en cette
affaire !
De Rupt mourut à Apremont, le 22 octobre 1769.
§
C’est à cette époque que nous trouvons libellé le réglement
alors en vigueur dans la verrerie.
En voici la teneur :
% 11 ne faut jamais, autant que possible, détourner un
ouvrier de sa besogne.
» S’il arrivait qu’un ouvrier s’enivrât , l'autre ouvrier qui
fera son ouvrage jouira de sa paye, et les deniers lui en seront
comptés.
» S’il est possible, point de femmes dans une verrerie.
* Il faut éviter autant que possible de battre les tiseurs ;
mais s’il on en était réduit à certaine extrémité, il faudra
les rosser ou les faire mettre au pain et à l’eau.
» S’il arrivait qu’un ouvrier maltraitât un autre ouvrier
dans l’enceinte de la verrerie qu dans la verrerie, il sera con-
damné à dix livres d’amende ; s’il le blêmit, on retiendra de
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- 93 -
quoi payer le chirurgien ; et s’il était hors d’état de trayailler,
on mettra un hommç aux dépens de celui qui aura fait la
blessure.
» Si un ouvrier tirait l’épée dans l’enceinte de la verrerie
contre un autre ouvrier qui n’en aurait pas, il payera trente
livres d’amende et sera mis en prison, et même renvoyé.
• On fournira l’ustensile à tous les ouvriers; mais, à
l’égard de ceux qui ont des femmes, on pourra s'en dispenser.
On fournira des marmites aux tiseurs et fondeurs, et même
aux maîtres quand ils ne sont point mariés. »
Il arrivait parfois que des gamins s'avisaient de dérober
quelques-unes des bouteilles entassées sur le port en attendant
leur embarquement. On avait coutume alors de condamner le
délinquant à quelques heures de pilori. Ce pilori était situé
tout près de la verrerie , sur la berge d’un petit ruisseau qui
traverse le bourg , et qui se nomme encore le ruisseau du
Pilouri. Cette justice sommaire, exempte de trop longue
procédure, réjouissait fort les jeunes tiseurs qui, mettant en
main du coupable la bouteille dérobée, s’en venaient chanter
devant lui ce refrain si connu :
Si tu la casses tu seras pendu.
En 1775, Robert de Brossard, écuyer, sieur de Bois-
Mallet, devint maître de la verrerie d'Apremont. Veuf de
dame Jeanne-Françoise Genest, il épousait en 1777 demoi-
selle Angélique-Cécile-Louise Noël de Prémaret, fille de
Pierre de Prémaret, chevalier de Saint-J ean-de-Latran et de
l'Éperon-d'Or, et de Louise-Françoise Walle.
La famille de Brossard avait fourni dès longtemps des
directeurs verriers à beaucoup d'établissements. Bois-Mallet,
dont elle avait pris le nom seigneurial, est situé en Norman-
die, et dès 1 3 1 3 on y signalait une verrerie en activité.
En 1561, Mathieu Brossard faisait un traité avec le sire de
Roussillon pour l’établissement d’une verrerie à Gien-sur-
Cure, en Nivernais.
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— 94 —
Pour l'exploitation de la verrerie royale d’Apremont ,
Robert de Brossard avait associé avec lui son fils, Jean-
Nicolas de Brossard, ancien lieutenant de cavalerie et gen-
darme du roi. Ils eurent successivement pour contre maîtres
Sifflet du Coudray et un sieur Jean Mathieu.
Ce fut à cette époque que la verrerie atteignit sa plus grande
prospérité ; elle réclamait souvent des ouvriers à la verrerie
établie à Souvigny-en-Bourbonnais.
Mais des jours mauvais devaient bientôt préparer sa ruine.
Déjà, le 12 novembre 1790, une crue de l'Ailier, qui, en
même temps que celle de la Loire, dépassa en hauteur toutes
celles que mentionnaient les chroniques locales, vint sub-
merger le bourg d’Apremont. On circulait en batean dans les
rues, et les autorités , ainsi qu’elles l’ont mémorablement
mentionné , prirent sur elles de se mettre à Veau jusqu'aux
aisselles pour le sauvetage des personnes et de leur
mobilier.
Les fours de la verrerie se trouvèrent éteints par les eaux.
La perte des marchandises dépassa 2,000 livres.
Puis arriva la Révolution avec ses réquisitions. L’an II,
au mois de floréal, la verrerie était forcée de livrer ses chau-
dières pour le besoin de la salpêtrerie de Sancoins. Bientôt
l'exploitation des bois, des carrières et de la verrerie se trouva
forcément suspendue. Jean-Nicolas de Brossard était décrété
d’arrestation comme suspect ; il se cacha à Moulins , mais il
fut découvert et conduit à Lyon , où il perdit la vie, par le
motif sans doute qu’en faisant travailler à la fabrication du
verre la noblesse n’avait point dérogé.
Aujourd’hui, l’existence de la verrerie à Apremont n’est
plus qu'un souvenir lointain qui va s’effaçant tous les
jours.
L’an dernier, on vint m’avertir que des ouvriers, en pra-
tiquant les fondations d’un nouveau mur d’enceinte, avaient
rencontré des voûtes souterraines qui, sans doute, indiquaient
l’existence d’un primitif château. Je me rendis sur les lieux
et je reconnus le substructions des fours et fosses de l’an-
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— 95 —
cienne verrerie ; je pus au moins en rapporter une de ces
marmites dont il est fait mention dans le réglement que plus
haut nous avons restitué. L’antiquaire trouve qu'il n’y a
rien de négligeable: une prosaïque marmite, fortement
oxydée, revêtue des rugosités sablonneuses, voilà ce qui reste
de la verrerie royale d’Apremont.
APPENDICE.
Dés que nous avons mis le pied sur le sol de l’ancien
Nivernais, entre Loire et Allier, il peut être à propos de
mentionner que dans la commune de Torteron, ci-devant
paroisse de Patinges, il existe un domaine qui porte le nom
de la Verrerie.
Il va sans dire que ce domaine faisait autrefois partie du
couvent de Fontmorigny ; or, comme les moines avaient
déjà créé près de l’abbaye un fourneau pour la fonte du fer,
la tradition vulgaire laissait supposer qu’ils avaient aussi
établi une verrerie sur leurs terres. Il n’en est rien. Benjamin
Fillon raconte, dans son excellente étude sur V Ancienne
fabrication du verre en Poitou , que beaucoup de localités
ont des noms, avec la même consonnance que verrerie , sans
pour cela indiquer un lieu où se fabriquât le verre. C’est
ainsi que verrie ou verria rappelle la dénomination, dans le
principe, d’une simple étable à porcs, à verrats . Telle doit
être l’origine du nom du domaine de la Verrerie, commune
de Torteron. Nous ferons observer que dans les bois d’alen-
tour, au douzième siècle, l'abbaye de Fontmorigny avait
droit d’envoyer pacager jusqu’à concurrence de deux cents
chefs de porcs au moment de la glandée.
Nous ajouterons encore, pour terminer, qu’il y a vingt
ans , dans la commune du Chautay, en creusant un caveau
dans la cour d’une maison située proche l'église, les ouvriers
rejetèrent parmi les déblais une si grande quantité de frag-
ments de verres à boire, qu’il fallut bien conjecturer que sur
cet emplacement il avait été autrefois établi une petite
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— 96 —
fabrique de verroterie blanche. Nous avons remarqué que
tous ces verres étaient pédiculés, et parmi leurs débris nous
avons recueilli les fragments d’une coupe à boire remarquable
par son galbe archaïque. Le pourtour était orné de trois
minces filets en émail blanc; la vasque côtelée en coquille
était rehaussée sur chaque côte de points perlés de même
émail.
Nous avons aussi recueilli une pierre cubique de dix
pouces de côté, offrant sur toutes ses faces des cavités peu
profondes et de différentes grandeurs. Assurément, ces cavités
servaient à recevoir le verre incandescent avant d’être soufflé
par la canne ou chalumeau de l’ouvrier.
Nous supposons que cette petite fabrique vint s’établir au
Chautay au seizième siècle; c’est à cette époque , au surplus ,
que de nombreux établissements similaires ont été signalés
dans la province du Berry; elle a dû aussi peut-être se
trouver favorisée spécialement par le chapitre de Sainte-
Croix d’Orléans, auquel appartenait alors la seigneurie du
Chautay.
L. ROUBET.
SÉANCE DU 31 JUILLET 1884.
Présidence de M. Roubet.
Étaient présents: MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice -président ; Ernest de
Toytot , secrétaire ; Canat, conservateur du
musée ; de Villefosse, le docteur Subert, l’abbé
Pot, Le Blanc - Bellevaux , de Rosemont, de
Flamare, Marandat, Hippolyte Blanc, l’abbé
Soyer, Duminy.
M. le docteur Subert dépose sur le bureau , à
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- 97 -
titre d’hommage, le rapport des conseils d’hygiène
de la Nièvre.
M. l’abbé Boutillier et M. l’abbé Cadeau , curé
de Livry, proposent comme membre de la Société
M. Auguste Bénard, instituteur-adjoint à Livry.
M. l’abbé Boutillier et M. Thévenin proposent
M. Paul Boutroux, propriétaire à Nevers.
Ces Messieurs sont admis.
Sur la demande de M. Canat , M. le Maire de
Nevers a bien voulu offrir au musée de la Porte-
du-Croux une statue trouvée dans les fondations
de l’hôtel de ville , un meneau et un chapiteau du
couvent des Cordeliers, dont il a été fait mention
précédemment ; enfin une tête en terre cuite ,
provenant, dit-on, de Saint-Etienne.
M. l’abbé Boutillier donne communication d’une
lettre de M« r Barbier de Montault au sujet
d’Anne de Prye, prieure de La Fermeté, sur
laquelle il a demandé quelques renseignements.
Me r Barbier de Montault nous offre un mémoire
sur un bréviaire manuscrit de ladite Anne de Prye,
qu’il nous propose d’insérer à notre Bulletin.
La Société adresse ses remerciements à Mon-
seigneur, mais elle pense que les usages du régle-
ment et les traditions ne nous permettent pas
d’imprimer un travail aussi long.
M. le Président donne lecture d’une lettre de
M. le Ministre de l’instruction publique annonçant
à la Société qu’une somme de 400 fr. lui est
accordée à titre d’encouragement pour ses travaux.
M. le président Roubet lit un compte-rendu du
t. u, 3* série. 8
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- 9 » -
congrès cinquantenaire de Poitiers. Il parle de
l’intérêt qui , au congrès , s’est attaché surtout aux
découvertes du Père de La Croix, le savant
archéologue de Poitiers , en particulier des subs-
tructions de Sanxay et de l’hypogée dit des
Dunes, lequel est situé dans le village même
de Poitiers.
SÉANCE DU 30 OCTOBRE 1884.
Présidence de M. Roubbt.
Étaient présents : MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice-président ; Canat, conser-
vateur du musée ; de Rosemont, l’abbé Crosnier,
de Villefosse, Duminy, bibliothécaire.
M. l’abbé Boutillier et M. le Président pro-
posent M. Charles Deton, rédacteur en chef du
Journal de Saône-et-Loire, à Mâcon ; M. l’abbé
Camus, curé de Saint-Éloi ; M. l’abbé Guille-
menot, chanoine honoraire de Nevers, curé-doyen
de Prémery.
M. de Villefosse et M. de Rosemont proposent
M. Robert de Mauduit, propriétaire aux Coqües,
commune de Chaulgnes.
Ces quatre Messieurs sont admis à l’unanimité.
Hommage est fait à la Société par M. l’abbé
Boutillier de son volume : Archives paroissiales
de Nevers ; par M. le docteur Fichot, de son
ouvrage médical intitulé : Causeries du docteur
Fichot.
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— 99 —
La parole est donnée à M. l'abbé Boutillier, qui
lit un rapport sur un manuscrit du dernier siècle à
lui communiqué par un de nos collègues, M. l'abbé
Hurault, curé de Saint-Pierre de Nevers.
Ce rapport mentionne plusieurs documents rela-
tifs à l'histoire religieuse ou politique de l'époque,
et concernant aussi le Nivernais, ainsi que plu-
sieurs pièces de vers de l'abbé Cassier, l’auteur
de la Roussillonnade , intéressant plus particu-
lièrement la Société. Ce rapport sera inséré au
Bulletin.
RECUEIL
DE DIFFÉRENTES PIÈCES CURIEUSES /
SUR DIVERS OBJETS.
Tel est le titre d’un grand registre in-folio, manuscrit du
siècle dernier, sans nom d’auteur ni indication d'origine,
mais certainement nivernais et très-probablement deClamecy,
comprenant 328 pages d’une écriture très-fine et très-serrée,
dont un de nos vénérables collègues et membres fondateurs,
M. l’abbé Hurault, curé de Saint-Pierre de Nevers, a bien
voulu nous faire présent pendant ces vacances.
A défaut des livres de familles si rares en Nivernais et qui, à
proprement parler, n’ont jamais été en usage parmi nous, il
n’est pas sans intérêt d’ouvrir ces recueils manuscrits, d’un
caractère moins intime, mais pourtant très- topique, où l’on
retrouve notés, non pas précisément au jour le jour, mais
selon les circonstances et sans ordre préconçu, à des dates
plus ou moins rapprochées, les faits religieux ou politiques,
les nouvelles littéraires, les événements de toutes sortes qui
impressionnaient plus vivement le public, et jusqu’aux
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IOO
variétés, aux jeux de mots, qui eurent leur jour de vogue.
Sans nul doute, l’histoire générale occupe dans ces pages la
part la plus considérable ; mais la chronique locale y trouve
aussi à recueillir une assez abondante moisson.
I.
Sous le rapport religieux, la question qui, durant la pre-
mière moitié du dix-huitième siècle et au-delà, passionna le
plus les esprits fut sans contredit l’hérésie du Jansénisme.
Nous ne sommes pas surpris de voir la plus grande partie du
volume consacrée à la copie de documents relatifs aux
Réflexions morales du Père Quesnel, à l’écrit intitulé : Cas
de conscience , et surtout aux doléances parfois très-acerbes
contre la célèbre bulle Unigenitus par laquelle le pape
Clément XI, après dix-huit mois d’examen, condamna
solennellement cent et une propositions extraites de ce
dernier ouvrage.
Le diocèse d'Auxerre, qui fut un des plus travaillés par le
Jansénisme, comprenait une partie du diocèse actuel de
Nevers, et entre autres paroisses Clamecy. Or, l'évêque de
Bethléem-les-Clamecy, dom Bernard La Taste, fut un des
antagonistes les plus redoutables qu’eurent à subir les jansé-
nistes, qui ne l'épargnèrent pas, le traitant de bête de
V Apocalypse, blasphémateur , diffamateur , écrivain forcené ,
auteur abominable d'impostures et d'ouvrages monstrueux ,
et publièrent contre lui plusieurs pamphlets. Notre recueil
en contient un intitulé :
Mandement de Monseigneur l'Évêque de Bethléem , tant
au sujet de la condamnation faite à Rome du livre des
Réflexions sur le Nouveau-Testament que du mandement de
Messeigneurs de Gap , Luqon et La Rochelle (i).
(i) Voir dans la belle Histoire de Vévêché de Bethléem, de notre
collègue M. Louis Chevalier-Lagénissière, 1872, l’article si intéres-
sant consacré à l’évêque Louis Bernard La Taste (pages 276-282).
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— 101 —
En voici le début :
Jacques , évéque de Bethléem (i) f
Suffragant de Jérusalem,
Aux gens de notre diocèse.
Gens comme nous mal à leur aise,
Espoir et consolation,
Salut et bénédiction.
Puisqu'à tout propos, sans synode ,
Les mandements sont à la mode,
Que Gap , La Rochelle et Luçon
Font aux cardinaux la leçon ;
Que dans Paris, jusqu'aux corniches,
Tout est rempli de leurs affiches ,
Et que, sans ce lustre, un prélat
Chez ses confrères n'est qu'un fat,
Comme eux je dois en conscience
Faire preuve de ma science.
Sachent donc tous que je proscris
De Jansénius les écrits ;
Contre luy tout prélat fidèle
Doit faire paraître son zèle...
Suivent plus d’une centaine de vers (il y en a en tout 1 68),
et enfin comme conclusion :
Fait et passé l'an précis
De Jésus mil sept cent dix ,
L'an de Jésus , non l'an de grâce ,
Erreur qu’encore icy j’efface :
La grâce se prend de plus haut.
Soit donc ce calcul corrigé
Par le peuple et par le clergé ,
Menaçons de notre disgrâce
Quiconque dira l'an de grâce.
(i) Pourquoi ce prénom inconnu d t Jacques? M. Chevalier-Lagé-
nissière nous apprend dans une note de la page 280 que les Jansénistes
avaient, sous le nom supposé d'un évêque de Bethléem , fait paraître
un premier pamphlet contre les adversaires des doctrines du P. Quesnel.
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— 102 —
Fait encore un coup Pan précis
De Jésus mil sept cent dix,
Signé Jacques, et plus bas Hilaire,
De Monseigneur le secrétaire.
Le diocèse de Nevers, sans être aux mains du parti jansé-
niste comme l’Auxerrois, avait eu pourévéque, de 1719 à
1740, Mgr Fontaine des Montées, prélat d’une inépuisable
charité (1) et d’une profonde piété, mais en même temps très,
ami des réformes liturgiques que les novateurs suscitaient
partout, sous le fallacieux prétexte de revenir à l’antiquité, en
réalité dans le dessein perfide de propager leurs erreurs et de
les insinuer jusque dans la prière publique de PÉglise. C’est
ce prélat qui fit imprimer les bréviaires, missels et livres de
chant nivernais que l’on retrouve encore dans bon nombre
de sacristies du diocèse. Il s’était fait aider dans la rédaction
de ces nouveaux livres par le célèbre janséniste Le Brun des
Marettes, surnommé le sieur de Mauléon. Le docte abbé
Lebeuf, qui lui-même partageait ces erreurs, le dit formelle-
ment dans une de ses lettres (2), adressée le 11 mai 1725 à
l’abbé Charles-Henri Fenel , doyen du chapitre de Sens :
c J’aurai l’honneur de vous dire, Monsieur, qu’étant allé à
Donzy, petite ville de ce diocèse , sur le chemin de Nevers,
j’ai poussé jusqu’à Nevers pour y voir le savant ecclésiastique
qui travaille au bréviaire avec Mgr l’Évêque de cette ville,
attendu qu’il est déjà sur l’âge et accablé d’infirmités. Ce
vénérable acolyte a la même part dans la composition du
bréviaire de Nevers que j'ai dans celui que vous savez. Mais
comme l’évêque de ce lieu est asse\ particulier dans ses ma-
nières le public neconnaît dece qui se passeque ce qu’il veut. »
(1) Pendant Phiver si rigoureux de 1729, il fit allumer de grands
feux devant la porte de son palais, et, tous les jours, tant que dura le
froid, il fit des distributions de comestibles à plus de cinq cents pau-
vres. (Voir Parmentier et Mgr Crosnier, Histoire des Évêques de
Nevers.)
(2) Lettres de Pabbé Lebeuf, publiées par la Société des sciencss
historiques et naturelles de l’Yonne, 1867, t. I", p. 417.
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— io 3 —
Ces derniers mots indiquent une certaine mauvaise humeur
à l’endroit du prélat et donnent bien à entendre qu’il ne se
laissait pas dominer par le parti. Aussi, à sa mort, y eut-il
grand émoi parmi les partisans des nouvelles doctrines, et
l’on en retrouve l’écho dans un long article intitulé : Relation
de ce qui s'est passé à Nevers depuis la mort de M. Charles
Fontaine des Montées , évêque dudit Nevers , et inséré dans
les Nouvelles ecclésiastiques , journal clandestin imprimé sur
les fonds d’une caisse secrète longtemps dénommée la boite à
Perrette , du nom de la servante du célèbre Nicole, qui, par
testament, avait légué à cette caisse la somme de 40,000 fr. (1).
L’auteur de notre recueil n’a pas manqué de transcrire en
six longues pages cet article à sensation , où Ton voit tout le
dépit qu’inspirait la conduite des chanoines de Nevers : en
recevant la lettre de M. l'abbé Vrayer, archidiacre de leur
église et grand-vicaire du prélat, qui leur apprenait la mort
de Mgr des Montées, « on est fâché de ne pouvoir pas dire
que le chapitre de Nevers ait été affligé d’une nouvelle , si
triste en effet pour une compagnie ecclésiastique qui aurait
connu et senti ses vrais intérêts. Le diocèse perdait un évêque
qui avait du goût pour la bonne doctrine et encore plus
pour la paix. »
D'un autre côté, la lettre de M. le comte de Saint-Florentin,
secrétaire d’État , qui leur marquait , au nom du roi , de ne
nommer pour grands-vicaires ni appellans , ni réappellans ,
ni personne qui fût suspecte dans sa doctrine , « annonçait
assez clairement à cette église les suites fâcheuses d’une perte
qui, dans les conjonctures présentes, ne se répare point. Mais
ce chapitre est composé de telle sorte que ce qui est un si
grand mal aux yeux des personnes intelligentes et bien inten-
tionnées n’y a été regardé que comme un événement ou
indifférent ou même avantageux ».
(1) Nous avons entendu dire que la « boîte à Perrette 1 existe en-
core à Auxerre et que, sur les fonds de la caisse, sont soutenus
divers membres des anciennes familles jansénistes.
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— io4 —
Ces quelques mots donnent le ton de la relation et de quan-
tité d’autres documents, en prose ou en vers, d’une longueur
démesurée, comme certain poème, en vers plus que libres,
sur la constitution Unigenitus , intitulé : Philotanus , qui n’a
pas moins de i,o 36 vers (i) ; — un autre poème burlesque
de 582 vers, sous le titre de : Harangue des habitants de la
paroisse de Sarcelles à Mgr Christophe de Beaumont du
Repaire , archevêque de Paris , au sujet des affaires du
temps , imprimé à Aix, chez Jean-Baptiste Girard, rue de
Bret, à l’enseigne du Hérault, vis-à-vis le Tronc-Fleury,
M.DCC.LIV ; et qui commence par cette préface: c Ami
luiseur, j’avons ayeu l’honneur de ramager comme ça ce petit
compliment à Mgr l’Archevêque dès le 16 novembre 1752, et
je ne vous le baillons, ami luiseur, que pour vos étrennes de
sainte année 1754. Oh dame ! c’est que je ne tenons pas ici
notre mouleux ! Il demeure je ne sais où, quasiment au fin
bout du monde... Enfin à la parfin le via; j'espérons que l’y
ferez bonne accueillance et que vous en serez content : du
moins c’est de bon cœur que je vous le baillons. Queuqu’un
qui a magné notre compliment, l’a enjolivé de cartaines
petites broutilles qu’on appelle des notes...; pis il abouté
itou à la fin cartaines autres choses sur les évêques de Pou-
logne, qui, comme on voit, ne valont pas mieux que les
nôtres. Tout ça viant d’un homme qui n’est parguié pas
manchot, et par ainsi tout ça ne gâtera rian. Aguieu : joye,
santé et toujours bon appétit, ami luiseur. »
Enfin, quantité d’autres pièces du même genre qu’il serait
trop long d’énumérer. Laissons là le domaine religieux et
passons aux événements politiques.
(1) L’auteur explique en note que ce nom Philotanus est composé
de deux mots, dont le premier est grec ( philos , qui signifie ami) et le
second latin, et même français, anus ; je ne transcris pas toute cette
première note, suivie d’un très-grand nombre d'autres. Qu’on juge
par là de cet ignoble pamphlet !
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— io 5 —
II.
Les faits qui paraissent avoir le plus impressionné l’auteur
du recueil sont: premièrement, la mort du grand roi; il
relate, entre autres pièces historiques, la harangue de
Mgr le duc d'Orléans au Parlement, le 2 septembre 1715,
lendemain de la mort de Louis XIV, pour obtenir la
régence.
En second lieu, c’est le mariage du roi Louis XV à
Fontainebleau. Il nous donne la copie du discours prononcé
en cette circonstance, le 5 septembre 1725, par M. le cardinal
de Rohan, et des deux harangues du Parlement de Paris au
roi et à la reine sur leur mariage , avec la briève réponse
de la reine au Parlement :
t Je souhaiterois , Messieurs, qu’il me fût aussi aisé de
vous marquer ma reconnaissance pour l’attachement que
vous faites paroître aujourd’hui, qu’il m’est doux et naturel
de le sentir. » 1
En troisième lieu, la célèbre victoire remportée le 1 1 mai
1745 par Louis XV sur les Autrichiens, Anglais et Hollan-
dais, à Fontenay en Flandre, avait mis en verve tous les
faiseurs de vers ; l’auteur de notre recueil a pris plaisir à en
copier un nombre considérable. Il commence par une pièce
intitulée : Requête du curé de Fontenoy au roi . Elle est
précédée d’un court avertissement oü le sieur curé prévient
le public que si sa pièce paraît trop longue (224 vers) ou
trop négligée, c’est parce qu’il n’a été que trois heures à la
composer, la revoir, la corriger et l’écrire. En résumé, le
bon curé raconte qu’
On vante déjà Fontenoi ,
Et le village avec le roy
Sera célébré dans l’histoire.
Mais à quoi sert un nom pompeux
Sans l’avantage des richesses ?
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— io6 —
Je suis le crésus du village
Et ma cure vaut cent écus :
Ce sont de faibles revenus ;
Puisque, grâce à votre courage,
Je deviens un grand personnage ;
Tous les jours mille curieux
Viennent en foule dans ces lieux ,
Voir le siège de votre gloire ;
Il me faut, comme je le puis ,
Faire les honneurs du pays,
Les gîter, leur donner à boire.
Les fonds du pauvre bénéfice
Seront bientôt anéantis
Si vous ne formez un hospice
Où on les hauberge gratis :
Ou bien , augmentant ma dépense ,
Augmentez donc mon revenu...
Et, continuant sur un ton de plus en plus familier :
Vous ferez bientôt mon affaire.
Car vous verrez qu’entre nous deux
Il reste un petit compte à faire;
Lorsque les morts sont enterrés ,
Il revient des droits aux curés.
Or, on a fait, dans mon domaine ,
Plus de huit mille enterrements
Dont, à douze francs la douzaine.
Il m'appartient huit mille francs ;
En les mettant l’un portant l’autre,
Vous voyez que c’est bon marché.
Après la requête du curé suivent les vers du vicaire de
Fontenoy sur la même bataille ; il veut aussi ,
Sans parler la langue des dieux
Et faire des vers pompeux ,
Qu’en écoutant souvent on baille ,
... Vaille que vaille ,
Célébrer son roy glorieux !
Et répéter...
Vive Louis victorieux !
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— 107 ~
Puis vient VEpitre du sieur Aubert , maître d'école de
Fontenoy, sur les victoires du roy :
... Je me trouve poète au seul désir de l’être :
Voici le temps heureux , Louis n’a qu’à paraître ,
Son aspect en héros change tous les soldats...
Mais quel ton dois-je prendre ( Irai-je avec emphase
Des bulletins du camp rimer la paraphrase,
Amonceler des noms, découper des portraits
Et commencer un tout qui ne finit jamais?...
Moi qui n’ai point encore pris couleur au Parnasse ,
J’observe les acteurs pour y trouver ma place ;
J’ai rimé quelquefois des chansons pour Iris ;
Même à Toulouse, à Caen j’ai disputé des prix ;
Mais je connais fort peu les détails militaires.
Et le brave instituteur se résigne au silence après s’être écrié :
O muse! fais un pacte avec la vérité,
Garde-toy de risquer un récit contesté...
Pauvres vers ! dira-t-on. Eh ! sans doute ; et il en est de
même de bien d'autres qui suivent, sans que le poème de
Voltaire qui les termine fasse exception; mais encore valent-
ils bien ceux qu’on lisait, avant la Révolution, à Nevers, sur
l’arc de triomphe élevé en 1746 à la place de l’ancienne porte
de Paris. Sur le fronton extérieur on lisait :
Au grand homme modeste, au plus doux des vainqueurs,
Au père de l’État, au maître de nos cœurs.
et sur le fronton intérieur :
A ce grand monument qu’éleva l’abondance.
Reconnaissez Nevers et jugez de la France.
Je ne parle pas des vers qu'on lit encore sous l’intrados du
monument :
Dans ces temps fortunés de gloire et de puissance,
Où Ix>uis répandant les bienfaits et l’effroy,
Triomphoit des Anglois aux champs de Fontenoy...
Les peuples de Nevers en ces jours de victoire
Ont voulu signaler leur bonheur et sa gloire...
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Ces vers qu’on prendrait, observe avec raison M. de Sainte-
marie, pour l’ouvrage d’un écolier de rhétorique, sont cepen-
dant de Voltaire, à qui les échevins les payèrent cent louis.
Enfin, l’auteur s’arrête aussi très-longuement à transcrire en
une vingtaine de pages tous les documents relatifs à la tentative
d’assassinat du roi Louis XV, le 5 janvier 1757, à la mise à
la question et au supplice de Damiens , convaincu du crime
de lèse-majesté divine et humaine au premier chef, pour le
très-méchant , très-abominable et très-détestable parricide
commis sur la personne du roi.
III.
Passons maintenant aux pièces diverses , aux poésies qui
abondent dans le recueil, et surtout aux variétés nivernaises :
i° La Roussillonnade , sous le titre de : Description de
l'église et presbytère de Roussillon-en-Morvand , adressée à
l’abbé Goy, un des voisins de l’auteur et sans doute aussi son
confrère en poésie , ne pouvait échapper à notre copiste ; elle
s’y trouve, avec des variantes assez considérables du texte
publié par M. Cougny, professeur de rhétorique au collège
de Ne vers, d’après un manuscrit de l’auteur conservé à la
bibliothèque de la ville (1). Le nouveau texte est d’ailleurs
bien préférable; on en jugera par ces premiers vers , dont
nous mettons les deux copies en regard :
TEXTE MANUSCRIT.
Ami, dont la verve facile,
En adorant de l'Évangile
La divine simplicité.
Sait, dessous la poudre et l’argile
D'une chrétienne humilité,
Couvrir l’or et la pureté
De l'éloquence et du beau style :
Toi qui, dans tes moindres écrits
Avec tant de grâce t'exprime ;
TEXTE IMPRIMÉ.
Ami dont la muse facile
En adorant de l'Évangile
La sublime simplicité,
Fait voir en toute humilité
Les trésors d’un esprit fertile
Parés des ornements du style
Et des charmes d'une piété
Libre de la chaîne servile
Que le bigotisme imbécile
(1) Almanach de la Nièvre de 1846.
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— io9 —
Qui , suivant l'ancienne maxime
De ne chercher que le mépris ,
As négligé l'art et la rime
De peur d’en emporter le prix ;
Toi qui, par l'oraison sublime,
Concitoyen des saints esprits.
Au bon goût joins la grâce intime
Du Dieu dont ton cœur est épris...
Couvre du plus auguste nom ;
Toi dont le cœur sensible et bon
En si doux langage s'exprime;
Qui, suivant l'austère maxime
De ne point chercher le renom ,
As négligé l'art de la rime
De peur d'en emporter le prix ;
Toi qui, par l'oraison sublime...
2° Plus loin (folio 274 du recueil) se trouve une autre pièce
de vers de l’abbé Cassier, extraite du deuxième volume du
Mercure , de janvier 1756 ; elle est signée : Par un curé des
Amognes en Nivernois , le 12 décembre ij55. Comme tout
le monde ne possède pas la collection du Mercure , et que
cette pièce est d'ailleurs remarquable, nous la transcrivons à
notre tour ; elle est intitulée :
VERS
A M. Monin , secrétaire de Son A Itesse Sérénissime Mons r le prince
de Conty (1).
Sage secrétaire d’un prince
Qui t'estime et qui te chéris ;
Toi qui des bords lointains d'une obscure province,
Sur les ailes de ton esprit ,
As sçu, si jeune encore, prendre un essor sublime,
Et poussé d'une noble ardeur,
T'élever, sans guide, à la cime
De la fortune et de l’honneur;
Toi, de qui les talens aussi brillants qu'utiles ,
Connus, éprouvés tant de fois,
Dans une cour féconde en connoisseurs habiles.
T'ouvrent le cœur des grands et l'oreille des rois ;
Toi, qu'à Paris enfin, au sein de la mollesse,
Des plaisirs et des jeux la troupe enchanteresse
Poursuit partout, flatte, caresse,
Obsède, et peut-être séduit;
(1) M. Monin était compatriote de l'abbé Cassier, né comme lui à
Château-Chinon. {Almanach de la Nièvre de 1846, II* partie, biblio-
graphie nivernaise : l'abbé Cassier.)
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— IIO —
Quoi ! tu penses à moi , moi curé de village ,
Et curé du plus bas étage (il,
Qui, sous le toit rampant d’un rustique ermitage,
Qu’habitent la faim et l’ennui ,
Dans une ignorance profonde
De Paris, de l’Europe et du reste du monde,
Croyois n’être connu dans la machine ronde
Que du seul receveur de notre don gratuit.
Quoy ! Monin, tu voudrois, par ton puissant appui,
M’arrachant de ce lieu de peine et de souffrance ,
Me procurer ailleurs, avec un peu d’aisance,
Le mérite flatteur d’observer l’abstinence,
Et de gagner le paradis
Sans le secours de l’indigence !
Oh ! cher Monin , tes vœux sont accomplis !
Ton souvenir, ta bienveillance,
Sont pour moi d’un aussi grand prix
Que le meilleur bénéfice de France.
Le rédacteur du Mercure ajoutait en note : Si l’on mesure
la bonté du bénéfice à celle des vers qu’on vient de lire, nous
croyons que ce curé doit être pourvu d’un bon prieuré.
3 ° Une autre pièce encore, plus que grivoise, se lit au
folio 178, sous ce titre : Le Pater du Jaloux .
Voici le premier seulement de ses dix-huit quatrains :
A quels maux dans l’hymen ne suis-je pas en proye!
Longtemps je me suis tu , je veux enfin parler :
Je ne puis seulement goûter la faible joie
D’entendre à mes côtés des enfants m’appeler
Pater Noster.
(1) Après avoir été curé de Saint-Maurice-les-Saint-Saulge, puis de
Roussillon-en-Morvand , notre poète était alors curé de Saint-Sulpice-
aux-Amognes. Plus tard, grâce au zèle de ses puissants protecteurs, il
devint curé de Prémery et y demeura jusqu’au jour où , grâce à son
ami, M. Monin , il fut appelé auprès du prince de Conti pour diriger
l’éducation du jeune comte de La Marche, son fils. 11 mourut à Ne vers,
sur la paroisse Saint-Arigle, en 1772, et fut solennellement inhumé le
19 septembre. Messieurs du chapitre avaient délégué quatre d'entre
eux pour porter les quatre coins du poêle. (Voir Archives paroissiales
de Nevers, p. 347.)
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III —
L'auteur, curé de campagne du Nivernais, était l'ami des
Pères Minimes de Nevers, chez qui il avait même prononcé,
le 2 avril 1740, le panégyrique de saint François de Paule^
11 fut de ce chef, et pour sa paraphrase impie, — à ce que
rapporte le rédacteur des Nouvelles ecclésiastiques , —
dénoncé par MM. les Grands - Vicaires du chapitre de
Nevers à M. le Cardinal-Ministre, qui ordonna au provincial
des Minimes de retirer le Père correcteur de Nevers, et fit
reléguer le curé au séminaire. Le poète se vengea par dix-
sept autres quatrains intitulés :
Pénitence de Vauteur du Pater du Jaloux .
Maudit Phébus, maudite rime,
Pour toujours, je vous dis à Dieu.
Vous m’avez fait commettre un crime ,
Je n’ose plus nommer mon Dieu
Pater noster.
Sur l’Oraison dominicale
J’ai mal écrit, j’en fais l’aveu.
Mais une furie infernale
Par moi profanoit de ce jeu
Nomen tuum.
Maudit Phébus, je le répète.
Par tes dangereuses leçons
Tu corromps l’âme la mieux faite,
Va donc dire ailleurs tes chansons
Et ne nos inducas in tentationem.
Délivré de ta servitude ,
Mon esprit fait un autre choix;
Et dorénavant son étude
Est d’adorer le Roi des rois.
Amen.
Parmi une quantité d’autres extraits du Mercure et de
divers ouvrages poétiques alors en renom, d'inscriptions
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françaises et latines , de fables choisies , de variétés de toute
sorte, citons encore ces deux vers que messire Étienne
Blayet, curé d’Apremont, avait graffités en 1751, ainsi que
nous l’a appris notre président (1), sur la porte du pavillon
bâti au milieu de la vigne de son presbytère, mais qu’il avait
sans doute copiés à Nevers :
Intus et exterius donantur munera solis.
Exterius gratis. Gratis nunquam intus habentur.
Notre copiste observe, en effet, que cette inscription « étoit
anciennement sur le frontispice du grenier à sel de Nevers ».
Nous terminerons, si la Société le permet , par une des
dernières pièces du recueil. C’est un fragment de l'ode bien
connue et toujours si admirée de Lefranc de Pompignan sur la
mort de Jean-Baptiste Rousseau. L’auteur du manuscrit le
fait précéder de ce titre, qui n’a d’ailleurs rien perdu de son
actualité : « Vers que l’on peut bien appliquer à ces philo-
sophes modernes, blasphémateurs ignorants. »
Le Nil a vu sur ses rivages
De noirs habitants des déserts
Insulter par leurs cris sauvages
L’astre éclatant de l’univers.
Cris impuissants ! fureurs bizarres !
Tandis que ces monstres barbares
Poussoient d’insolentes clameurs.
Le Dieu poursuivant sa carrière
Versoit des torrents de lumière
Sur ces obscurs blasphémateurs.
Coulanges, octobre 1884.
F. BOUT 1 LLIER.
( 1 j Epigraphie historiale du canton de La Guerche , par Louis
Roubet, p. 93, et Bulletin de la Société nivernaise t 2* série, t. VI,
p. 233 .
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HISTOIRE
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I des
GENTILSHOMMES VERRIERS
ET
DE LA VERRERIE DE NEVERS.
CHAPITRE I".
PREMIÈRE ÉPOQUE.
Jacques SARODE, premier maître de la verrerie de Nevers.
( Seconde moitié du XVI» siècle. )
Établissement d’une verrerie de cristal à Nevers sous Henri IV ; — il
est fait mention, dans l’épître dédicatoire de Gaston de Claves, en
1590 , au duc Louis de Gonzague, des artifices artis viirariœ fixés à
Nevers avec les faïenciers et les émailleurs; — on les rencontre, dès
i585, sur les registres de la paroisse Saint-Laurent; — le seigneur
Jacques Sarode et sa famille; — il fait enregistrer par les échevins
de Nevers les privilèges royaux en faveur des gentilshommes ver-
riers; — originaires d’Italie, les Sarode sont à Lyon, puis à Melun,
avant de se fixer à Nevers ; — dans le même temps les maîtres
potiers du nom de Gambin , eux aussi Italiens, sont à Lyon, puis à
Nevers ; — Jacques Sarode va fonder une verrerie à Paris; il laisse
pour lui succéder à Nevers son neveu Horace Ponté et son frère
Vincent Sarode; — offrandes de verres de cristal raffiné faites par
les échevins aux rois, princes et grands seigneurs de passage en
notre ville; — Altare, au pays de Montferrat, est le lieu de naissance
des Sarode; preuves de leur noblesse.
Un vieil auteur contemporain d'Henri IV, racontant
X Histoire de la Paix sous le règne du très-chrestien roy
t. h, 3* série. y
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de France et de Navarre , exprime en quelques lignes, d'une
concision pleine de charme , comment son héros s’empressa
d’employer les loisirs de la paix au rétablissement en son
royaume des manufactures et industries , et notamment des
verreries de cristal qui « se font d'ordinaire par les estran-
gers », mais comment en particulier il avait été devancé par
le duc de Nevers.
c Encore un autre embellissement, dit-il (i), s’est recom-
mencé des verreries de crystal , à la façon de ceux de Venise,
qui, ayant esté commencé par grande solemnité à Saint-
Germain-en-Laye, du temps du roy Henri second, et continué
jusques-à Charles IX, néantmoins s’est depuis intermis et du
tout cessé finalement, pour ce qu’il falloit que tous biens
revinssent au roy victorieux de tous troubles et empesche-
ments, pour faire revivre et régner un chacun art en sa propre
splendeur et le ramener à sa perfection la plus grande qui se
puisse.
» Le duc de Nevers deffunct en donna au roy les mouve -
mens premiers , lequel aussi en sa maison de Nevers avoit
recommencé ledict artifice , non-seulement pour les verres
de crystal , mais pour les couleurs de topase , esmeraudes ,
iacintes, aigues marines et autres jolivete^, qui approchent
du naturel des pièces vrayes orientales. C'est asse\ pour
ceste heure parlé de ces manufactures (2). »
En vérité , cette brillante description nous fait regretter
que l’auteur, « très-humble et très-fidèle serviteur domestique
(1) Il vient d’être question des manufactures de soye d'or et d’argent
et de l’établissement des pépinières de meuriers . ( Chronologie septé-
naire de l’Histoire de la Paix entre les roys de France et d’Espagne ,
de i5g8 à 1604. 2* édition, à Paris, chez Jean Richer, rue Saint-
Jean-de-Latran, à l’Arbre-Verdoyant. 1606; fol. 409-10.)
(2) Livre V* de V Histoire de la Paix , p. 371, verso, à 376. —
L'auteur est Pierre-Victor- Pal ma Caiet ou Cayet, dont la vie fut très-
orageuse. Né. de parents catholiques, il avait embrassé le calvinisme,
puis il rentra dans le sein de l’Église à Paris, en 1 596.
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de Sa Majesté », comme il se qualifie lui-mên^, et qui paraît
d’ailleurs avoir été fort bien renseigné sur les faits et gestes
de nos princes, car il se plaît à raconter en grands détails
tout le voyage du duc Charles en Tannée 1602, pour le siège
de Bude, en Hongrie, n’ait pu trouver t l’heure » de revenir
sur ce sujet avant de terminer son curieux ouvrage.
Toutefois, dès 1590, un autre auteur originaire de notre
province, Gaston de Claves, félicitait l’illustre prince Louis
de Gonzague, duc de Nivernais et de Rethel, d’avoir intro-
duit dans son duché trois arts nouveaux et distincts : les
verriers, artifices artis vitrariœ , les potiers, figulinœ , les
émailleurs, encausticœ , et il s’exprimait en ces termes pleins
d’enthousiasme , dans l’épître dédicatoire de son apologie
(Apologia Argiropeiœ et chrysopeiœ adversus Thomam
Erastum , Nivernis ):
« Parmi les hommes qui procurent la célébrité aux villes,
il faut compter les ingénieux artistes en toutes sortes d’arts.
C’est ainsi que les artistes habiles dans le travail de la verre-
rie, de la poterie et de l’émaillure, appelés par vos ordres ou
attirés par l’immunité des impôts, ont su produire d’excel-
lents ouvrages, non moins utiles à nos concitoyens qu’admi-
rables aux yeux des étrangers... Vous avez voulu que ces
hommes distingués vinssent contribuera l’ornement de votre
cité par leurs talents et par les édifices dont ils vont
l’embellir... (1) ».
Le duc de Gonzague, en effet, observe M. du Broc de
fi) Hinc vitrariœ y figulinœ et encausticœ artis artifices egregii, jussu
tuo accersiti... prœstantia opéra civibus tuis commoda magisque exteris
admiranda subministrant... Cette si curieuse épître, bien qu'imprimée à
Nevers, était demeurée introuvable jusqu'en ces dernières années, où
M. du Broc de Scgange eut l’heureuse fortune de la rencontrer dans
l'ouvrage anglais de Marryat : History of potery, p. 88, et de la publier
dans son magnifique volume sur la Faïence , les Faïenciers et les
Émflillenrs de Nevers, p. 56.
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Segange, malgré les agitations de la vie des camps, malgré
les graves préoccupations des affaires du temps , employait
toute son activité à naturaliser dans son duché les différents
arts qu’il avait vu briller d'un si vif éclat en Italie ; Nevers
était devenu le rendez-vous des hommes les plus distingués
par leur naissance et par leur savoir. Parmi les étrangers, les
Italiens occupaient naturellement le premier rang. Arrivés la
plupart en France à la suite des Médicis, ils devaient cher-
cher à se rapprocher d’un prince qui tenait à honneur de
propager dans ses États les magnificences artistiques de leur
commune patrie...
Et si maintenant, à l’exemple du savant historien de la
Faïence , des Faïenciers et des Émailleurs de Nevers , nous
allons tout d’abord, comme à une source féconde, chercher,
dans les anciens registres [des paroisses de la ville, la trace
oubliée de nos premiers artistes en l’art de verrerie , voici , à
l’ombre de l’antique église Saint- Laurent , dont le dernier
vestige vient de disparaître pour faire place à un marché
public, voici, au premierrang, le nomd’un Italien, hier encore
bien inconnu parmi nous : Jacques Sarode , lequel pourtant,
plus que celui des Gambin et des Conrade, a brillé d’un vif
éclat, non-seulement à Nevers , mais dans les plus grandes
villes de France.
Le curé de Saint- Laurent lui-même, il est vrai, ne connaît
pas, dès le début, d’une manière bien exacte, le nom du
nouveau paroissien , de sa grande rue de la Tartre, il n’ose
du moins le transcrire. Une première fois, « le dymanche
après la Saint-Laurent 1585 », il se contente de cette vague
indication : « Feut baptizé ung filz des verriés nommé
Joseph; parrin le frère, — marreines la femme Guillaume
Conte et Rehaine Gairard. » Deux ans plus tard, le dimanche
20 août 1587, il écrit encore d’une façon indécise : « Feut
baptizé le fils du seigneur Jacques, verrier; combien qu’il
y avoit environ quinze jours que l’enfant estoit né, mais il
attendoit ung parrin nommé le seigneur Pierre et ung aultre
verrier nommé Baptiste. » L’enfant fut nommé Jehanni , sa
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marraine fut a une petite damoyselle que son père fait des
bacgues (?), ne scay le nom (i). »
Le 21 février 1590, le seigneur Jacques, qualifié du titre
de « maître-verrier », est parrain d’une fille de Reine
(Rehaine) More avec la femme de monsieur Roy; et Cathe-
rine Gambigne (sic), femme du maître potier, pour mar-
raines. Il l’est de nouveau, en 1591, avec l’autre verrier
Baptiste, d’un fils de Jacques Guillier; mais toujours point
de nom patronymique ! Cette même année (19 février 1591)
fut aussi baptisé un troisième fils du seigneur Jacques et de
sa femme... (le nom est resté en blanc), nommé Hugoné, et
« furent parrins ung verrier nommé Hector Borniol et
Thomas Pollet, mabrier; marrène Gilhberde Charisman-
trant; » — puis, le 6 avril 1594, est baptisé François, fils
du seigneur Jacques Sarrode (2) et de damoiselle Marguerite;
parrains : noble Martin Dyédes , émailleur, et Anthoine
Brisson; marraine, Françoise Curre; — et encore, le
16 octobre 1595 : a A esté baptizée la fille du seigneur
Jacques Sarrode, maître verrier de la verrerye de Nevers,
et de dame Margueritte sa femme. Ses parrin et marrenes
honorable homme maître Vincent Brisson , honeste femme
dame Estiennette M illin et honneste fille Catherine Pompe
{sic), et a nom Catherine. »
Le bon curé avait raison de craindre de fausser le nom de
ces nouveaux venus ; ici même, il fait erreur dans le nom
de la seconde marraine : ce n’est point « Pompe 1 qu’il faut
lire, mais « Ponté », nom italien aussi qui bientôt fixera tout
spécialement notre attention.
(1) Probablement un des premiers émailleurs, avec lesquels les
verriers furent, dès le principe, en constante relation, à raison de la
communauté de leurs travaux.
(2) Les comptes de la ville cependant le nomment antérieurement :
A la date du 19 juillet 1592, le receveur délivre au seigneur Jacques
Sarraulde... un mandat de 5 écus 20 sols a pour seize cens de mosle
(bois de moule), qu’il a livré pour les gardes de ceste ville ». Le reçu
est signé : Jacobo Sarodo.
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Le 5 août 1597 et le 22 mai 1599, sont encore baptizés
deux autres fils de « honorable homme Jacques Sarrode et de
honnête femme Marguerite Sara. Le premier a nom Jehan (i) f
le second se nomme Françoys, et a pour parrains honorables
hommes Augustin Chorade, Françoys Sarode, et pour
marraine honnête femme Marie Carpantier. »
Dès-lors il n’est plus question du « seigneur Jacques », qui
semble avoir quitté Nevers... Mais le gentilhomme verrier
n’était point venu seul en notre ville. Comme nos premiers
faïenciers, il apparaît accompagné d’une famille nombreuse
de frères , beaux-frères et neveux , qui tous ont voulu suivre
sa fortune (2).
(1) C’est lui sans doute qui signe très-élégamment Jehan Sarodo ,
le 6 août 1610, comme parrain d’un fils du maître émailleur Gervais
Dupré, puis en 1614, 1618, 1625 ; qualifié d’abord d’honnête fils, il
porte dans ces derniers temps le titre de « seigneur Jehan ».
(2) Nous devons à M. de Laugardière la communication d’une
curieuse généalogie de la famille Sarode, publiée dans le Dictionnaire
des familles de Vancien Poitou (tome II, 1840-1854). On y lit que
Jacques Sarode était fils d J Antoine Sarode , marié le 25 juin 1 55 1 à
Marguerite Ponté (son frère Jo^et et son cousin germain Pierre Sarode,
écuyer, seigneur de la Voste, assistaient au mariage), et petit-fils de
Gassepard de Sarode , marié à Catherine Massard. Vincent Sarode ,
frère du seigneur Jacques, écuyer, seigneur de Mise-Grande, fut le
premier qui vint s’établir en France. Il épousa, le 24 novembre i 5 q 3 ,
Jeanne Babin, fille de Jean, écuyer, et d’Angélique de Buisson, qui
demeuraient à la verrerie de la Fosse-de-Nantes , et eut deux fils,
François et Étienne (on oublie Jérôme Sarode , dont il sera parlé au
chapitre suivant, dans deux actes de 1624). — Ce dernier, qualifié
seigneur de la Theurière, eut : d’un premier mariage avec Françoise
Cillard, veuve de feu noble homme Jean Gendron, seigneur de Drouil-
lay, Joseph , écuyer, seigneur de la Theurière, marié le 4 août 1682 à
Suzanne Varenne, fille de François, seigneur de la Lombardière, et de
Judith Thomelet, veuve de Sébastien de Brossard, écuyer, seigneur de
la Brosse ; d’un second mariage avec Julienne Perdrier, veuve de feu
François Morin, Charles , écuyer, seigneur du Baignon, qui épousa, le
3 i janvier 1687, Edmée de Varenne; Virgile- Joseph, marié le 26 oc-
tobre 1697 à Marie-Madeleine Chaumont, veuve de Jacques Massard.
— De ce mariage est issu Char les- Joseph, chevalier, seigneur de Bon-
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Et vraiment, avant de poursuivre notre récit, n’est-ce pas
faire acte de bonne justice que de consigner sur ces pages,
comme en un mémorial d’honneur, les noms des divers
membres de cette légion d’artistes qui, à l’appel d’un prince
d’une magnificence vraiment royale, étaient venus illustrer
notre cité ?
i° Vincent Sarode, frère de Jacques et son associé, c ung
des maistres de la verrière de ceste ville ». Il est une première
fois parrain, le io février i SgS, d’un fils d’Étienne Doyard,
maître serrurier de la ville, et encore, le 28 septembre 1612,
d’un fils d’honorable homme Antoine Julyen; il signe cet
acte en italien : Vicencio Sarodo.
2 0 Benostin Sarode, parrain, le 27 janvier 1599, avec
honnête fille Catherine Ponté et Jeanne Grénetier, marraines,
d’une fille d’un certain Jehan, du pays de Sousse (?).
3 ° François Sarode, parrain, le 22 mai 1599, avec Augus-
tin Conrade et honnête femme Marie Carpentier, marraine,
du dernier fils du seigneur Jacques, qui portera ce même nom
de François et que nous retrouverons qualifié , non pas du
titre de honorable homme, réservé aux hommes mariés, mais
nœuvre, marié à Marie-Madeleine de La Touche-Limouzinière , d’où :
i* un fils, Joseph-Pierre , marié à demoiselle N. Beaulieu de La Man-
truère ; 2 0 Henri-Philippe , chevalier, seigneur de la Bignonnière, marié
en premières noces à Marie-Éléonore-Hector de Tirpoil, puis en 1772
à Rose-Marguerite Landois de La Gonterie, fille de Nicolas, seigneur
des Landrières, procureur fiscal de la baronnie des Essards, et de
Renée-Charlotte Houillon. — De ce dernier mariage sont issus quatre
filles et un fils, Henri-Joseph de Sarode, né le 22 juin 178 1, marié le
25 juillet 1812 à demoiselle Marie-Jeanne-Adelalde Baron de La
Fumoire, dont il eut trois fils et trois filles; la plus jeune, Virginie-
Hyacinthe-Adelaîde, est née le 2 janvier i 8 i 5 ; le précédent, Gustave-
Adolphe-Ferdinand, né le 3 août 1821, a épousé le 16 novembre 1845
demoiselle Euphrasie-Marie-Flavic Brilhouet de Montaigu.
Dans cette généalogie très-importante, puisqu’elle nous donne l'ori-
gine du seigneur Jacques, on remarquera qu’il n’est aucunement
question de sa descendance directe, qui, cependant, n’a point manqué
à Nevers.
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20
de honnête fils , parrain, à son tour, le 19 janvier 1617, avec
Gabrielle Brisson, marraine, d’une fille de Philbert Gyrard,
✓ puis, le 21 juin 1621, avec honnête fille Françoise Chasti-
gnier, marraine, d’un fils de Jean Besson, maître potier, et
encore, en 1625, d’un fils de Gervais Dupré, émailleur.
4 0 Marcoroli Sarodo , qui signe, le 16 juillet 1599, un
mandat délivré par les échevins au nom du seigneur Vincent,
et n’est connu que par ce seul acte.
5 0 Plusieurs parents de Jacques Sarode, encore en bas âge
à sa venue à Nevers, ne tardent pas à apparaître sur les regis-
tres de paroisse ou dans les contrats.
D’abord, honnête fils Mamfrein Sarode , parrain le 17 mai
1602 avec un autre honnête fils Jean Ponté, son cousin , et
Marguerite Sarode, sa cousine ou peut-être sa sœur, mar-
raine, de Jehan, fils d’Étienne Macet et d’Anne Morin. De
nouveau parrain, le 11 novembre 1 6 1 3 , pour le baptême
d’une fille de honorable homme Jehan Prestereau , « maître
esmailleur », et de honnête femme Marguerite de Ville, il
signe d’une façon très-nette et parfaitement lisible : Manfrin
Sarodo . On le retrouve de même le i ep octobre 1619.
Nous retrouvons aussi comme parrains , sur les registres
de la paroisse* Saint- Laurent : Antonio Sarodo , en 1604 et
1609; Hiromi Sarodo , en i6o9eti6i3; Andrea Sarod,
en 1626, etc.; — honnête fils Jacques Sarod est parrain à
Saint-Genest le i« r mai 1670; il signe : Jo Jacomo Sarodo
lui parino .
Un certain nombre de femmes du même nom de Sarode se
rencontrent aussi tout particulièrement dans les actes de
baptêmes : Le 14 juin 1597, Léonie Sarode , une sœur du
seigneur Jacques, est marraine avec dame Françoise Chorade
et son frère Jacobo Sarodo, de Jacquette, fille d’Etienne
Massé, et d’Anne Morin; elle l’est de nouveau en 1598, le
pénultième du mois de mai, avec dame Valentine Gambin et
honorable homme Horace Ponté, d’une fille de Michel
Seyton. Et, le i 3 août 1599, une fille de Vincent Parron
(sic), verrier, et de ladite Léonie Sarode, a pour parrain
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I 2 1 —
François Ponté et pour marraines Marie Sarode et dame
Françoyse Corade. Ce nom de Parron , qu’on ne rencontre
qu’une seule fois dans les actes de la paroisse Saint-Laurent,
n’est-il pas le résultat d’une mauvaise prononciation des
parrain et marraines, tous Italiens? Le vrai nom italien
pourrait être Perrotto Vicentio, dont on retrouve plusieurs
fois la signature sur des actes de 1 609 conservés dans les
minutes Charpy, aux archives de la chambre des notaires.
Puis c’est Marguerite Sarode , fille de défunt le seigneur
Vincent Sarode, marraine, le 25 janvier 1601, avec Augustin
Conrade, et le 17 mai 1602 avec honnête fils Jean Ponté. Le
3 juin 1606, c’est Catherine Sarode , marraine d’un fils de
Laurent Gambin, maître potier...; et le pénultième d’août
1611, un fils du maître émailleur Gervais Dupré a pour
parrain honorable homme Pierre Dubois . tailleur de
madame la Duchesse de Nevers, et pour marraine damoiselle
Julitte Sarode qui signe : Gulia Saroda.
Enfin, et pour terminer cette longue énumération, il faut
au moins rappeler les noms de Vincent Ponté, beau-frère du
seigneur Jacques, et A' Horace Ponté , son neveu et associé, qui
bientôt sera son successeur en qualité de maître de la verrerie
de Nevers. Lui aussi, d’ailleurs, se montre entouré, on a pu
le remarquer déjà, de plusieurs personnes de son nom. Dès
1599, François Ponté, dont un fils, du même nonl de
François (Francisco P ont a) , marié à Jehanne Roy, aura
lui-même un fils aussi nommé François, baptisé à Saint-
Laurent le i er septembre 1651; Catherine Ponté, sa sœur ;
Antoinette Ponté, en 1600; honnête fils Jean Ponté, en
1602, etc. (1).
(z) Quelques autres noms de verriers compatriotes de Jacques
Sarode et venus avec lui se rencontrent encore dans les actes de la
paroisse Saint-Laurent : Le 6 avril i 588 est baptisé le fils de
c Zaquarie , le verrié » ; il a pour parrain Etienne Brisson et un
verrier nommé Joseph; — le 6 septembre 1 5 g 1 est parrain « ung
garson de la verrerie nommé Anthoyne »; — le 20 janvier 1604, César
Marassan, < verrier en cette ville », est parrain , avec honnêtes
t. ii , 3 * série. 10
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Mais revenons à notre Jacobo Sarodo qui tout-à-coup
nous est apparu plein d’honneur, puis, après quelques
années, subitement, disparaît , et dont le nôm même semble
oublié de ses successeurs ( i ).
D’où venait-il? où s’en est-il allé en quittant nos murs?
Double question des plus intéressantes assurément, et dont la
solution se trouve en grande partie dans le trésor de nos
archives communales. Ouvrons en effet les registres des déli-
bérations de l’hôtel commun , ces énormes in-folio si heu-
reusement conservés, et qui recèlent tant de documents
précieux pour notre histoire.
A la séance du 3 juillet 1594, le seigneur Jacques Sarode
se présente devant leà échevins en qualité de « gentilhomme
verrier et maître des verreries établies en villes de Lyon et de
Nevers », et leur demande d’enregistrer deux lettres-patentes
de Henri III, roi de France et de Pologne, concédées la pre-
mière à Lyon, au mois d’octobre 1574, la seconde à Paris, le
23 septembre 1 585 , afin, dit-il, qu’il puisse jouir des privi-
lèges à lui accordés et à ceux de son art et science de
verrerie (2).
Nous avons lu avec une curiosité avide, on le comprend,
les longues pages où se trouvent transcrites ces lettres et
leurs vidimus renouvelés en divers lieux ; et si notre espoir a
femmes Jeanne More et Jeanne Gambin, d'une fille d’Etienne Massey
et d'Anne Morin; — puis, le 27 juin 1607, c’est Paulo Mirengo,
« Itallien », qui se retrouve, en la même qualité, sur un autre acte du
17 janvier 1608; son nom est francisé: Paul Myrangue , t verrier ».
M. H. Schuermans, dans sa quatrième lettre sur les verres fabriqués
aux Pays-Bas, à la « façon de Venise », et « d’Altare » mentionne
aussi, parmi les Altaristes fixés à Liège Antoine Mirengo, qui devait
y être établi avant 1648 et que l’on retrouve encore comme parrain
en 1668.
(1) Voir dans le chapitre suivant l'acte si important de 1619, où se
trouve résumée l’origine de la verrerie nivernaise, sans aucune
mention de Jacques Sarode.
(2) Archives communales de Nevers, série BB. 20. Registre des
délibérations, folios 319 à 324.
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— 123
élé quelque peu déçu au point de vue de la chronique pure-
ment nivernaise, il n’en est pas de même pour l’histoire
générale des verriers , dont nous pouvons ainsi reconstituer
une page des plus intéressantes.
Les lettres de 1574 s’adressent en effet à tous les gentils-
hommes de l’art et science de verrerie résidant en ce royaume
de France et dans tous les pays, terres et seigneuries soumis
à l’obéissance royale. Comme de tout temps et ancienneté, y
est-il dit, les verriers et leurs serviteurs, et aussi les marchands
vendant en gros et en détail , menant et conduisant les mar-
chandises dont est composé le verre, sont affranchis de toutes
tailles, aides, subsides, impôts, coutumes, etc. , le roi les
confirme dans ces privilèges, franchises, immunités et
exemptions, et veut qu’ils en jouissent dorénavant pleine-
ment, paisiblement et perpétuellement. En conséquence, le
28 janvier 1576, Marquin Buisson et Christophe Marien,
gentilshommes verriers « résidants domicilliers en ce
royaulme de France » font enregistrer ces lettres de confir-
mation par les sénéchal et gens tenant le siège présidial établi
à Lyon.
Le 16 juin i582, Jacques Sarodo , maître verrier, exhibe
une copie desdites lettres, collationnée par les gens de la
cour et sénéchaussée de Lyon. Le 23 septembre même année.
Girard Duboys, notaire au châtelet d’Orléans, fait un
vidimus de cette copie collationnée, à la requête de Claude
Garnier, marchand de verre, demeurant à Orléans , [paroisse
Saint- Paul. Le 7 avril 1584, Claude Gobillot, notaire au
duché de Nivernois, fait un nouveau vidimus à la requête
de Giles Noury, marchand de verres, demeurant à Dom-
pierre-sur-Nièvre.
On voit avec quel soin les privilèges royaux étaient
enregistrés ou produits dans les villes, partout où s’établis,
saient les artistes et marchands verriers. Cependant , parce
que, est-il dit dans les lettres de 1 585 , les gentilshommes
demeurant en divers lieux du royaume, parfois grandement
éloignés les uns des autres , ne peuvent , quand ils en sont
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— 124 —
requis, représenter en toute occasion les originaux de leurs
privilèges, à cause qu’ils demeurent le plus souvent aux
mains de ceux qui ont charge de leurs affaires, chose qui
leur apporte plusieurs incommodités ; pour ces raisons, vu
l’humble supplication de a notre ami et féal Robert Bonguar,
sieur de Varennes et Courtoys, en nostre pays de Nivemoys »,
Sa Majesté mande et ordonne très-expressément à tous ses
baillis, sénéchaux, leurs lieutenants et autres, laisser jouir
ledit exposant et ses serviteurs travaillant de la verrerie
de tous les privilèges, franchises, libertés à eux octroyés...
Le 25 janvier i5gi, « noble homme Jacques Sarodo,
gentilhomme verrier », fait faire, par les notaires royaux au
bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier, collation de ces lettres,
dont il présente les originaux retirés des mains de noble
Robert de Bongars, gentilhomme verrier (i).
De tous ces actes il résulte qu’au moins en 1 582 Jacques
Sarode était établi à Lyon, et qu’alors même qu’il habite
(i) Dès i 543, un fragment de compte de dépenses de la maison de
Henri, dauphin de Viennois, comte de Valentinois, duc de Bretagne,
plus tard Henri II (au camp de Chàtillon, 27 juillet), renferme cet
article , où nous croyons découvrir le nom de Bongars : t A Florent
Bongart, verrier, la somme de 9 livres tournois, pour son payement
d’un petit ménage de verre qu’il a vendu et livré audit seigneur pour
mademoiselle Diane, sa fille naturelle, etc. (Extrait de VJnventaire
sommaire des archives de Seine-et-Mame , série E., titres de
famille, E. 57.) Les Bongars possédaient déjà des verreries en Nor-
mandie avant le quinzième siècle. En 1637, Nicolas de Bongars,
écuyer, sieur de Grandval et du Landel , obtient du roi la confirma-
tion des privilèges précédemment concédés à David de Bongars,
aussi écuyer, son père, lequel avait fait construire un four à faire
verre pour y exercer son art de verrerye de grands verres à faire
viltres, verre de fougère et aultres ouvraiges. ( Les Verreries de la
Normandie..., par Le Vaillant de La Fieffe. Rouen, 1873.) Il est pro-
bable qu’ils en avaient également en Nivernais dès le seizième siècle.
— Robert de Bongars est qualifié d’écuyer, sieur de Courtois et
àutres lieux, en la paroisse de Nolay. (Archives du département,
série E. 256.) — Voir plus loin le chapitre V, consacré aux différentes
verreries de gros et petit verre établies en Nivernais.
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— 125 —
Nevers , il conserve toujours son titre de maître des verreries
de Lyon.
On rencontre fréquemment, dans les actes notariés de cette
époque, la trace des relations nombreuses entre les deux
cités, pour les échanges d’approvisionnements ; la ville de
Roanne est le point intermédiaire. Et pour n’en citer que
quelques exemples :
Le sixième jour d’avril 1 594, Benoit Barillier et Mathieu
Desaurant, c voicturiers par eaue s, demeurant en la ville
de Roanne, promettent à honorable homme Jacques Sarode,
maître de la verrerie de Nevers, de « voicturer et amener sur
la rivière de Loyre par bateaulx , toute la marchandise de
soulde qui arrivera en ladite ville de Roannes », appartenant
audit Sarode, depuis cette ville jusqu’à Nevers , et ce, pen-
dant le temps et espace d’un an , commençant cejourd’hui ,
moyennant quoi ledit Sarode a promis payer auxdits Barillier
et Desaurant, la somme de douze sols tournois pour chacune
balle de ladite soulde, aussitôt après la livraison. Seront
aussi tenus lesdits Barillier et Desaurant, « incontinent
qu’ils sauront qu’il sera arrivé de ladite soulde audit Roannes,
de la voicturer et amener incontinent, et sans séjour, à peyne
de tous despens, dommaiges et intérestz (1) ».
Par un autre marché conclu le I er juin 1594, Jean Millet
et Claude Picquard , aussi voituriers par eau , demeurant à
Nevers, s'engagent envers Jacques Sarode à conduire, depuis
le port de Tarault (2) jusqu’en la ville de Roanne, la quantité
(1) Archives de la chambre des notaires de Nevers, minutes Brisson.
(Communication de M. de Laugardière.)
(2) Le Port-Tarraud est un hameau de la commune de Saint-Hilaire-
Fontaine, dans le canton de Fours, en Nivernais. La très-belle argile
blanche connue déjà des faïenciers de Roanne au seizième siècle, sous
le nom de terre du Port-Tarraud , servait aux verriers de Fours à
faire leurs creusets. Elle est encore exploitée de nos jours, notamment
à Toury-sur-Abron, où a été établie en i 852 par M. Brac de La Per-
rière une importante fabrique de produits réfractaires de tout genre :
briques, pipes, pièces moulées, etc.
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— 1 26 —
de « trois poinssons de terre blanche propre à faire vessailles
et potherye blanche », qu’ils recevront de Jehan Boucquyn,
demeurant audit Port-Tarrault , oü ils devront séjourner un
jour entier, et attendre qu’elle soit tirée , puis la livreront à
Anthoine Vallence , marchand , demeurant audit Roanne ,
moyennant la somme de 9 écus soleil pour ladite terre ; puis,
arrivés à Roanne, ils seront tenus aller jusques en la ville de
Lyon , en la verrerie dudit lieu , et, s'il y a de la soulde en
icelle, la conduire à Nevers par eaul , depuis Roanne jus-
qu’à Nevers, sur le port, moyennant la somme de i 5 sols
tournois pour chacune balle de ladite soulde, somme que ledit
Sarode a promis leur payer à la livraison (1).
C’est qu’en effet, la terre blanche nécessaire pour les
fours et pots ou creusets de verrerie était abondante en
Nivernais et de qualité tellement supérieure que plus tard
nous la verrons transporter non plus seulement à Lyon,
mais jusqu’en Italie. Quant à la soude, un des principaux
éléments du verre, nous apprenons par un curieux marché
passé le 5 septembre de cette même année 1594, entre
P’rançois Maistre, maître charpentier, demeurant à Sainte-
Valière-lez-Nevers , et Pierre Gondière dit Callot, meunier
en la paroisse de t Collanges-lez-Nevers » , que ledit Maistre
s’engageait à faire les réparations et toutes choses nécessaires
pour battre soulde à faire verres en un moulin assis sur la
rivière de Nièvre, au lieu appelé Pofillat , et rendre le tout
fait dedans la fête de saint Martin d’hiver prochain (2).
On ne peut plus douter, d’après tous les documents qui
viennent d’être cités, que le premier initiateur des verreries
nivernaises ne soit venu de Lyon, cette grande capitale de
l’industrie française.
Mais, rapprochement bien curieux et qui mérite d’être
signalé ! c’est de Lyon aussi que nous arrivent , dans le
même temps, nos premiers maîtres potiers, les Gambin,
1 ) Mêmes minutes Brisson.
(2) Archives des notaires, minutes Taillandier.
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127 —
avec lesquels les Sarode sont si étroitement unis dès
l’origine.
On se souvient d’une curieuse brochure publiée, en 1862,
par M. le comte de La Ferrière- Percy, sous ce titre : Une
Fabrique de fàience à Lyon sous le règne de Henri II
(lisez Henri III] (1). L’auteur signale un Julyen Gambin,
natif de Fayence, en Italie, qui, avec un certain Domenge
(Dominique) Tardessir, adressent requête au roi et lui
remontrent qu’ils ont « la cognoissance et expérience de faire
la vaisselle de terre, façon de Venise », et demandent à
dresser train et métier de ladicte vaisselle dans la ville de
Lyon.
A ce sujet, M. du Broc de Segange, ayant rencontré une
fois, comme par hasard, dans un registre de la paroisse
Saint-Jean, un acte baptistaire du 28 avril 1592, où le nom
de Scipion Gambin , « pothier », apparaît en qualité de
parrain, se demandait déjà si le Scipion de Nevers n’aurait
pas quelque lien de parenté avec ce Julien Gambin de
Lyon.
Or, l’hésitation ne nous semble plus permise quand, aux
archives de la chambre des notaires de Nevers, on ren-
contre, dès 1590, un acte de résiliation d’un contrat d’asso-
ciation passé deux ans auparavant entre Julio Gambin et
Augustin Corade (2) ; quand, d’autre part, sur les registres
de la paroisse Saint-Laurent, on peut lire, non pas une fois
seulement, mais cent fois, les noms de Scipion Gambin et de
sa femme Jeanne More, de Laurent Gambin et de sa femme
Marguerite Massé, et enfin de Jules Gambin (probablement
le Julien de M. de La Ferrière), maître pottier qui perpé-
tuera ce prénom de Jules en l’imposant, le i ar septembre 1602,
à un enfant dont il est à la fois et le grand-père et le
( 1 ) Documents relatifs aux anciennes faïenceries lyonnaises, dans la
Revue du Lyonnais , recueil historique et littéraire, tome XXXI
octobre i865.
( 2 ) Acte découvert par M. de Laugardière. ( Bulletin de la Société
nivernaise, 2 * série, tome II, p. 357 .)
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— 128 —
parrain (i) et qui, en 1612, préside avec plusieurs autres
« pothiers » à l’inventaire des biens délaissés par honorable
homme Augustin Conrade, « maistre pothier en euvre blanche
et autres couleurs, en forme de fayance (2). »
Et maintenant , où notre Jacobo Sarodo s’est* il retiré en
quittant Nevers ? Une première réponse nous est fournie
bien à propos et d'une façon très-imprévue par un des mem-
bres éminents du Comité des travaux historiques et des
sociétés savantes. M. L. Dotiet d’Arcq, rendant compte d'un
mémoire publié dans la Société archéologique du dépar
tement d’Ille-et-Vilaine, sous ce titre; De la Verrerie et des
Vitraux peints dans V ancienne province de Bretagne , cite
ces paroles de l’auteur, M. Auguste André , directeur hono-
raire du musée archéologique de Rennes ; « Tout le pays
nantais était plein des établissements industriels de ces gen-
tilshommes verriers d’au-delà des monts. Leurs fourneaux
s’allumaient et y chauffaient partout... » Il ajoute ensuite ( 3 ) :
« Au seizième siècle, il est souvent fait mention de ces
gentilshommes verriers. Nous citerons , entre plusieurs
autres, des lettres données à Châteaubriant, le i 3 juin 1551,
qui permettent à Theseo Mutio , gentilhomme italien, natif
de Bologne, de pouvoir faire en France toutes espèces de
verreries à la façon de Venise. D'autres, datées de Paris^
12 juillet i 566 , qui sont une confirmation d’exemption
d’impôts pour les gentilshommes verriers du royaume. Au
(1) « Le premier jour de septembre 1602 a esté baptizé le filz de
honorable homme Laurens Gambin et de honeste femme Margueritte
Massey ( alias Macel, Massé). Ses parrins et marrène, honorable
homme Julles Gambin, grand-père dudit enfant, honeste fils Jehan
Ponté et honeste femme Marye More. Et a nom Julles. » (Archives
du greffe de Nevers.)
(2) Archives de Nevers, série GG. 16. — Nous avons publié pour la
première fois une analyse de ce très-curieux document dans les
Archives paroissiales de Nevers , paroisse Saint-Laurent. (Almanach
de la Nièvre , 1875, 2* partie.)
( 3 ) Revue des sociétés savantes, 7* série, t. II, p. 87.
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]
— 129 —
mois d'août 159 7, Henri IV, se trouvant au camp devant
Amiens, accorde à Jacques et Vincent Sarode, frères, et à
Horace Ponté, leur neveu, un brevet pour rétablissement
d’une verrerie de cristal à Melun. « Lesquels , portent les
lettres, ayant cy-devant et depuis longtemps tenu les four-
neaulx et verreries de cristal en noz villes de Lyon et Nevers,
ont acquis une telle réputation en la perfection de leurs
ouvraiges , que la plupart des verres dudit cristal, desquels
l’on c*C6t servy en nostre court et suilte, et par tout nostre
royaume , ont esté apportez desdictes villes de Lyon et de
Nevers, etc. Que lesdits Sarode et Ponté nous ont fait dire
que s'il nous plaisoit de leur permettre de dresser une verrerie
en nostre ville de Melun..., le verre deviendroit moins cher
et pourrait mieux approvisionner la ville de Paris (1). »
(1) Archives nationales, registre des ordonnances X la 8643, folio 5 g,
verso. — Nous sommes heureux de publier en note le texte entier de
ces lettres-patentes, d’après une double copie qui nous a été adressée
très-obligeâmment par M. Lemaire, archiviste de la préfecture de
Seine-et-Marne, à Melun, et par notre collègue M. René de Lespinasse.
M. Gabriel Leroy, archiviste de la ville de Melun et correspondant du
ministère, avait déjà fait connaître l’existehce de ce curieux document
dans la Revue des sociétés savantes en 1869, 4* série, t. IX, p. 572.
« Henry par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, a tous
presens et advenir, salut. Comme chacun scait assez quel bien profïict
et utillité est provenu a tous les royaulmesct républiques par le moyen
des arts et sciences, seul fondement de leurs richesses et embellisse-
mens, et combien les hommes qui, par leur long estude, dilligence et
expérience les ont inventez et introduietz, ont été recongneuz, honno-
rez et recompensez d’ung si louable labeur afin que tant par leur tesmoi-
gnage que par la prospérité de leurs mérites les autres fussent poussés
d'ung mesme désir à rechercher, à leur exemple, non seulement la
perfection des premières inventions, mais encore à trouver avec plus
haulte contemplation plus haultes et belles choses non congneues à
l’antiquité, pour s’acquerrir par là une honnorable louange ainsy
qu’ont faict noz chers et bien amez Jacques et Vincent Sarrode frères
et Horace Ponté leur nepveu gentilzhommes en Fart et science de
verrerie lesquels ayant cy-devant et depuis long temps tenu les four-
neaulx de verrerie de cristal en noz villes de Lyon et Nevers ont acquis
t. 11, 3 * série. 11
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— i 3 o —
A quelques jours de là , le 5 septembre 1 597, les échevins
de Nevers délivraient à maître Pierre Gouneaul, leur rece-
veur des deniers communs, un mandat de payement, sur les
deniers de sa recette , « au seigneur Jaques Sarodo et Orace
Ponte, maistres de la verrière de ceste ville de Nevers »,
telle réputation en la perfection de leurs ouvraiges que la pluspart des
verres dudit cristal desquels Ton c'est servy en nostrc court et suitte
par tout nostre royaulme ont esté apportez des villes de Lyon et
Nevers, mais d’aultant qu’en les allant quérir si loing la despence qui
se faict à les apporter les rend beaucoup plus chers, sur ce que lesdits
Sarrode et Ponté nous ont faict dire que s’il nous plaisoit leur per-
mectre de dresser une vçrrerie en nostre ville de Melun ils y déploye-
roient vollontiers le plus beau et exquis de leur art et science et y
feroient des ouvraiges par le moyen desquels nostre ville de Paris
capitalle de nostre royaulme seroit grandement acommodée et y
seraient lesdits verres a meilleur marché qu’ils ne sont pour le peu de
distance qu’il y a de l’ungà l’autre et la commodité de les transporter
par la rivière, scavoir faisons que nous mettons en considération la
grande expérience desdits de Sarrode et Ponté audict art et science de
verrerie et le fruict et utillité qui en reviendra en nostre dite ville de
Paris et au public, nous leur avons de nostre grâce spécialle, plaine
puissance et autorité royalle , permis octroyé et acordé , permectons
octroyons et acordons, par privillége particulier, par ces présentes
qu’ils puissent tenir en nostredite ville de Melun une verrerie de
cristal et y faire construire ung fourneau a y faire par eulx et leurs
ouvriers dudit art des verres de cristal et telles autres choses qu’ils
adviseront deppendantes dudict art pour le service et usaige tant de
nostre court et suitte que des habitans de nostre dite ville de Paris et
de tous autres qui en vouldront achapter, pour par lesdits Sarrode et
Ponté tenir en nostre dite ville de Melun ladicte verrerie aux mesmes
droicls et honneurs, privilléges, franchises, immunitez, libertez et
exemptions tant pour eulx que pour leurs serviteurs et marchands,
vendeurs en gros et destail mannans et conduisans ladite marchandise
de verrerie et matière dont est composé le verre, par eau et par terre,
en la mesme sorte et manière qu’ils ont bien et deuement joy et usé
par le passé et sans fraulde en nosdites villes de Lyon et Nevers,
jouissent et usent encores a présent suivant la confirmation de leurs
privilèges que nous et noz prédécesseurs roys, leur en avons succes-
sivement accordé, la coppie desquelz privilléges vérifiiez en nostre
court de Parlement, Chambre de noz comptes et Court des aydes à
Paris, est cy attachée soubz le contrescel de nostre chancellerie sans
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— 1 3 1 —
d’une somme de 12 écus soleil pour huit douzaines de verres
de cristal envoyées à Paris , « pour faire des présents, à la
sollicitation d’un procès qu’a la ville... La quittance, datée
du dernier jour de décembre, n’est signée que d’Horace Ponté.
Deux ans plus tard, un autre mandai, daté du 23 mai 1 599,
est délivré, « au seigneur Vincent Sarrodo, ung des maistres
de la verrière de ceste ville *, pour une somme de 49 écus
3 o sols , à raison de « trente-trois douzaines de verres de
cristal raffiné qui ont esté présytez et envoyez en la ville de
Paris, scavoir : à monsieur de La Grange Courtin , douze
douzaines; à monsieur de Laulnav, six douzaines; à
monsieur Vivian, six douzaines ; à monsieur Verne, trésorier
à Molins, six douzaines ; à monsieur Jolly, trois douzaines. »
Le reçu, daté du 16 juillet 1599, est signé de Marcoroli
Sarodo.
Durant ces trois dernières années , le seigneur Jacques ne
fait â Nevers que de rares apparitions ; peut-ctre organise-t-il
sa troisième verrerie à Melun. Il ne paraît pas cependant y
avoir fait un bien long séjour en cette ville (1); et c’est à
qu'il soit besoing les spécifier ny desclarer par cesdites présentes, par
lesquelles afin que lesdits Sarrode et Ponté puissent mieux recueillir
le fruict du labeur qu'ils employcroient en ladicte verrerie nous avons
dit et déclaré disons et déclarons, voulions et nous plaist qu'en nostre
dicte ville de Paris ny à trente lieues à la ronde d’icelle, il ne s’esta-
blira à l'advenir autre verrerie de cristal que celle desdits Sarrode et
Ponté, révoqué et révoquons par cesdictes présentes. N'entendons tou-
tefois préjudicier aux verreries de Feugère et de Pierre qui se trou-
veront esiabliez et s'establiront cy après es environs de nos dictes villes
de Paris, Melun et ailleurs partout nostre royaume...
» Donné au camp devant Amyens au moys d'aoust l'an de grâce mil
cinq cens quatre vingts dix sept et de nostre règne le neufiesme
signé : Henry, et sur le reply, par le roy : de Neufville. >
(1) M. Lemaife, archiviste départemental de Seine-et-Marne, nous
écrit que l’établissement de la verrerie à Melun a bien été autorisé,
mais qu’on doute qu’il ait jamais été effectué. Peut-être le classement
méthodique des archives judiciaires de la ville fournira-t-il quelques
indications ! — Il y a bien eu une verrerie à Melun , puisqu’un des quais
en emprunte le nom, mais elle n’était pas antérieure au dernier siècle.
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- I 3 2 —
Paris même que le vaillant artiste est allé s'établir. Un
nouveau mandat délivré par les échevins, le 6 juillet i 6 o 3 ,
nous apprend en effet que maître Laurent Thonnellier,
receveur de l’hôtel commun, est invité à payer « au seigneur
Orace Ponté , maistre de la verrière deNevers », la somme
de 93 écus 40 sols, revenant à la somme de 281 livres,
savoir : 63 écus 40 sols, tant pour verres de cristal pris en la
verrière de Paris , pour faire présent à plusieurs seigneurs
du conseil, que pour autres yerres aussi de cristal, pris en
la verrerie de Nevers, pour porter à Moulins et faire présent
à messieurs les Trésoriers généraux, — et 20 écus qui ont
été prêtés à monsieur l’élu Destrappes, échevin, étant à Paris
pour les affaires de cette ville, par le seigneur Jacques
SarodOj maître de la verrerie dudit Paris.
En vérité , ce Jacobo Sarodo n’était pas seulement un
grand industriel, comme on dirait de nos jours, ce devait
être un véritable artiste dans le sens large et noble de ce mot.
Et voici qu’en effet notre érudit collègue M. de Laugar-
dière nous signale un Poème sur Vart de la verrerie , et la
comparaison de V homme à un verre , par Jacques Sarode,
en 1594, petit in-4 0 manuscrit sur papier, avec correc-
tions et ratures, indiqué dans le catalogue des livres , impri-
més et manuscrits de la bibliothèque de feu M. d’Aguesseau,
doyen du conseil (1).
Ce manuscrit, avec corrections et ratures , était sans
doute l’autographe de l’auteur ; il était en français, car il
figure au paragraphe des Poètes françois, après les œuvres
de Ronsard et de des Portes ; les poètes italiens ont leur
paragraphe à part.
C’est là malheureusement tout ce que nous pouvons dire de
l’ouvrage de Jacques Sarode. Peut-être, quelque jour, nous
sera-t-il donné d’y revenir, si tant est que ce manuscrit existe
encore et qu’une bonne fortune nous le fasse retrouver !
(1) Pari», Gogué et Née de La Rochelle, libraires, 1785, in-8 # ;
page 208, n* 3178.
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— 1 33 —
Mais, du moins, en terminant ce premier chapitre consacré
à la mémoire du seigneur Jacques , comme on l’appelait à
Nevers il y a trois siècles, sommes-nous heureux d’indiquer
d'une manière précise quel était en Italie son lieu d’origine.
Nous trouvons à ce sujet tous les renseignements dési-
rables dans le Dictionnaire historique , biographique et
généalogique des familles de V ancien Poitou , par Henri
Filleau ( 1 ).
Les Sarode, d’ailleurs, se rencontrent jusqu'à la fin du
siècle dernier, non-seulement dans les différentes verreries
du Nivernais ( 2 ), mais dans la plupart des verreries de
France, et spécialement en Poitou, où cette famille est encore
aujourd’hui noblement représentée.
Pendant plus de deux cents ans on les voit aux verreries
de la Fosse-de-Nantes et de Vendrennes en Bas-Poitou, où
ils avaient remplacé une famille du nom de Babin, qui elle-
même avait succédé à Jean Ferro ou Ferré , gentilhomme
verrier, autorisé, en i588, à établir une fabrique de faïences
blanches dans cette ville (3).
Ils eurent donc plus d’une fois, pour jouir des privilèges
de la noblesse, que toujours le fisc essayait de leur contester,
(j) Publié par son petit-fils H. Beauchet-Fillcau et Ch. de Chergé.
Tome II. Poitiers, Dupré, 1840-1854, pages 670-672. (Communication
de M. Ch. -R. de Laugardièrc.)
(2) Dans ses Notes pour servir à Vhistoire de la commune de Mon -
taron (Nièvre), M. Victor Gueneau a l’occasion de citer : Jean-Claude
de Sarraudes, écuyer, qui avait épousé, le 21 avril 1673, Claude de
Balorre, fille de feu Louis de Balorre et de damoisellc Jeanne de
Chargèrc ; — Jean de Sarraudes, seigneur de Mussy, issu de ce
mariage, indiqué en 1697 comme époux de Jeanne-Françoise Ber-
geron ; — un M. de Sarraudes, écuyer, seigneur de Mussy, fut inhumé
le 4 janvier 1717 dans l’église de Montaron. (Voir plus loin le
chapitre VI.)
( 3 ) Bientôt nous retrouverons, sous les Castellan, noble Jean Babin,
gentilhomme verrier, se mariant à Nevers avec une Jeanne Castellan,
en 1678, et il se peut bien aussi que Gaspard Fer, cité dès le début
du chapitre suivant dans le contrat d’association de 1614, appartienne
à cette même famille des Ferro, Ferré, Ferry ou de Ferre ,
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occasion de rappeler leur origine et de montrer leurs certifi-
cats de gentilshommes verriers. C'est une de ces pièces dont
nous allons donner l’analyse (i) : « Au nom du Seigneur,
ainsi soit-il. L’an de la naissance du même Seigneur, 14 du
mois de février 1645, en la ville d’Altare, état de Mont-
ferrat, diocèse de Noli, par-devant le notaire Jean-François
Massard, sont comparus en personne, devant le juge commis
par Sérénissime Charles II, duc de Mantoue et de Mont-
ferrat (2), nobles personnes Thomas-Pierre-Vincent de Coste,
Jacques-Philippe de Coste, Barthélemy Ponté, Joannin de
Raquet, Baptiste Coste, consuls en ladite ville d’Altare,
pour l’art de la verrerie ; cette autorité leur ayant été
concédée par Illustrissime et Excellentissime seigneur Guil-
laume, marquis de Montferrat, dès Tan 1495, le cinquième
jour du mois de février, et ensuite confirmée par Sérénissime
seigneur Guillaume de Gonzague, duc de Mantoue et de
Montferrat, Tan i 552 .
» Lesquels, sur la requête du seigneur Etienne Sarode, ont
attesté que Vincent de Sarode était décédé, suivant le cours
de nature, déjà depuis longtemps, étant né dans ladite ville
d’Altare, de la noble race des Sarode, duquel, par légitime
mariage contracté en cette ville, était né à Altare Antoine-
Abraham de Sarode . père légitime du susdit Etienne,
présentement vivant, et que pour plus grand témoignage de
vérité Etienne-Jérôme de Coste et Françoise Massard ont été
ses parrain et marraine ; qu’il est enfin vrai que lesdits
Sarode sont nobles vivant noblement, sont crus et regardés
comme nobles, tant dans la ville d’Altare que dans tout
l’état de Montferrat et dans les lieux circonvoisins, et que le
nom dudit Etienne est inséré au Catalogue des nobles, ce
(1) Une copie s’en trouve également dans l’ouvrage de M. Benjamin
Fillon : L'Art de terre chef les Poitevins, suivi d’une Étude sur la
fabrication du verre en Poitou. — Niort, L. Clouzeau, libraire-
éditeur, 1864.
(2) Ce n’est que plus tard qu’il ajouta les titres de duc de Nivernois
et de Rethelois. {Voir plus loin, deuxième époque, chapitre l ,r .)
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— 1 35 —
que les susnommés attestent non par ouï-dire, mais comme
l’ayant vu et appris de leurs ancêtres qui devaient l’avoir
également appris de leurs pères.
» Et enfin, ce qui est une autre preuve de la noblesse
desdits Sarode, c’est qu’ils jouissent du privilège d’exercer
l'art de la verrerie, auquel ne sont pas admis ceux qui ne
sont pas nobles (1). »
(i) Nous verrons plus tard Jean Castellan produire un document
tout à fait identique, par-devant le commissaire chargé de la vérifi-
cation des titres de noblesse et de la poursuite des usurpateurs dans
les généralités de Moulins et de Bourges. 11 est dit, en effet, dans
l'attestation de noblesse à lui délivrée, le 6 juin 1662, par les consuls
d’Altare Jacques-Philippe Saroldi, Charles Bormioli, Antoine Rachetti,
Jean Rachetti, Alexandre Ponta et Antoine Mireingo, que les Castellan,
de père en fils, ont, de temps immémorial, exercé la profession de
verriers, a ce qui est une preuve de noblesse; car les plébéiens qui
ne sont pas de race noble ne sont pas admis à Altare à exercer l’art
du verre, ce qui est vrai et a toujours été reconnu publiquement. >
Telle était, d'ailleurs, la déclaration formelle des consuls d’Altare,
juridiction instituée par les ducs de Mantoue, qui furent pendant
longtemps marquis de Montferrat :
« Plebci qui non sunt de nobili prosapia, ad artem vitream exer-
cendam non admiituntur et ita vero se rem habere hoc que palam et
publiée pro comperto haberi... n
Il n’en était pas de même en France, où les gentilshommes verriers
formaient une classe particulière entre les autres nobles qui affectaient
de les dédaigner, témoin cette épigramme tant de fois citée de Maynard
contre le poète Saint-Amand, dont les ancêtres étaient verriers :
« Votre noblesse est mince,
» Car ce n’est pas d’un prince,
t Daphnis, que vous sortez.
» Gentilhomme de verre,
» Si vous tombez à terre ,
» Adieu vos qualités. »
Cest ce qui a très-ingénieusement induit M. H. Schuermans, dans
la troisième de ses lettres si instructives sur les verres « à la façon
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— 1 36 —
C'est donc du duché de Montferrat, dont les ducs de
Nevers étaient aussi seigneurs, qu’était originaire notre
Jacques Sarode, ainsi que son frère, Vincent Sarode, tous les
deux venus à Nevers à Tappel de l’illustre prince Louis de
Gonzague.
A titre de curiosité historique, et comme document pou-
vant éveiller l’attention sur les origines, communes peut-
être, des verreries et des faïences, citons en dernier lieu une
requête d’Henri-Philippe de Sarode, sieur delà Bignonnière,
datée de Vendrennes (bourg de l’arrondissement de Napo-
léon-Vendée), le 14 mai 1772, par laquelle il sollicite la
faveur d’être autorisé, avec Marc Lozelet, dudit Vendrennes,
à fabriquer de la porcelaine en la verrerie de cette paroisse.
Tous deux se recommandent de l’ancienneté de leur famille
en l’état de verrier et de la pratique qu’ils ont de ce nouvel
art, ledit sieur Lozelet l’ayant exercé plusieurs années à Paris
et autres endroits, et le sieur Sarode prétendant en avoir été
instruit par Virgile Sarode, son aïeul, maître de verrerie
expert à la fabrication de la porcelaine (1).
Coïncidence assez singulière, les bâtiments de la verrerie à
bouteilles établie à Nevers en 1780 sur le quai de Loire sont
maintenant occupés par une fabrique de porcelaine !
de Venise » fabriqués aux Pays-Bas, à distinguer trois sortes de
noblesse verrière :
En France et aux Pays-Bas , les nobles , quoique verriers ;
A Venise, les nobles, parce que verriers ;
A Aitare, les verriers, parce que nobles.
( 1 ) VAri de terre chef les Poitevins , p. i63.
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I e " Epoque -LES SARODE
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IJT et III: Signatures de JACQUES etVINCENT SARODE frères et de MARCOROLI
SARODE avec la date par lui écrite en 1599.
UTe tV: Signatures d'HORACE PONTE, Neveu de JACQUES SARODE
et de SUZANNE DALBANÉ, son épouse.
mp. c. VAuifmf, mtvta».
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CHAPITRE II.
PREMIÈRE ÉPOQUE. (Suite.)
Horace PONTÉ, deuxième maître de h verrerie de Nevers.
( 1600 - 1645 .)
Communauté existant entre les gentilshommes verriers; — contrat
d’association de trois d’entre eux pour la création d’une nouvelle
verrerie; — les manquements aux réglements sont punis selon les
ordonnances des consuls de l’art de la verrerie d’Altare; — humeur
aventurière des verriers ; — intervention de Charles de Gonzague
(août 1619) auprès du roi, en faveur d’Horace Ponté, contre Bernard
Dubuisson, se disant syndic des gentilshommes verriers français ; —
grande prospérité de la verrerie de Nevers sous Horace Ponté ; —
nombreux marchés pour achat de bois * de moule, de terre
blanche, de cailloux blancs, de soude ; — mémoire des ouvrages de
verre fournis aux échevins pour être offerts à la reine, en 1622,
lors de son passage à Nevers ; — énumération des principaux pro-
duits artistiques des verriers altaristes; — Horace Ponté joint à
son commerce de menu verre ou gobeléterie le trafic du gros verre
dont une manufacture importante existe dans le Morvand , à Bois-
Giset ; — mort d’Horace Ponté et fin de la première époque de la
verrerie nivernaise.
Le seigneur Horace Ponté, depuis le départ de son oncle,
devient en effet « maître de la verrerie de Nevers » ; mais il
est à remarquer que, pendant les premières années, les autres
gentilshommes verriers demeurés avec lui pour partager sa
fortune prennent tous indistinctement, dans leurs actes
privés, la qualification de « l’un des maîtres de la verrerie *.
Se présente-t-il à conclure quelque traité intéressant la
fabrication ou la marche des affaires de la communauté,
tous les verriers sont témoins et apposent leur signature l
t« 11, 3 * série. 12
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— 1 38 —
Le 3 mars 1604, Pierre Gondier, demeurant à Coulanges,
et Benoist Joyn, a hoste », demeurant à Sainte-Valière-lez-
Nevers, s'engagent à livrer au seigneur Horace Ponté et à
Vincent Sarode, maîtres de la verrerie de cette ville, la
quantité de six-vingts milliers de bôis de moule, bois de
chesgne et autres, moyennant le prix de 7 livres pour
chacun millier. Étaient présents à cette convention et ont
signé : Horace Ponté, — Antoyne Sarode, — François
Vallentin, — Vicentio Sarodo , tous verriers (1).
A la date du 22 septembre 1609, trois reconnaissances,
rédigées en termes identiques, portent que noble homme
Horace Ponté s’est obligé, le 18 du présent mois, envers
Girard Imbert, marchand flamand , demeurant en la ville de
Dord, en Hollande (2), pour la somme de i, 5 oo livres,
faisant partie de 3,150 livres portées sur une obligation
du dernier août 1607 et délivrée en ce jour à Antoine
Sarodo, laquelle obligation ledit Horace Ponté a promis
rembourser.
Ces reconnaissances sont toutes trois signées de Antonio
Sarodo', — Manfrin Sarodo et Horace Ponté , — Francisco
Ponte, — Vicencio Perrotto, — Hieromi Sarodo ( 3 ).
Nous avons prononcé le nom de communauté , à propos de
cette union de nos gentilshommes verriers; quel pouvait
bien être le réglement intérieur qui la régissait ? C'est une
difficile question que nous nous serions bien gardé de sou-
lever, si nous n’en avions trouvé, ce nous semble, la solution
la plus claire dans un contrat d’association précisément
conclu, à cette époque, le 21 juin 1614, entre nobles
Valentin Sarode, Annet Marin et Gaspart Fer, trois gentils-
hommes verriers qui, semblables à un essaim d'abeilles, ont
pris un jour la résolution de quitter la ruche pour s’en aller,
(1) Archives des notaires de Nevers, minutes Charpy.
(2) Sans doute Dordrecht ou Dori, ville située dans une île, ou la
Merwe se jette dans la Meuse.
( 3 ) Minutes du même notaire Charpy.
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— i3 9 -
— en quel lieu, ils ne le savent, — fonder une verrerie
nouvelle.
Cet acte est trop important pour qu’il puisse suffire de
l’analyser, en voici la copie (i) :
« Par devant le notaire au duché de Nevers et tesmoings
cy après nomméz, ont esté présens en leurs personnes nobles
hommes Vallantin Sarraude, Annet Marin et Gaspart Fer,
tous gentilshommes verriers du pays d’Italye, demeurant à
présent à Nevers, lesquels ont fait les pactions, accordz et
associations qui s'ensuyvent, assavoir qu’ils ont promis et se
sont obligés l’ung envers l’aultre de tenir et dresser une
verrière au lieu où ils adviseront entre eux. Et pour ce faire,
promettent de contribuer, chacun pour un tiers, à tout ce
qu’il conviendra à icelle dresser. Et afin de pouvoir trouver
leurs commoditéz, ont lesdits Sarraulde et Fer donné et
donnent pouvoir audit Marin de pouvoir aller aux champs,
au lieu qu’ils adviseront entre eux, pour voir s'il pourra
trouver un lieu propre à dresser verrerye ; faire et négotier
tout ce qu’il trouvera être nécessaire, que lesdits Sarraude et
Fer promettent advouer et agréer, comme si par eux avait
été fait, et ce pendant et durant le temps et espace d’ung an
à compter de cejourd’huy; et ayant trouvé lieu commode
pendant ledit temps, il sera tenu en donner advis auxdits
Sarraude et Fer, afin d’eus transporter au lieu qu’il aura
trouvé, ce qu’ils promettent et s’obligent faire à peine de tous
despens, dommaiges et intérestz. Et au cas que ledit Marin
ne trouve lieu propre pour faire ladite verrière dans ledit an,
le présent contract et association demeurera nul et résolu.
Et ce faisant, lesdits Sarraude et Fer ont promis et se sont
obligés de payer et rembourcer audit Marin les frais qu’il
fera utillement auxdites recherches, chacun pour un tiers.
— Comme aussi ont iceulx Sarraude, Fer et Marin, promis
(i) Minutes du notaire Caradin (acte découvert par M. Bouveault,
architecte à Nevers, membre de la Société nivernaise).
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— 140 —
de fournir et advancer ce qu’il conviendra tant pour le
payement des erres que ledit Marin pourra promettre, que
ce qu’il conviendra pour faire ladite verrerye. — Comme
aussi pour le payement des ouvriers qui seront demeurans
pour faire valloir ladite verrerye , se payeront par tiers; et
quant au prouffict qu’ils feront durant le temps de ladite
association, lesdites parties ont promis de le partaiger en fin
desdites six années. — Et prendront les deniers communs
pour achepter ce qui sera nécessaire pour la fourniture tant
de leur nourriture que pour autres leurs nécessités . Et
pour leur entretien d'habits et autres nécessités particu-
lières, chacun des dessusdits prendra de l'argent commun ,
la somme de i5o livres . — Il est accordé qu’en cas que l’un
desdits Sarraude, Marin, ou Fer, cesse de travailler, soit pour
absence ou maladie, plus de quinze jours, en ce cas les deux
qui travailleront prendront des deniers commungs, plus que
celluy qui deffauldra, la somme de quatre doubles pistolletz
qui est pour chascung de ceulx qui travailleront, deux
doubles pistolletz. Comme aussy est accordé que pendant le
temps de ladite association, ils ne pourront faire aulcungs
marchéz concernant le faict de leurs marchandises , l’ung
sans l’aultre. Et en cas que l’ung des dessusditz se voullust
despartir de la présente association, il sera tenu de payer aux
aultres qui la vouldront entretenir la somme de 1 5o livres à
chacun d’eulx. Et si deulx se voulloient despartir, ils seront
tenuz de donner à celluy qui la vouldra entretenir ladite
somme de i5o livres. — Et à l’entretencment et accomplis-
sement des dessusdites clauses et choses cy-dessus rapportées
se sont lesdites parties obligées l’une envers l’aultre corps et
biens. — Faict au lieu et ville de Nevers, le vingt-uniesme
juing, l'an mil six cent quatorze, présens : Pierre Perreaul,
escolier, et François Lucas, clerc, demeurant à Nevers.
Signé : Valantin Sarodo, — A net Marin , — Gaspar Fer ;
— Lucas, — P. Perreaul, — Caradin (notaire). »
Nos trois verriers purent-ils trouver c lieu propre à dresser
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vcrrcrye », ou le contrat devint-il « nul et résolu » ? Aucun
document, jusqu’à ce jour, n’a pu nous l’apprendre (i).
D'autres faits viennent encore confirmer l’humeur aventu-
rière de nos verriers, t ces bohémiens gentilshommes »,
comme les appelle M. Van de Casteele (2).
Le 4 mars 1625, par devant le notaire royal François
Pellé , sont comparus en leurs personnes , Anthoine
Traveto , Anthoine Dagna et Odoardo Buxono , gentils-
hommes verriers, demeurant et travaillant, de présent, en la
verrerie de Nevers ( 3 ), lesquels ont certifié et attesté, certi-
fient et attestent qu’il est bien vrai qu’ils ont vu un nommé
Constantino Carcamo , aussi gentilhomme verrier, natif de
(1) M. Ernest Reboul a publié, dans les Mémoires de la Société
académique du Var, un très-curieux travail sur les de Ferry et les
d’Escrivan , verriers provençaux. Au mois de mai 1670, Amos et
François de Ferres, fils légitimes de noble Gaspard de Ferres, sont
inscrits dans le catalogue des véritables nobles de la province de Dau-
phiné. Nous ne serions pas surpris que notre Gaspard Fer fût le
même que ce Gaspard de Ferres, comme les Saroldi deviennent les
de Sarode; les Castellani , de Castellan ; les Bormioli, de Borniol.
{2) Lettre à M. Schuermans sur l’ancienne verrerie liégeoise, p. 8.
( 3 ) Ambrosio Traveto , verrier, est parrain en la paroisse Saint-
Genest, le 3 o septembre 1640; — Benedeto Dagna , aussi verrier, l’est
à Saint-Laurent, le 23 mai 1627.
Henri IV avait permis, en 1398, à Vincent Busson et Thomas Bar-
tholus, gentilshommes verriers, natifs du duché de Mantoue, de
construire à Rouen une verrerie pour y fabriquer « verre de cristail’
verres dorez , esmaulx et aultres ouvraiges qui se font à Venize et
aultres lieux et pays estrangers ». Mais dès i 6 o 5 ils étaient remplacés
à Rouen par un gentilhomme provençal, François de Garsonnet ( les
Verreries de la Normandie , p. 276). Ce Busson de Rouen nous semble
bien proche parent du Buxono ou Bussone de Nevers. — M. Schuer-
mans, dans sa quatrième lettre sur les verres fabriqués aux Pays-Bas,
signale aussi parmi les Altaristes venus à Liège, dès 1623, Antoine
Buffone, et observe avec raison qu’il faut bien se garder de confondre
les membres de cette famille avec certains de Buisson mentionnés aussi
à Liège au dix-septième siècle. Nous allons bientôt, en effet, rencontrer
un du Buisson , verrier français en opposition avec les verriers
altaristes.
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l’Altare, au marquisat de Montferrat, demeurer dans cette
ville, en la maison de la verrerie, oü il a travaillé de l’état de
verrier sous noble Horace Ponté, maître de ladite verrerie,
l'espace de deux mois, suivant la paction que ledit sieur
Ponté avait faite avec ledit Carcamo, le 9 juin 1624, par
laquelle ils savent , ledit Carcamo être tenu de travailler en
ladite verrerie pendant un an continuel , à commencer en la
fête Saint-Martin d’hiver dernier passée, et qui devra finir à
même jour de l’an présent. Et néanmoins ledit Carcamo n’a
travaillé qu’environ deux mois, s’en étant retiré le jour de
Saint-Mathias dernier, sans congé ni permission dudit sieur
Ponté et à son insu , « sans que ledit sieur Ponté luy ayt
mesfaict ny mesdict en aucune façon, ny que la femme dudi
sieur Ponté, ses domesticques et aultres travaillans à ladite
verrerie aient baillé aucun sujet ni occasion audit Carcamo
de s’en aller ainsi... » Ce que lesdits gentilshommes ont
affirmé, lesdits Traveto et Dagna demeurant et travaillant en
ladite verrerie depuis un an, et ledit Buxono depuis le jour
de Saint-Mathias qu’il arriva et trouva ledit Carcamo.
Dont et de ce que dessus ledit sieur Horace Ponté a requis
et demandé acte pour s’en servir ce que de raison, à l’encontre
dudit Carcamo, à l’effet de recouvrer contre lui tous dépens,
dommages et intérêts , selon les ordonnances des sieurs
consuls de l'art de la verrerie de ladite ville d’Altare, pour
ne l’avoir servi pendant le temps porté par ladite paction.
A l’exception d’Antoine Traveto, qui a déclaré ne le savoir,
tous ont signé: Jo Doardo Bussone , Jo Antoni Dagna,
Horace Ponté .
L’année suivante, un autre verrier se disposait aussi à
quitter Nevers pour s’en aller travailler de son art en
Normandie :
Le 19 septembre 1626, Jehan Bourniol, verrier, demeu-
rant à présent en cette ville de Nevers, s’oblige envers noble
Pierre d’Azémar, écuyer, maître de la verrerie de la ville de
Rouan , y demeurant, à le servir de son état de verrier, en la
verrerie qu’il a fait faire et construire au village d 'Arcourt,
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— 143 —
au lieu appelé la Guionnée , en la duché d’Aumalle, pays
de Normandie , avec trois hommes, sans qu’ils soient tenus
faire la couserye , et aussi sans que ledit d’Azémar soit tenu
les nourrir (i). Et ce à raison de 76 livres 10 sols tournois
par chacun mois que ledit sieur d’Azémar a promis et sera
tenu payer de mois en mois. Ledit marché sera pour deux
ans continuels et consécutifs, qui commenceront lorsque
ledit Borniol sera arrivé avec ses hommes, au plus tard à
Pasques charnels prochain venant. Toutefois , le sieur
d’Azémar promet payer par avance et faire tenir à Nevers,
dans six semaines, audit Borniol, la somme de 3 oo livres
tournois, sur lesquels il a présentement payé 45 livres 1 2 sols
dont ledit sieur s’est tenu pour content et bien payé.
Et seront ledit Borniol et ses hommes tenus faire par
chacun jour 110 verres, savoir 55 par cuvée, à demye côte,
55 à la bague et 60 tout unis, le tout bon, loyal et marchand.
L’acte est signé de P. d’Asémar, du sieur Borniol, Jo
Jiouane Borniolo, et d’un autre verrier cité déjà comme
témoin dans Pacte précédent , Anthoine Dagne , Jo
Dagna (2).
(1) Nous renvoyons ici à l’histoire de la verrerie de Rouen, dans le
livre si important de M. Le Vaillant de La Fieffe : Les Verreries de
la Normandie , les Gentilshommes et Artistes verriers normands.
Rouem, 1873. On y lit (page 279) que les ancêtres de Jean et Pierre
d’Azémar exerçaient Part de la verrerie depuis deux cent cinquante
ans et avaient « les premiers en France trouvé l’invention de travailler
en cristal ». — Le même auteur rapporte (pages 236-248) que Jean
de Bamiolles, après avoir travaillé pendant quinze ou seize ans à la
verrerie des sieurs Jean et Pierre d’Azémar, à Rouen, dans le fau-
bourg Saint-Séver, s’associa avec Jean-Baptiste de Postel , vicomte de
Conches, et fit construire avec lui, en i 638 , dans la paroisse de
Beaubray, un fourneau, où ils travaillèrent et firent travailler en verre
de cristal, entreprise que les sieurs d’Azémar le contraignirent à
abandonner. Notre gentilhomme verrier mourut audit lieu de Beau-
bray, le 3 janvier 1649, et son corps reçut la sépulture dans l’église
de cette paroisse.
(2) Archives de la chambre des notaires de Nevers, minutes
Vaillant. (Communication de M. de Laugardière.)
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— *44 —
Ces faits et autres de même nature n’étaient toutefois que
des incidents sans grande importance et qui ne pouvaient
influer d’une manière bien sensible sur la prospérité de la
verrerie nivernaise.
Cependant, Horace Ponté et Vincent Sarode qui, plus habi-
tuellement, prenaient ensemble le titre de maîtres, avaient
eu à subir, en 1619, une attaque des plus périlleuses pour
l’avenir même de leur industrie à Nevers. Un certain gentil-
homme verrier français, du nom de Dubuisson (1), se quali-
fiant du titre de syndic et procureur des verriers français,
avait prétendu imposer des conditions qu’Horace Ponté et
son associé rejetaient obstinément. Le duc de Nevers
n’hésita pas à prendre parti, devers le roi de France, pour
les artistes dont sa ville était fière.
Louis de Gonzague, il est vrai, était mort en 1595, mais
sa noble veuve avait continué ses royales largesses envers les
gentilshommes verriers; puis le prince Charles, leur fils,
plus connu sous le nom de duc de Rethelois, en héritant,
en 1601, de leurs immenses domaines, s’était fait le conti-
nuateur de leurs inépuisables générosités.
Donc, ce fut Charles de Gonzague qui , par honneur pour
la mémoire de son glorieux père, intervint solennellement
auprès du roi avec Horace Ponté et Vincent Sarode ; et c’est,
sans contredit, à cette haute intervention que Nevers dut la
conservation de sa verrerie.
Le document contenant les moyens d’intervention du
noble duc auprès de Sa Majesté nous a paru d’un si vit
intérêt, tant pour l’histoire locale que pour l’étude générale
des verreries de France, que malgré sa longueur nous en
donnons ici la copie in extenso (2) :
(1) Un sieur Dubuisson, ingénieur, préside, en 1752, à l’installa-
tion de la verrerie d’Apremont. (Notice sur cette verrerie, par
M. Roubet, page go du présent Bulletin .)
(2) C’est un grand cahier papier de neuf feuillets, très-élégamment
écrits en belle cursive, dont nous devons la communication à M. l’abbé
Griveau, curé de Sauvigny-les-Bois.
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t Moyens d’intervention que met et fournit par devers le
Roy et Nosseigneurs de son Conseil messire Charles de Gon-
zagues, duc de Nivernois et Rethelois, pair de France,
gouverneur pour Sa Majesté en Champagne et Brye, deman-
deur en requête d’intervention du 19 e jour d’août der-
nier 1619.
» Contre Bernard Dubuisson , gentilhomme verrier
françois, soy disant sindic et procureur des gentilshommes
verriers françois , deffendeurs de ladicte intervention et
demandeur de lectresdu 8 e jour de febvrier 1619,
» Et Horace Ponté et Vincent Sarode, escuiers, maîtres de
la verrerie de Nevers, deffendeurs.
» A ce qu’il soit dict, s’il plaist à Sa Majesté et Nossei-
gneurs de son Conseil, faisant droict sur ladicte intervention
dudit sieur demandeur, en conséquence des lettres-patentes
du feu roy Henry le Grand, que Dieu absolve, du mois de
septembre mil cinq cens quatre vingts quatorze, lesdicts
Ponté et Sarode seront maintenus et conservés en ladicte
verrerie de Nevers, pour en jouir suivant et conformément
aux privilèges et exemptions qui leur ont esté accordez, avec
deffense audict Dubuisson et tous autres de les troubler ny
empescher en l’exercice et fonction de leur art, audict Nevers,
de façon aucune, soit par eulx ou personnes interposées, à
peine de trois mille livres d’amende et aux despens de la
présente intervention.
9 Le faict est que le feu sieur duc de Nevers, père dudit
sieur intervenant, aiant recogneu deffunct Vincent Ponté et
Vincent Sarode, gentilshommes verriers d’Italie, du mar*
quizat de Montferrat, estre fort experts en l'art de verrerie, il
désira les attirer en France et establir en sa ville de Nevers,
pour y travailler de leur art pour le bien et utillitépublicque
de tout le royaume ; et pour affermir leur establissement
obtint permission du feu roy Henry troisième de faire faire
ledit establissement, mesmes obtint lettres de naturallité en
faveur desdits gentilshommes verriers pour eulx et leur
postérité, afin de les obliger par ce moien à se résoudre à
t. u, 3 * série. i 3
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— 146 —
passer le reste de leurs jours en ladite ville de Nevers et y
travailler de leur art, et furent doués des mesmes privilèges,
exemptions, franchises et libertez qui ont de tout temps esté
concédez aux aultres gentilhommes verriers françois.
» Cest establissement aiant esté ainsy faict et authorisé par le
prince, il y a bien trente-cinq ou quarante ans, ledictdeffunct
Ponté et Sarode, après le déceds dudict roy Henry trois,
auroientà la recommandation dudict feu sieur duc de Nevers
obtenu confirmation du feu roy Henry le Grand de très-heu-
reuse mémoire, que Dieu absolve, tant de leur establissement
que de leurs exemptions et franchises, sur ce que l’on recognut
par expériance qu’ils estoient des plus expérimentez en leur
dict art de verrerie et que le publicq en recepvoit une grande
utillité et contentement par le grand débit qui se faisoit des
verres de cristal excellemment travaillés en ladicte verrerie,
et que outre ce, ils aprenoient le secret excellant dudict art de
verrerie à plusieurs gentilshommes français dudict art de
verrerie qui se mettoient en apprentissage soubz eulx (1).
(1) On 1 reprochait aux gentilshommes verriers italiens de refuser de
faire connaître à leurs apprentis français les secrets de leur art; d’où,
disait-on, grand préjudice pour les pauvres 'gentilshommes nécessi-
teux de France, dont les verreries étaient supprimées par la concur-
rence italienne, et un conseil de commerce avait été institué par
Henri IV pour se préoccuper des moyens de favoriser l’industrie
française. (Voir Champollion-Figeac, Mélanges historiques tirés des
collections manuscrites de la Bibliothèque nationale — collection de
documents inédits sur l’histoire de France — IV, p. 170, 196, 208, 287.)
Les maîtres de la verrerie de Nevers se défendent victorieusement
de ce reproche et protestent qu’ils n’ont jamais provoqué aucune
plainte, se comportant comme vrais et naturels Français.
M. Schuermans, dans sa quatrième lettre déjà citée, raconte, en effet,
qu’un verrier d’Altare, du nom de Sarode, travaillant en France, et
poursuivi de ce chef par ledit conseil, alléguait qu’il ne peut, sans
autorisation de son souverain , le duc de Mantoue, forfaire au serment
de garder les secrets de son art, d’autant plus qu’au cas contraire tous
ses ouvriers le quitteraient. A quoi il fut obvié par lettres de natu-
ralité accordées d’office, par nature de défense nationale, aux gentils-
hommes verriers italiens qui se trouveraient dégagés de leurs serments
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.» Soubz l’authorité desdictes lettres et promesses des roys
prédécesseurs , ledict deffunct Ponté a tousjours jouy paisi-
blement de ladicte verrerie, comme aussy ledict Sarode et le
fils dudict Ponté qui est l’un des deffendeurs sans aucun
trouble jusques au deuxième jour de may dernier que lesdicts
deffendeurs ont été assignés au conseil, à la requête dudict
Buisson, demandeur, en vertu des lettres du huictiesme feb-
vrier précédent soubz une supposée et empruntée quallité de
procureur sindicq de tous les gentilshommes verriers de
France, tendant à ce que lesdicts Ponté et Sarode, deffendeurs,
soient condemnés à prendre aultant d’ouvriers et aprentifs
françois que d’estrangers ; sur laquelle assignation lesdictes
parties aiant contesté et esté réglées , ledict sieur intervenant
aiant advis de ce trouble seroit intervenu en ladicte instance,
pour l’intérest notable qu’il a de conserver et maintenir
lesdicts deffendeurs en leur dict establisscment et longue
possession de ladicte verrerie et auroit esté receu partie inter-
venante sur la requeste qu’il en auroit présentée à ceste fin le
dix-neuvième jour d’aoust dernier.
* Dict et soustient ledict sieur intervenant, sans appro-
bation de ladicte prétendue qualité de procureur sindicq
dudict demandeur, que icelluy sieur intervenant a grand
intérest d’intervenir en ladicte instance, à fin de ladicte con-
servation en faveur desdicts deffendeurs, l’establissement
desquels et longue possession on veult esbranler soubz couleur
de prétendu réglement dudict demandeur et cela par une
envye mauvaise et odieuse qu’il a contre lesdicts deffendeurs
à cause de l’expériance plus grande qu’ils ont dudict art de
verrerie que non pas ledict demandeur et quelques autres qui
se meslent dudict art.
» Premièrement ledict sieur intervenant soustient ledict
demandeur non recepvable en sadicte demande, fins et con-
envers leur patrie ; et c’est ainsi que les Saroldi, devenus les de Sarode,
ont fait souche en France, où leurs descendants existent encore en
divers lieux.
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— 148 —
clusions n’aiant jusques icy... communiqué aucune procu-
ration valable et autentique justifficative de sadicte prétendue
quallité de sindic des autres verriers de France, sur laquelle
il n’est pas recevable en son action d’aultant que comme
particulier il n'est pas partie capable pour demander un tel
réglement, joinct que c’est un homme de néant qui ne s’est
advisé de faire ceste indue poursuitte que pour vexer et tra-
vailler les deffendeurs en procès.
» Au fonds et sans se départir de la fin de non-recevoir
pertinante et sur laquelle il est préalable de faire droict,
d’aultant qu’en cour souveraine on est obligé de deffendre à
toutes fins, dict ledict sieur intervenant qu’en ce qui regarde
ledict réglement d’astraindre lesdicts deffendeurs à prendre
aultant d'ouvriers françois que d’estrangers , que c’est parti-
culièrement à iceulx deffendeurs à y respondre, et néanmoings
ledict sieur intervenant, pour l’intérest notable qu’il a de
conserver ladicte verrerie en sa splandeur et intégrité , que
ledict réglement n’est juste et raisonnable, d’aultant que par
ce moien ladicte verrerie dépériroit en la perfection qu’elle a
tousjours eue aux ouvrages divers, veu qu’il est certain que
les Italiens sont d’ordinaire plus experts et adroictz audict
art que non pas les François , desquels néanmoings ils se
servent lorsqu’il se rencontre de bons ouvriers , et est une
chose qui a toujours esté et est pratiquée en toutes sortes
d’arts et mes tiers qu’il est permis aux maistres lesquels doib-
vent tousjours estre François ou naturalisés , de se servir de
toutes sortes d’ouvriers de toutes nations "ainsy qu’ils se ren-
contrent; et en cela, ledit sieur intervenant a tousjours été
curieux et soigneux qu’un bon ordre y ait esté perpétuelle-
ment gardé et observé et ny voudroit permettre aucun
désordre, dont jamais aussy il ne s’est faict de plaincte depuis
trente-cinq ou quarante ans qu’ils sont establis, que jusques
à présent par ce particulier soubz une supposée quallité de
laquelle il n’a point faict apparoir et jusques à ce est non
recevable.
» Ledict demandeur fonde sesdictes conclusions sur un
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arrest du conseil qu’on dit estre du septiesme jour de juin
mil six cens cinq et porter réglement entre les verriers de
France , qu’ils auroient autant d’ouvriers françois que
d’estrangers. On ne scait que c’est de cet arrest , et n’a poinct
esté communiqué. Et après qu’on l’aura veu, s’il y en a, on
y répondra.
» Et ce que trouve estrange ledict sieur intervenant c’est
que lesdicts deffendeurs sont seuls attaquéz et poursuivis,
bien qu’en Daulphiné et divers lieux de ce royaume l’on a
depuis ledit temps de mil six cens cinq librement exercé ledict
art de verrerie ainsy que l’on faict encores à présent en ladicte
province de Daulphiné en un bourg appartenant au sieur
Dorlano , et en Bretagne en un lieu appelé Héry, en un
chasteau apartenant au sieur de Rohan , distant de quatre à
cinq lieues de Nantes, sans qu’ils aient jamais esté molestés
de personne, encores que ce soient tous Italiens non natura-
lisez , qui ne sont par ce moien en sy fort termes que les
* deffendeurs ; et sy ceste poursuitte n’estoit envimeuse par
ledict demandeur, on attaqueroit aussy bien les aultres
comme on faict les deffendeurs, à cause qu’ils excellent aux-
dicts ouvrages.
» En un mot ledit sieur intervenant a notable intérest que
ladicte verrerie ainsy establye par ledict feu sieur son père,
authorisée par les roys et fondée en bons tittres et possession
de trente-cinq ou quarante ans, plus que suffisants pour
acquérir prescription , soit maintenue et conservée en son
entier sans qu’il y puisse estre rien inové, ny qu’il y aye
cause de ce faire, veu que depuis ledict temps lesdicts maîtres
verriers s’y sont comportés et gouvernés avecq une telle pru-
dence et modestie qu’il ne s’est jamais trouvé aucune plaincte
contre eulx, aiant tousjours vescu soubz les loix de France,
comme vrais et naturelz François , et au contraire ont aporté
et aportent journellement une grande utillité et contentement
à toute la France par la grande quantité de verres excellem-
ment ouvrez qui se font en ladicte verrerie et se débitent en
tous les lieux et endroictz de ce royaume dont la preuve forte
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— i5o
et irréprochable est toute commune et notoire par le moien
dudict débit. C’est pourquoy ledict sieur intervenant se
joinct avec lesdicts deffendeurs à ce qu’ils soient maintenus
et conservez, à ce que ledict demandeur tant par fin de non-
recevoir que aultrement soit débouté de l’efect et anlérine-
ment desdictes lettres fins et conclusions et condemné aux
despens(i). »
Peu de temps après cet acte si solennel, le 12 novembre
1619, le duc Charles de Gonzague constituait une rente
annuelle de yS livres au profit desdits sieurs Horace Ponté et
Vincent Sarode, et de Hiérosme Sarode, fils de ce dernier.
Déjà, le 18 mars 1617, par contrat passé devant Jarre, notaire
royal , M me Catherine de Lorraine, duchesse de Nivernois et
de Rethelois, tant en son nom qu’en celui de Me r Charles de
Gonzague de Clèves, duc desdits pays, son époux, constituait
une rente annuelle de 68 livres 1 5 sols au profit de noble
Horace Ponté, maître de la verrerie de Nevers, et de noble
Vincent Sarode (2).
(1) A la suite on lit encore : c Et pour justiffication de ce que
dessus, produict ledit sieur demandeur intervenant les pièces qui en-
suivent. 1 Ces pièces, très-sommairement indiquées, ne nous appren-
nent rien, sinon la date des lettres de confirmation par Henri le Grand»
du mois de septembre i5g4, des exemptions accordées aux défendeurs
par le feu roi Henri III.
(2) Les minutes du notaire Jarre ont disparu pendant la Révolution,
et nous ne pouvons guère espérer de retrouver la copie de ces deux
contrats. L’indication nous en a été fournie par un acte du notaire
Taillandier, en date du 14 novembre 1654, portant remboursement
desdites rentes à Suzanne d’Albane, veuve d’Horace Ponté. La pre-
mière rente, en effet, avait été cédée à Horace Ponté par Jérôme
Sarode, fils de Vincent-François Sarode, par-devant Gentil, notaire
royal, le 27 janvier 1624; la seconde rente avait été cédée par les
mêmes Jérôme et François Sarode audit sieur Ponté, le 3 o janvier
1624, par-devant le même notaire Gentil, dont les minutes ont égale-
ment disparu; et Suzanne d’Albanc en était devenue propriétaire par
suite du don mutuel qu’elle et son mari s’étaient fait de tous leurs
biens dès l’année i 635 .
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Et combien d'autres faits de ce genre nous demeurent sans
nul doute inconnus !
Bien loin donc de péricliter entre les mains d'Horace
Ponté , la verrerie prit au contraire une extension si consi-
dérable qu'elle ne fut jamais dépassée, et nous croyons
pouvoir attribuer à cette époque la construction du bel Hôtel
de la Verrerie y en la grand'rue de la Tartre, dont la tou-
relle carrée et la galerie à jour indiquent si bien l'architecture
italienne.
La preuve manifeste du grand développement de la verrerie
se trouve surtout dans l’incroyable quantité d’actes notariés
dont fourmillent les archives ; nous n’en citerons que quel-
ques-uns des plus importants : d’abord les marchés d’achat
du bois de moule nécessaire pour chauffer les fours.
Le 17 décembre 1610, Gilbert Dutret, voiturier par eau,
demeurant en la paroisse de Cuffy, vend et promet livrer à
noble Horace Ponté, maître de la verrerie de Nevers, la
quantité de cent milliers de bois dj^rhcple, moison (mesure)
d'Orléans , bon bois chesgne et charme 'loyal et marchand.
Sera toutefois tenu ledit Ponté de recevoir le quart d’icelle
quantité de bois de tremble. Lesdits cent milliers seront
livrés dans la cour de la verrerie, au jour de Caresme prenant
prochain venant, moyennant le prix et somme de 8 livres
1 5 sols tournois pour chacun millier, le tout revenant à la
somme de 875 livres (1). Semblable quantité de cent milliers
de bois de mosle , à raison de 8 livres tournois pour chacun
millier, revenant à la somme de |8oo livres, est vendue, le
le 19 juin 1614, par honorable homme Claude Damond,
marchand, demeurant à Nevers (2).
En 1619 encore, un nommé Jean Pynault, simplement
qualifié laboureur, demeurant en la paroisse d’Aglan, vend
cent milliers de même bois de mosle , chesgne et charme ,
promettant les conduire et livrer dans la cour de la maison
(1) Archives des notaires, minutes Peilé.
(2) Archives des notaires, minutes Duplessis.
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— i5a —
de ladite verrerie, moyennant le prix de ? 5 o livres tournois
qui est, à raison de 7 livres 10 sols pour chacun millier, sur
laquelle somme ledit sieur Ponté a immédiatement payé
5 o livres en quarts d’écu et doüzains.
Ce même laboureur, vers la fin de cette même année,
18 novembre 1619, vend au même prix cent autres milliers
de bois qu'il s’engage à fournir en quatre livraisons, savoir :
25 milliers dans le jour de Pasques charnels prochain^
25 pour la Nativité saint Jean Baptiste, 25 dans la fête de
Saint-Martin d’hiver et 25 à la Nativité Notre-Seigneur, qu'on
comptera 1620. Parmi les autres marchés moins importants,
mais beaucoup plus nombreux, notons seulement, au passage,
la vente de 8 milliers, au prix de huit livres chacun , par
messire Pierre Cazal, prêtre, curé de Chevenon, le 2 juin 1621.
Enfin, le 17 février 1622, noble François de Roffignac,
écuyer, sieur de Bouhy et d’Aspremont, demeurant audit lieu
d’Aspremont, vend à noble Horace Ponté et à honorable
homme Jean Thonnelier le jeune, marchand à Nevers, la
coupe et superficie d’un bois-taillis, assis en la terre de
Bouhy, paroisse de Saint-Oing , appelé le bois de Goullène,
contenant 94 arpents, 69 carreaulx à 22 pieds pour corde...,
dans lequel bois lesdits sieur Ponté et Thonnellier seront
tenus de délaisser 3 oo chesgnes propres à faire haliveaulx
et sans aucune autre réserve..., et pour taire laquelle coupe
et enlever ledit bois ils auront le temps de trente-sept années
continuelles, et le pourront faire couper en toutes saisons,
excepté le mois d’août, etc.; moyennant le prix de i, 3 oo livres,
sur laquelle somme ledit sieur Ponté a présentement payé au
sieur de Bouhy 900 livres en testons et autres monnaies, et
ont promis payer le reste dans le premier jour de juillet
prochain. En outre, le sieur Ponté a présentement payé à
damoiselle Anne Duplessys , épouse dudit sieur de Bouhy,
la somrtie de 2 5 livres pour ses espingles (1).
(1) Archives des notaires, minutes Pellé. Les autres actes cités,
depuis celui de 1614, sont aussi du même notaire.
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— 153 -
Après Tâchât des bois viennent les marchés pour la terre
blanche des fourneaux, puis pour les cailloux blancs et pour
la soude qui, jetés dans les creusets embrasés du four, cons-
tituent l’élément principal de la composition du verre :
i° Le 18 octobre 1616, Nicolas Maulcourant, manœuvre,
demeurant à Martangy, paroisse de Nolay, s’oblige à noble
Horace Ponté de tirer la quantité de 1 2 poinssons de terre
blanche , qu’il prendra dans les Crots-Blancs , assis en la
paroisse et justice de Saint-Benin-des-Bois ; et icelle étant
tirée devra la faire chesser (sécher), puis après la piller ,
cribler , et la rendre bien nette de pierre et cailloux , puis,
ce fait, la destramper et mettre en paste , bien et dûment,
et en remplir 12 poinssons qu’il sera tenu livrer en la maison
de la verrerie ou sur le port du Pont-Cizeau, dans d'huy en
un mois; et sera le sieur Ponté tenu de fournir audit Maul-
courant, au lieu de Saint-Bcnin, les 12 poinssons et 100 sols
tournois pour chacun poinsson de ladite terre, qui est pour
le tout 60 livres, sur laquelle somme ledit sieur Ponté a
payé 20 livres par avance (1).
Le même Nicolas Maulcourant s’oblige pareillement, le
3 août 1618, à livrer dans la cour de la verrerie, d'huy en
un an prochain venant , la quantité de 4 poinssons de terre
blanche pillée, passée et destrampée , propre à faire les four-
neaux à faire verre et à viltre..., laquelle terre sera tirée au
Crot-Blanc, paroisse de Saint-Benin-des-Bois, et sera tenu
ledit Maulcourant icelle apprester, rendre et conduire à ses
frais.
Après de vingt ans de distance, Nicolas Maulcourant,
qualifié cette fois de fondeur de verre de viltre, s’engage , le
25 novembre 1637, à délivrer audit sieur Ponté S poinssons
de terre propre à faire fourneaul pour verre de viltre, prise
au lieu des Crots-Blancs, en la paroisse de Nollay, et où il
n’y aura que le moins de pierre que ledit Maulcourant
(1) Archives des notaires, minutes Pellé.
t. u, 3» série.
H
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pourra, moyennant la somme de 44 livres, qui est pour
chacun poinçon 110 sols... (1).
Enfin, le 1 1 avril 1640, Jehan Mousnier et Claude Boura-
chon, voituriers par eau, demeurant à Nevers, s’engagent
envers noble Horace Ponté à voiturer dans leurs bateaux, à
toutes eaux et sans séjour, — réservé fortune de rivière, —
12 poinssons de terre des Crots-Blancs et de terre du port
Tharault , pour faire fourneaux à verre , savoir 6 poinssons
pris à Nevers, au logis dudit sieur Ponté, et qu’ils condui-
ront sans cesser sur le port Tharault, et 6 autres, qui leur
seront délivrés par maître Antoine Febvre, marchand audit
port, pour le tout conduire sur le port de Roanne et délivrer
au sieur David, hôte du logis où pend pour enseigne saint
Sébastien, duquel apportant décharge il leur sera payé par
le sieur Ponté, pour la voiture et camionnage, 48 livres
tournois (2).
2 0 Un marchand de Moulins en Bourbonnais, Étienne
Amoul, s’engage, le 23 mars 1627, à vendre et livrer à
Nevers, sur le port du guichet de Loire, à noble Horace
Ponté, la quantité de 20 poinssons pleins de cailloux blancs,
et iceulx amasser au long de la rivière d' Allier, dans les
quinze jours après la fête de Pâques charnels prochainement
venant, ou plutôt, si faire se peut, moyennant la somme de
45 sols pour chacun poinsson desdits cailloux , qui fait pour
le tout 45 livres.
Le 21 octobre 1641. Horace Ponté fait marché avec Jean
David, voiturier par eau, demeurant à Nevers, lequel
s’oblige à recevoir du sieur Julien Musnier dit la Muraille,
marchand verrier en la ville d’Orléans, i 5 ou 20 barrys de
sable blanc d* Estampes, les charger en ses bateaux et amener
à Nevers, au plus tôt que faire se pourra, moyennant le prix
de 16 sols pour chacun barry ( 3 ).
(1) Archives des notaires, minutes Casset.
(2) Archives des notaires, minutes Pellé.
( 3 ) Archives des notaires, minutes Casset. — On sait que les faïen-
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3 ° Quant à la soude, Horace Ponté continue à la faire
venir de Lyon, et il l'envoie chercher à Roanne par les
mariniers de Nevers, en y expédiant des terres blanches,
comme le pratiquait Jacques Sarode.
Ainsi, le 3 janvier 1618, Blaize Berthet, voiturier par eau,
demeurant à Nevers, en la paroisse Saint-Sauveur, promet à
noble Horace Ponté d’aller jusqu’à Rouane , au logis du
sieur Pascal David, hôte du logis où pend pour enseigne
saint Nicolas, recevoir dudit David la quantité de 44 barils
et 24 balles, lesdites barries et balles pleines de soulde ,
appartenant audit sieur Ponté. Lesquelles il sera tenu
amener et conduire par eau, en cette ville de Nevers, sur le
port du petit guychet de Loire ou de Ninchat , et délivrer
au sieur Ponté, moyennant le prix et somme de 5 o sols pour
chacun millier pesant de ladite soude, payables à la livraison
d'icelle.
Sera d’ailleurs tenu ledit Berthet partir dès le lendemain
et être de retour dans huit jours; et dans le cas où la soude
ne lui serait pas délivrée , soit qu’elle ne fût pas arrivée à
Roanne, ou qu’on eût fait marché avec quelque autre mari-
nier pour l’amener à Nevers, les parties ont été d’accord que
le sieur Ponté serait seulement tenu de bailler audit Berthet,
pour une fois, la somme de 4 livres pour six journées qu'il
pourra employer à aller et venir de Roanne.
Trois semaines plus tard, le 26 janvier, le même marinier
faisait encore marché avec le sieur Ponté de lui amener de
ciers de Nevers, du temps d’Anthoine de Conrade, en i 632 , tiraient
de la paroisse du Gravier, près de La Guerche, le sable « propre à
faire de la vesselle de fayence ». Ce sable grossier contient une grande
quantité de cailloux en quartz très-pur, blanc et opaque, qui pou-
vaient parfaitement être employés à la fabrication de l’émail, après
avoir été broyés sous la meule. ( La Faïence, les Faïenciers et les
Émailleurs de Nevers , par M. du Broc de Segange, p. 76-77.) — Il est
à présumer que nos verriers profitèrent aussi du voisinage du Gravier
pour utiliser ces cailloux blancs qu’ils recherchaient partout si soi-
gneusement.
5
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— 1 56 —
Roanne vingt balles ou barries pleines de soude , moyennant
la somme de 18 sols tournois, pour chacune barrye ou balle
livrée sur les ports du Guichet ou de Ninchat.
Cependant, Horace Ponté se procurait aussi de la soude
d'alicante, alors si renommée (r). Le 19 mars i 635 , il fait
un contrat avec un marchand de Rouen , Jehan Auzout,
lequel s’engage à lui fournir et livrer la quantité de dix
milliers de soudde d'Espaigne à? Alliquante , bonne, loyale et
marchande, servant à faire verre, rendue et conduite à Paris,
où elle sera mise et serrée en magasin sec , dans le premier
jour d’août prochain, et ce, moyennant la somme de
10 livres 10 sols pour chacun cent pesant, plus 18 livres,
pour remballage et futaille de ladite marchandise bien
accommodée dans de bons muyds (2)...
La soude d’Alicante était particulièrement employée pour
la composition du beau verre blanc, après avoir été pilée et
passée au tamis, puis mêlée avec du sel de nitre, du sable et
du manganèse en poudre. Le tout étant en fusion, disent les
verriers, on apercevra à la surface un sel qu’on appelle sel de
verre; il ne faut pas ôter ce sel trop tôt, mais seulement
quand la matière est bien fondue.,.; on l’enlève avec l'ins-
trument appelé la poche, mais pas entièrement. Et il faut
bien prendre garde qu’il n’y ait de l’eau dans la cuillère, cela
ferait sauter le sel avec grand bruit, et l’on risquerait d’avoir
le visage brûlé et même les yeux crevés ( 3 ).
Cette formation du sel de verre a pour nous un intérêt
particulier, car les minutes du même notaire qui nous ont
fourni le marché de soude d’Alicante nous font connaître, à
la date du 3 juillet 1634, un très-curieux marché entre noble
Horace Ponté et honorable homme Jean Jachiet, marchand
(1) La soude d'alicante est aussi appelée soude de barille, du nom
de cette plante, la barille , qui se recueille et se brûle aux environs de
la ville d’Alicante. C’est la véritable soude de barille qu’il faut
employer pour la fabrication des glaces à miroirs. (Encyclopédie.)
(2) Archives de la chambre des notaires, minutes Casset.
( 3 ) Grande Encyclopédie.
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de la ville de Lyon, par lequel ledit seigneur Ponté vend et
promet de livrer en la maison du sieur Michel Rabdeau,
marchand quincaillier de Nevers, muni de la procuration du
sieur Jachiet, tout le sel de verre qu’il fera faire en la
verrerie de Nevers pendant un an, à commencer de ce jour,
sans pouvoir en vendre à d’autres; et ce, moyennant le prix
et somme de 12 livres 10 sols, pour chacun cent pesant dudit
sel de verre, que ledit sieur Ponté livrera de trois mois en
trois mois, laquelle somme ledit Rabdeau sera 'tenu de payer
en la maison du sieur Ponté, et avant d’obtenir la délivrance
de chacune livraison, sera tenu aussi ledit Rabdeau « le
desnoncer à messieurs les officiers du grenier à sel et d’iceux
en apporter certificat » au seigneur Ponté.
A la date du 16 février 1641, le seigneur Horace Ponté,
de son bon gré et bonne volonté, consent à livrer à Daniel
d’Hennézel, écuier, demeurant en la verrerie de Bois-Giset,
ung poinsson de sel de verre pesant six cents et valant la
somme de ?5 livres , pour laquelle somme ledit sieur
d’Hennézel livrera la quantité de 150 liens de verre (1)...
Ce qui prouve mieux encore l’importance croissante des
productions de nos verriers à cette époque , c'est le grand
nombre de baux de locations nécessitées pour l’emmagasi-
nement des marchandises, sur les deux rues de la Tartre et
des Fumiers (rue actuelle de Saint-Didier), entre lesquelles
se trouvait l’hôtel de la Verrerie.
C’est, par exemple, le 3 mars 1616, un bail pour quatre
années, commençant à la fête Saint-Jean-Baptiste, consenti
par Perrette Poin , femme de Charles Roy, écuyer, sieur de
(1) Minutes Pellé. — Ajoutons que les manufactures de faïence de
Nevers faisaient aussi une grande consommation de salin ou sel de
verre. Dans une statistique faite au commencement du premier
Empire sur toutes les usines de la Nièvre, on voit que la seule
manufacture de VEcce Homo , rue Saint-Genest, consommait six
milliers de sel de verre à 22 francs le cent; on le tirait alors des
verreries de la Seine-Inférieure. (La Faïence , les Faïenciers et les
Émailleurs de Nevers , par L. du Broc de Segange, p. 223 .)
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— 1 58 —
Mimasson, à rioble Horace Ponté, d’une grange assise der-
rière la maison de ladite damoiselle , en la rue des Fumiers,
paroisse de Saint- Laurent, sous l’accense de 1 5 livres tournois
par chacun an, qui est pour quatre ans 60 livres, que le sieur
Ponté s’empresse de payer d’avance. Il a soin aussi de stipuler
que pour aller et venir en ladite grange, il aura son entrée
tant par devant la maison de ladite damoiselle , du côté de la
rue de la Tartre, que par derrière ; et au cas qu’il lui arrive
de la marchandise avant la fête de Saint-Jean-Baptiste, il la
pourra mettre dans ladite grange, sans pour cela être tenu à
aucune chose à ladite damoiselle.
De la même année encore et années suivantes, bail d’une
maison appartenant à Marie du Puis, assise en la grande rue
de la Tartre , paroisse Saint-Laurent , appelée la maison de
Chasteau-Gaillard, avec ses droits, aisances et appartenances,
à la réserve seulement d'une des bouticques de devant , la plus
proche de la maison du maître émailleur, Gervais Du pré , et
du cellier de ladite maison , où ladite du Puis pourra entrer
par une porte qui est entre la maison de Chasteau-Gaillard
et la maison de Saint-Pierre ..., sous l’accense de 24 livres
tournois par chacun an (1).
En 1619, bail d’une petite cour proche et attenant les
murailles des bastimens de la verrerye , avec un petit cellier
joignant ladite cour, le tout appartenant à Perrette Compte,
veuve de feu Guillaume de Font-Ferrière, et à Michel de
Font-Ferrière, vigneron,' son fils, sous l'accense de 6 livres
( 1 ) Le 5 octobre i63o, Étienne Vaquet, huissier, sergent royal des
tailles en l'élection de Nevers, et Symonne Gigauld, sa femme, vendent
à Sébastien Paulet, chanoine de Nevers, une maison assise en la
rue de la Tartre, vers la verrerye , appelée vulgairement la maison de
Saint-Pierre , tenant par le devant à ladite rue, d’autre part à la maison
dudit sieur acquéreur, appelée le Château-Gaillard, d'autre à la maison
des héritiers feu Jean Thanne, et par le derrière à la maison du sieur
Genest, chanoine, laquelle dépend du chapitre de Saint-Cire ; ladite
vente faite moyennant mil livres... (Archives de la chambre des no-
taires de Nevers, minutes Defrance.)
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tournois , qui est pour quatre années la somme de 24 livres,
sur laquelle ledit sieur Ponté a payé par avance 18 livres (1).
Tous ces documents accumulés, et bien d'autres passés
sous silence , nous montrent assez quelle animation devait
alors régner, dans la ville par le seul fait de la verrerie , sans
compter les faïenceries et les ateliers d emailleurs. Mais
quelles étaient donc les productions de nos verriers,? En
vérité, il nous tarde de faire connaître quelques-unes de ces
oeuvres maîtresses, sorties des mains de nos artistes gentils-
hommes.
Ce n’est pas que nous puissions espérer, comme pour les
faïences et même pour les émaux , retrouver intactes , dans
nos musées ou dans les collections particulières, ces trop
fragiles pièces rares de verrerie de Nevers dont un vieil
auteur raconte que les curieux remplissent leurs cabinets, à
l'égal des cristaux de Venise , et toutes ces sortes de gen-
tillesses propres à orner les cheminées , les armoires , que
chacun , riche ou pauvre , veut avoir (2)..., mais les archives
où nous avons puisé déjà si largement nous font espérer
encore d’heureuses découvertes.
Leséchevins, en effet, sont pleins d’admiration pour les
produits de nos artistes , et ils se plaisent , — nous l’avons
constaté en 1597, 1599 et i 6 o 3 , — à en faire présent à tous
les princes et grands seigneurs qui visitent la cité, à tous les
personnages dont ils ont besoin de gagner les faveurs , par
exemple à messieurs les trésoriers généraux, receveur et
greffier de la généralité de Moulins; eux-mêmes sont fiers
de s’attribuer chaque année, pour étrennes, quelques-uns de
ces grands verres de cristal raffiné qui remplacent si élé-
gamment les coupes du potier d’étain, ou quelque beau
vinaigrier de cassidoine, etc. Lisons plutôt cette ordonnance
du quatrième jour de mars 1618 :
(1) Ces baux sont tous tirés des minutes Pellé.
(2) Citation de M. Charles Grouet dans VEcho du monde savant ,
27 juin 1844.
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— i6o —
« Maître Vincent Bordet, recepveur des deniers commungs
de la ville de Nevers, paiez des deniers de vostre recepte au
seigneur Orace Ponté, maître de la verrerie de ceste ville, la
somme de quatre-vingt-neuf livres cinq sols, pour dix-neuf
douzaines de verres de cristal par luy fournies et livrées pour
bailler et distribuer tant à nous qu’aux officiers de l’hostel
commung de ceste ville, ainsi que Von a accoustumé, le jour
Saint-Rémy qu’ils entrent en charge , ou le jour de Saint-
Michel à ceux qui sortent de charge (i), et le premier jour
de l'an pour leurs estrennes, et ce pour ledit jour Saint- Rémy
et premier de Pan, derniers passés. Ensemble pour cinq
vinaigriers de cassidoyne (2), laquelle somme vous sera
passée à la despense de vostre compte, rapportant par vous
la présente, avec quittance dudit Ponté au bas d’icelle. »
Trop rarement, dans les circonstances plus importantes, à
l’appui de son ordre de payement, le receveur joint le
mémoire de l’artiste. Nous avons retrouvé plusieurs de ces
pièces ; et l’une d’elles en particulier, datée de 1622 , l’année
de la venue de la reine Anne d’Autriche en notre ville , offre
de si minutieuses descriptions et des détails si charmants que
nous estimons comme une bonne fortune l’honneur d’en
publier intégralement le texte. C’est vraiment le commen-
taire le plus fidèle et le plus séduisant des quelques lignes de
nos anciens chroniqueurs :
« Au mois de juing 1622 j’ay envoyé à Pougues, suivant
l’ordre de messieurs les eschevains , douze douzaines verres
rafinés, desquels y en avoit six couverts, savoir : deulx avec
des fleurdelis et ung avec une forme de couronne , les aultres
avec des aneaulx ; deulx couppes avec des oyseaulx dedans
( 1 ) Archives communales de Nevers, CC. 195-1629.
(2) Vinaigriers de cassidoine . Le Glossaire de M. de Laborde nous
apprend que la chalcidoine , mot altéré dans la basse latinité en
cassidonia, cassidoine , est un quartz agate de couleur blanche,
laiteuse et quelquefois bleuâtre ou saphirine.
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— i6x —
et deulx posées sur des pilliers en las d'amour , vallant le
tout cinquante-huit livres douze sols.
» Plus deux grands va\es jaspés de trois livres la pièce,
vallant six livres.
» Plus deulx moyens vazes de mesme estofe avec six
couppes de vingt-cinq sols pièce , vallant dix livres.
» Plus deulx vinaigriers de mesme estofe (i), à vingt-cinq
solz pièce . vallant deux livres.
* Plus j’ay fourny pour cinq solz , foin et paille pour
acommoder lesdits verres et trente-cinq solz qu’ay payé
pour le port d'iceulx, le tout deux livres.
» Plus délivré à mons r d’Origny (2) le jour après que
lurent portés lesdits verres quatre verres tenantz environ
deulx paintes, vallant vingt solz pièce, deulx aultres tenantz
environ chopine , la pièce, de dix solz. Les deuU font quatre
livres dix solz
» Plus délivré audit sieur d’Origny douze verres rafinés
pour donner à quelquauttre personne, vallant quatre livres
dix solz.
» Plus deulx aultres verres rafinés avec ung couvert , ung
cerf de cristal rafiné , servant de vinaigrier, ung poisson
esmaillé , ung chien et ung panier pour donner à Madame
sœur du roy, vallant le tout cinquante-sept solz six deniers.
» Le 9 m# juillet 1622 j’ay envoyé à Mollains par Philbert
(1) Vinaigriers jaspés , c’est-à-dire imitant le jaspe, quartz jaspé.
Dans la longue nomenclature des quartz jaspés il faut mentionner le
jaspe sanguin, les jaspes rubanés, tigrés, arborisés, agatisés, fleuris.
( Glossaire de M. Léon de Laborde.)
(2) M. Bardin d’Origny, procureur du fait commun de cette ville,
qui, avec l’échevin François Moquot et vingt notables bourgeois, fut
député pour aller saluer la reine à La Charité, le mardi i 3 du mois
d’août. — Voir dans les Archives de Nevers , par Parmentier (t. II,
pages 175 à 179) le procès-verbal de l’entrée de la reine à Nevers, le
23 août 1622. 11 avait été résolu que, attendu que Sa Majesté n’avait
encore fait son entrée en cette ville, on lui en ferait une, la plus
célèbre qu’il serait possible, et que toutes les solennités accoutumées
seraient observées.
t. u, 3* série. i5
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— I Ô2 —
Girard (i) suivant l’ordonnance de messieurs les eschevains
la quantité de vingtz-trois douzaines et demie verres de
cristal rafiné, vallantz quatre livres dix solz la douzaine.
» Plus j’ay payé audit Girard pour sa peine d'avoir porté
lesdits verres cent solz, à quoy il est demeuré d'accord ayec
mons r Henry (2).
» Plus j’ay payé pour le loin et paille pour acommoder
lesdits verres sept solz et dix solz pour des cordes.
» Le i 5 me jour dudit mois audit an, j'ay délivré à mes-
sieurs les eschevains, tant pour faire présent à monsieur
le gouverneur qu’à plusieurs aultres personnes, la quantité
de quinze douzaines verres rafinés, vallantz soixante-sept
livres dix solz.
» Quelque temps auparavant j’ay délivré à deulx fois,
pour monsieur Henry, une douzaine verres rafinés vallantz
quatre livres dix solz.
» A madame Gueneaul ( 3 ) six verres rafinés vallantz deux
livres cinq solz.
» A madame Daurigny (4) une douzaine de mesmes verres
vallantz quatre livres dix solz.
1 Le i 5 6 jour d’aoust audict an, délivré à Loricquet une
douzaine grandes bouettes à confitures qu’il est venu de-
mander au nom de madame Gueneaul, vallantz dix solz ( 5 ).
» Le dimanche 28 e jour dudit mois d’aoust audit an,
(1) Ce Philbert Girard est souvent cité sur les registres de la
paroisse. Aux baptêmes de ses enfants, c’est ordinairement un des
gentilshommes verriers qui est parrain.
(2) Pierre Henry, premier échevin en exercice cette année.
( 3 ) $ans doute la femme de Philbert Gueneau, avocat, quatrième
échevin en l’année 1622.
(4) La femme du sieur Bardin d’Origny, précédemment cité.
( 3 ) L’usage de présenter des confitures était très-fréquent. Le lende-
main de l’arrivée de la reine à Nevers, MM. les Échevins furent de-
rechef faire la révérence à Sa Majesté , à laquelle ils présentèrent des
confitures, comme aussi furent saluer M"* la princesse de Conti et
M"" de Chcvreuse, auxquelles ils présentèrent des confitures, etc.
(Parmentier, loco citaio.)
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— 1 63 —
j’ay délivré à ung homme que messieurs les eschevains ont
envoyé à Mollains (Moulins) trois douzaines sarbacanes
de plusieurs coulleurs, dorées et esmaillées (i), pour porter
à la Royne régnante dont y en avoit sept ou huict que j’ay faict
esmailler aulx esmailleurs , vallant le tout dix-huict livres.
» Les parties cy dessus escriptes se montent à la somme
de deulx centz quattre-vingtz-dix-neuf livres deulx solz six
deniers. »
Au bas de ce mémoire si curieux se trouve la quittance
du seigneur Horace Ponté, munie de sa grande et belle
signature ( 2 ).
Nos verriers excellaient, on le voit, dans la confection de
t ous ces capricieux objets de luxe, devenus si rares de nos
jours : verres de cristal raffiné, de toute grandeur, vinaigriers
de cassidoine , grands et moyens vases jaspés , boîtes à confi-
tures, sarbacanes émaillées, et toutes autres choses qui se
peuvent faire de cristal , comme : chandeliers , tasses , bou-
teilles, burettes, bénistiers, esguières (3) ; puis ces beaux
(1) La sarbacane est un long tube au moyen duquel on lance quel-
que chose en soufflant. Les sarbacanes furent en grand usage à la cour
de Henri III. De Thou raconte (livre LXXIV) que Saint-Luc, un des
favoris du roi, se servit d’une sarbacane pour lui faire, pendant la
nuit, des menaces au nom du ciel et l’arracher à ses désordres. La
ruse fut bientôt découverte et Saint-Luc obligé de prendre la fuite.
( Dictionnaire historique des institutions, mœurs et coutumes de la
France , par Chéruel.)
(2) Arch. com. de Nevers. Pièces justificatives des comptes. CC. 291.
— Tous les artistes qui habitaient Nevers avaient été mis à contribu-
tion pour cette solennelle entrée. Nous trouvons quatre peintres :
Philippe Crétin, Jean Mayux, Jean de Dijon, Pierre Daguet, qui
ont peint divers tableaux et écussons aux armes de la reine; un bro-
deur, Michel Mambrun, qui reçoit 16 livres pour la façon du « poisle »
de la reine, en velours bleu orné de cannetilles d’or et d’argent , etc.,
et jusqu’au maître boulanger, Gabriel Crosatier, qui reçoit 14 livres
pour un < massepin » et une pyramide de sucre...
( 3 ) Revue du Lyonnais, note de la page 280. Actes consulaires de
Lyon dressés en i 665 , BB. 28.
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— 164 —
verres à aneaulx si gracieusement décorés , ces coupes garnies
d'oiseaux, ce cerf servant de vinaigrier, toutes ces c jolivetez »
enfin dont nous serions si heureux aujourd’hui de faire
montre dans les vitrines de nos collections (i).
On nous saura gré, sans doute, de reproduire à la suite du
mémoire d’Horace Ponté quelques extraits de la lettre déjà
citée de M. Van de Casteele à M. Schuermans sur l'ancienne
verrerie liégeoise. Dans les nombreux engagements contractés
par les gentilshommes italiens venus pour travailler « à la
(i) M. Bouveault possède, dans sa riche collection, entre autres objets
des plus curieux de la verrerie nivernaise à la façon d’Altare, un de ces
gracieux verres à aneaulx . Nous reproduisons ici un gobelet de même
genre, à boutons et anneaux, conservé au musée de Nevers (vitrine
des émaux de Limoges), avec un ancien calice de verre et sa patène ,
trouvés en i 832 , dans une tombe de pierre de l’église Saint-Genest.
Au-dessous du gobelet, nous sommes heureux aussi d’offrir le dessin
d’un magnifique vase à pied et à anses , découvert il y a quelques
années par M. Charles Le Blanc-Bellevaux dans la commune de Bona,
en Nivernais, et dont il a bien voulu nous adresser une photographie.
Ce vase en verre blanc fut trouvé dans le jardin de l’ancien fief de
Charry, au milieu de débris d’assiettes en faïence camaieu et de
fragments d’appliques en verre contourné en torsades. Peut-être faut-
il voir là un spécimen de ces « vases à pied en verre » dont Y Album
du Nivernais (t. I* r , p. *79) dit, à propos des anciennes verreries,
que plus d’un auteur du temps en fait mention. M. Touchard-Lafosse,
dans la Loire historique , pittoresque et biographique (t. II, p. 648), n'a
pas manqué de reproduire cette indication, et l’érudit M. Schuermans,
qui a réuni tant de documents Sur l’histoire des verreries artistiques,
citant aussi ces quelques mots dans sa quatrième lettre au comité du
Bulletin des commissions royales d’art et d'archéologie (t. XXIII, p. 108 J,
ajoute finement que « cette indication mettra sans doute M. l’abbé
Boutillier sur la voie pour retrouver les auteurs cités, que j’ai, quant
à moi, cherchés en vain ». A quoi je ne puis qu’ajouter que, moi aussi,
jusqu'à ce jour, je n’ai rien trouvé, si ce n’est ce texte : Sunt et
officinœ vitriariæ in urbe , ubi vitra et vasa diversœ delectationis con -
flantur ; lequel texte, d’après Y Album du Nivernais qui nous le cite,
en l’attribuant au quinzième siècle, serait tiré d’anciennes chroniques
sur Decize. V Album ne donne d’ailleurs aucun détail sur ces chroni-
ques, sans doute manuscrites, et n’indique pas davantage entre les
mains de qui elles sont conservées.
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VERRERIE N IVE RNAISE |l re Epoque)
VASE A PIED ET A ANSES ( Appartenait à MT Ch. Le Banc -Belle vaux )
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0A*HtST. 004 sr </
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— 165 —
vénitienne » aux verreries de Liège , et que publie l’auteur,
se retrouve en effet l’indication des principaux ouvrages
artistiques de nos verriers : En i 65 o, Antoine Meringo\
s’engage à faire toutes sortes de verres bien faits , tant pour
servir au vin qu’à la bière (on a vu précédemment, page 122,
Paulo Mirengo, à Nevers, en 1607); — Jea n Rigoz
fera € verres à quattre bouttons , deux bouttons et haulte
olive » ; — Francisco Santin met dans ses conditions « que,
s’il convenait faire des verres extraordinaires, comme à
serpent (i), et d’autres façons », on les lui payerait par
journée en lui fournissant un garçon. — En i 655 , Jean
Ongaro, de Muranc, fera des verres à la façon des Al taris tes
(nous soulignons ces mots pour bien rappeler que nos
verriers étant tous Altaristes, les détails qui vont suivre
nous intéressent plus directement) , « comme verres à buck ,
à chaisnettes, à demy cotte et avecque des branches , verres à
la bierre à ondes , à escharbotte, glacez et mouliez, couppez
az ondes, comme se font ordinairement » ; — Paulo Maciolao
fera « verres à quattre bouttons et les anses dessus, à la façon
de Lille, et les verres à la bucque » et autres verres à la
façon des sieurs Altaristes, « les couppes de diverses sortes, à
la façon de Venise, des verres à fleurs , des verres avecque
leurs couvertes à fleur, les verres à serpent. »
Plus loin il est encore fait mention des « basses couppes
lisses, des couppes lisses à l’olive, des vers à trois boutons,
des couppes à trois piliers et autres façons, des couppes
toumassines à ung serpent et aultres sortes de verres extraor-
dinaires ».
(1) Les # verres à serpent » sont sans doute ces verres à pied orné
d’une sorte d'ailerons en filaments de verre recourbés, contournés et
terminés en général par une tête surmontée d’une crête. C’est la forme
*qu’on rencontre le plus souvent sur les tableaux de l’école flamande
et hollandaise. (Note de la page 1 1 de la lettre de M. Van de Casteele.)
Pour les autres termes inconnus, nous renvoyons à la quatrième
lettre de M. Schuermans, qui se termine par un vocabulaire auquel
nous espérons bien faire encore de nombreux emprunts.
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— 1 66 —
Mais poursuivons notre récit. Ce n’était pas cependant
par cet unique commerce de la petite verrerie commune
ou artistique, si étendu qu’il pût être, que nos verriers
eussent atteint la grande prospérité que nous venons de
constater.
Aussi habiles négociants qu’artistes distingués, Jacques
Sarode et Horace Ponté, profitant de leur situation si favo-
rable sur les bords de la Loire, firent également le trafic du
gros verre ou verre à vitre blanc et de diverses couleurs,
dont une fabrique importante paraît avoir existé dès le
quinzième ou seizième siècle, dans les forêts du Morvand^
au lieu dit Bois-Gizet , sur le territoire de l’antique paroisse
de Savigny-Poil-Fol.
Les maîtres de cette grosse verrerie envoyaient leurs pro-
duits à la verrerie de Nevers, d’où les mariniers les voitu-
raient jusqu’aux extrémités de la France; aussi le nom de
nos gentilshommes était-il connu bien au loin î
En 1643, un nommé Jacques Damen, qui travaillait aux
verrières de la cathédrale d’Auch, ne pouvant se procurer des
verres de couleur dont il avait besoin; adresse à MM. du
Chapitre de ladite église métropolitaine, à Aux, une lettre
curieuse où nous lisons : « Ces lignes serviront pour vous
faire savoir que j'ay escrit en plusieurs villes les plus trafi-
quantes de la France pour recouvrer du verre de couleur et
n’en ay point trouvé. J’ay parlé avec ces gentilshommes qui
font le verre à La Prade, mais je n’ay pas Jpeu avoir bonne
responce d’eux et crois qu’ils ne sont point asseuré en leur
fait ; mais un de leurs gens m’a adverti qu’on en pourra faire
à la verrière de Nevers , où j’ay escrit au maistre gentil-
homme qui fait le verre, qui s’appelle Charles de Hansé, et
attends la responce. Si tost je l’auray reçue, je vous adver-
tiray S’il vous plaisoit escrire à Nevers à ce gentilhomme
qui fait le verre, comme vous avés des amis et crédit partout,
vous ferés plus avecq une parolle que moy avecq de l’argent.
Vous pourrés adresser vos lettres à Moulins en Bourbonnais,
chez M. Mangin, marchand, pour les faire tenir à
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— 167 —
M Charles de Hansé, au Bois-Gizi, paroisse de Savigni,
à Nevers (1). »
Nous avons pu recueillir sur la verrerie de Bois-Gizet et
les gentilshommes du nom de Henne\el ou Henne\et (qui,
sans doute, se prononçait de Hansé) des documents si nom-
breux et si importants qu’ils feront l'objet d’un chapitre
spécial.
Voici maintenant la fin de cette brillante période que l’on
peut appeler la première époque de la verrerie nivernaise.
Les registres paroissiaux de Saint- Laurent et des différentes
paroisses de la ville, autrefois couverts des signatures de
c noble et sage personne Orasse Ponté, maître de la verrerie
de Nevers et procureur fabricien de Saint-Laurent (2), de
honnête femme ou noble damoiselle, ou encore scientifique
damoiselle ( 3 j Suzanne d'Albane, dame et maistresse des
verriers (4) », — car toutes les familles des faïenciers et des
émailleurs, la plupart aussi d’origine italienne , estimaient
comme un honneur de faire tenir leurs enfants sur les saints
fonts du baptême par les nobles maîtres de la verrerie, — ces
registres commencent à faire silence.
Par une déplorable fatalité, les comptes de l’hôtel de
ville et leurs pièces justificatives manquent aux archives, de
1629 à 1688.
Une dernière fois, Horace Ponté est cité, le 28 octobre
1645, sur un acte des verriers de Bois-Gizet; et c’est cette
année même qu’il meurt, sans que nous en trouvions d’ail-
leurs aucune mémoire officielle. Dès le i 3 octobre i 635 ,
Horace Ponté et sa noble compagne s’étaient fait don mutuel
(1) Agonie de la peinture sur verre , par M. l’abbé Canéto. [Annales
archéologiques , tome X, page 3 o.)
(2) Acte du 9 septembre i 63 o, où il est parrain avec damoiselle
Etiennette Brisson, femme de noble Jean Dupuis, médecin de Son
Altesse de Manthoue , d’une fille de Vincent Doyard, maître serrurier
de la ville, et de Claire Godin.
( 3 ) Acte du 27 août 1609, paroisse Saint-Sauveur.
(4) 17 janvier i 633 , paroisse Saint-Angle.
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de tous leurs biens par-devant les notaires Taillandier et
Casset. De même, le 18 janvier 1646, Suzanne d’Albane,
veuve d’Horace Ponté, et Catherine Ponté, aussi veuve de
noble Laurent Bertholus, vivant maître de la verrerie de
Chalon-sur-Saône (1), demeurant de longtemps en cette
ville de Nevers, au logis de la verrerie, n’ayant aucuns
enfants de leurs mariages, pour l’amitié qu’elles se portent,
secours et assistance qu’elles se sont toujours rendus, se font
donation pure, simple et irrévocable, au dernier survivant ,
de tous leurs biens, tant meubles qu'immeubles, voulant
qu’après le décès de la prémorante, la survivante en demeure
propriétaire comme de sa chose, à la seule charge des frais
funéraux, des services et aumônes comme la survivante
avisera (2). Tout entière à sa douleur, et d’ailleurs tort riche,
Suzanne d’Albane abandonne donc la fabrication. Alors se
produit un temps d’arrêt qui pouvait être le signal de la
chute définitive de cette industrie et qui l’eût été sans l’affec-
tion des princes de Gonzague pour leur ville de Nevers.
Deux années à peine écoulées , la verrerie va renaître et
briller d’un nouvel éclat.
(1) Cette indication si intéressante rappelle la note de la page 141,
où l’on mentionne Thomas Bartholus, gentilhomme verrier à Rouen
en 1598.
(2) Cet acte des minutes Casset est revêtu des belles et grandes
signatures de Suzanne d’Albane et Catherine Ponté.
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II?* Epoque -LES CASTELLAN.
I ÇtOMJU t/Uit/04CC>
d'Azur à une Tour d* Argent surmontée d'un Aigle d’Or.
gidü— eoSX&ïL-
Ln-Signatares de G10VANI CASTELLANO et BERNARDINO PERROTTO
à leur arrivée à Nevers .
HLAnnoiries des CASTELLAN, d’après lArmorial de d'Hozier.
IV. ^Signatures de JEAN CASTELLAN, et de son fils MICHEL d après
les actes de Etat Civil de Nevers.
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— i6g —
CHAPITRE III.
DEUXIÈME ÉPOQUE.
LES CASTELLAN.
( 1647 - 1716 .)
La princesse Marie de Gonzague écrit aux échevins de Nevers pour
leur recommander Jean Castellan qui vient , avec son neveu Bernard
Perrot, rétablir la verrerie; — Jean Castellan était déjà maître de la
verrerie de Liège en i 638 ; — Bernard Perrot s’en va fonder une
verrerie à Orléans; il obtient de Louis XIV, en 1688, un brevet
d’invention pour un nouveau moyen de couler le cristal en table ;
— dès 1661 Jean Castellan s’était fait concéder, à la faveur du car-
dinal Mazarin, le privilège de la vente de tous ses ouvrages de
cristal et de verre raffiné, pendant trente années, depuis Nevers
jusqu’à Poitiers, à l’exclusion de tous autres marchands; — Jean
Castellan meurt en 1670; son fils Michel lui succède, avec son
beau-frère, Marc de Borniol, époux de Marie Castellan; — dernières
années de Suzanne d’Albane, veuve d’Horace Ponté; ses fondations
pieuses, son testament en 1 666, sa mort; — quelques épisodes de
la vie intime des verriers; — Michel Castellan, seul maître de la
verrerie depuis i 685 , meurt en 1721 , âgé de soixante-seize ans; —
sa veuve, Marie Gentil, continue la fabrication, puis l’abandonne
en 1726.
Nous avons raconté, dès les premières pages de cette
histoire , comment le duc Louis de Gonzague avait été le
véritable initiateur des verreries de cristal, à la façon de
Venise, dans son duché de Nivernais.
Depuis ce temps, soixante et quelques années à peine ont
passé, pendant lesquelles deux générations d'artistes se sont
succédé dans une merveilleuse union; mais soudain, en
frappant Horace Ponté, le neveu du premier de nos verriers
t. 11, 3 * séné. 16
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Jacques Sarode , la mort a jeté le désarroi dans cette commu-
nauté, et la verrerie est tombée...
Cependant l'œuvre de Louis de Gonzage ne périra pas
encore, et c’est sous le patronage de ce nom si glorieux pour
la cité nivemaise, qu’une seconde fois va s’établir en notre
ville cette noble industrie.
Le duché de Nevers était alors entre les mains de la prin-
cesse Marie, tutrice du jeune prince Charles II , petit-fils de
Louis de Gonzague. Laissant à son neveu les possessions
d’Italie, elle avait pris plus spécialement le titre de duchesse
de Nivernais, et s’en était fait donner le gouvernement par
le roi. Femme accomplie d’ailleurs, et vraiment digne de son
illustre ancêtre, sa cour, soit à Nevers, soit à Paris , était ,
disent les chroniques, le rendez-vous de tous les beaux-
esprits du temps (i), et rien de ce qui devait contribuer à
l’honneur de son duché n’eût pu la trouver indifférente.
De Mantoue, où elle résidait, auprès de l’enfant qui avait
nom le prince Charles, nous ne sommes donc pas surpris de
la voir adresser aux échevins de Nevers, le 5 avril 1647, cette
épître vraiment princiére et quasi royale :
a Marie, duchesse de Mantoue et de Montferrat , tante et
curatrice de Charles second , par la grâce de Dieu duc
de Mantoue et de Montferrat, de Nivernois, Mayenne
et Rethellois , pair de France , prince souverain
d’ Arches, etc.
» Très chers et bien améz, le soing que nous avons de nos
subjectz et le désir de les soullager en toutes les occasions le
mieux qu’il nous est possible nous fait escripre la présente
pour voiis recommander Jean Castellan, ung de nos subjectz
de la du Tanar, lequel vient en notre ville de Nevers pour
faire travailler dans la verrie (2).
(1) De Saintem arie , Recherches historiques sur Nevers, p. 236.
(2) Le Montferrat se divise en Haut et Bas ; le Haut-Montferrat
s’étend de la droite du Tanaro jusqu’à l’Apennin, le second va du
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- 1 7 1 “
» Nous aurons beaucoup de contentement sy, en nostre
esgard, vous ne luy permettez pas le payement des contribu-
tions. Car, oultre cela , vous contribuerez encore aux inten-
tions du duc Ludovic, de glorieuse mémoire , lequel a donné
encore des exemptions à ceux qui feront travailler dans
ladite verrye, comme ledit Castellan suppose.
» Sur quoy , nous assurant de votre bonne volonté , nous
prions Dieu, nos chers et bien aiméz, qu’il vous ayt en sa
sainte et digne garde ( i ). »
En même temps que cette lettre arrivait à Nevers le sieur
Castellan, et le 5 août de la même année 1 647, dans l’assem-
blée du conseil de ville, Jean Moquot, avocat en Parlement,
conseiller et maître des comptes de Son Altesse de Mantoue ,
donnait lecture de la lettre qu’il dit avoir reçue de Madame
en faveur de Jean Castellan, verrier, pour rétablir la verrie
et l’exempter des contributions, lui et ceux qui feront
travailler dans ladite verrye, « comme estant ung ornement
à la ville et que beaucoup d’artisans pourront gagner leur
vie. »
Ledit Castellan se présentait ensuite pour demander de
faire entendre l’intention de ladite Altesse, offrant de délivrer
tous les ans pour cet effet, à la communauté de cette ville,
« trente douzaines de verres de cristal raffinés, pour faire des
présents à ceux qu’il sera advisé, qui rendront des services à
Tanaro aux rives du Pô. Par cette expression : Un de nos sujets d'au-
delà du Tanar , la duchesse indiquait donc non-seulement un de ses
sujets du Montferrat, mais encore, d'une façon plus précise, un de ses
sujets du Haut-Montferrat. Or, Altare , pays d’origine de Jean Castel-
lan (nous le verrons plus tard), est bien précisément situé dans le
Haut-Montferrat. (Note communiquée de Cannero, le2i décembre 1881,
par notre collègue M. Chevalier-Lagenissière , aujourd’hui juge d’ins-
truction à Chalon-sur-Saône.)
(1) A Mantoue, le cinquiesme apvril l’an mil six cent quarante-
sept.
Ainsy signé : Marie , et plus bas : Magnus. (Archives communales
de Nevers. Délibérations. BB. 24, folio i36.)
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ladite ville, à raison de 4 sols pour chacun verre de cristal ,
qui revient par douzaine à la somme de 48 sols » ; mais
observant d’ailleurs que, cessant ladite exemption, il ne se
voudrait établir en cette ville, attendu même que ceux qui
ont travaillé auparavant à ladite verrye avaient eu l’exemp-
tion de nos princes de Nivernais.
Le 8 août suivant, à la pluralité des voix, il était résolu,
dit le procès-verbal du greffier de rhôtel de ville, que t pour
obéir au commandement de Son Altesse nous consentirons
l’establissement de ladite verrye sous le nom dudit Castellan,
de Bernard Perrot et autres gentilshommes verriers, lesquels
demeureront exempts de la subsistance qui s’impose par
chacun an en cette ville; même la damoiselle d’Albane^
femme du sieur Horace Ponté, demeurera par chascung an
aussi exempte de ladite subsistance, à commencer cette année,
en considération qu’elle consentira l’establissement de ladite
verrye dans sa maison , comme aussi la damoiselle Ponté ,
sœur dudit défunt, demeurera exempte de ladite subsistance »,
et aussi les feront tous décharger du logement des gens de
guerre et autres contributions.
On ne pouvait consentir de meilleure] grâce aux vœux de
la princesse Marie et aux désirs de Jean Castellan.
Toutes choses étant donc réglées avec les échevins, Jean
Castellan et Bernard Perrot, qui avaient fait entre eux un
contrat d’association pour « le traffict » de la verrerie de
Nevers, reprirent toutes les opérations de leurs devanciers.
Il est à remarquer que la famille Castellan , — comme les
Sarode et les Borniol , et les autres gentilshommes verriers
d’Altare, — avait déjà quitté son pays d’origine avant de se
fixer à Nevers.
M. Schuermans, premier président de la cour d’appel de
Liège, nous apprend, en effet, d’après les Archives héral-
diques du héraut d'armes Lefort , au dépôt de l'État ,
qu’en 1 638 Jean Castellan et Joseph, son frère, étaient déjà
établis à Liège avec d’autres Altaristes. Jean s’y trouvait
encore, en 1645, comme associé de son frère. M. Schuermans
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observe que chacun des deux frères a fait souche , l’un à
Liège, l’autre à Nevers, puis il se demande et explique de la
manière la plus intéressante d’où ces relations entre Liège et
Nevers :
c Altare, je l’ai déjà dit, faisait partie du marquisat de
Montferrat, apanage des ducs de Mantoue de la maison de
Gonzague, et ceux-ci, depuis le seizième siècle, possédaient
en outre le duché de Nevers, plus Rethel en Champagne,
par suite du mariage d’un Gonzague avec une princesse de la
maison de Clèves.
» Clèves est une contrée voisine du pays de Liège ; les
ducs de Clèves avaient le titre et exerçaient les fonctions de
protecteurs d’Aix-la-Chapelle, jusqu’où s’étendait le diocèse
de Liège.
• Leduc de Nevers possédait différentes terres en Flandre,
c'est-à-dire aux Pays-Bas, autre contrée voisine de la prin-
cipauté de Liège et, en outre, l’union entre la famille de
Clèves et celle de Gonzague avait apporté à celle-ci les terres
souveraines d’outre-Meuse... (i) »
Le 23 juin i65 1 , le terme du contrat entre Jean Castellan
et Bernard Perrot étant expiré, d’un commun consentement
ils le continuèrent pour trois années, aux mêmes clauses et
conditions, s’obligeant l’un envers l’autre à son exécution.
Pour plus de solennité, cet acte fut rédigé en double forme,
française et latine, et les deux actes signés : Giovani Caste -
lano, Bernardino Perroto ( 2 ).
f 1 ) Verres fabriqués aux Pays-Bas à la « façon de Venise » et
* d* Altare ». Quatrième lettre au comité du Bulletin des commissions
royales d’art et d’archéologie , page 102 dudit Bulletin , tome XXIII.
(2) Voici le texte de Pacte latin :
« Hodie vigesima tertia mensis junii anno millesimo sexcentesimo
quinquagesimo primo post mendiera apud me Philippum Michel
notarium Niverni in Gallia residentem , præsentes fuerunt Johannes
Castellan et Bernardo Perrot nobiles vitriarii artifices ex Italia orti,
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— i 7 4 —
Cette année faillit être fatale au nouveau maître de la
verrerie.
Le 8 septembre 1 65 1 , étant au lit malade, sain' toutefois
d’esprit, le seigneur Jean Castellan faisait son testament et
ordonnance de dernière volonté :
Après avoir recommandé son âme à Dieu, à la très-
glorieuse et sacrée vierge Marie, à monsieur saint Jean, son
patron, et à tous les saints et saintes de Paradis, les priant
d’être ses intercesseurs devant la sainte Majesté de Dieu, afin
qu’il lui plaise lui pardonner ses fautes, offenses et péchés, et
le rendre participant de son saint royaume céleste, il déclare
qu’après qu’il aura plu à Dieu séparer son âme de son corps
il veut être porté et ensépulturé en l’église des révérends
Pères Jacobins de cette ville, auxquels il donne la somme de
75 livres tournois pour une fois, à condition par lesdits
Pères de lui faire dire une grand’messe des trépassés ( 1 ).
Le testateur donne encore à d’autres établissements pieux,
en Italie, pareilles sommes pour semblables services, décla-
rant d’ailleurs qu’il s‘en rapporte, « pour lui faire ledit
honneur », à la volonté et discrétion de Marie Ponté , son
épouse, à laquelle il donne tous ses biens meubles et
conquests et ceux qui font partie de son héritage ancien, dont
il veut et entend qu’elle demeure usufruitière sa vie durant.
in dicta urbe nunc commorantes qui, pura mente, mutuo agnove-
runt, contractus societatis coram Julio Rolan notario ad dictœ urbis
vitriariæ negociationem vicissim stipulati diem elapsum fuisse, quem
tamen, mutuo concessu, ad très annos , iisdem clausis et conditio-
nibus dicti contractus continua verunt, et se suaque omnia mutuo ad
presentium exequtionem obligaverunt. Factum Niverni die et anno
supra scripto presentibus domino Johanne Morin, diacono diœcesis
Nivernensis, et Johanne Landard , chirographo, testibus Niverni resi-
dentibus, qui neenon et dictis Castellan et Perrot subsignaverunt. 1
(Archives des notaires de Nevers, minutes Michel. — Communica-
tion de M. de Laugardière.)
( 1 ) On sait que les frères des écoles chrétiennes occupent aujour-
d’hui les dépendances de l’ancien couvent des Jacobins , en face de
l’ancienne verrerie.
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- 175 -
Enfin , il lègue aussi à ladite Ponté , son épouse , outre ce
que dessus , la somme de i oo pistoles d’Espagne , sans que
ses enfants y puissent rien prétendre, en considération de la
grande amitié qu’il lui porte et à cause des services qu’elle
lui a rendus et rend journellement (i).
Arrêtons-nous un instant ici à ce nom de Marie Ponté ,
qui nous rappelle la mémoire du successeur de Jacques
Sarode. Horace Ponté, en mourant, n’avait laissé, avec sa
noble veuve, qu’une sœur, Catherine, qui toutes deux, au
lieu de retourner en Italie, voulurent demeurer dans leur
patrie d’adoption. Mais il lui restait à Altare , au pays de
Montferrat, un frère, Barthélemy Ponté, et une jeune sœur,
Marie qui, le 16 juin 1626, avait épousé, en l’église Saint-
Eugène dudit Altare, le seigneur Jean Castellan, fils de
Guillaume (2).
A la nouvelle de la maladie de son beau-frère, Barthélemy
(1) Archives des notaires, minutes Vincent.
(2) Extrait des actes de mariage de la paroisse S. Eugenii loci
Altaris. (Communiqué par M. Chevalier-Lagenissière , d'après une
copie de M. le chevalier don Joseph Bertolotti, archiprétre d’Altare.)
M. de Flamare, archiviste de la préfecture, nous a aussi commu-
niqué les pièces provenant du présidial de Saint-Pierre-le-Moûtier,
relatives aux informations faites, le 20 septembre 1 663 , — par-devant
Jacques Gascoing, lieutenant général audit bailliage et siège présidial,
s'étant à cet effet transporté à Nevers, au logis où pend pour enseigne
le Daulphin , — pour les lettres de naturalité obtenues par Marie
Ponté , femme de Jean Castellan, alors âgée de cinquante-quatre ans,
et ses enfants : Michel Castellan , âgé de seize ans, travaillant en la
verrerie depuis douze ans que sa mère l’y amena ; Marie Castellan,
Agée de vingt-deux ans, aussi demeurant en cette ville depuis douze
ans et mariée depuis cinq ans avec Marc de Bourgniolle , gentil-
homme verrier du pays de Dauphiné, dont elle a eu deux enfants :
Antoine, âgé de trois ans et demi, et Nicolas, de vingt mois. Les
dépositions des quatre témoins assignés, savoir : Philippe Bardot,
marchand apothicaire ; Jean Monin, curé de Saint-Laurent; Guil-
laume de France et Jean Robelin, notaires royaux, sont à peu près
identiques et ne nous apprennent d’ailleurs rien que nous ne
sachions déjà ou qui ne doive être rapporté dans la suite.
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— 176 -
Ponté était accouru à Nevers; et le 2 octobre i65i Jean
Castellan reconnaît avoir reçu dudit Barthélemy, écuyer,
seigneur des Rochers, demeurant au chastel de Montferrat,
de présent à Nevers, u5 ducatons en espèce de pistoles
d’Espagne , du poids et prix de l’ordonnance , lesquels res-
taient à payer à cause de la dot de Marie Ponté, son épouse,
fille de feu Filimon Ponté, suivant leur contrat de mariage.
Ledit acte passé en présence de Jean Carbon, manœuvre,
François Bousson et Charles Musse, verriers, lesquels, à
l'exception de la demoiselle Ponté et dudit Carbon, ont ainsi
signé : Giovani Castellano , Bartolomo Ponté , Carlo Mussi ,
Francescho Bu^oné (1).
Voici donc trois noms nouveaux à ajouter à ceux du noble
maître Jean Castellan et de son associé Bernard Perrot.
Dans le même temps on rencontre aussi un verrier du
nom de Seguran Audasse, Segurano Odacio , qui signe le
23 octobre 1 655 en qualité de parrain d’un fils de Jean
Custode, fayencier (2).
Le mariage de Marie Castellan, fille du maître de la
verrerie, avec Marc de Borniol , écuyer, sieur des Rochers,
natif de Dauphiné, proche la côte de Saint-André, actuel-
lement travaillant dans la verrerie de Nevers, fils de feu
Roch Borniol, écuyer, aussi gentilhomme verrier, et de
Catherine Bousson ou Buysson , nous fait connaître encore
de nouveaux noms. Parmi les témoins du contrat de ce
mariage, passé le 3 septembre 1 658, se rencontrent, outre
Barthélemy Ponté, oncle maternel de la future: Michel
Castellan, cousin germain du marié; Baptiste de Coste,
écuyer, sieur de Baramond, pays d'Italie (3) ; Thomas des
Barbiers, écuyer, sieur de Limonty, tous travaillant en ladite
(1) Archives des notaires de Nevers, minutes Vincent. — Voir dans
le chapitre précédent la note 3 de la page 141, relative à un autre
Bussone ou Buxono , prénommé Doardo.
(2) Registres de la paroisse Saint-Laurent aux archives du greffe.
( 3 ) Archives de la préfecture de la Nièvre, série E. 268 (ancien
classement).
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— 177 —
verrerie, lesquels signent : Batiste de Costa , Thomas de
Barber io (i).
Or, il est à remarquer qu’on ne rencontre plus , depuis
plusieurs années déjà, sur aucun acte, le nom de Bernard
Perrot. Avait-il refusé de renouveler, après les trois années
expirées, le contrat de 1 65 1 ? Etait-il retourné en Italie?
Tandis que cette pensée nous préoccupait, nous reçûmes
fort à propos une lettre tout particulièrement intéressante
d’un membre de la Société archéologique de l’Orléanais,
M. l’abbé Cochard. « Je m’occupe, nous disait ce savant
confrère, d’un gentilhomme verrier qu’un de nos historiens
dit être originaire d'Orléans, mais que je crois appartenir au
Nivernais. Je veux parler de Bernard Perrot, qualifié
d’écuyer, sieur de Beauvoir, intendant de la verrerie royale
d’Orléans , et neveu de Jean Castellan , maître de la verrerie
de Nevers... Je voudrais, ajoutait-il, pièces en main, réhabi-
liter Bernard Perrot devant le monde savant et le monde
industriel comme le véritable inventeur du coulage du verre. »
Bernard Perrot s’était donc séparé de son oncle , et par ce
besoin d’extension que nous avons déjà remarqué dans les
familles de nos verriers , il avait obtenu des lettres de
Louis XIV lui permettant de s’établir où bon lui semble-
rait, puis, du consentement du duc d’Orléans, il s’était fixé
dans cette ville, et Jean Castellan lui avait concédé la jouis-
sance du privilège en vertu duquel il pouvait seul transporter
ses verreries entre Nevers et Poitiers (2).
(1) Un acte déposé dans les minutes de France , aux archives des
notaires, en date du 4 mai i 65 g, nous apprend que ce Baptiste de
Coste, pour l’amitié et affection qu’il porte à demoiselle Marie du
Buysson, sa mère, veuve de défunt Baptiste de Coste, son père, a
créé et constitué ladite damoiselle, et tous autres ainsi qu’elle avisera,
pour se mettre en possession de tous les biens meubles et immeubles
qui lui appartiennent tant par succession que autrement, assis dans le
pays d’Italie, au préjudice de toutes personnes autres; vendre,
accenser, affermer et disposer de tout ainsi que bon lui semblera, etc.
(2) Nous laissons à notre confrère d’Orléans le soin de retracer
l’histoire des gentilshommes verriers de la famille Perrotto ; mais on
t. 11, 3 * série. 17
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On sait que malgré les témoignages des écrivains les plus
sérieux, qui s accordent à attribuer l’invention du coulage
du verre à un certain Abraham Thevart, ou plus générale-
ment encore à un ouvrier verrier, Louis Lucas de Nehou ,
dont le nom a été gravé récemment sur le marbre à Saint-
Gobain , comme fondateur de cette grande fabrique de glaces,
la première qui soit au monde, néanmoins il reste encore
des doutes sur le nom du véritable inventeur. Il ne nous
appartient pas de traiter ici cette grande question et de révéler
les documents si précieux et inédits sur lesquels s’appuie
M. l’abbé Cochard ; nous pouvons cependant , avec son agré-
ment, faire connaître déjà l’existence de lettres-patentes du
25 septembre 1688, par lesquelles Louis XIV, voulant
récompenser ledit Bernard Perrot de la nouvelle invention
qu’il a trouvée de pouvoir couler le cristal en table comme
les métaux..., de grâce spéciale et pleine puissance, lui
permet, à l’exclusion de tous autres, de couler le cristal en
nous saura gré peut-être de faire connaître cet acte si intéressant,
extrait des minutes du notaire de Villars , et qui nous a été commu-
niqué par M. de Laugardière :
< Du 4 décembre i 65 g, Jouan-Anthoine Massard , gentilhomme
verrier, fils de Joseph Massard, écuier, du lieu de l’hôtel de Montfer-
rat, en Italie..., de son gré et bonne volonté, constitue et assigne sur
tous ses biens meubles et immeubles et spécialement sur une métairie
étant au pays de Querre (Cairo), plus , sur la maison de Thôtel qui a
pour confins Paul Raquette , d’autre la maison Thomas Perrotto..., —
à noble Gaspard Perrot , écuyer, natif de l’hôtel du pays du prince de
Mantoue , étant de présent en cette ville de Nevers, pour lui, sa femme,
enfants et ayants-cause, à savoir : un ducaton et demi d’argent, mon-
naie d’Italie, qui est six pour cent d’annuelle et perpétuelle rente,
payable chacun an, à chaque quatrième jour de décembre, le premier
terme commençant au 4 décembre 1660, tant et si longuement que
ledit seigneur Massard sera y demeurant. La présente vente et consti-
tution faite moyennant la somme de 25 ducatons, bonne monnaie
d’Italie, valant 8 pistoles un tiers monnaie de Franee, que ledit sei-
gneur Perrotto a présentement payée comptant en mains dudit seigneur
Massard. Signé : Giano-A ntono Massaro , — Gasparo Perotto.
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- 1 79 —
tables en la manière qu’il jugera à propos... et proroge
pour dix années son privilège.
On sera peut-être curieux aussi d'entendre, sur une ques-
tion qui peut soulever des tempêtes , les explications techni-
ques de l’honorable et docte président de l’association des
verriers d’Altare, M. Enrico Bordoni, auquel nous avions
fait part de cette découverte :
« En admettant, par hypothèse, que Perrotto soit l'inven-
teur du coulage, ce secret il ne l’aurait pas importé d’Altare,
parce qu’ici les glaces se travaillaient avec !e système vénitien,
c’est-à-dire avec le soufflage. Même ce genre de travail
inconnu à nos anciens fut précisément la cause que, sur les
instances de Charles III , duc de Mantoue et de Montferrat.
le consulat de l'art décida d’accepter dans son sein les diverses
familles vénitiennes et muranaises qui , de nos jours encore,
font partie de la corporation des verriers altarais. Seulement,
il faut noter que l’étude d’une telle invention a pu avoir pour
origine la méthode employée par nos anciens de couler les
petites plaques (piastrelle) qui servaient de vitres dans les
églises. Nos anciens avaient l’habitude de prendre dans le
creuset, avec la canne (i), une quantité de verre que de suite
ils laissaient couler sur une plaque de ter bien polie, puis,
avec une palette de bois, ils écrasaient ce verre liquide, de
(i) Histoire d'un morceau de verre , jpar Jules Magny, chapitre IV :
Une excursion dans une verrerie. — Un gamin (cette désignation ,
qui n'a rien d’injurieux, s’applique aux enfants qui servent d’aides
à l’ouvrier verrier), trempe dans le creuset qui renferme le verre
fondu une tige de fer appelée canne. C’est un tube creux, semblable
à un canon de fusil, terminé à l’une de ses extrémités par une
partie un peu renflée qu’on appelle le nez. Selon les pièces à façonner,
les dimensions de la canne varient entre un et trois mètres. En
retirant sa canne du creuset, le gamin amène en même temps une
petite masse de verre pâteux et incandescent adhérente au nez de la
canne; il la roule sur une table en marbre ou en fonte, de façon à
lui donner une forme un peu symétrique : cette opération s’appelle
parer le verre , etc.
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— i8o —
manière à le rendre le plus mince possible et en même temps
lui donner une forme carrée ou ronde plus ou moins
précise.
» Qui sait si notre Perrotto , en suivant Vidée de couler
les piastrelles , n'a pas étudié la méthode de couler toute la
quantité de verre fondu que contient le creuset ?
» Comme vous pouvez facilement le comprendre, je ne fais
là que de simples inductions qui ne se basent sur aucun
document historique et qui n’ont tout au plus leur raison
d’être que parce que les historiens de l’art de la verrerie ne
sont pas encore d’accord sur la question d'établir à qui l'on
doit attribuer le mérite de l’invention du coulage du verre. »
Suivent des encouragements à notre érudit confrère, pour
publier des documents qui peuvent rendre un véritable ser-
vice à l’histoire, avide de combler une regrettable lacune, et
qui feraient rejaillir une gloire enviable sur la corporation
des verriers altarais.
Revenons à la verrerie de Nevers, qui recommençait à
multiplier ses produits et les répandait sur tout le littoral de
la Loire. Les minutes des notaires renferment en effet quan-
tité d’obligations envers noble homme Jean Castellan ,
consenties par Jehanne du Moutyé, par Hubert Giron , mar-
chands, demeurant à Orléans, paroisse Saint-Donatien ; par
Toussaint Symon , demeurant à Faizanne en Brye, auprès
de Villenault, paroisse Saint-Denis ; par Anne Poinet, veuve
de Sébastien-Louis Fert, autre marchande, demeurant à
Orléans, paroisse de Notre-Dame-de- Bonne-Nouvelle , etc %
pour cause de vente et délivrance de marchandises de verrerie
faites par ledit sieur (i).
D’autre part, on retrouve les nombreux et importants
marchés passés entre ledit maître Castellan pour ses achats
de bois ; et pour n’en citer qu’un : Le io mai i65i, hono-
rable homme Nicolas Pinet, marchand, bourgeois, et
(i) Archives des notaires de Nevers, minutes de France, 1656-1659.
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Claude Ségault, demeurant à Nevers, s’engagent à livrer sur
le port de cette ville tout le t bois de mosle » qui se trouvera
être fait dans la paroisse de Saint-Oing, à la réserve de
60 milliers, laquelle livraison sera faite, savoir : i 5 o milliers
dans le jour et fête de Noël prochain et davantage, si faire se
peut ; le surplus, à la fête de saint Jean-Baptiste venant en
un an, moyennant le prix de 9 livres 10 sols pour chacun
millier (1).
Bientôt les bâtiments de l’ancienne verrerie ne suffisant
plus, Jean Castellan s’adresse au duc de Nevers, son pro-
tecteur, lui exposant que pour faire valoir la verrerie « qui
sert d’ornement et décoration » à cette ville , il est dans la
nécessité de prendre bail d'une grange proche les écuries du
château, pour y construire un fourneau; sur quoi Charles II,
voulant favorablement traiter ledit Castellan, ses hoirs et
ayants-cause, consent, par brevet du 3 janvier 1657, qu’ils en
jouissent à raison de 15 livres par chacun an, payables entre
les mains du receveur générai du duché pendant l’espace de
quatre-vingt-dix-neuf ans (2).
Cette même année (15 septembre 1657), la veuve d’Horace
Ponté, Suzanne d’Albane, qui avait consenti au rétablis-
sement de la verrerie dans son magnifique hôtel et, pour ce
fait , avait été par les échevins exempte de toutes les charges
et contributions de la ville, fit un nouveau contrat d'accense
au sieur Jean Castellan, pour le temps de six années conti-
nuelles et consécutives qui commenceront au 20 juillet
prochain 1 658 et finiront à pareil jour de l’année 1664:
C’est à savoir, y est-il dit , la maison en laquelle de long
temps est establie la verrerie de ceste ville de Nevers, en la
rue de la Tartre , comme elle se contient et comporte avec
les aisances et appartenances d’icelle;
Plus une autre maison en ladite rue et joignant icelle
ci-dessus, appelée la maison Thiéry, et encore une autre
(1) Archives des notaires, minutes Batailler.
(2) Archives de la préfecture, série B. 264.
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petite maison ayant son issue en la rue des Fumiers, appelée
la maison Forest , lesdites deux maisons à présent unies et
annexées à la verrerie, le tout à ladite damoiselle d’Albane
appartenant, etc., et tout ainsi qu'en a ci-devant joui ledit
sieur Castellan audit titre d’accense ;
Plus jouira ledit Castellan pendant le temps de six années
et même l’année présente, d’une chambre et cabinet dans le
logis neuf, appartenant à ladite damoiselle, à la réserve tou-
tefois de la grande chambre qui regarde sur la rue de la
Tartre, d’une autre chambre plus bas qui a sa vue sur la
cour de la maison de la verrerie, etc., desquelles ladite
damoiselle s’est réservée la jouissance pour son usage et
demeure , et de damoiselle Catherine Ponté.
Le présent bail était fait moyennant le prix et somme de
3 oo livres par chacun an, payable par demi-année ; ladite
damoiselle promettant de son côté d’acquitter les cens et
rentes foncières dus sur les maisons.
Il était aussi stipulé expressément qu’au cas que pendant
ladite accense tant la damoiselle d’Albane que le sieur
Castellan, au préjudice des privilèges concédés aux gentils-
hommes verriers par les rois de France et confirmés de temps
en temps , fussent cottisés et imposés à aucuns rôles, contri-
butions, subsistances et autres charges de ville; du jour de
la signification du commandement de payer telles taxes, le
présent bail et accense demeureraient résolus, en payant
toutefois par ledit sieur Castellan les loyers jusqu’audit
jour (i).
Il semblerait qu’il y eût dans les années suivantes quelque
ralentissement dans les productions de la verrerie, puis quel-
que découragement de la part de Jean Castellan , si l’on s’en
rapporte au texte des lettres-patentes qu’il sollicita et obtint
de Louis XIV, le 20 avril 1661. Ces lettres renferment
d’ailleurs des détails très-curieux sur la personne même de
Jean Castellan et sur son industrie.
(1) Archives des notaires, minutes Décolons.
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— 1 83 —
On y lit, en effet, que ledit maître, fils de Guillaume
Castellan, natif d’un gros bourg nommé Altare, pays de
Montferrat, a employé plusieurs années dans les pays étran-
gers à la recherche de la composition des matières propres à
la verrerie et pour les émaux, et qu’il y aurait acquis,
par une longue expérience, tant de perfection, qu’il travaille
des ouvrages de cristal et de verre raffiné aussi beaux que
ceux qui ont le plus d'estime et qui se fabriquent parmi les
étrangers , en considération de quoi le feu duc de Nevers
l’avait, du consentement des habitants, appelé dans cette
ville dès l’année 1647, où ^ aurait entrepris , à grands frais,
le rétablissement de la verrerie, ayant, pour cet effet, fait
venir d'Italie plusieurs gentilshommes verriers à ses dépens...
Mais les grands frais qu’il lui avait convenu de faire et le peu
de débit qu’il faisait de ses ouvrages dans la ville et lieux
circonvoisins lui rendant son travail inutile, il aurait fait
dessein de se retirer, ce qui avait été empêché par l’ordre du
cardinal Mazarin , favorisant l’excellence de l’art dudit Cas-
tellan, et qui lui fit continuer par les habitants ses exemptions
et privilèges. Comme donc il serait nécessaire audit Castel-
lan , pour empêcher que son travail ne lui fût préjudiciable,
d’avoir la liberté de transporter ses ouvrages aux foires et
marchés publics du royaume, et particulièrement en lieux
qui sont sur la rivière de Loire , depuis Nevers jusqu’à
Poitiers, à l'exclusion de tous autres marchands, le roi
consent que le transport et la vente de tous les ouvrages de
verrerie lui soient permis pendant trente années, auxdits
lieux, h l’exception toutefois des verres de Venise et des
verres de fougère verte qui n auront été mis en couleur.
lesquels peuvent être débités et vendus dans toute l’étendue
du royaume en la manière accoutumée.
Avant de procéder à l’entérinement desdites lettres royales,
la cour de Parlement en avait ordonné le communiqué aux
maîtres de la verrerie de Paris et autres proches de la ville
de Nevers pour donner leur avis. En conséquence, Hugues
Dubouchet, écuyer, sieur de la Gratelle, et Adrien Dubou-
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—J
— 184 —
chet , aussi écuyer, son frère , maîtres de la verrerie de
Roussillon (1), et Eustache Le Maréchal , écuyer, sieur de la
Grange, gentilhomme ordinaire de Mgr le duc d’Orléans,
maître et propriétaire de la verrerie de Paris, déclarèrent
mettre opposition auxdites lettres, et que ledit Castellan ne
puisse vendre ni débiter, par lui ni par d’autres, aucuns
verres dans la ville de Paris ni dans les trente lieues à la
ronde, et qu’il soit débouté de l’effet et de l’entérinement
desdites lettres.
Néanmoins, le i 3 juillet 1662, le Parlement ordonnait
que les lettres du roi seront registrées au greffe de la cour,
pour jouir ledit Castellan des privilèges qui y sont contenus,
sans qu’il puisse empêcher lesdits Dubouchet, etc., de vendre
et débiter leurs marchandises partout où bon leur semblera.
Ces lettres-patentes furent encore confirmées le dernier
septembre 1 665 .
Déjà, en 1 658 , lors du mariage de sa fille avec Marc de
Borniol, aussi gentilhomme verrier, dans la crainte qu’ils ne
vinssent à quitter Nevers et à établir dans le voisinage une
autre verrerie , Jean Castellan, pour s’assurer le monopole ,
avait fait spécifier sur le contrat que les futurs demeureraient
en la verrerie l’espace de six ans, et qu’ensuite ils ne pour-
raient établir aucune verrerie à vingt lieues de Nevers du
vivant dudit seigneur Castellan et de sa femme.
Et, de fait, le seigneur Marc Borniol, non-seulement
demeura en la verrerie durant les six années , il s’y trouvait
encore le i er juin 1670, lors du contrat de mariage de Michel
Castellan, son beau-irère, fils dudit maître Jean Castellan et
de défunte Marie Ponté, avec damoiselle Catherine Sauget,
fille de Pierre Sauget , procureur fiscal en la châtellenie de
Pougues et Garchizy, et de dame Françoise Menne ; ce qui
faisait un séjour de douze années. Aussi, dans le contrat,
après la déclaration de la dot de la demoiselle Sauget, qui est
de 4,000 livres, le sieur Castellan mentionne d’abord que
(1) Sans doute Roussillon-en-Morvand ; voir plus loin au chapitre V.
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— 1 85 -
son fils Michel reçoit, tant sur ses droits maternels échus que
paternels à échoir, 900 livres, pareille somme ayant été
constituée en dot à sa sœur Marie. De plus, comme Marc de
Borniol et sa femme sont demeurés en la verrerie jusqu’à ce
jour, pendant lequel temps ils ont été nourris et logés, eux et
leurs enfants, par ledit sieur Castellan, il est convenu que
lesdits futurs et enfants qui naîtront seront nourris et logés
de même pendant lesdites douze années , etc. (1).
Jean Castellan n’eut pas longtemps à remplir les conditions
imposées par ce contrat, car il mourait cette année même
1670, sans que nous puissions d’ailleurs en préciser plus
exactement la date, les registres de Saint- Laurent n’en fai-
sant aucune mention.
Non moins jaloux que les Sarode de son titre d’écuyer et
de gentilhomme verrier, le seigneur Jean Castellan avait
obtenu un arrêt de confirmation à Moulins, le 14 juin 1667,
pour lui, ses enfants successeurs et postérité, nés et à naître
de légitime mariage, en ladite qualité de noble et d’écuyer,
comme gentilhomme verrier (2).
A cet effet, par-devant messire Henry Lambert, chevalier,
seigneur d'Herbigny, conseiller du roi en ses conseils, com-
missaire départi par Sa Majesté pour la vérification des titres
des gentilshommes et usurpateurs du titre de noblesse ès-
généralités de Moulins et Bourges, ayant comparu le i 3 mai,
il déclarait qu’il est âgé de soixante-quatre ans, fils de Guil-
laume Castellan, noble d'extraction, gentilhomme et maître
de la verrerie de Nevers, et veut se maintenir en ladite qua-
lité comme ayant toujours vécu noblement sans avoir jamais
fait acte dérogeant, et être maintenu dans les privilèges et
exemptions dont jouissent les autres gentilshommes du
royaume ; qu a cet effet il doit être inscrit dans le catalogue
des gentilshommes qui sera arrêté au conseil...; et pour éta-
blir la justice de ses conclusions il rapportait diverses pièces
(1) Archives des notaires, minutes de Villars.
(2) Archives communales de Nevers. Délibérations. BB. 32 .
t. u, 3* série. 18
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parmi lesquelles : i # un extrait des privilèges accordés par
le roi François I ar aux gentilshommes verriers, 5 septem-
bre 1 523 , lesdits privilèges confirmés au mois de mars 1565
par le roi Charles IX, et par Henri III en 1574; 2 0 ledit extrait
enregistré au Parlement de Dauphiné le 26 mars 1 5 jb, depuis
en la sénéchaussée et siège présidial de Lyon le 28 janvier
1576, etc., et enfin un factum dressé par conseil, contenant
l’inventaire de tous ses titres, et au bas l’arbre de généalogie
dudit sieur et le blason de ses armes, qui porte : D'a\ur , à la
tour d'argent , surmontée d'une aigle (T or , au casque à
demi-face (1).
Quelques années avant la mort de Jean Castellan, sans que
nous ayons non plus aucune date certaine, était allée de vie
à trépas la riche veuve d’Horace Ponté, damoiselle Suzanne
d’Albane ; et les pieuses fondations de cette généreuse étran-
gère envers les établissements religieux de notre ville, non
moins que les sentiments de si affectueuse tendresse témoignés
par cette noble femme pour la mémoire de son mari méritent
bien assurément que nous en conservions ici le souvenir.
Dès le 26 septembre 1659, elle avait fait don aux pauvres
de rhôtel-Dieu Saint-Didier d’une maison assise aux chaumes
de Loire, paroisse de Challuy, appelée le lieu de la Tour-
nelle , consistant en chambres et grenier dessus , avec une
petite toumelle jointe à ladite maison, grange, étables, cour,
(1) Cette description rappelle le fac-similé des armoiries des Conrade
telles qu’elles se trouvent sur la copi 2 des lettres de naturalisation
octroyées à Dominique Conrade en 1572 par Henri III. (La Faïence ,
les Faïenciers et les Émailleurs de Nevers , par L. du Broc de Segange,
planche 1™.)
M. Schuermans, dans sa quatrième lettre sur les verres fabriqués
aux Pays-Bas, donne les armoiries de la famille Castellan, d’après une
généalogie dressée par le héraut d’armes Lefort, qui avait épousé une
Castellano. Elles sont ainsi décrites: D’azur, à la tour d'argent ,
sommée en chef d'une aigle éployée d'or , ledit écu surmonté d'un
heaume d'acier , tourné à droite , ouvert , treillé y grillé et liséré d'or et
doublé de gueules , aux hochements ou lambrequins et boucles d'açur
et d'argent , d'où sort pour cimier une aigle au blason de Vécu .
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— 187 —
jardin et verger, etc., à la charge de lui payer sa vie durant,
par les sieurs recteurs dudit hôtel-Dieu, la somme de 40 livres
par chacun an, et aussi à condition qu'à l'avenir ledit lieu
se nommera le lieu Ponté (1). Cette condition n’a jamais été
remplie ; cependant , les actes désignent ce lieu sous le nom
de la Vieille - Verrerie .
Deux ans plus tard , en 1661, ladite dame fonde d’abord
aux Jacobins, le monastère le plus rapproché de la verrerie,
trois grand’messes pour le repos de l’ame de défunte
Catherine Ponté, veuve de noble François (alias Laurent)
Bertholus , qui ne l’avait jamais quittée (2) ; plus, une
messe basse, le premier jeudi de chaque mois, devant
l'autel de Notre-Dame du Rosaire, pour elle-même, et un
salut, chacun an, les premiers dimanches de juin et de juillet,
pour le repos de l'âme de feu noble Horace Ponté, son mari ;
le tout devant être célébré en l’église des révérends Pères
Jacobins ou Frères-Prêcheurs, en l’honneur du saint et ado-
rable sacrement de l’autel et de la glorieuse vierge du saint
Rosaire ( 3 ) ; — puis, le 8 août de la même année, elle donne
et fait présent à la fabrique Saint-Laurent, sa paroisse, d'un
soleil d’argent doré pesant 7 marcs 2 onces 2 gros , le tout de
la valeur de 400 livres, y compris les cristaux, pour exposer
le Saint-Sacrement, à la charge d'un De profundis et Libéra,
chacun premier jour de l’an, à l'issue de vêpres, avec les
oraisons accoutumées, et le lendemain une grand’messe des
Trépassés, pour le repos de l’âme de défunt noble Horace
Ponté (4).
Le 22 mars i 665 , dimanche de la Passion, la paroisse
Saint-Laurent reçoit encore un ciboire d’argent vermeil doré
pour servir à mettre le Très-Saint-Sacrement de l’autel « pour
(1) Archives hospitalières deNevers, série B. 9. Donations.
(2) Voir plus haut, page 168. Des Bertolu\\i ou Bertolossi , verriers
vénitiens établis à Altare au seizième siècle, s’étaient fixés à Liège
avec les autres Altaristes. (Schuermans, quatrième lettre déjà citée.)
( 3 ) Archives communales de Nevers, série GG. 142.
(4) Archives communales de Nevers, série GG. 26.
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- 1 88 —
bailler à communier », et les fabriciens, en adressant à la
donatrice toutes leurs actions de grâces pour ses inépuisables
largesses, rappellent avec reconnaissance qu’en l’année 1660
elle fit aussi remettre à neuf, à ses frais, toutes les tables et
tombes de l’église qui étaient rompues ; qu’en l’année 1662,
elle fit réparer les tables et tombes du chœur et les marche-
pieds de bois des autels; qu’en l’année 1 663 , elle fit blanchir
l’église et donna les tableaux de Notre-Seigneur, de Notre-
Dame et des douze Apôtres, et ils déclarent s’obliger à bien
veiller désormais à ce que leur église soit toujours bien
proprement tenue, etc.
Enfin, le 4 novembre 1 66 6, ladite damoiselle, « gisante au
lict, malade de corps, saine touttefois d’esprit et d’antan-
dement », mande le notaire, déclarant vouloir lui faire écrire
son testament.
Après les recommandations accoutumées à Dieu , à la
glorieuse vierge Marie, et à tous les saints et saintes du
paradis, elle veut et entend que, son âme étant séparée de son
corps, sondit corps soit inhumé en l’église Saint- Laurent
dont elle est paroissienne, « sans qu’il soit fait aulcune séré-
monnie », léguant à l’œuvre et fabrique de ladite église une
rente perpétuelle de six-vingts livres, en paiement de laquelle
elle désire qu’il soit donné le principal d’une rente de
75 livres par an qui lui est due par les héritiers de défunt
maître Gabriel Pilloux... lequel principal elle veut n’être
compté à la fabrique que sur le pied du denier vingt...; plus,
la maison Morin , sise en la rue du Croux (1), laquelle n’est
(1) Cette maison, tenant par le devant à la rue de la Tartre; d’autre,
à la maison de Toussaint Duret, autrement Paulet; d’autre, à la
maison des hoirs Scipion Gambin et de Jeanne More; d’autre, par le
derrière, à la maison de M. Sébastien Paulet, chanoine, souloit
appartenir à Anne Morin , qui la tenait sous la charge de i 5 sols et
une géline et demie, par chacun an, envers l’abbé de Saint-Martin,
ladite charge reconnue au profit de l’abbaye, le 7 juin 1610. Saisie
par décret et autorité de justice, ladite maison avait été adjugée à
Horace Ponté le i 3 janvier i 63 o. (Minutes Maillot, notaire; archives
de 1a préfecture.)
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— 189 —
à présent occupée par aucuns locataires ni autres , suivant
l'estimation qui en sera faite par prudhommes, dont tant
lesdits sieurs fabriciens que son exécuteur testamentaire
ci-après nommés conviendront; et oü lesdites rente et maison
ne suffiront pour faire le principal desdites six-vingts livres. ,
veut qu'il soit pris sur ses autres biens le surplus qui sera
employé en rente ou fonds, et que ladite maison soit
portée à cens bordelier de l’abbaye Saint-Martin ; veut
que les profits et indemnité qui pourront être valable-
ment demandés à ladite fabrique soient acquittés sur les
biens d’elle testatrice, sans que le montant d’iceux puisse
être précompté sur ladite somme de six-vingts livres de rente,
à condition que lesdits sieurs fabriciens seront tenus à per-
pétuité de faire dire chacun jour, même les fêtes et diman-
ches, une messe basse pour le repos de l’âme tant d’elle que
de son mari ;
Elle déclare ensuite qu’elle lègue et donne aux dames reli-
gieuses, prieure et couvent de La Fermeté-sur-l’Ixeure la
maison dont elle occupe partie et le sieur Jean le surplus,
« et en laquelle est ung fourneau à faire verre » , sans en
rien réserver ni retenir, y compris même la maison Forest
et la maison Thiéry (1), à condition, et non autrement, que
lesdites dames prieure et religieuses seront tenues recevoir
parmi elles , en qualité de « sœur de cœur (chœur) » , Fran-
çoise Roy, fille de noble Joseph Roy et de damoiselle
Jacquette Panseron, ou à son défaut une des autres filles
dudit Roy’, et qu'en attendant l’âge requis pour faire son
choix, l’une ou l’autre desdites filles soit, par lesdites dames,
nourrie et entretenue selon sa condition ; que si lesdites filles
(1) Nous avons retrouvé dans les minutes Casset (archives des
notaires de Nevers), aux dates des 25 novembre et 14 décembre i 632,
les « états de besongne à faire par le sieur Esmery Bourdeaul, maître
charpentier de Nevers, en la maison Chantemerle et en la maison
Thierry , acquise des hoirs feu Pierre Thierry ». Cette dernière était
mitoyenne avec la maison de Saint-Gilda, où la verrerie fut plus tard
transportée.
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venaient à décéder ou ne voulaient prendre le parti de la
religion, elle entend que si Marie Piédeccrf a cette vocation
elle soit reçue à leur place, à cause de la grande amitié qu’il
y a trente ans et plus elle a pour dame Françoise Piédecerf,
veuve d’honorable homme Michel Panseron:
y *
Item déclare ladite damoiselle qu'elle lègue et donne au
sieur Jean Castellan, qui jouit par accense de ladite maison, la
somme de i 5 o livres, si tant il en doit de loyer au premier
de janvier de l’année prochaine ; plus lègue et donne à
Jeanne Soulier, sa servante, la somme de 40 livres une fois
payée, outre ce qui se trouvera lui être dû de ses gages;
déclarant d'ailleurs qu'elle ne connaît aucune personne qui
se puisse dire son héritière, bien que de longtemps elle s’est
informée s’il restait quelque personne de sa famille ; et pour
le cas où il s’en trouverait et que la chose fût bien vérifiée ,
afin que le présent testament soit bon et valable, € elle les
apanne et chacung d’eux » d’une somme de trente livres, et
prie noble Charles Roy, lieutenant civil et criminel en
l’élection de Nevers, < comme de long temps elle scayt sa
haulte vertu », de vouloir faire exécuter ledit testament.
Elle termine en exprimant le désir que si aucune desdites
filles est reçue à faire profession elle soit nommée « la reli-
gieuse Ponté ».
Ce vœu si modeste et si touchant avait été réalisé , et dans
la liste des religieuses publiée par notre collègue M. Victor
Gueneau, à la suite de son intéressante notice sur le prieuré
de La Fermeté, nous rencontrons sœur Jeanne Roy- Ponté
parmi les signataires de la visite du monastère, le
14 avril 1676 ; on la retrouve encore en 1698.
Qu’il nous soit permis à notre tour d’émettre un autre
vœu qui, sans doute, ne sera point contredit ! De nos jours,
dans la plupart des villes, l’usage s’est établi de remplacer
les noms insignifiants d’anciennes rues par ceux des hommes
qui, à travers les siècles, se sont acquis des droits à la
reconnaissance publique.
Déjà nous avons à Nevers, près de l’hospice, la rue
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— 1 9 1 —
Charles-Roy, qui rappelle la mémoire du généreux bienfai-
teur de cet établissement, puis la rue Adam-Billault , la
place Guy-Coquille . Tout récemment, une petite rue qui
débouche sur la grand’rue de la Tartre a été dénommée rue
Conrade , en souvenir de nos premiers faïenciers. Pourquoi,
par exemple , la rue du Midi , qui se prolonge devant la place
de l’antique église Saint-Laurent, ne recevrait-elle pas le
nom de rue Horace-Ponté , à l’honneur de sa noble veuve
et à la gloire de nos artistes verriers !
On se souvient que Jean Castellan était mort en 1670
laissant un fils, Michel Castellan, et une fille, mariée à Marc
de Borniol, sieur des Rochers.
Le fils et le gendre, accoutumés à travailler ensemble en la
verrerie de Ne vers, prirent aussitôt le titre de maîtres, et
tous les deux, pendant plusieurs années, agirent a solidai-
rement, renonçant au bénéfice de division *. On retrouve
cette formule sur la plupart de leurs actes.
Cependant, le 7 février i 683 , Marc de Borniol mariait son
fils Nicolas, qu’il avait eu de défunte Marie Castellan, à
Jeanne Pluchon, fille de défunt Louis Pluchon, marchand,
et de Marguerite Pignié, sa veuve, demeurant en la paroisse
de Garchizy (1); il quitta alors Nevers pour se retirer à
Primarest , en Dauphiné, où il possédait une autre verrerie,
et il y mourut en i 685 , laissant six enfants encore en bas âge.
D’autre part, Nicolas de Borniol, qualifié de sieur de
Fourcjiambault, s’étant retiré à Garchizy, Michel Castellan
resta seul maître de la verrerie de Nevers jusqu’au jour de
son décès, arrivé en 1721.
Les actes de cette époque continuent à nous initier aux
(1) On remarque parmi les témoins : Laurent Pluchon, maître
armurier, oncle delà future; François Pluchon, aussi maître armu-
rier; messire Nicolas de Chéry, écuyer, grand-archidiacre de la
cathédrale de Nevers; maître François Bouzitat, grand-chantre;
Nicolas Tenon, écuyer, seigneur d’Azy; Jean Fouquet, curé de Gar-
chizy, et aussi un cousin du marié, Eugin Sarold . (Archives de la
préfecture, série E. 264, ancien classement.)
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— 192 —
mœurs et coutumes et à la vie intime de nos verriers ; citons-
en quelques-uns des plus curieux.
Un jour de l’année 1672, deux gentilshommes, tout en
travaillant, engagent une discussion sur un fait de la plus
minime importance, et finalement font un pari ; mais pour
que le pari soit exécutoire en son effet, le notaire est requis,
et voici son procès-verbal :
» Ce jour, 28 mars 1672, après midi, au lieu de la verrye
de Nevers, Enemond de Girard , écuyer, sieur de la Combe,
d'une part, et Isidore de Revet, écuyer, tous deux demeurant
en ladite verrye d’autre part, sont demeurés d'accord en ce
qui s’ensuit, savoir :
» Ledit de Girard a déclaré et soutenu que le fils dernier né
du sieur de Revet a été baptisé sur les fonts de la paroisse de
Rossillon-en-Morvand et a eu pour parrain Hugues de
Saulgy, baron de Rossillon (1) ; ledit Drevet (sic) soutenant
le contraire et que ledit de Saugy n’a été parrain ; quoi
voyant ledit de Girard a derechef remonesté que ledit sieur
a été parrain. Et, après quelesdites parties ont soutenu d’être
receptables de part et d’autre, a été convenu qu'au cas oü
ledit sieur de Girard ne puisse faire sa preuve, il paiera audit
sieur de Revet la somme de 60 livres, et ledit sieur de Revet,
en cas qu’il ne fasse aussi sa preuve, paiera audit sieur de
Girard la même somme. A quoi lesdites parties se sont
respectivement obligées l’une envers l’autre, à peine de tous
dépens, dommages et intérêts, paiables à la volonté d€ celui
qui aura droit et raison.
» Fait audit lieu de la verrye; présents noble Michel
Castellan , noble Marc de Brignolle , écuyer, et Charles
Musse, fondeur en ladite verrie.
» Ainsi signé : de Borniol, de Castellan, C. Musse (2). »
(1) M. l’abbé Baudiau, dans le Morvand , t. II, rapporte que Michel
et Georges de Chaulgy, seigneurs de Roussillon, affranchirent les
habitants en i 552 .
(2) Archives des notaires de Nevers, minutes Vincent.
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— ig 3 —
Cet Enemond de Girard , qui déclare d'ailleurs ne savoir
signer, avait passé un traité avec Jean Castellan, dès le
22 novembre 1666, par lequel il s’obligeait à travailler à la
verrerie de Nevers, aux heures accoutumées, pendant un an,
qui commencera au i 5 mars de l'année 1667, huit jours
auparavant ou huit jours après, tant cristal que pivette (1),
moyennant la somme de 3 o livres , par chacun mois , pour
ses gages et non autre, sinon la nourriture, logement et
blanchissage « comme à la coustume » ; et par avance, ledit
sieur de Girard reconnaissait avoir reçu dudit sieur Castellan
12 livres 5 sols, à déduire sur les 3 o livres.
Or, le 5 avril 1667, Jean Castellan mandait au notaire,
rédacteur du contrat, que ledit E. de Girard n’est venu tra-
vailler en sa verrerie, suivant qu’il s’y est obligé, ce qui lui
cause, faute dudit travail, depuis le i 5 mars dernier, une
perte de 3 livres par jour, sa place étant vacante. Et à la
réquisition qui lui en a été faite le notaire, s'étant.transporté
à la verrerie, déclare en effet que ledit sieur Castellan lui a
fait voir une place vacante auprès de son fourneau, la plus
proche de la grande porte , et ledit four être celui où ledit
sieur de Girard devait travailler; pourquoi ledit sieur de
Girard sera tenu envers ledit Castellan , à raison de 3 livres
par jour de ce qu’il a manqué et de ce qu’il manquera (2).
On retrouve dans la suite cet « Enemond » de Girard,
(1) On distingue dans le commerce un grand nombre de variétés de
verre, dont chacun a une composition, des propriétés et des applica-
tions particulières. Ce sont, par exemple : i* le verre à vitres; — 2* le
verre à gobeletterie ; — 3° le verre à pivette; — 4° le verre à bouteilles ;
— 5* le verre à glaces ; — 6* le verre de Bohême ; — 7* le cristal , etc.
M. Mingard, dans ses Variétés industrielles (Tours, A. Marne et fils,
éditeurs, i883), en signale ainsi seize variétés. Voici ce qu’il dit du
verre à pivette : « Ce verre est employé aux mêmes usages que le verre
à gobeletterie (flacons, verres à boire, salières, carafes, etc.); maison
en fabrique des objets plus grossiers et de moindre valeur, à cause de
la teinte verdâtre qu’il possède... Au lieu de sable blanc, on fait
entrer dans sa composition du sable ferrugineux, etc. •
(2) Archives des notaires de Nevers, minutes de France.
t. n, 3 * série. 19
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toujours qualifié d'écuyer et sieur de la Combe, parraiti , en
1676 et en 1680, d'une fille et d'un fils de noble Marc de
Borniol, « un des maîtres de la verrerie ».
Un autre acte du 3 i janvier 1681, concernant non plus un
gentilhomme verrier, mais un simple ouvrier tiseür de
verre (1), du nom de Jean-Baptiste Cornuelle, mérite aussi
d'être connu. Après avoir travaillé dans la verrerie deGiverdy,
dont nous parlerons bientôt, ledit Cornuelle étant venu à
la verrerie de Nevers, a été victime d’un accident qui le
détient malade, mais sain toutefois d'esprit et d'entendement.
Il a donc mandé le notaire pour faire son testament , par
lequel il recommande son âmeàDieu,à la très-glorieuse
vierge Marie et à toute la cour céleste, et particulièremertt à
saint Jean, « son parrin » ; et pour les bons traitements qu'il
a reçus et reçoit de Michel Castellan, écuyer, maître de la
verrerie, son maître, même en sa maladie, qu'il lui admi-
nistre tout ce qui lui est nécessaire, tant pour le spirituel que
(1) Il nous paraît utile de donner ici, telle qu’elle se trouve dans la
brochure du professeur Gaspard Buffa (p. 22, note i rB ), l’explication
de ce terme de l’art et de quelques autres mots moins connus. Les
attiseurs (atti^atori a ti^atori) ou tiseurs surveillent la fusion du
verre, alimentent la matière dans les creusets et soignent (curano) la
trempe des objets manufacturés.
Les affréteurs ( conciadori ) forment la composition du verre, prépa-
rent les fours et assignent le poste de chaque maître pour le travail.
Ils servent aussi d’aide au boffadore.
Le souffleur 1 boffadore ) était habituellement le chef de maîtrise. Son
emploi était de faire les plus grosses pièces de verre Verd (in vetro
verde) comme les fiasques, les dames-jeannes (damigiane), etc., pour
vin, distillerie...
L’office de garçon tiseur (garçone titfatore), que nous rencontrons
plus souvent, était un emploi servile, payé, et tel qu’il ne permettait
pas, par la bonne disposition du travail, de pouvoir pénétrer adcun
secret de l’art. Cependant, d’après un article des statuts, les membres
des familles alliées aux gentilshommes pouvaient, après un appren-
tissage de quatre ans comme attiseur f et quatre autres années à
apprendre l’art, .devenir maîtres à leur tour. (L'Universita delVaPtc
vitrea di Altare dalle sue origini ai nostri giorni. Genova 187g,)
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— U »5 —
temporel , et qu’il espère qu’il continuera jusqu’au dernier
soupir..., de son propre mouvement, il lui donne et lègue
tous ses meubles et deniers qu'il peut avoir et qui lui sont
dus, à savoir : 67 livres dues par M. de La Motte, maître de
la « verrie » de Giverdy, sur laquelle somme il a reçu
17 livres ; 38 sols qu’il a prêtés à la servante de M. de Bon-
gars pour achepter une coueste de tafetas et des gans », etc.,
et aussi tpus ses meubles qui sont en ladite verrerie..., de
quoi ledit sieur Castellan demeurera vêtu et saisi, incontinent
après le décès dudit testateur, à condition seulement de faire
inhumer son corps en l’église Saint-Laurent , où bon sem-
blera , et faire prier Dieu pour le repos de son âme.
L'année précédente, le 21 janvier 1680, avait été inhumé
à Saint-Laurent un autre tiseur de la verrerie nommé Jean
Çœur. Les registres « mortuaires » de la paroisse mention-
nent encore, le 12 avril 1688, l’inhumation de Thomas
Pelletier , tisonnier de la verrerie, âgé de trente-cinq ans ;
le 17 avril de la même année, celle de Jean-Baptiste Coeur ,
âgé de vingt-deux ans, natif de Corsesle , pays de Monfer-
rat (1), lequel servait au fourneau de la verrerie (2); en 1702
çt 1712, de deux fils , de Léonard Viodet, indistinctement
(1) Sur une aimable observation de M. Schuermans, nous rétablis-
sons ici la véritable orthographe de ce nom de lieu, 'qui se trouve
constamment écrit dans tous nos actes Montferrat, même par la
princesse Marie (p. 170). Cest en effet une faute. Notre Monferrat est
Monferrato , pays de Mantoue , et Monteferrato est près de Florence.
(2) Le 1" juillet 1675 s'était marié, en l’église Saint-Laurent, Thomas
Barbot , marchand verrier, fils de feu Antoine Barbot et de Marie
Cœur y de la paroisse de Coinsert, pais d'Italie , avec Jeanne Durand,
fille de défunt Claude et de Denise Pignot, à présent paroissiens
dudit Saint-Laurent; présents : honorables hommes Charles Pignot,
notaire et procureur en la châtellenie de Saint-Saulge , et de Bour-
niolle, maître de la verrerie.
M. Enrico Bordoni veut bien nous apprendre que la famille Cuore
est originaire de Monastero-Bormida , et que le lieu de naissance
de Maria Cuore et de J.-B. Cuore doit certainement être Cosseriay
pays du canton de Millesimo et peu distant d’Altare ; même les
yexriers d’Altare possèdent encore à Cosseria des terrains cultivés.
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— 196 —
qualifié de verrier et de facteur ou consort de la verrerie
royale de Nevers...
Les registres des mariages contiennent pareillement
d’autres actes non moins intéressants pour nos verriers :
Du 17 mai 1676, mariage d t Philippe Prévoty , Italien de
nation, natif de Lantel, proche Savone, demeurant de présent
à Nevers, en la verrerie que font valoir les sieurs Castellan
et Borniol, en qualité de garçon verrier, fils de défunts
Bernardin Prévoty et de Cecilia Ramonde , ses père et mère,
avec Charlotte Gaujour, fille de défunts Claude Gaujour,
vigneron, de la paroisse de Crux, et de Françoise Basseporte.
Ledit Prévoty signe ainsi : Fillipo Privoto.
Du 19 mars 1678, mariage de noble Jean Babin, écuyer,
gentilhomme verrier, et de damoiselle Jeanne Castellan,
fille de défunt noble François Castellan et de damoiselle
Marie Mondin, en présence des deux maîtres de la verrerie ,
de vénérable personne Jean Froment, prieur de Beaure-
gard, etc.
Du 19 avril 1689, mariage de noble et discrète personne
Vincent Ponté, verrier, demeurant de présent en la paroisse
Saint-Laurent , et de damoiselle Françoise Dru, de la
paroisse Saint-Jean, dispenses ayant été obtenues de Mon-
seigneur, de ce que ledit Ponté n’est du diocèse. Parmi les
signatures |on remarque celle de Pierre de Borniol , de
Dauphiné , ville de Vienne.
Du 3 mai 1695, mariage de honnête fils Léonard Viodet ,
consort de la verrerie, fils de feu Antoine Viodet, et honnête
fille Suzanne Ganet, fille de François Ganet, de la paroisse
Saint- Arigle. Ce Viodet, devenu veuf , épouse en secondes
noces, le 24 juin 1712, Françoise Lecompte, veuve de
Claude Grollier, chirurgien, demeurant en la paroisse Saint-
Aré de Decize.
Enfin , les registres des baptêmes , en nous révélant les
nombreuses descendances de nos verriers , signalent aussi
parmi les parrains quelques noms encore inconnus : Ainsi ,
le 12 octobre 1684, une fille de Jean Babin a pour parrain
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— i97 —
noble et discrète personne Dominique Riveta , qui signe :
Jo Dominico Riveta , vénitien (i) ; — le 8 novembre 1690,
François Castellan , écuyer, sieur de Rose, fils de Michel
Castellan, est parrain d'un fils de Vincent Ponté, nommé
François- Vincent, et on le retrouve très-fréquemment rem-
plissant le même office; — un fils de défunt Dominique
Rosetit (sic), escuier, verrier, et de Anne Guestelert, baptisé
le 26 mars 1701, a pour parrain Claude Gentil, chanoine
de la cathédrale et abbé de Saint-Marc, et pour marraine
Marie Gentil, qui signe : Marie Gentite ; — et une fille
de Michel Castellan et de Marie Gentil, baptisée le
20 juillet 1704, par le R. P. Jean- Baptiste-Louis Gentil,
prieur-curé de Saint-Euverte d’Orléans, a pour parrain
« B. Perrot, escuier, directeur de la verrie royale d’Or-
léans, etc. (2) »
Nous revenons ainsi à Michel Castellan , seul maître de
la verrerie depuis 1 685 . Marié une première fois, en 1670,
à Catherine Sauget, qui mourut peu après, il avait épousé,
en secondes noces, noble demoiselle Louise de Foucambargue,
dont il eut, le 10 mars 1673, un fils appelé François, du
nom de son parrain , vénérable et scientifique personne*
messire François Bouzitat, conseiller du roi et chanoine de
la cathédrale, et une fille, ondoyée le 7 février 1675 et morte
à l’âge de trois ans.
Ladite demoiselle de Foucambargue ne vécut aussi que
quelques années. Déjà malade au mois de mai 1680, elle
renouvelle le don mutuel qu’elle et son mari se sont fait,
dès l’année 1678, de tous leurs biens, déclarant, en tant que
(1) La famille Riveta existe encore dans la corporation vénitienne
pour le travail des perles. Le nom de Rosetit , qui suit, pourrait être
le nom Rosetto , estropié, que Ton trouve parmi les familles nobles
des verriers de Murano. (Note de M. le chevalier E. Bordoni.)
(2) Bernard Perrot ne mourut qu’en 1709 et eut pour successeur,
comme directeur de la verrerie d’Orléans, un neveu qui s’appelait
Jean Perrot, sieur de Limouty. (Note communiquée par M. l’abbé
Cochard, d’Orléans.)
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« * 9 $ —
besoin serait, qu’elle donne et lègue c d’abondant * à son
mari tous scs meubles, conquets et cinquième de son héritage
ancien en toute propriété.., ; elle fait aussi son testament par
lequel, après les recommandations les plus pieuses et les plus
touchantes à Dieu le créateur, pour qu’il ait pitié d'elle aux
four et heure de son trépas et lui fasse miséricorde par les
mérites de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ et par
l'intercession de la glorieuse vierge Marie, etc. , elle veut et
entend son corps être inhumé en l’église de Saint-Laurent,
sa paroisse, s’en rapportant audit sieur Castellan, son mari ,
pour ses obsèques et le soin de faire prier Dieu pour son
âme, sachant qu’il s’en acquittera bien (i).
Une troisième fois Michel Castellan se choisit une com-
pagne, Françoise Coquard, qui le laissa veuf encore et dont
nous trouvons le mortuaire au jour de Quasimodo 1699.
Cependant il se mariait de nouveau, après un court veu-
vage, à damoiselle Marie Gentil, qui, dès le ^décembre
1701, lui donnait une fille, baptisée le lendemain, sous le$
noms de Claude-Marie. Le parrain était Pierre Gentil, doc-
teur en médecine, la marraine damoiselle Claude Chalmon.
Plusieurs autres enfants naquirent de ce mariage , parmi
lesquels un fils, Louis, dont il sera parlé dans le chapitre
suivant; et puis Michel Castellan mourut en 1721. Il était
né en Italie, à Altare, et avait été baptisé dans la paroisse de
Saint-Eugène de cette ville, le 29 juillet 1645 (2) ; il était par
conséquent âgé de soixante-seize ans.
A Marie Gentil , tutrice de ses enfants, incomba la lourde
charge de prendre la succession des affaires de la verrerie, et
elle le fit vaillamment pendant plusieurs années.
(1) Archives des notaires de Nevers, minutes Casset.
(2) Extrait du livre des baptisés de la paroisse d’ Altare :
Anno 1645 y 2 g juliiy Michel Gugliermo figlio de Giovanni e Maria ,
gingali Castellani y e stato batte^ato da me ateiprete.
(Communiqué par M. Chcvalier-Lagénissière , d’après une copie du
ji mars 1881, gracieusement délivrée par M. le chevalier dom Joseph
Bertolotti, archiprêtre d’Altare.)
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Au mois de juillet 1725, les échevins voulant prendre ,
pour en faire une caserne, une des dépendances de la verrerie,
Marie Gentil adressa une supplique à Mgr l’Intendant de
Moulins. Elle y déclarait qu’elle a accensé une maison située
auprès de la porte du Croüx (1), du sieur Guy-Pierre Gue-
neau, écuyer, gentilhomme servant de feu Madame la Dau-
phine, dans laquelle maison elle a toujours mis, dans ses
besoins, des gentilshommes verriers qui travaillent à la
manufacture , et aussi la plus grande partie des verres qu’elle
fait fabriquer, pourquoi , vu le besoin pressant qu’elle a de
cette maison, elle supplie Sa Grandeur de faire défense aux
échevins de prendre ladite maison pour caserne. Sur l’avis
favorable du sieur Litaud , premier échevin , le 3 août sui-
vant, l’intendant accordait la défense demandée et y joignait
l’ordre de choisir une autre maison (2).
Cependant, peu après, Bernard de Borniol, neveu de la
dame Gentil, l’ayant abandonnée, la tâche devint impos-
sible; en 1726 il fallut éteindre les feux, et, pour payer les
créanciers, consentir à la vente de tous les 4 matériaux, fer-
remens et ustenciles » de la verrerie ( 3 ).
Ainsi finit, par une catastrophe des plus disgracieuses,
cette seconde période de l’histoire de nos verriers, inaugurée
d’une manière si solennelle , en 1647, par le seigneur Jean
Castellan, sous les auspices de la princesse Marie de
Gonzague.
(1) U s'agit de la maison Morin, dont il a été parlé plus haut
page 1*8. * t oui avait été Tendue en 1670 par les fabrictens -de Saint-
Laurent, au profit d’Edme Nollant, faïencier, pour le prix de 700 livres.
(Archives communales, GG. 27.)
(2) Archives communales de Nevers, série BB. 38 . Registre des déli-
bérations.
( 3 ) Archives de la préfecture, série E. 26. Ancien classement.
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CHAPITRE IV.
TROISIÈME ÉPOQUE.
LES BORNIOL.
(XVIII* siècle.)
Notes généalogiques sur les Borniol d’Altare, depuis 1 535 ; — Bernard
de Borniol, neveu de Michel Castellan, sollicite et obtient du duc
de Nevers, en 1724, l’autorisation de fonder une verrerie dans la
ville de Decize ; — sur ces entrefaites, la verrerie de Nevers étant
tombée, il obtient du duc l’autorisation de la rétablir et abandonne
Decize; — il meurt en 1745 , âgé de soixante et onze ans; — tenta-
tives de Louis Castellan, fils de Michel, pour recouvrer les droits
de son aïeul et de son père; — Catherine Lévêque, veuve de
Bernard de Borniol, nommée tutrice de ses cinq enfants mineurs,
continue la fabrication jusqu’au moment où la verrerie tombe pour
ne plus se relever, comme la plupart des faïenceries de Nevers ; —
la verrerie de Nevers est surnommée par les voyageurs le petit
Murait de Venise ; — curieux extraits des registres de livraisons
de ladite veuve de Borniol ; — fourniture de canons de toutes
couleurs à l’usage des émailleurs ; — une verrerie à bouteilles est
établie sur le quai de Loire, puis remplacée par une fabrique de
porcelaine.
Deux fois déjà nous avons vu les gentilshommes verriers
d'Altare, au duché de Monferrat, venir, à l'appel de nos
princes, fonder d’abord au seizième siècle, puis, dans le
siècle suivant , rétablir la verrerie de Nevers. Une fois çncore
une noble famille, originaire de cette même cité d’Altare,
va nous fournir le dernier maître de la verrerie nivernaise.
Les Borniol , que nous rencontrions naguère unis aux
Castellan, et dont le lieu d'origine paraît alors être le
Dauphiné, étaient anciennement à Altare très-étroitement
unis avec les Sarode.
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3 i,M Epnque - LES BORNIOL
n
d'Azor au chevron d 'Argent
O
accompagné an chef de deux roses et en pointe d’un bœuf
sur une terrasse de
o. ^<u£yc)e^
I_Siiinature de BERNARD de BORNIOL
II-Armoirics des BORNIOL dans l'Armorial du Nivernais
de M r le Cl' de S0ÏÏLTRA1T données d'après des empreintes
de Cachets du XVIII e Siècle.
DI -Signature de CATHERINE LEVESQUE T de Messire
BERNARD de BORNIOL etd^M”' delà Verrerie deNevers.
IMP. C. VAluinf Ht VI Ht .
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201 —
Dès l’année 1 535 , le 9 juin, noble Jean Borniol, fils de
défunt noble Hector, contracte mariage en l’église Saint-
Eugène d’Altare, du diocèse de Noli (Naulensis diocesis) et
de l’État du sérénissime duc de Mantoue (1), avec demoiselle
Baptistine, fille de noble Augustin Sarode (filiam nobilis
Augustini Saroldi). Ledit Augustin Sarode, parce qu’il est
de coutume de donner une dot aux femmes pour qu’elles
puissent supporter les charges du mariage (quia moris est
dari certa dos mulieribus , ut onera matrimonii sustinere
queant), déclare lui donner 5 oo ducatons d’argent, outre ses
vêtements et joyaux, etc.
Le 6 juillet i 55 o, noble Hector Borniol, petit-fils d’Hector
et fils du précédent, contracte mariage avec demoiselle Barbe,
fille de noble Antonii Rubei , dudit lieu d’Altare. Parmi les
témoins, on trouve Antoine Sarode et Barthélemy Dalbane
(Bartholomeo Dalbano Englian) , sans doute un parent,
peut-être le père de Suzanne d’Albane, la noble veuve
d’Horace Ponté, qui déclarait en mourant ne connaître
aucune personne de sa famille (2).
Le 20 avril 1604, noble Geoffroi Borniol, fils d’Hector, se
marie avec demoiselle Catherine, fille de noble Alexandre
Sarode (Alexandri Saroldi). Parmi les témoins, nous
trouvons encore des noms connus : noble Baptiste Bousson
(Bussono), noble César Marassan (Marassano).
Le 3 i juillet 1606, Roch, fils desdits Geoffroi et Cathe-
rine, né de ce jour, est baptisé solemniter, toujours en
l’église d’Altare. Les parrain et marraine sont nobles Simonin
Sarolde et Françoise, épouse de noble Prosper Bertholmi.
(1) L’évêché de Noli n’existe plus aujourd’hui; il est réuni à celui
de Savone, dont le titulaire est qualifié évêque de Savone et de
Noli. Altare est depuis longtemps déjà du diocèse d’Acqui.
(2) Voir dans le chapitre précédent le testament de ladite dame.
Antérieurement à 1624, elle signe toujours : Suzanne Dalbane ; c’est
l’orthographe que nous avons admise et qui semble la vraie ; puis
la lettre D disparaît et n’est rappelée que par un trait arrondi sur Va.
Les notaires du temps écrivent indifféremment d’Albane ou Albane.
t. 11, 3 * série. 20
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— 302
Un autre fils desdits époux, nommé Laurent, baptisé le
16 juin 1 6 1 5 , a pour parrain Laurent Rouge (Rubeus), pour
marraine Catherine Raquette (Racheta) ; un autre fils
encore, Hector, baptisé le 2 3 décembre 1620, a pour parrain
Paul Mirengus (1), pour marraine Catherine Racheta .
Ces trois fils de Geoffroi Borniol vinrent tous s’établir en
Dauphiné, proche la côte Saint-André, d’où leur postérité se
répandit à Nevers et dans les différentes verreries du
royaume ; et nous avons vu la fille de Jean Castellan épouser,
à Nevers, au mois de septembre 1 658 , Marc de Borniol, fils
de feu Roch (le premier né de Geoffroi) et de Catherine
Bousson, son épouse.
Les deux frères de Roch de Borniol , Laurent et Hector,
habitaient Saint- Alban, lorsqu’en 1666, en réponse à l’action
introduite contre eux devant l’intendant du Dauphiné pour
la vérification de leur qualité de nobles , ils eurent à pro*
duire tous les actes prouvant leur descendance de noblesse.
Comme ils négligeaient de se soumettre à cet ordre, s’en
croyant dispensés, à cause de leur profession de verriers, et
vu les privilèges accordés par les rois de France aux gentils-
hommes verriers, ils se virent condamnés à 400 livres
d’amende, comme usurpateurs de la qualité de nobles, et
c’est alors qu’ils produisirent les titres que nous venons de
citer et dont une copie se trouve aux archives du départe-
ment (2). En conséquence, à la date du dernier octobre 1670,
François Dugué, intendant de la province de Lyonnais,
Forest, Beaujollais et Dauphiné, commis par le roi pour
ladite vérification, fit enregistrer tous ces titres à la Chambre
des comptes et cour des finances, et déclara les frères Laurent
et Hector de Borniol maintenus en leur qualité de nobles ,
ordonnant qu’ils jouiront, eux et leur postérité, des mêmes
privilèges et immunités que les autres nobles du royaume,
(1) Sans doute celui que nous avons vu à Nevers en 1607, supra ,
page 122.
(2) Série E. 264. Ancien classement.
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tant qu'ils vivront noblement et ne feront aucune déro-
geance à noblesse.
De même, le 18 septembre 1674, le marquis de La
Vallière, gouverneur et lieutenant-général pour le roi en la
province de Bourbonnais et commandant pour Sa Majesté
en la province de Nivernais, donne attestation de la présence
de Marc de Borniol, écuyer, sieur des Rochers, gentilhomme
verrier, à l'assemblée de la noblesse du Nivernais, et sur sa
demande le déclare dispensé du ban et arrière-ban.
Enfin, en 1689, Nicolas de Borniol, écuyer, sieur de
Fourchambault, fils du précédent, ayant été imposé, pour
l'année 1690, au rôle des tailles, dans la paroisse de Gar-
chizy (1), pour la somme de 8 livres, demandait formelle-
ment à être rayé des rôles, avec défense aux collecteurs de ne
le plus comprendre à l'avenir, et que ceux qui l’ont cotisé
soient condamnés aux dommages et intérêts, attendu qu’outre
qu'il est noble d'extraction, il est gentilhomme verrier, tra-
vaillant actuellement à la verrerie de la Varenne...
Un autre fils de Marc de Borniol , Bernard , né à Nevers ,
où il avait été baptisé en l’église Saint- Laurent , le 4 septem-
bre 1674, et qui depuis plusieurs années travaillait sous son
oncle Michel Castellan, puis sous sa veuve Marie Gentil ,
convoitait le titre de maître de la verrerie de sa ville natale.
Ne pouvant y parvenir assez tôt à son gré, confiant d’ailleurs
dans son habileté, qu’il dit « être unique dans cet art, et
reconnue de tous les marchands du royaume » , il adresse en
1724, à Sa Grandeur Mgr le duc de Nevers une supplique ,
dans laquelle il lui remontre c très-humblement » que, sui-
vant les privilèges accordés à ses ancêtres par les rois
François I er , Charles IX, Henri III et Louis XIV, ils ont
établis des verreries en différents lieux du royaume..., pour-
(1) Fourchambault, devenu depuis la fondation de ses usines, en
1821, par MM. Boigues, une importante commune qui comprend
actuellement deux paroisses , n'était alors qu'un lieu de relais pour la
poste de Nevers à Germigny, et dépendait de la paroisse de Gar-
cfctsy.
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— 204 —
quoi il demande qu’il lui soit permis d'établir une autre
verrerie en la ville de * Desize », distante de sept lieues de la
ville de Nevers, espérant d’autant mieux obtenir cette grâce
que semblable établissement ne peut être que glorieux à la
province de Nivernais et à toute la France.
Dans le même temps , il adressait un autre placet à Mgr le
Contrôleur général des finances pour qu’il lui plût accorder
les lettres sur ce nécessaires et que le requérant pût prouver
sa capacité et expérience au fait de la verrerie et des cristaux
et être utile en même temps non-seulement aux habitants du
pays qui seront occupés , mais encore aux seigneurs, par la
consommation des bois qui se perdent sur les lieux.
Le 8 juillet 1724, le duc de Nevers, étant à Paris, appo-
sait sa signature au bas de la requête avec ces mots : « Nous
permettons au sieur de Borniol d’établir une verrerie dans
notre ville de Desise , à l’effet de quoi nous lui ferons expé-
dier nos lettres et brevets nécessaires. »
A la suite d’une nouvelle requête adressée au roi, en son
conseil, exposant que depuis deux cents ans les Borniol ont
excellé en l’art des cristaux et verres, et qu’il a profité de
l’expérience de feu son père, choisi par Louis XIV pour
engager les Vénitiens à se rendre en France pour la manu-
facture de glaces qui y est établie, et en conséquence
demandant ^autorisation de Sa Majesté pour établir à
Decize une manufacture de verres et cristaux ; des lettres-
patentes lui étaient octroyées, le 29 mai 1725, portant
établissement au profit dudit Bernard de Borniol dè ladite
manufacture.
C’est sur ces entrefaites qu’au mois de janvier 1726 la
veuve de Michel Castellan fit éteindre les feux, puis, se
voyant poursuivie par ses créanciers , appréhendant l’exécu-
tion des contraintes par corps contre elle , prononcées en la
juridiction consulaire de Nevers, obtint au mois d’août des
lettres de chancellerie pour être reçue à la misérable cession
de ses biens.
Bernard de Borniol s’empressa de se rendre adjudicataire,
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— 205 —
le 2 octobre de la même année, de tous les effets et ustensiles
servant à la verrerie, moyennant la somme de t, 2 o 8 livres
9 sols. En même temps, il s’adressait au duc de Nivernais,
Philippe-Jules-François Mazarini-Mancini , lui exposant
qu'il est très-utile et avantageux au public que la verrerie
soit rétablie et qu'il est actuellement le seul capable de la
faire valoir; en conséquence, il demandait qu’il lui plût lui
continuer le bail de la halle où est construit le fourneau de
la verrerie, comme l’avait accordé, pour quatre-vingt-dix-
neuf ans, le duc Charles second à Jean Castellan, son aïeul
maternel, le 3 janvier 1657, et ce pour le temps qui reste à
expirer desdites quatre-vingt-dix-neuf années; s’offrant de
payer les i 5 livres fixées par chacun an au fermier de la
châtellenie de Nevers, au jour et fête de Saint-Martin
d'hiver.
A quoi le duc consentant inscrivait sur son brevet, accordé
le 28 novembre 1726, que l’exposant devra continuer de
travailler et soutenir la manufacture de verrerie, sans quoi
la présente concession demeurerait nulle, et il serait permis
de disposer de la grange ou halle « comme nous aviserons
bon estre ».
Et comme indépendamment de cette halle il lui fallait un
logement et des magasins, Bernard de Borniol prit à loyer,
moyennant la somme de 200 livres par an, une maison y
jointe appartenant au prieuré de Saint-Gildard (1); puis,
fidèle à la recommandation que lui faisait le duc de Niver-
nais, il fit valoir la verrerie jusqu’à sa mort.
Suivant la noble coutume de ses prédécesseurs, on le ren-
contre sur les registres paroissiaux de Saint- Laurent, soit
comme parrain, soit comme témoin de tous les actes impor-
tants de la vie des verriers.
Dès le 3 juillet 1727, il est parrain d’une fille de Charles-
François Perrin, verrier, avec Madeleine Gaulier, veuve
(i) Mémoire imprimé pour la dame Catherine Lévéque. (Archive»
de la préfecture, ancienne série E. 268.)
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Chastellain, pour marraine (i); il est aussi parrain, le
9 janvier 1737, d’un fils de messire Antoine de Borniol des
Rochers et de damoiselle Claire-Louise Vignaut ; la mar-
raine se nomme Catherine Marchangy, veuve Vignaut...
Cependant , Bernard de Borniol avait épousé en premières
noces damoiselle Anne-Jeanne Filoix, et tous deux, le 6 mai
1729, s’étaient fait donation mutuelle de tous leurs biens; ils
demeuraient ensemble rue du Croux , paroisse Saint -
Laurent.
Devenu veuf, il se maria avec Catherine Lévéque dont il
eut cinq enfants: i« Catherine Jacquette , baptisée le
20 janvier 1740, et qui eut pour parrain vénérable et dis-
crète personne messire Jacques-François de Borniol, chanoine
de Nevers, et pour marraine dame Catherine Bernard;
2* Pierre Bernard , baptisé le 2 janvier 1741, et qui teint
pour parrain Pierre Lévesque , avocat à la cour ; pour mar-
raine dame Claire- Louise Vignaut; 3 ° Claudine , baptisée le
6 juin 1742, dont le parrain fut Claude Lévesque fils , aussi
avocat à la cour; la marraine dame de Bèze de Nion;
4* Claude François , baptisé le 12 décembre 1743, dont le
. parrain fut messire Claude-François Lévesque, prêtre, curé
de Varennes; la marraine dame Marie Bourdaloue; 5 • Jean-
Claude , baptisé le 9 avril 1746, et qui eut pour parrain
maître Jean Sallonyer de Nyon, avocat à la cour, et pour
marraine damoiselle Claude Ollivier (2).
Dans l'acte de baptême de ce dernier enfant on remarque
qu’il est qualifié : fils de feu messire Bernard de Borniol ; le
maître de la verrerie royale de Nevers était en effet décédé
depuis plus de cinq mois , âgé de soixante et onze ans , et
avait été inhumé le 24 octobre 1745.
(1) Ce Charles-François, fils de Louis Perrin, ouvrier en verre ,
s’était marié, le 21 juillet 1723, avec Laurence Jodier, fille de Jean
Jodier, faïencier; il se remaria en secondes noces le 10 juin 1732 avec
Marie Boyer, veuve de Barthélemy Maux.
(2) MÎ6 en inourrice à Montigny-aux-Amognes, il y mourut et fut
inhumé dans l’église le 25 mars 71747.
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— 207 —
Il avait eu dans ses dernières années quelques difficultés
avec son cousin Louis Castellan, fils de Michel Castellan,
dernier maître de la verrerie, et de dame Louise Gentil.
Resté mineur au décès de son père, ce jeune homme avait
quitté Nevers , mais avec le dessein d’y revenir un jour, après
s’être perfectionné dans son art, et de faire valoir ses droits.
C’est ce qu’il fit au mois d’août 1742 , dans un mémoire où
il rappelait les diverses lettres-patentes accordées à son aïeul
en 1661 et i 665 , représentant d’ailleurs que par l’expérience
qu’il a acquise dans différentes verreries du royaume où il a
travaillé avec beaucoup d’assiduité, il est en état de travailler
et de faire travailler à la verrerie établie par son aïeul et
exercée par son père ; qu’outre cette expérience, il a le secret
de ses ancêtres pour allier différents métaux et pour varier
les couleurs du verre ; pourquoi il demandait qu’il lui lût
permis de travailler et faire travailler en la ville de Nevers à
toutes sortes d’ouvrages de verrerie qu’il pût faire vendre tant
à Paris que dans les autres villes et lieux du royaume qu’il
avisera, avec défense à toutes autres personnes de faire tra-
vailler à aucuns ouvrages de verrerie en ladite ville , ou d’en
faire vendre sans sa permission par écrit.
Cette supplique resta sans effet , et le 2 décembre de la
même année, Bernard de Borniol s’engageait envers ledit
Louis Castellan à lui donner la place de gentilhomme pour
travailler en cristal dans la verrerie, à commencer du 2 jan-
vier 1743, et ce, pendant trois années , moyennant 5 o livres
par mois, à la condition par ledit sieur Castellan de remplir
soigneusement ses devoirs.
Aussitôt après le décès de son mari , Catherine Lévéque se
fit nqmmer tutrice de ses cinq enfants mineurs, par acte du
8 novembre 1745. Au nombre des membres du conseil de
famille figurent comme parents du côté paternel messire
Jacques-François de Borniol, écuyer, prêtre, chanoine de
l’église de Nevers ; Antoine de Borniol, écuyer, sieur des
Rochers, et Louis Castellan, aussi écuyer, travaillant en la
verrerie.
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— 208 —
Le 4 décembre suivant elle demandait à être maintenue en
possession de l’état de son défunt mari et d’être autorisée à
faire valoir la verrerie, afin de pouvoir élever ses enfants.
Mais, d’un côté, le sieur Louis Castellan réclamait la conti-
nuation du privilège exclusif qu’il prétend avoir été ci-devant
accordé à son aïeul et à son père ; d’autre part , le sieur
Antoine de Borniol demandait que le privilège de la verrerie
royale de Nevers, dont a joui son oncle, lui fût accordé pour
trente années ; il avait pour le soutenir M. de La Houssaye
qui, dans une lettre datée de Paris, 4 mars 1746, et adressée
à M. de Bernage de Vaux, intendant à Moulins, demandait
d’être favorable audit Antoine de Borniol : « Je serai fort
sensible, écrivait-il, à ce que vous voudrez bien faire en sa
faveur à ma considération. »
Toutefois, le 21 février 1747, la dame Catherine Lévêque
recevait à l’encontre des deux compétiteurs des lettres-patentes
octroyées par le roi pour exploiter pendant vingt ans la
verrerie de Nevers, à l’exclusion de tous autres, attendu
que s'il s’établissait une autre verrerie dans cette ville elle
serait hors d’état de subsister et de procurer à ses enfants
l’éducation qu’elle leur doit ; attendu aussi que ladite dame
de Borniol, comptant son état aussi assuré que celui de son
mari, a contracté les mêmes engagements; qu’elle a non-
seulement fait des provisions de bois et autres matériaux ,
mais en a tiré encore des pays étrangers, de sorte qu’elle en a
aujourd’hui pour environ 8,000 livres (1).
L’année suivante, 1748, le 8 du mois de mai, un fils de
messire Louis de Borniol, écuyer, sieur de Fourchambault,
et de dame Marie-Catherine Meniché, son épouse, baptisé
sous le nom de Jacques-François-Catherine, avait pour
parrain messire Jacques de Borniol, chanoine de Saint-Cyr,
et pour marraine dame Catherine Lévêque, veuve de Bernard
de Borniol et « maîtresse de la verrerie de Nevers (2). »
(1) Archives de la préfecture, ancienne série E. 268.
(2) Le 9 juillet 1776, ce Jacques-François-Catherine, alors parois-
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— 209 ■”
L’accord s’était fait avec Antoine de Bomiol et Louis
Castellan, qui tous les deux continuèrent de travailler à la
verrerie. Ce dernier mourut en 1750 et fut inhumé, le
19 mars , âgé de quarante-deux ans ; il avait épousé demoi-
selle Louise Mouline (?) et ne paraît pas avoir laissé de
postérité.
Quant à Antoine de Borniol, on voit par les registres de
Saint-Laurent qu’il avait eu de son mariage avec demoiselle
Claire- Louise Vignaut , sœur de messire Jean Vignaut, curé
de Saint-Genest, plusieurs filles, dont nous rappellerons la
mémoire à la fin de ce chapitre. Ladite dame Vignaut mourut
en 1754, et fut inhumée le 22 juillet, âgée seulement de
quarante ans.
Parmi les autres verriers de cette époque nous ne retrou-
vons qu’un seul nom encore inconnu, celui d'Antoine
Perta ou Perna, tiseur, qui fut inhumé le 14 février 1749,
âgé de quarante-deux ans, en présence des garçons de la
verrerie, Nicolas Viodet, Charles Perrin, etc. (1). Une note
marginale indique que « cet acte a été levé le 6 juin 1781 par
Laurent Perna, qui se dit fils de Philibert Préna , lequel
est effectivement à la verrerie, chez M“* # de Borniol. »
Cette note nous amène ainsi à la fin de la verrerie
nivernaise; mais avant de raconter les derniers incidents
de son histoire, arrêtons-nous un instant à considérer
les œuvres de nos verriers durant cette période qui,
pour avoir été la dernière, ne fut pas cependant la moins
brillante.
sien d’Apremont, se marie avec demoiselle Jeanne-Françoise Leblanc,
fille de Henri-Charles Leblanc, notaire et procureur au bailliage, et
de Anne Gautheron , en présence de messire Robert de Brossard ,
écuyer, maître de la verrerie d'Apremont. (Registres paroissiaux de
Saint-Victor de Nevers.)
(1) En 1754, Nicolas Perrin, originaire du pays de Lorraine, était
directeur de la verrerie d’Apremont, où il mourut bientôt, et fut
inhumé dans l’église, le 11 décembre 1735. (La Verrerie d’Apremont,
par M. Roubet.)
t. ii, 3 * série. ai
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Les Borniol, en effet, dit M. Le Vaillant de La Fieffe (i),
« excellaient dans l’art de la verrerie. Leurs ouvrages , prin-
cipalement les glaces de miroir qu’ils soufflaient , égalaient
en beauté, en perfection, les plus rares pièces de Venise... (2) »
C’est à eux, croyons-nous, que revient l’honneur de ces
beaux miroirs figurant les attributs de la Passion de Notre-
Seigneur et qui produisent un effet si saisissant par le
brillant des traits du dessin sur le fond mat de la glace. On
en rencontre quelquefois dans nos contrées, et nous avons la
bonne fortune d’en posséder un dont l’origine nivemaise
semble ne laisser aucun doute, car il avait appartenu à
M. l’abbé Imbert, né dans notre ville, en 1767, et mort
en 1841 , curé de la cathédrale de Nevers.
Un de nos collègues s est gracieusement offert à nous en
tracer une lithographie, que nous sommes heureux d’ajouter
à ces pages, avec le dessin d’une jolie bouteille ornée de
feuilles de fougère, portant le nom de son propriétaire,
Michel Riou , et la date de 1785 ( 3 ).
(1) Les Verreries de la Normandie et les Gentilshommes et Artistes
verriers normands , pages 272-274.
(2) Le même auteur se plaît à citer les membres de cette nombreuse
famille, dispersés dans un nombre considérable de localités. Ainsi :
Le dernier février i 6 g 3 , un acte des registres de la paroisse de
Hauville constate le décès d’Antoine de Briol , sieur de Louviers ou
Louvière, gentilhomme servant en la verrerie de la Haule, natif de
Nevers, âgé de trente-deux ans. Il est inhumé dans l’église dudit lieu,
en présence de Louis de Saint-Paul, « maistre de laditte verrerie ». —
Louis de Barniolles , écuyer, sieur de Fourchambault, travaillait,
en 1739, à la cristallerie de Rouen, renommée par la beauté de ses
produits, etc. Nous remarquerons ici l’incroyable variété de formes
plus ou moins bizarres qu’a revêtues le nom des Borniol ( Bormioli ) :
Bourgniol, Barniolles, Brigniolle, Brognolle, Brinolle, Briol, etc.
( 3 ) Cette bouteille, en forme de gourde de chasse aplatie, et légère-
ment évidée, avait été achetée dans le pays par M. Barat, notre
vaillant marchand d’antiquités, faïences, émaux, etc., et par lui
revendue à notre collègue M. Albert Blaudin-Valière, lequel a bien
voulu nous l’offrir. Si elle est réellement nivernaise, malgré sa date
un peu récente, c’est sans doute un des derniers spécimens de notre
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Nous ne pouvons qu’indiquer un autre objet religieux
sorti dans le même temps , sans doute , de la verrerie de
Nevers, et probablement offert par le chanoine Pierre de
Borniol au chapitre de la cathédrale. C'était une belle croix
processionnelle en cristal, dont nous avons entendu parler
souvent par le vénérable abbé Cassiat, mort à Nevers
en 1868, âgé de quatre-vingt-douze ans, et qui l'avait
admirée étant enfant de chœur, avant la Révolution.
L'inventaire de l’argenterie et des ornements à l’usage de
l’église épiscopale et paroissiale deSaint-Cyr, dressé en 1792,
la mentionnait en ces termes : « Trois croix processionnelles,
une d’argent doré et son bâton, une autre d’argent et son
bâton, la troisième de cristal de roche et son bâton d’ar-
gent. »
Après cela, nous ne saurions nous étonner de lire dans le
Nouveau voyage de Frdnce , géographique , historique et
curieux , publié en 1778, à Paris, par M. L. R..., qu’après
les églises et autres monuments qu’il faut voir à Nevers, le
lieu le plus remarquable est dans la Grande-Rue (1), la
verrerie, qu’on peut appeler le petit Muran de Venise,
« pour la singularité des différents ouvrages de verre qui s’y
font. 1
Déjà le gentilhomme français auteur du Journal d'un
voyage de France et d'Italie , en l’année 1661, écrivait :
« Les habitants de Nevers sont, dans la verrerie, de vérita-
bles imitateurs des Vénitiens de Murano et des Faentins,
dans la fayence, et les contrefont avec tant d’artifice que la
verrerie artistique. Il est à remarquer, d'ailleurs, que nos faïenciers
faisaient de semblables bouteilles, ornées de sujets de chasse ou
autres, et les verriers remplaçaient habilement les peintures plus ou
moins rustiques par de très-fines gravures.
M. Blaudin-Valière possède aussi , dans sa riche collection de curio-
sités de toutes sortes, quelques beaux verres à la façon de Venise ou
d’Altare, des boîtes à confitures, des compotiers , etc.
(1) C'est encore ainsi que les anciennes personnes de la ville dési-
gnent la rue de la Tartre.
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212
ville de Nevers, pour cet article, peut estre appellJe une autre
ville de Muran et de Fayence : Si vous leur faites monstrer
les ouvrages les plus curieux, vous les admirerez comme
autant de chefs-d’œuvre de l’art, lesquels ne font pas moins
paraître leur industrie à faire des bagues, des pendants
d’oreilles et autres joyaux qu'ils viennent vous présenter à
votre arrivée et que vous acheptez sans pouvoir vous en
deffendre (i). »
La verrerie de Nevers n’avait donc rien perdu de son
ancienne réputation.
Malheureusement, les comptes de la ville se bornent à
indiquer d'une façon sommaire les sommes payées aux
verriers. Ainsi , en 1730 : Payé à la veuve Chastellain et au
sieur de Borniolle la somme de i 5 o livres pour cristaux
.offerts à M me la princesse de Conty, et l’état détaillé des
fournitures, qüi 'devait se trouver aux pièces justificatives
des comptes, fait défaut. On ne saurait trop le regretter en
lisant les états fournis par les émailieurs pour les présents
par eux faits, sur l'ordre des échevins, à ladite princesse :
Le sieur Mourillon , émailleur, déclare avoir fourni : sept
(1) A Paris, chez Jean Dupuis, rue Saint-Jacques, à la Couronne-d'Or.
MDGLXV. — Un écrivain du dix-septième siècle, cité par M. Schuer-
mans, dans sa cinquième lettre dont il a bien voulu nous communi-
quer les épreuves, compare aussi la verrerie d'Anvers à Hlede Murano,
près de Venise, et son transcripteur, plus explicite encore, en trace ce
tableau que nous pouvons bien également nous approprier : « Quand
vous êtes entré dedans (la verrerie), le feu ne s'éteint jamais; les
fournaises regorgent toujours de ces charbons liquides et coulants,
vous jureriez que ce n’est point du verre, mais une fontaine de feu
où chacun des ouvriers a sa tâche; l'un gaigne sa vie en soufflant,
l'autre en tournant; les uns donnent la teinture au verre, les autres
y appliquent l'or et l'argent. La matière est susceptible de toutes les
formes, se joue de l'esprit des artisans, prenant plus de figures que
leur imagination n’en peut représenter, et le feu, qui ne semble bon
qu'à détruire, fait des productions admirables, convertissant du sable,
des cailloux, de la cendre, du plomb, en un beau verre ou en quel-
que autre vase de parade pour le buffet d'un prince. »
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XVIII* SIÈCLE.— BOUTEILLE EN FORME DE GOURDE APLATIE
(Collection de M. l'abbé Boutillier).
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ÉPOQUE DES BORNIOL
MIROIR AUX ATTRIBUTS DE LA PASSION
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— 2 l 3 —
grandes figures de fausses divinités, à 6 livres pièce ; deux
amours à devise, à 3 livres pièce ; quatre bergeries, à 2 livres
pièce ; un cylindre, une pomme de canne, deux râpes de la
même façon que la pomme, une bourse de petits grains des
plus fins, une paire de mulle cte petits grains , une paire de
bracelets de petits grains superfins.
Le sieur Boulliot, aussi émailleur, fournit: vingt-six
figures, à 2 livres pièce, et deux figures de dévotion, à
6 livres; un cylindre, douze corbeilles ; douze cygnes qui
vont sur l’eau , à 1 5 sols pièce ; cinq paires de bracelets , à
4 livres la paire ; sept bouquets des plus beaux, à 2 livres
pièce ; deux douzaines de papillons, trois grosses de fleurs, à
10 livres 16 sols la grosse (1).
Le compte de 1741 mentionne aussi sommairement que
celui de 1730 la somme de 55 o livres délivrée « au sire de
Bourgniolle », maître de la manufacture royale de la verrerie
de Nevers, pour cristaux présentés à madame l'Intendante (2).
Cependant, les archives du département nous ont conservé
plusieurs des derniers registres des livraisons faites par
M me de Borniol, et en parcourant ces pages on croit un
instant voir revivre le magnifique étalage de notre murano
nivernais.
A la fin de novembre 1754, expédition est faite à M. Cris-
tiane, à Moulins, — sans doute pour les étrennes, — de
douze douzaines d'oiseaux , à 18 sols la douzaine; deux
douzaines de chiens , au même prix; quatre cerfs , taxés
6 sols ; deux douzaines d 'animaux, à 18 sols; quatre dou-
zaines de petits oiseaux , à 6 sols la douzaine ; seize bouque-
tiers. Au mois de janvier 1755 , il est envoyé au même, par
le carrosse, quatre douzaines d’animaux, à 40 sols la dou-
zaine ; six tourniquets pour balancier, à 10 sols pièce; douze
douzaines de petits oiseaux à épingle , à 1 livre 16 sols ;
deux montres , à 14 sols. Au même encore, le mois de juillet
(1) Archives communales de Nevers, série CC. 3 i 5 .
(2) Idem, série CC. 202.
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— 214 —
suivant, il est expédié douze christs d'émail avec les têtes de
morts et écriteaux, à 15 sols pièce, qui font 9 livres; huit
figures de quatre pouces, à 40 sols pièce ; deux pyramides à
deux bras , de douze pièces chaque, etc.
Dans le mois de mai 1753, envoi est fait à M. Roselet,
marchand de cristal à Lyon, sur le quai des Augustins, de
vingt-quatre figures a crotexe », à 14 livres la douzaine;
dix-huit balanciers , à 12 livres la douzaine, etc.
Il serait trop long d’énumérer en particulier les articles
curieux expédiés aux divers marchands de faïences et de cris-
taux de Moulins, de Bourges, d’Orléans, de Clermont, de
Riom ; de Paris, près l’horloge du Palais, rue Saint-Denis et
rue Joffroy-l\Aîné ; de Lyon, près le Change, rue Saint-Jean
et quai des Célestins ; de Saumur, de Bordeaux; — aux
marchands bijoutiers et miroitiers de Montpellier et de Lyon.
Mais on nous saura gré, sans doute, d'indiquer sommaire-
ment les différents objets fabriqués par nos verriers avec
leurs principales variétés.
Premièrement, les verres et gobelets sont ainsi désignés
sous le même nom (1) : gobelets d'office d’une ou de deux
pièces , gobelets à fondot , gobelets à anse , gobelets à pied à
demi-côte , gobelets à côtes , gobelets à fleurs de trois ou de
quatre pouces , gobelets à la choveline de deux, trois et quatre
pouces de haut, autres gobelets à fleurs de six pouces de
haut, gobelets à la capucine , petits gobelets à glace. — Nous
sommes heureux, grâce à la générosité tout aitnable d’un de
nos collègues , de présenter ici le dessin d’un de ces charmants
gobelets à côtes et à anse offert sans doute par M œe de Borniol
à sa noble voisine, Marie-Claire de Saillans,la dernière abbesse
(1) Il est à peine besoin d’observer ici que généralement, dans les
verreries, les verres à boire reçoivent différentes dénominations.
Tandis que le verre de forme cylindrique, reposant sur un fond plat,
est désigné sous le nom de gobelet , celui qui est composé d’une coupe,
d’une jambe et d’un pied, est désigné sous le nom de verre . On voit
cependant qu’à la verrerie de Nevers on désignait ces derniers sous le
nom de gobelets à pied.
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Fabrique de M me de Borniol
GOBELET à côtes et a anse | Grandeur nature )
appartenant à M r le Docteur Robert-S’- Cyr Fils. à Nevera
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Nfvtrrj imp-Tny 4 ' l'atiterf.
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— 2 l 5 —
de Noire-Dame de Nevers (1763-1791), dont le nom et les
armoiries sont très-artistement gravés sur le cristal (1).
Parmi les autres objets usuels viennent ensuite les fioles
ou carafes « à ognions * , les bouteilles à glace , — carafes
à Peau, carafes dechopine et de septier, carafes de demi-
septier à anse, carafes en pot à bière, carafes à goulot, les
carafes à la bonne femme , qui sont les plus demandées,
carafes à la vil roy, les prêtresses et les aiguières; — puis
les soucoupes et sucriers, — les compotiers brillants, à côtes
ou unis, — les boîtes à confiture avec leurs couverts, — les
tasses à glace ou à neige, — les saliers à pied ou à griffe, —
les assiettes, — les cuvettes avec huiliers et bouchons à fleurs
de lys, — les moutardiers avec leurs cuillères ; — les pièces
de dessert ou pyramides à deux bras en cœur ou à quatre
bras à fleurs; — les lampes rondes ou lamperons, pour
mettre dans des chandeliers, les lampes à la jésuite, les
lampes d’église, les lampes à,. trois ou quatre tuyaux, les
veilleuses ou lampes de nuit avec bobèches, les fallots avec ou
sans pied, les lanternes avec ou sans chapiteaux, les lanternes
en cul de marmite, les flambeaux de toilette, les bougeoirs ;
— les pots à fleurs à deux, trois ou quatre bras, les flacons
de poche ; — les écritoires à pompes ou à tuyaux, à bobèche,
à trois trous avec le cornet; — les cuvettes et burettes pour la
messe ; — les bénitiers de formes très-gracieuses et variées et
dont on rencontre encore de fort jolis spécimens ; — des
niches à vierges, des bocaux, etc. (2).
(1) M. le docteur Robert Saint-Cyr fils, outre ce précieux objet, pos-
sède aussi un très-beau pastel représentant l'abbesse de Nevers. Ce
tableau et le verre proviennent de la succession de Boucaumont,
veuve de l’ancien député de la Nièvre et maire de Nevers, alliée à la
famille de Saillans.
(2) Jusqu’aux objets d’usage plus vulgaire réservés jusqu'alors aux
faïenciers : les cuvettes de garde-robe, les < hurinoirs », les abreu-
voirs à moineaux, etc. — Ajoutons encore que le 12 juin 1754, il est
envoyé à M** la générale de La Motte cinq cents fioles, à 35 livres le
cent, qui font 175 livres; à la même, le i 3 juillet 1755, neuf cents
fioles, qui font 3 1 5 livres; à la même, * à présent de Carabiahit »,
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Ce n'est pas tout. Les registres de livraisons de M m# de
Borniol nous font aussi connaître le très-curieux détail des
fournitures faites aux émailleurs non-seulement de Nevers,
mais d’Orléans, de Paris, de Saint-Germain-en-Laye, de
Saumur, etc.
On se rappelle que Louis Castellan se vantait d'avoir le
secret de ses ancêtres pour allier différents métaux et pour
varier les couleurs du verre ; aussi bien nos émailleurs trou-
vaient-ils à la verrerie les tubes de verre de toutes couleurs
et les baguettes ou canons d’émail de verre solide, également
de toutes couleurs, nécessaires à la confection de leurs
gracieux ouvrages (i).
Dans les deux années 1753 et 1754, l'émailleur de Nevers
veuve du général de La Motte, rue de Richelieu, vis-à-vis les écuries
de feu la duchesse d’Orléans, huit cent quinze fioles, à 7 sols
pièce; et en janvier 1765, cinq cent quatre-vingts fioles, à 35 livres
le cent.
(1) Dès leur arrivée à Nevers, les verriers et les émailleurs avaient vécu
dans une parfaite union; les émailleurs, nous l'avons précédemment
constaté (p. i63), complétaient les œuvres des verriers. Ccst ainsi que
dans le midi de la France, en i6o5, Raymond de Forgues, chevalier,
agissant au nom du duc d’Epernon, commandait à « Albert Diades ,
émailleur du Roi , deux lampes en forme de chandeliers, à pandre au
planché, de pareille façon que ceux qu’il a ci-devant faict pour le Roy, non
toutefois de cuyvre, mais de bois doré d’or de fcuilhe et garny de cristal
de veyre. » (Bulletin de la Société historique de la Charente , 5' série,
t. IV, année 1881). Or, ce Diades nous paraît avoir une grande parenté
avec les Dièdes qui , dans le même temps, se rencontrent à Nevers.
M. du Broc de Segange ( La Faïence, les Faïenciers et les Émailleurs
de Nevers , p. 252), a cité, d’après les registres de la paroisse Saint-
Sauveur, noble homme François Dièdes, émailleur du Roi, le 5 sep-
tembre 1628; — mais plus anciennement, nous rencontrons Martin
Dièdes, émailleur de Mgr le duc de Nivcrnois, comme acquéreur, le
22 février 1 588, du lieu de La Tournelle, aujourd’hui appelé la vieille
verrerie ; — le 2 avril 1592, ledit Martin en fait donation à Charles
Dièdes, son fils; et le 9 janvier x6i3, adjudication par décret en est
faite au sieur Ponté. (Arch. hospitalières de Nevers, B. 9.)
Il nous a paru intéressant de signaler à nos confrères du Midi ce
rapprochement entre leurs émailleurs et ceux du centre de la France.
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— 217 —
Mourillon (i) prend chez M m * de Borniol 26 livres de
canon blanc ou blanc massif, à 32 sols la livre; — 23 livres
à* aigue marine , au même prix; — 5 mailes (2) de bleu , à
6 livres chaque maile; — quatre mailes de vert, à 4 livres
10 sols; — une maile de jaune, à 8 livres; — une maile de
couleur de cheveux , à 5 livres 10 sols; — trois mailes de
gris de lin , dont deux à 5 livres 10 sols chacune, l’autre
pesant trois livres, évaluée 8 livres 5 sols; — 12 livres de
noir , à 26 sols, etc.; les garçons ou apprentis du sieur
Mourillon ont soin de se faire donner une livre de cristal et
quatre livres et demi de canette , qui sont aussi portés sur le
compte.
Parmi les autres livraisons de M me de Borniol , nous
remarquons la couleur feuille morte , à 40 sols la livre ; —
une maile de couleur de chair , à 3 livres 4 sols, fournie à
Claude Dufour, émailleur de Nevers ( 3 ) ; — le canon
couleur chocolat , à 40 sols la livre ; — le canon roche , le
canon chambourin, le canon noir ; — le blanc de lait,
à 32 sols la livre, le violet, Vaméthyste, au même prix, etc.
Tous ces détails, bien que sommaires , suffisent à justifier
l’admiration que témoignaient autrefois les étrangers pour
les verreries et les émaux de Nevers; et sans doute, à l’exemple
de nos collègues déjà cités, d’autres amateurs se rencontre-
ront qui voudront recueillir et collectionner avec ardeur les
épaves, malheureusement bien rares, à cause de leur trop
grande fragilité, des productions de nos artistes verriers.
(1) Il signe ainsi : Mourillon , mais on l’écrit habituellement
Morillon , et M. du Broc l’a désigné de môme dans les Émailleurs de
Nevers , p. * 55 .
(2) Mailes ou pains. Les émaux de diverses couleurs étaient mis en
branches ou en pains pour l'usage des émailleurs.
( 3 ) Une note portée au registre observe ici que M. Dufour a laissé
à prendre sur ce qu’il doit à ladite dame 41 livres 10 sols sur
M. Roselet, pour des figures d’émail qu’il lui a envoyées. (Voir plus
haut, page 214, les envois faits à M. Roselet, marchand de cristal
à Lyon).
t. 11 , 3* série. 22
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— 2 I 8 —
Revenons à la dame Catherine Lévêque, veuve de messire
Bernard de Borniol et dernière maîtresse de la verrerie.
La crise industrielle, qui commençait alors à se faire
sentir si péniblement en France, avait eu à Nevers un
contre-coup bien menaçant. Le 5 septembre 1743, le Parle-
ment enregistrait un arrêt du conseil revêtu des lettres-
patentes, fîxant à onze le nombre des manufactures de faïence
de notre ville et ordonnant qu’au fur à mesure qu’elles tom-
beraient elles seraient réduites à huit. La manufacture de
verrerie et cristallerie royale de Nevers , comme elle s'intitu-
lait alors, ne pouvait manquer de ressentir le même malaise
général.
En 1771 , M me de Borniol adresse au lieutenant-général du
bailliage de Saint- Pierre-le-Moûtier une supplique, disant
qu’elle a éprouvé dans l'exploitation de la verrerie de Nevers
des pertes si considérables , soit par l'affaiblissement du com-
merce, soit par l’augmentation excessive du prix de travail
des ouvriers et des matériaux nécessaires pour la fabrication,
qu’elle s’est trouvée tout-à-coup surchargée par les dettes et
réduite à l’impuissance de les acquitter dans les termes quelle
a pris, pourquoi elle recourt à l’abandon de ses biens, si
mieux n’aiment ses créanciers lui accorder le terme de douze
années pour les payer, sans intérêts ni frais. Elle espère, en
effet , si les créanciers se prêtent à lui donner du temps,
reprendre le travail de la manufacture qui , joint au produit
de ses domaines de Vauzelle et de Roze, en la paroisse de
Varennes , et autres locatures suffira pour les acquitter dans
le temps qu’elle demande.
Le tribunal de Saint-Pierre-le-Moûtier accueillit favora-
blement cette courageuse supplique, et le 23 août de 1a
même année 1771 il octroyait à la dame de Borniol commis-
sion pour faire assigner ses créanciers à la fin de sa requête.
Au mois de février 1775, lors de la cessation des travaux,
Jacques François de Borniol, écuyer, sieur de Fourcham-
bault, neveu de Bernard de Borniol, qui avait quitté Nevers
et s’était retiré d’abord à la Morellerie, en Anjou, puis s’était
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— 219 —
rapproché de son pays natal en venant travailler à la verrerie
d’Apremont, revint définitivement à Nevers et se joignit à la
dame Catherine Lévêque pour adresser une supplique au roi,
demandant à Sa Majesté de leur accorder conjointement le
privilège de faire valoir la verrerie de Nevers, attendu que
les deux fils de ladite dame ne peuvent continuer la profession
de leur père, l’un étant au service de Sa Majesté, l’autre
prêtre et chanoine de la cathédrale (i).
La permission fut accordée par le roi , en son conseil , le
21 février, mais elle ne paraît pas avoir eu de résultat bien
sérieux , et il fallut peu après en arriver à l'abandon complet
de la verrerie...
C’est aussi dans le même temps que fut établie , vers 1 780
ou environ, près le pont de Loire, au lieu dit le Canton
fertile , par un M. Guynet, une verrerie à bouteilles, qui
n’eut d’ailleurs qu’une existence éphémère , bien que le sou-
venir s’en soit perpétué par le nom de la rue de la Verrerie .
Le 11 germinal an II de la République, en conséquence
d’un arrêté du citoyen Noël Pointe, représentant du peuple,
qui chargeait le citoyen Gazeran, commissaire du comité de
Salut Public, de mettre en réquisition, dans le plus bref délai,
la verrerie de Nevers délaissée, pour le service des fonderies
de canons du département de la Nièvre; ledit citoyen Gaze-
ran, assisté des citoyens Martin, membre de la Commune,
et Talbotier, administrateur du district , se transportait à
ladite verrerie, « qu’ils ont trouvée abandonnée depuis
environ trois années par les propriétaires et fermiers...; non-
seulement tous les lits et meubles avaient été retirés des
bâtiments par le citoyen Guynet, mais les sept huitièmes des
fers, outils et ustenciles nécessaires à l’exploitation d’une
verrerie avaient été enlevés ».
La verrerie consistait dans deux grandes halles contenant
(1) Sur le registre des livraisons de M** de Borniol on voit, de
temps en temps, qu'il a été fait traite sur tel débiteur, au profit de
M. Damour, prieur des Jacobins de Bourges, pour payer le quartier
de la pension de Borniol (son fils) au séminaire.
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220
chacune un grand four de fusion et six cargaises ou fourneaux
servant à recuire les bouteilles, avec des plaques de fonte de
fer de 2 pieds de hauteur sur 18 à 20 pouces de largeur,
servant auxdits fourneaux ; deux vieilles chaudières de fonte
de fer et une en mitraille de 2 pieds de diamètre ; une éburge
ou pelle de fer pour placer les pots dans le four de fusion et
dont le manche a 18 pieds de longueur sur 2 pouces en
carré.
Dès cette époque se trouvaient aussi déposés dans la a cy-
devant église Saint-Laurent », la vieille église tant aimée des
anciens gentilshommes verriers , quantité de pots de
23 pouces de diamètre sur 24 pouces de hauteur, « qui ne
peuvent servir qu’à faire des briques de verrerie , vu le mau-
vais état où ils se trouvent » ; du ciment de verrerie tamisé
pour en faire des pots , des pierres composées de sable et
d’argile, etc.
C’est dans les bâtiments de la verrerie de M. Guynet que
M. Neppel, de Paris, établit en 1816 la fabrique de porce-
laine qui, depuis, s’y est maintenue avec honneur...
Quant à la verrerie des Borniol, la dernière mention s’en
retrouve dans les registres d’adjudications des biens nationaux
de la ville de Nevers, où est inscrite, à la date du 17 août
1791, la vente de la maison dépendante du ci-devant prieuré
de Saint-Gildas , située rue de la Tartre, n° 184, avec un
passage le long de la halle de V ancienne verrerie , le tout
adjugé moyennant la somme de 6,000 livres.
Malheureusement, le vieux numérotage de la ville dispa-
raissant tous les jours, quoique fortement et très-habilement
gravé dans la pierre, le n° 184 n’existe plus (1).
(1) La façade de cette maison avait été reconstruite. On trouve dans
les comptes de la ville (CG. 333 ) cette note de 1770 : « Au sieur Bou-
teix, chanoine régulier et procureur de Saint-Martin, fondé de la
procuration du sieur prieur de Saint-Gildard, indemnité de 400 livres
pour la démolition et reconstruction de la face de la maison appelée
c la Verrerie p, qui formait une avance de sept à huit pieds sur la
voie publique. »
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— 22
Mais nous savons que la fabrique de faïence dite de
Bethléem, établie aussi dans la rue de la Tartre, et qui porte
aujourd’hui le n° 6, tenait, du couchant, à la maison de
Saint-Gildard ; or, au-dessous de la porte de cette ancienne
manufacture, bien facile à reconnaître par la petite niche à
dais gracieusement sculpté qui la surmonte, on distingue
l’ancien n* 1 83 , puis, un peu plus bas, du même côté de la
rue, sur une autre maison, on rencontre le n° 186 ; il n’y a
donc pas à hésiter sur l’emplacement précis de la dernière
verrerie et cristallerie royale de Nevers.
En vain, d’ailleurs, chercherait-on auprès des habitants
de cette rue de la Tartre, qui pendant plus de deux cents ans
a vu les verriers à l’œuvre , le plus modeste souvenir d’une
industrie autrefois si florissante et l’orgueil de la cité ; tout,
même le nom de la verrerie, est tombé dans le plus profond
oubli...
Le nom des Borniol est également très-peu connu, bien
que remis en honneur, il y a quelques années, en 1868, par
un de nos collègues , dans la personne d’un des membres de
la branche qui portait le titre de sieurs de Fourchambault (i).
Des deux fils de M m# de Borniol des Rochers, le plus jeune,
Claude-François, qui était militaire, quitta sa ville natale et
épousa, en 1783, en la ville de Saint-Marc, île et côte de
Saint-Domingue, dame Marie-Catherine- Espérance-Emilie-
Alexandre d’Hanache, fille de défunt Jérôme-Marie-Hugues-
Alexandre d’Hanache, ancien capitaine de cavalerie, cheva-
lier de Saint-Louis, veuve en premières noces de Marguerin-
Philippe de Briou , substitut honoraire au Parlement , l’un
des conseillers à la Cour des aides de Paris. Claude de Borniol
(1) M. de Laugardière, aujourd’hui conseiller honoraire à la cour
d'appel de Bourges, alors substitut à Nevers, avait recueilli à cet effet
un grand nombre de documents qu'il a bien voulu nous communiquer,
parmi lesquels l'acte d'inhumation dans le cimetière de la paroisse
d'Ivoy-le-Pré (diocèse de Bourges) de Jacques-François-Catherine de
Borniol, écuyer, sieur de Fourchambault, époux de dame Jeanne-
Françoise Le Blanc, directeur de la verrerie dudit Ivoy-le-Pré.
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— 222 —
est alors qualifié , sur son contrat de mariage , de maître de
la verrerie royale de Nevers, capitaine au régiment du Cap et
de présent en la ville de Saint-Marc, île et côte de Saint-
Domingue. Il fut nommé chevalier de Saint-Louis le 12 août
1 784. De son mariage il eut un fils, Adolphe-H enry-Gratien,
qui , à la révolution de Saint-Domingue , fut embarqué pour
l'Angleterre et incorporé dans l’armée, puis vint en France,
où il quitta bientôt le service militaire, et mourut à Paris en
1 858 . Il s’y était marié et avait eu un fils, Henri-Joseph de
Borniol, marié en 1 863 dans Téglise Saint- Philippe-du- Roule,
et aujourd'hui père de dix enfants (t).
L’aîné des frères Borniol, Pierre-Bernard, prêtre, chanoine
de la cathédrale, qui avait été pourvu en 1779, par le duc de
Nivernais, de la chapelle de Sainte-Marie-Madeleine, érigée
et dotée au château de Nevers par la comtesse Mathilde,
quitta aussi la France à la Révolution. On raconte qu’avant
de partir il eut le courage de se présenter à l’assemblée popu-
laire de Nevers , où il adressa de vifs reproches à ses cçnci-
toyens sur leur intolérance et leur mépris de la religion,
déclarant qu’il ne voulait plus demeurer dans un pays indigne
de posséder les anciens ministres de la religion de Jésus-
Christ, et qu’il n'y rentrerait pas. Il émigra au Canada, où
il fut curé sur les bords du fleuve Saint-Laurent (2).
Cependant, en i 8 o 5 , une fille d’Antoine de Borniol, demoi-
selle Jeanne-Catherine, vivait encore à Nevers. Ayant perdu
toute trace de sa famille, et animée de l’esprit religieux de
ses ancêtres, à l’exemple de la demoiselle d’Albane, la noble
veuve d’Horace Ponté, elle voulut employer à de bonnes
oeuvres ce qui lui restait de sa fortune. A la date du 6 ther-
midor an XIII, elle fit don à la fabrique de la paroisse
Saint-Cyr de Nevers, l’antique cathédrale qui venait de rou-
^1) Oest M. Henri de Borniol qui, lui-même, très-obligeamment,
nous a donné connaissance de ces derniers documents sur sa famille.
(2) Notes verbales recueillies de M. l’abbé Cassiat, doyen d’àge du
clergé nivernais.
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— 223 —
vrir ses portes, d’une maison sise à Nevers (i), et en laquelle
elle demeurait , près de l’hôtel de la préfecture (c’est-à-dire
Y Évêché, alors supprimé) ; ladite maison à elle apparte-
tenant, tant de son chef que comme héritière de feu
M Ue Eugénie-J acquette Borniol, sa sœur, et dont elle se*
réservait la jouissance sa vie durant.
Les charges imposées à la fabrique étaient de faire célébrer
dans ladite église de Saint-Cyr, à perpétuité, le 23 prairial
(ou 12 juin) un service solennel et quatre messes basses, pour
le repos 4 e l’âme de feu ladite demoiselle E.-J. Borniol,
décédée le 23 prairial dernier, et semblables service et messes
à l’époque du décès de ladite demoiselle Catherine. Un décret
de l’Empereur, daté de Boulogne, le 20 thermidor (18 août
j8o5), approuvait cette donation; et depuis, chaque année,
le 1 5 du mois de juillet, un service est célébré et quatre
messes sont dites à la cathédrale aux intentions de noble
demoiselle Jeanne-Catherine Borniol des Rochers, décédée
le 14 juillet 1806, et le 12 juin pour Eugénie-Jacquette de
Borniol- Sully (2).
(1) C’est la maison formant l’angle de la place de l'Évêché avec la
rue de Loire, et qu’habitait dans ces derniers temps Mgr Crosnier.
(2) Archives du chapitre de la cathédrale de Nevers.
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— 224 —
CHAPITRE V.
ANCIENNES VERRERIES ÉTABLIES EN NIVERNAIS.
Les verres de fougère et de pierre sont mentionnés dès le quinzième
siècle dans les comptes de rhôtel de ville de Nevers. — } i**. Verre-
ries du Four-des-Verres, de Giverdy, du Chambon, de La Charité,
de Saint-Amand-en-Puisaye. — Principales familles des verriers
français, italiens et lorrains: les Despaillards, les de Finance, du
Houx, de Borniol ; les Castellan, les de Virgille, de Brossard, de
Sarode. — § 2. Verreries du Morvand : La Boue, Chenambret,
Roussillon , Apponay, Vandenesse. — Autres familles de verriers :
les de Ponard, de Balorre, de Chargères, de Bégots, de Breton, de
Marin, de La Godine. — ? 3. Les d’Hennezel et les verreries de La
Nocle, Prunevaux et Nolay, Bois-Giset, Marsendé, Avril. — Impor-
tance de la verrerie de Bois-Giset , ses nombreuses et considérables
livraisons de verre en table ou verre à vitres blanc ou de couleur,
de grosses bouteilles (ou flacons de verre) carrées et plates assorties ;
— curieux documents relatifs à un projet d’émigration en Italie, à
Montenotte, par l'intermédiaire des verriers italiens de Nevers,
d’une colonie de verriers lorrains du Bois-Giset, pour y établir une
fabrique de verre en table. — Verrerie de Fours, dite de Sainte-
Catherine, pour la fabrication du verre en table; on y fait aussi le
verre de gobeléterie ; — verreries de Decize.
Les privilèges royaux accordés à diverses époques en faveur
des verreries de cristal contenaient, on s’en souvient (1), une
curieuse restriction sur laquelle il convient, au début de ce
chapitre, d’attirer tout spécialement l'attention : « N’enten-
dons toutefois, portent les lettres-patentes de 1597, préju-
dicier aux verreries de Feugère et de Pierre qui se trouveront
establies et s’establiront cy-après ès environs de nosdictes
(1) Privilèges de 1597, p. 1 3 1 ; — 1661, p. i83.
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— 225 —
villes. » Et en 1661, dans le privilège concédé à Jean Cas-
tellan de transporter ses ouvrages aux marchés publics du
royaume, notamment sur la rivière de Loire, depuis Nevers
jusqu’à Poitiers, à l’exclusion de tous autres marchands,
c à l'exception toutefois, est-il dit aussi, des verres de Venise
et des verres de fougère verte qui n'auront été mis en cou-
leurs, lesquels peuvent être débités et vendus dans toute
l’étendue du royaume, en la manière accoutumée. »
Un auteur cité par M. Schuermans (i) avait pensé que
Feugère et Pierre sont les noms de deux fabricants; mais,
ajoute le sagace historien des Verres fabriqués aux Pays-
Bas, il y a lieu de se demander s’il ne s’agit pas de genres de
fabrication. En effet, dirons-nous en empruntant sa pensée,
la verrerie se servait de cailloux blancs pour fournir la silice
nécessaire à la fabrication du verre (2) ; de là, la dénomination
de « verrerie de pierre ». Quant à celle de « verrerie de feu-
gère ou fougère », elle rappelle les verres faits de cendres de
fougère ( 3 ). De plus, Savary divise aussi les verres à boire en
deux classes : les verres en cristal et les verres de fougère (4);
d’où la conclusion que les privilèges nouveaux concédés
(1) IV* lettre sur les verres fabriqués aux Pays-Bas, p. 114. L’auteur
cité est Poirson, Histoire du règne d'Henri IV, 2* partie, i* r volume,
p. 81.
(2) Voir chapitre II, p. 154, les achats de cailloux blancs de Mou-
lins et d’Étarapes.
(3) Le Dictionnaire universel des mots français, de Furetière,
s’exprime ainsi : Fougère ou Feugère, petite herbe qui croist dans
les bois; elle sert principalement à faire du verre, après qu’on l’a
réduite en cendre, à cause de la quantité du sel alcali qu’elle contient.
— Des verres de fougère. — D’après Honnorat, en son Dictionnaire
provençal , le mot fougère (très-souvent sous la forme feugère, feu-
chière), viendrait de foc ou foug,feu, et signifie la plante de teu ou
destinée au feu t parce qu’on fait brûler la fougère pour en obtenir de
la potasse.
(4) Dictionnaire de commerce publié en 1742. — Je m’étonne que cet
auteur ne parle, au mot Nevers , que de nos faïences et point du tout
de nos verreries, qui furent pourtant aussi célèbres.
t. 11 , 3* série. 23
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aux gentilshommes italiens ne pouvaient préjudicier à ceux
qui avaient été accordés aux anciens verriers (i).
Or, l’usage des verres de pierre et de fougère est mentionné
à Nevers, dès le quinzième siècle, dans les comptes de
l’hôtel de ville.
Pour la première fois, en 1473, il est donné à un nommé
Pelusse (?) 2 sols 1 denier pour verres de lui achetés ; — en
1493, Guillaume Pelace reçoit 3 sols 4 deniers tournois
pour douzaine et demie de verres par lui livrés, pour
donner à boire , le premier jour de mai, au bail des fermes
de la ville, « lesquels verres sont demourez en Phostel de
ville ». Cette même année, il est aussi donné à Jean Butin ,
verrier, 5 sols tournois a pour verres qu’il a baillés et fournis
le jour des Trespassés et lesquels il a laissés en l’ostel de
ville ».
En 1497, le receveur délivre 6 sols 8 deniers tournois à
Jehan Boudin, verrier, pour « verres de pierre par luy baillez
pour mettre à boire le jour des Trespassez , lesquels sont
demeurés audit ostel (2) ».
En 1 5 o 3 , le feu s’étant pris à Nevers près de l’église Saint-
Arigle, la ville donne un demi-tonneau de vin aux compa-
gnons qui s’étaient occupés à l’éteindre ; et pour les faire
boire, André Méliart fournit, pour le prix de 10 deniers
tournois, une demi-douzaine de verres de fougière.
En i5o 4, il est donné, comme en 1497, la somme de
6 sols 8 deniers à Jean Brein, verrier, pour deux douzaines
de verres et deux « esguères de pierre » par lui vendues pour
donner à boire aux personnes assistant au bail des fermes de
la ville.
(1) M. Schuermans traite magistralement cette si intéressante ques-
tion des verres de fougère et de pierre au commencement de sa
sixième lettre, qu’il a bien voulu nous communiquer et qui doit
bientôt paraître.
(2) Dans le même temps, on rencontre dans la chronique de J. de
Troye (1478), ce texte curieux : « N’y estoient trouvé que beaux verres
et esguière d e verre et feugière ». (Citation de M. Schuermans.)
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En i5o6, il est donné 5 sols tournois seulement à « Jehan
Botin, voyrier », pour « voirres , tant de pierre que
autrement », par lui fournis pour donner à boire à ceux qui
menaient sur les fermes de la ville.
En i5io, lors de la venue du roi Louis XII à Nevers, il
fut donné à Huguet le verrier 5ç sols 6 deniers tournois
pour plusieurs verres, dont la pluspartont esté cassez... »
Il n'y a pas à douter que ces verres de pierre ou de fougère
ne fussent fabriqués en Nivernais, et tout naturellement
nous revient à l'esprit un ancien texte déjà cité : Sunt et
officinœ vitriariœ ..., ubi vitra et vasa diverses delectationis
conflantur (1). Les « verres de fougière » et les a esguèresde
pierre» sont bien les vases gracieux , charmants, désignés
par cette originale expression : Vasa diverses delectationis .
Quant aux vitra , les. verres à vitres destinés à garantir
l’intérieur des habitations de l’intempérie des saisons, nous
savons déjà qu’ils se fabriquaient dans les importantes
verreries de Bois-Giset et dans un grand nombre d’autres
localités.
§ I er . — Verreries du Four-des- Verres', de Giverdy , du
Chambon, de La Charité , de Saint- Amand-en-Puisaye .
Le pays de Nivernais, en effet, n’était pas seulement,
comme l'écrivait Guy-Coquille (2) , « commode aux forges,
tant à cause des petites rivières dont il abonde qu'à cause des
bois et minières », mais l’immense quantité de ses forêts devait
surtout favoriser les usines verrières. Et sans remonter
jusqu’au Morvand, — 1 nous y arriverons bientôt , — toute
cette contrée qui comprenait les paroisses de Nolay, Prune-
vaux, Saint-Benin-des-Bois , Sainte-Marie, Saint-Martin,
Giverdy..., dans les cantons de Pougues et de Saint-Saulge,
était couverte de verreries.
(1; Voir plus haut, note de la page 164.
(2) Histoire du Nivernois.
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— 228 —
Cassini, sur sa belle carte, a noté les noms d’allure
ancienne de Chétif our, à Saint-Benin ; de Four- Vieux , à
Sainte-Marie; et ces fours sont bien des fours à verre. Un
acte de 1478, cité par M. de Soultrait (1) , mentionne le
Viel-Four-aux - Voires ; les documents écrits confirment
aussi la vérité de nos assertions :
Dès l'année i 32 ô, Adeline, veuve de Gauret, alias Goret,
maître du Four-des- Verres, et Minet, son frère, rendent
hommage au comte de Nevers pour la maison des Paillards,
paroisse de Saint-Benin-des-Bois. En 1 335 , pareil hommage
est fait par Denis, fils de Minet, maître du Four-des-V erres,
et de feue Isabelle, fille de feu Hugues Oletti , pour des
maisons en ladite paroisse de Saint-Benin-des-Bois. — En
1464, Gibauld des Paillards, écuyer, rend hommage pour
le four et les verrières de sa maison de Saint-Benin-des-
Bois, appelée les Paillards. — Cette même année, et en 1468,
Guillaume des Paillards renouvelle l’hommage au comte de
Nevers pour sa maison des Charmes du Four-des- Verres ,
déjà fait en 1456 par Étienne des Paillards (2).
Le 20 août i 582, dénombrement est fait par Jacques des
Paillards, écuyer, seigneur de Ratilly et de la Varenne, et
par Charlotte des Paillards, sa nièce, héritière de feu noble
homme Pierre des Paillards, écuyer, frère de Jacques, pour
le bois de Ratilly ( 3 ).
Cette famille des Paillards, originaire de Bourgogne (4),
possédait donc les verreries du Four-des - Verres ou Four-
Vieux dès le commencement du quatorzième siècle ( 5 ). On
(1) Dictionnaire topographique du département de la Nièvre.
(2) Inventaire des titres de Nevers , de Pabbé de Marolles, publié
par M. le comte de Soultrait, col. 129.
( 3 ) Inventaire de Marolles, col. 126.
(4) Armorial du Nivernais , par M. le comte de Soultrait, t. II,
p. 120.
( 5 ) Une autre localité portant le nom de Four-au-Verre se trouve
sur la commune de Maux ; mais, dans le pays, aucun habitant n’a
jamais entendu parler de la verrerie. D'ailleurs, un texte de i 33 o
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— 229 —
les retrouve également à la même époque dans une paroisse
voisine, à Giverdy, aujourd’hui simple hameau de la
commune de Sainte-Marie.
En 1443 , Grégoire des Paillards rend hommage au comte
de Nevers pour la terre de Giverdy, tenue en fief du seigneur
deJuilly. — En i 5 i 6 , Charles et Guillaume des Paillards
sont qualifiés écuyers, sieurs de Giverdy (1). Les registres
de cette ancienne paroisse sont d’ailleurs remplis de leur
souvenir : En 1 633 , le 10 avril, est baptisé Léonard, fils de
noble Charles Despaillards, écuyer, seigneur de Chambon,
verrier audit Giverdy, et de demoiselle Nicolle de Ponard.
Le parrain est haut et puissant seigneur Léonard d’Armes,
seigneur de Busseaux, Moussy, Vesvreet Rouy; la marraine
demoiselle Marie de Ponard, fille de défunt Charles de
Ponard, seigneur de Mazille (2).
Dans cette verrerie de Giverdy se rencontrent ensuite
alliés aux des Paillards nos verriers italiens , puis en grand
nombre les gentilhommes verriers d'origine lorraine : dès
écrit : le Fourt-aux- Vouesvres. {Dictionnaire topographique du dépar-
tement.)
Ce qui pourrait être plus sérieux, c’est une autre mention de loca-
lité portant le nom de Four-des- Verres ou Four-aux- Verres , à
Faulin, ancien üef de la châtellenie de Luzy, aujourd'hui moulin de
la commune de Saint-Léger-de-Fougeret. On trouve dans la collection
des pièces de feu M. Lorry, de Moulins-Engilbert : Pierre et Guy de
Jacquinet, seigneurs de Four-aux- Verres, en i 63 g ; — le 21 jan-
vier i 564, mariage de noble homme Artus de Ponard, fils de feu
Jean de Ponard et de damoiselle Jeanne de Breuille, avec damoiselle
Barbe Jacquinet, fille de noble homme Guillaume Jacquinet , seigneur
du Four-des-Verres-de-Faulin ; — en 1627, François Jacquinet est
qualifié seigneur de Faulin. Un titre de 1243, aux archives de l'église
de Villapourçon , mentionne Foresta de Faulin . Qu'une verrerie ait
existé dans cette forêt, on peut parfaitement le présumer!
(1) Inventaire de Marolles, col. 175, 140, i 3 o.
(2) Nous devons à M. le baron d’Espiard et à M. R. de Laugardière
la communication de presque tous les extraits des anciennes paroisses
de Giverdy, Rémilly, Fours, Savigny-Poil-Fol , etc., relatifs aux
gentilhommes verriers.
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23 o —
1635 , Honoré de Bourniol , époux de demoiselle Marie des
Paillards, fille de Charles, est fréquemment cité; — le
28 décembre 1661 est baptisé Annet, fils d’Honoré de
Brignolles, écuyer, et de demoiselle Marie de Chambon. Le
parrain est un gentilhomme verrier lorrain, Élie de Finance,
écuyer; la marraine demoiselle Anne de Testefort, dame de
Talon. Assistent comme témoins Henri de Finance et Pierre
de Maupuy, écuyers.
Le 21 juillet 1641 est baptisée Claire, née le 6 de ce mois,
fille d’Antoine de Hou et de demoiselle Annette du Boys.
Le parrain est Paul des Paillards, la marraine Claire du
Bois. — Le 20 septembre 1646, baptême de François, fils
de Claude des Bigot , écuyer, et de demoiselle Rachel
de Hou ; parrain, François du Houx , écuier; marraine,
damoiselle Jeanne de Mathieu, épouse de François de Charry,
écuyer, seigneur de Giverdy en partie. Ces deux familles
sont tout d’abord durement éprouvées : En 1643, Antoine
de Hout , « écuier, du pays de Lorraine, à présent demeu-
rant à Giverdy, » voit mourir sa femme, Anne du Boys, qui
est inhumée dans l’église le 8 décembre. — Le i 3 octo-
bre 1646, a Marc de Hou , travaillant en la verrerie de
Giverdy », sepultus est in ecclesia. — A trois jours de
distance, le 16 octobre, meurt damoiselle Rachel de Hou,
femme de Claude des Bigot , et sepulta est in ecclesia. —
Le 29 mars i 65 o meurt damoiselle de Hou, t mère au sieur
Antoine de Hou *, laquelle aussi est inhumée dans l’église.
Le 3 i janvier 1660, Claude du Ou, écuyer, est parrain
avec demoiselle Jeanne de Charry, marraine de Jean-Claude,
fils de Guillaume Gobet, fondeur de la verrerie de Giverdy >
et d’Élisabeth Lamontre. — Le 21 novembre 1698, Étienne
Diou, qui signe : E . du Houx , écuyer, se marie avec damoi-
selle Marie de Bourniolle , en présence de MM. de Bongars,
Bourniol, Virgile, et autres parents et amis.
Le 9 octobre 1699 est baptisée, à Aubigny-le-Chétif,
Jehanne, fille de Jean du Houx, écuyer, et de damoiselle
Marguerite des Paillards.
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— 23 1 —
Le 7 avril 1 658 , à Giverdy, avait été baptisé Claude , tils
de Gabriel de Bérule, écuyer, et de damoiseile Claude des
Paillards. Claude de Charry, fils de François, déjà cité, capi-
taine du régiment de Bourgogne, étant parrain ; damoiseile
Marie des Paillards marraine.
A cette simple énumération de tant de noms qu’il serait
trop facile de multiplier encore, on devine l’importance de
cette ancienne verrerie de Giverdy (i). 11 est à regretter que
nous n’ayons pu rencontrer aucun document sur ses produits
que transportaient dans la province les vigoureux confrères
de la confrérie de Saint-Jacques et Saint-Christophe, ainsi
que nous l’apprend cet extrait des registres de la paroisse :
Le 27 mai 1660, a été inhumé au-devant de la porte de
l’église, aux pieds de son mari, Marguerite Chevallier, veuve
de Jean Jausson , marchand porte-à-col de verre en la
province de Nivernais.
Le Chambon , localité toute couverte de bois , aujourd’hui
simple hameau de la commune de Sainte-Marie, comme
Giverdy, était aussi le siège d’une verrerie appartenant
d’ancienneté aux des Paillards, puis par alliance aux Borniol,
qui se qualifiaient sieurs de Chambon,
En i 658 . Honoré de Borniol, déjà précédemment cité,
portait plainte contre un sieur Fity qu’il accusait d’avoir fait
paître ses bœufs dans les bois taillis dépendant de la verrerie
de Chambon . Parmi les dépositions des témoins se trouve
celle de Simon de Gastet, jeune homme de dix-sept ans ,
écuyer, sieur de Serville, demeurant en la verrerie de
Giverdy (2). Le 18 novembre 1692, Annet de Bourniol,
écuyer, sieur des Maillys du Chambon , dont nous avons vu
précédemment le baptême en 1661, épouse, en l’église de
Giverdy, Marie Dugué, fille de maître Esme Dugué des
(1) Voir aux pages 194 et 195 un acte de 1681 mentionnant un
ancien tiseur et le maître de la verrerie de Giverdy.
(2) Archives de la préfecture, fonds du présidial de Saint-Pierre-
le-Moûtier.
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— 232 —
Gouttes, notaire royal, et de dame Gabrielle Legoing. Le
20 juillet 1702 , est inhumée dans l’église, devant l'autel de
la Vierge, demoiselle Marie des Paillards, veuve de M. de
Boumiol, pour laquelle se doit dire, les samedis , la messe
pendant un an et un Libéra les dimanches; — en 1758,
Léonard de Borniol demeure en sa maison seigneuriale de
Chambon; — en 1785, Madeleine de Borniol, femme de
Claude Cornu, afferme sa propriété de Chambon...
Si, laissant l'arrondissement de Nevers, nous remontons
maintenant la Loire pour pénétrer dans l’arrondissement de
Cosne, là aussi se rencontrent des verreries à La Charité , à
Saint- Amand-en-Puisaye... M. l’Archiviste du département,
qui dépouille actuellement les archives de l’état civil, veut
bien nous signaler, dans les registres de l’ancienne paroisse
de Sainte-Croix de La Charité , les actes de baptême de trois
enfants de Pierre-François Castellan, écuyer, seigneur de
Rose, « maistre de la verrerie de cette ville », et de demoi-
selle Marie-Anne Maillard. Le premier enfant, Pierre-
François, baptisé le 26 février 1702, a pour parrain maître
Pierre Maillard, procureur au baillage de La Charité, bailli
de Soury, et pour marraine demoiselle Catherine Destrappes.
Le second enfant est une fille, Marguerite, baptisée le 27 mars
1703; le troisième se nomme Jean-Bapsiste, baptisé le
3 o mars 1 706 ; il a pour parrain maître Jean-Baptiste Grasset,
avocat; pour marraine, demoiselle Marie-Anne Leblanc.
Trois ans plus tard, le 24 décembre 1709, se trouve Pacte
d'inhumation dans l’église du corps de maître François
Castellan de Rose, gentilhomme verrier, âgé d’environ
quarante ans.
Je me souviens d’ailleurs que l’auteur du Nouveau voyage
de France , géographique , historique et curieux , imprimé à
Paris, en 1778, après avoir vanté à Nevers le Petit Muran
de Venise 9 ajoutait : « Les ouvrages de verrerie sont aussi
fort en vogue à La Charité. »
M. de Flamare nous signale également, dans les registres
de la paroisse de Saint-Amand-en-Puisaye, plusieurs actes
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- 233 —
concernant les verriers d’origine française, lorraine ou
italienne établis en cette localité dès longtemps célèbre,
surtout par ses poteries de grès, dont il se fait un grand
débit dans toutes les contrées voisines.
Le 25 juillet 1727 est inhumé dans l’église Gilbert de
Coulon de Monceneau (1), gentilhomme verrier, qui s’est
trouvé submergé et noyé dans un étang de cette paroisse, et
ayant donné des preuves de la religion catholique, en pré-
sence des sieurs Claude de Virgille, Georges de Virgille et
Gaspard de Virgille, gentilshommes verriers.
Ce Gaspard de Virgille est inhumé, deux ans plus tard,
dans l’église également, le i #r octobre 1729, en présence de
nobles hommes Jacques de Virgille, son frère; Jean de
Finance du Rôzay et Claude de Virgille, aussi son parent.
Le 6 avril 1730, autre inhumation d’Alexandre de Bros-
sard, décédé la veille, gentilhomme originaire de la
paroisse de Saint-Germain-du-Mage, proche La Ferté-
Vidame, diocèse de Chartres, âgé de vingt-deux ans, en
présence de messire Jean de Finance du Rozay, gentilhomme,
déjà nommé; de messire de Virgille de Chambon et de
messire de Bor gniole, tous deux gentilshommes.
Ce Jean-Baptiste de Finance, dont la femme, dame Anne
Geneviève de Vatkaire, est inhumée le 2 5 octobre 1743,
meurt à son tour en 1745, et l’inhumation a lieu le
6 octobre, en présence de messire Edme- Louis de Vatkaire
de Garchy, et messire Jean-Georges de Vatkaire, ses beaux-
frères.
Le 14 juin 1746 est célébré le mariage entre messire
Claude de Virgille de Saint-Martin (2), fils majeur de défunt
messire Jean de Virgille de Saint-Martin , vivant écuier, et
de demoiselle Claude Pierre, ses père et mère, et Reine
(1) Monceneau y ancien fief de la châtellenie de Decize, est aujour-
d’hui une ferme de la commune de Diennes.
(2) Ancienne paroisse de Saint-Martin-de-la-Bretonnière, aujour-
d’hui réunie à Sainte-Marie.
t. u, 3* série. 24
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Guillerand, veuve de Louis Vadois, de la paroisse de
Moutiers , en présence de raessire Paul de Coulon , écuier,
seigneur de Lafond; messire Pierre du But, écuier, seigneur
du Crocq.
On rencontre aussi , le 5 avril 1731, comme parrain, un
Jacques de Sarrode, écuier, etc.
§ II. — Verreries du Morvand: La Boue , Chenambret ,
Roussillon , Apponay, Vandenesse.
Parmi les noms précités des gentilshommes verriers
français alliés dès le seizième siècle aux des Paillards, il en
est un sur lequel il nous faut revenir, parce qu'il nous con-
duit à plusieurs des plus importantes verreries du Morvand,
dans lequel nous allons maintenant pénétrer ; nous voulons
parler des de Ponard et de leur verrerie de La Boue .
A ce sujet, nous sommes heureux de publier un précieux
document découvert tout récemment par M. le baron
d'Espiard , dans le chartrier de Limanton , et que cet érudit
collègue, avec la plus parfaite obligeance , veut bien nous
communiquer. C'est un gros cahier intitulé : Compte que
rend par -devant vous monsieur le lieutenant - général au
bailliage et pairie de Nivernois, noble homme Charles de
Reugny, escuyer, seigneur du Tremblay, au nom et comme
tuteur de Jehan, Charles et Georges de Ponard, enffans de
feus noble Jehan de Ponard et damoyselle Claude de Reugny,
à Charles et Jehan de Ponard, escuyers, et à noble Guy on
de Ponard, escuyer, curateur reçu par justice à la personne
de Georges de Ponard, enfants dudit feu Jehan.
Voici ce qui , dans le compte, est relatif à la verrerie .
a I. Recettes . — Item fait recepte de la somme de 200 livres
tournois réduicts, valle la somme de 66 escus 2 tiers, à
laquelle les matières estants en la verrerie de la Boue et
aultres lieux circonvoysins, mouvants et dépendants de ladite
verrerie, ont esté vendues au plus offrant et dernier cnché-
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risseur, comme il appert par l’accense et estrousse faite par-
devant le juge ordinaire de la justice de Mazilles, en date du
2 octobre, l’an mil cinq cent soixante-quatorze.
» Item , fait recepte de la somme de 60 livres réduicts et valle
la somme de 20 escus sol, à laquelle somme accense et
estrousse a esté faicte de la verrerie de la Boue , bastiments
et despendances d’icelle, et de prendre boys mort et mort
boys pour le faict de ladite verrerie, en un boys appellé
Bois-verd-l’Haste-à-la-Chièvre et le boys de Contant , et de
laquelle somme il fait recepte par chascun an pour cinq
années et comme estant accensée au plus offrant et dernier
enchérisseur, ainsi qu’il est convenu en ladite accense et
estrousse, qui sont pour lesdits cinq ans la somme de cent
escus.
» II. Dépenses. — Item , pour avoir délivré par ledit de
Reugny, tuteur, rendant compte auxdits Jehan et Charles de
Ponard, les ferrements et instruments propres à faire verre,
de la valleur de sept escus , laquelle somme il requiert luy
estre par vous mondict sieur allouée et taxée.
» Plus, auroit ledit de Reugny tuteur, rendant compte,
baillé le dixiesme juillet en l’an 1 574, à ung homme de pied
qui seroit allé à Moulins en Bourbonnais poursuivre le paie-
ment d’une obligation qu’un marchand de verre debvoit
audit deffunt Ponnard , où il auroit employé trois journées
pour aller et venir, la somme de quarante-cinq sols. »
Les de Ponard restèrent donc en possession de la verrerie
de la Boue.
En 1 582 , noble homme Jean de Ponard , fils de feu Jean
de Ponard et de Claude de Ruigny (Reugny), seigneur et
dame de la verrerie de la Boue et de Giverdy en partie,
demeurant à ladite verrerie de la Boue, paroisse de Rémilly,
fait hommage au duc de Nevers pour divers héritages à
Giverdy.
Semblables hommages au duc de Nevers sont rendus
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— 236 —
en 1598 par demoiselle Claudine de Chargères, veuve de
noble homme Guy de Ponard , en son nom et au nom de
Jeanne de Ponard, sa fille, pour les biens quelle tenait en
la châtellenie de Moulins-Engilbert, et en 1610 par Péronne
de Grand val, veuve de Jean de Ponard (1).
La verrerie de la Boue devint bientôt, comme celles de
Giverdy et de Chambon, le rendez-vous des gentilshommes
italiens et lorrains. Nous en avons la preuve dans cet
acte des registres aux insinuations du bailliage de Saint-
Pierre-le-Moûtier (2) : Le 20 avril 1676, Jean-Claude de
Sarrode , écuyer, demeurant à la verrerie de la Boue, fils de
feu Jean de Sarrode, écuyer, sieur de Fontenelle, et de
vivante Claude-Marie du Hout%, contracte mariage avec
Claude de Baiorre, fille de feu Louis de Balorre, écuyer,
seigneur dudit lieu, et de vivante Jeanne de Chargères,
demeurant à Mussy, paroisse de Pouligny- sur- Aron.
Les témoins de l’acte sont Jean -François de Bégotz
(alias des Bigots), seigneur d’Odompré, demeurant à
la verrerie de la Boue', Thierry de Finance et Charles de
Finance; Louis de Breton, seigneur de la Mollée, tous
qualifiés d’écuyers et demeurant en la paroisse de Rémilly.
Ce Louis de Breton était marié à demoiselle Anne de
Chargères, qui mourut au mois de mars 1692.
Michel de Breton, écuyer, de la paroisse de Blain, main-
tenant Roussillon, au diocèse d’Autun, s’était marié, le
25 octobre 1674, à Rémilly, avec demoiselle Anne de
Ponard, de ladite paroisse, en présence de Simon de Breton ,
oncle du futur, Jacques de Breton, demeurant à la verrerie de
la Boue, et Claude de Bréchard , sa femme, frère et belle-
sœur du futur.
D’après M. Le Vaillant de La Fieffe, dans ses Verreries
de la Normandie (p. 274), un sieur Laurent de Mathieu,
écuyer, sieur de Vauchaux, époux de Catherine de Bongars,
(1) Inventaire de Marolles, col. 134-200.
(2) Communication de M. de Flamare, archiviste du département.
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employé dès 1672 à la verrerie et glacerie de Tourlaville,
puis en 1707 à la verrerie de cristal des Essartis, dans le
comté d’Eu, devenu maître de la verrerie de la Boue ,
s'était associé, vers 1713, avec le sieur de La Pommeraye,
ancien directeur de la manufacture de Saint-Gobain , pour
fonder une glacerie clandestine, et de ce chef lut mis à la
Bastille avec le sieur de La Pommeraye, sur la demande de
la Compagnie des glaces.
En 1779, messire Louis de Virgille, écuyer, et son frère
Honoré de Virgille, fils de François de Virgille, écuyer,
sieur de la Vernette, et de dame Marie de Nourry, sont qua-
lifiés seigneurs de la verrerie de la Boue.
Tout auprès de cette verrerie en existait une autre plus
ancienne, et qui est fréquemment citée dans les registres de
la paroisse de Rémilly, où Ton retrouve d’ailleurs les mêmes
familles, à tel point qu’on pourrait croire que les deux éta-
blissements avaient une même direction. C'est encore à
M. d’Espiard que nous devons d’en pouvoir faire connaître
l’origine, par lui découverte dans des pièces de procédure de
la châtellenie de Sa vigny-Poil-Fol , conservées au chartrier
du château du Tremblay. Il y est rapporté que noble homme
Jehan de Lodines, mari de damoiselle Philiberte de La Per-
rière, d’une part, et Antoine de Maumigny, écuyer, seigneur
dudit lieu de la Boue et de Saint-Michel-en-Longue-Salle ,
prenant en main et se faisant fort pour damoiselle Marie de
La Perrière, sa mère, d’autre part, ont baillé le 3 septembre
1 535 , à titre de rente et cens non portant amendes et défauts,
à Olivier Mesmin, écuyer, une pièce de terre de seize bois-
selées située au lieu de Chenambret (1), joignant les grands
bois desdits écuyers, et ce pour édifier, bâtir et construire
fours à faire verre , maison , grange, jardin , colombier, etc.
Plus, le droit de prendre dans les bois de la Boue, de
Saint-Michel-en-Longue-Salle et appartenances, tout bois
(1) Alias Chenanbray. Ce nom ne se trouve pas indiqué dans le
Dictionnaire topographique du département.
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— 238 —
mort et mort bois et bois de feu pour entretenir et chauffer
les fours de ladite verrerie , et davantage , de pouvoir prendre
bois de « chaisgnes » pour bâtir et édifier. Philiberte de La
Perrière avait ratifié cette vente le 7 septembre 1 535, et à
l'époque du procès, en 1542, il est observé que depuis la
vente on avait toujours pris du bois pour bâtir et chauffer les
fours sans être troublé dans la possession de ce droit.
Les de Virgille paraissent avoir été, dès le dix-septième
siècle, les maîtres de la verrerie de Chenambret. Les registres
de Rémilly mentionnent : en 1666, noble Honoré de Vir-
gille ; — en 1669, noble Louis de Virgille* lequel est parrain
en 1684 et qualifié sieur de SainUMichel-en-Longue-Salle ;
— en 1685, inhumation de Françoise, âgée de huit ans, fille
de Jean de Virgille et de damoiselle Jeanne de Prudon ,
demeurant à la verrerie de Chenambret ; — le 3 o septembre
1 683 , baptême d’Adrienne, fille de Robert de Virgille, de
présent en cette paroisse de Rémilly, et de Jeanne Bernard,
du village de Roussillon, paroisse de Blain, diocèse
d’Autun (1); — le 14 mai 1692, inhumation de maître Jean
de Virgille, écuyer, demeurant à la verrerie de Chenambret;
— le 22 septembre 1701, baptême d'Honoré, fils de Pierre
de Virgille, écuyer, et de dame Marie- Anne des Gouttes de
La Salle ; le parrain est messire Honoré de Virgille, prêtre,
curé d’Avrée, etc.
On rencontre cependant aussi dans ces mêmes registres :
le 2 décembre 1686, baptême d’Henriette, fille de maître
Charles Tridon, sieur de Vermenoux, et de M. de Marin,
(1) Roussillon dépendait autrefois du diocèse de Nevers, et à ce
titre nous intéresse plus particulièrement. Nous avons vu précédem-
ment (page 192) qu’Ennemond de Girard, qui mourut à Nevers chez
le seigneur Castellan, avait travaillé en 1667 à la verrerie de cristal
de Roussillon.
En i56i, Mathieu de Brossard traitait avec le sire de Roussillon-
en-Morvand pour l’établissement d’une verrerie à Gien-sur-Cure, au
canton de Montsauche. jNous retrouvons les de Brossard, en 1775,
à la verrerie d’Apremont.
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demeurant à la' verrerie de Chenambret ; — le 1 3 juin 1690,
mariage de Philippe Isambert, chirurgien à Moulins-Engil-
bert, avec demoiselle Jeanne de La Godine , demeurant à la
verrerie de Chenanbray, fille de feu François de La Godine
et de demoiselle Guillemette de Nourry, en présence de
Pierre de La Godine, écuyer, frère de la future, etc.
Sur ce même territoire, autrefois tout couvert de forêts,
comme l'indique le nom de l’antique paroisse de Saint-
Michel-en-Longue-Salle ( Sancti Michaelis in Longa Sylva),
depuis longtemps réunie à Rémilly , se trouvait , dès la
fin du seizième siècle, une troisième verrerie dite d’Appo-
nay, où l'on rencontre d’abord les gentilshommes lorrains
du nom d’Hennezel... Le i 3 mars 1669 est baptisée
Pierrette, fille de noble Pierre-François de Marin, écuyer,
et de demoiselle Louise de Champrobert ; le parrain est
noble Pierre de Marin, demeurant à la verrerie de Saint-
Bruno, paroisse de Rémilly.
Il est en effet rapporté dans l'histoire de la chartreuse
d'Apponay que le prieur dom Louis de La Barre, dont
^'administration fut très-funeste au monastère, avait dépensé
16,000 livres, vers 1717, pour le rétablissement de la
verrerie. Son successeur, dom Louis Lancieux , avait eu
l’idée d’établir une faïencerie qui n’eut pas un meilleur
succès que la verrerie (1).
Faut-il rattacher à l’histoire de la verrerie cette note sin->
gulière du curé Rousset qui se lit à la fin du registre
de 1742 de la vieille paroisse de Saint-Gratien, réunie à
Savigny-sur-Canne ? « Cette même année 1742, un chartreux
s’est sauvé d’Apponai, où il était en prison depuis dix
ans. Il s’est mis sous la sauvegarde du roi et a demandé à
faire connaître son innocence contre son ordre. » Et encore
cette autre note du 10 novembre 1746, tirée du registre de
l’ancien contrôle de Cercy-la-Tour : « Acte de protestation et
rétractation de vœux par dom Henri Castellan , profès à la
(1 ) Le Morvand, par M. l'abbé Baudiau, t. I tP .
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— 240 —
chartreuse d’Apponay (1) 1! Oui, sans doute, si l’on se
rappelle le chapitre consacré aux Castellan de Nevers, et tout
récemment les notes sur les Castellan de La Charité.
Enfin, tandis que nous sommes en Morvand, citons aussi
la verrerie royale de Vandenesse , dont M. Victor Gueneau,
dans ses Notes pour servir à l’histoire de cette commune,
nous a révélé l’existence au commencement du dix-huitième
siècle. Le chevalier Charles-Séraphin-Melchior de Cherbon
en était le directeur en 1752, et l’on retrouve dans les
registres de la paroisse les noms d’une foule d’ouvriers
d’origine étrangère et qui nous étaient jusqu’ici demeurés
inconnus : Le 9 février 1754 est baptisée Charlette-J canne ,
fille d’honnête homme René Montausier, maître ouvrier en
cristal, et d’Elisabeth-Charlette Lemaire. Le parrain est
maître Jean Boudin, ouvrier de place en cristal à la verrerie
royale dudit Vandenesse , la marraine honnête fille Jeanne
Buteau.
Le 3 novembre de la même année est né et le 4 a été bap-
tisé Louis-Charles-Pierre-Marie, fils de M. Jean Boudin,
maître ouvrier de place en cristal à la verrerie (2), et de dame
Françoise Launois.' Le parrain a été le sieur Jean Bernard,
aux lieu et place de messire Pierre-Marie, marquis de Lupé,
capitaine dans le régiment de Bourgogne-cavalerie ; la
nommée Marie Buteau a été marraine pour M*® Louise-
Charlotte du Bois de Fiennes de Leuville, marquise de
Poyanne et de Vandenesse, etc. Outre la cristallerie, on
fabriquait surtout des bouteilles.
Le seigneur du Tremblay ayant fait saisir un bateau chargé
de bouteilles que son suzerain faisait diriger sur Decize par
la rivière d’Aron, une sentence de 172 2 donna gain de cause
au seigneur de Vandenesse ( 3 ).
(1) Minutes Garillan, notaire à Cercy-la-Tour. Communication de
M. d’Espiard.
(2) Ce Jean Boudin ne serait-il pas de la famille du Jehan Boudin
ou Botin , cité , trois sièles plus tôt, au commencement de ce chapitre !
( 3 ) Bulletin de la Société nivernaise , 2* série, t. VI, p. 540-555.
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— 241 —
On comprend maintenant , mieux encore qu'on n’eût pu
le supposer au début de ce chapitre, quelle animation devait
produire dans toute la province de Nivernais ce va-et-vient
de seigneurs étrangers s'alliant aux principales familles du
pays, et quel mouvement artistique et commercial devait
résulter de la multiplicité de ces usines verrières.
En vérité, après avoir simplement indiqué ce vaste sujet
d’études, — car il y a là vraiment matière à un volume, pour
qui voudra traiter à fond l’histoire des verreries du Morvand,
comme l’a lait M. Le Vaillant de La Fieffe pour les verreries
de la Normandie et comme le fait en ce moment M. Schuer-
mans en Belgique pour les verreries artistiques des Pays-
Pays, — il nous tarde de retracer au moins quelques pages
de cette histoire.
§ III. — Les d'Henne\el . — Verreries de La Nocle , de
Prunevaux et Nolay , de Bois-Giset , de Marsendé,
d' Avril, de Fours .
Bien avant que les gentilhommes verriers d’origine ita-
lienne fussent venus répandre dans notre cité nivernaise les
merveilles de cette industrie qui a illustré les villes d’Altare et
de Murano, les gentilshommes verriers d’origine lorraine
multipliaient en effet leurs manufactures dans nos forêts du
Morvand, oü ils trouvaient en abondance, avec le bois, « les
fougères et toutes autres herbes propres et convenables pour
le fait de leur mestier ».
Dès le milieu du quinzième siècle, l’industrie verrière
était en grand honneur dans l’ancienne Lorraine, et en 1448,
Jean de Calabre, gouvernant le pays, en l’absence de son père,
René d’Anjou, roi de Jérusalem et de Sicile, avait octroyé
< à tous verriers et ouvriers ez verrières » du duché de Lor-
raine une charte appelée la charte des verriers , qui les assi-
milait aux nobles de race et leur conférait les mêmes privi-
lèges de plein droit. Dotée de tels avantages, il était
impossible que l’industrie du verre ne prospérât pas en
T. 11 , 3* série. 25
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— 242 —
Lorraine ; bientôt les familles des verriers s 'étant multipliées,
ils se virent dans la nécessité de se répandre au loin pour y
fonder d’autres manufactures et y établir leurs enfants.
Parmi les noms des verriers qu’on voit figurer les premiers
et le plus fréquemment dans les archives de la Lorraine
depuis 1448, se trouvent d’abord les d'Henne\el et les de
Finance. Il est question de Jean d’Hennezel, autrement
Hendel, parmi les impétrants de la charte de 1448, et sa
verrerie, qu’il s’agissait de rétablir, n’était pas un établisse-
ment nouveau-né. Le nom de Jacob Finance paraît à la date
de 1492 ; et leurs descendants, Nicolas d’Hennezel et Fran-
çois de Finance, en 1737, possédaient en commun la verrerie
dite de Hennezel. La famille de ce nom était d’ailleurs repré-
sentée en 1520 par sept frères, tous verriers.
Cependant, ainsi que nous l’avons précédemment constaté,
il existe encore aujourd’hui, notamment à Nancy, des repré-
sentants de cette ancienne famille qui signent : d’Hennezel.
Viennent ensuite en 1496 Antoine et Christophe, fils de
Colin Thiétry ; — i5oi, Jean et Philippe Thiétry; — r 5 54,
Hugues Mussel et François Desprez, écuyers; — 1564,
Guillaume de Hou ou du Houx et Alexandre de Bonnet ; —
en i 6 o 3 , Moyse de Condé, Joannes et Hélie de Guyot,
Jérémie de Bigault , Jean, Pierre, Benjamin et Nicolas de
Condé (1).
Or, ce sont précisément ces noms que nous avons déjà
signalés dans tous les registres de nos paroisses verrières et
qui vont maintenant, les d’Hennezel surtout, nous fournir
spécialement les documents qu’en vain nous avons jusqu’ici
cherchés sur les verres fabriqués par l’industrie lorraine.
Le i 5 mai 1609, noble Abraham de Hennezel (2), gentil-
(1) Les Gentilshommes verriers dans Vancienne Lorraine aux quin
fième, seizième et dix-septième siècles , p. 42 et 48, par M. Beaupré.
Nancy, Hinzelin et O, imprimeurs-libraires, 1847.
(2) Très-souvent le nom est écrit Henne\et , d’autres fois même le t
est retranché; de plus, on trouve aussi écrit Hanneÿè . ce qui semble
indiquer qu’on prononçait Han\è.
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— 243 —
homme verrier demeurant à la verrière de La Nocle (1), et
noble Daniel de Hennezel, aussi gentilhomme verrier,
demeurant en la verrerie de Prunevaux (2), pour eux et
pour leur frère Joseph de Hennezel , absent, confessent, par
acte passé en la maison de la verrerie de Nevers , par-devant
notaire, avoir reçu de noble Horace Ponté, maître de la
verrerie de Nevers, pour et au nom d’André Lecoq, sieur de
La Rossière, et Mathurin Thibault , marchands, demeurant
à Nantes, la somme de yj 5 livres tournois, faisant l'entier
payement de la somme de 1,875 livres tournois, pour laquelle
lesdits sieurs Abraham , Daniel et Joseph de Hennezel avaient
vendu et promis livrer auxdits sieurs de La Rossière et Thi-
bault la quantité de trois mille deux cent quarante liens de
verre blanc à faire viltres ( 3 ) et soixante et quinze bouteilles
de verre , laquelle quantité de liens de verre ledit de Hen-
nezel a cejourd’hui délivrée à Claude George, leur facteur,
pour la faire voiturer par le port de la fosse de la ville de
Nantes... L’acte est signé: Abraham de Hennezet, Daniel
de Hennezé (4).
(ij La Nocle, au canton de Fours , célèbre par ses immenses forêts
qui lui avaient valu le nom de Domibus in Longa Sylva (pouillé de
1 517) ; — paroisse des Maisons-en-Longue-Silve, 1494. ( Dictionnaire
topographique du département de la Nièvre , par M. le comte G. de
Soultrait.)
(2) Prunevaux ( Prunevallis ), ancienne paroisse depuis longtemps
réunie à Nolay, lieu également très-boisé.
(3) Une ordonnance rendue en 1 5 57 par le gouvernement de la
Lorraine portait que chaque verrier sera tenu de faire chaque jour
trente liens de bon verre blanc et non plus, contenant le lien trois
tables, et chaque table trois pieds (de Lorraine) de hauteur et un pied
et demi de largeur par le bas dudit lien, et au-dessus de largeur
équivalente, pesant treize livres, de bonne épaisseur, proportionnés
tant en un lien comme en l'autre
On nomme encore aujourd’hui lien un paquet de six feuilles de
verre en table. ( Les Gentilshommes verriers ou Recherches sur l'indus-
trie et les priniléges des verriers dans l’ancienne Lorraine, par
M. Beaupré, p. 23.
(4) Archives des notaires de Nevers, minutes Pellé.
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— 244 -
Nous savons ainsi , de la façon la plus évidente, quelle
espèce de verre était fabriqué par ces gentilshommes lorrains :
ce n’était plus le verre artistique des gentilshommes italiens ,
mais le gros verre en table ou verre à vitres et les grosses
bouteilles, en un mot, la grosse verrerie (i).
Ce qui n’est' pas moins à remarquer dans cet acte, ainsi
que nous l’avons observé déjà précédemment (2), c’est l’étroite
union existant entre les maîtres des deux différentes verreries.
L’année suivante, 1610, Daniel de Hennezel , qualifié de
maître de la verrerie du Bois-Gi{et> vendait directement à
noble Horace Ponté, maître de la verrerie de Nevers,
la quantité de deux cens liens de verre de viltre , bon,
loyal et marchand ; et de son côté Horace Ponté s’en-
gageait verbalement le 20 novembre, envers honorable
homme André Orgery, marchand verrier, demeurant
à Tours, paroisse de Saint- Hilaire , à lui livrer, le
25 e jour de novembre, ladite quantité de verre, moyennant
la somme de 70 livres tournois payée par ledit Orgery ;
cependant, le 2 décembre, sommation était faite au seigneur
Horace Ponté d’avoir à délivrer ladite marchandise à Nevers,
sur le port de Ninchat, à quoi ledit sieur répondait que c’est
la vérité qu’il a fait ladite vente, mais que noble Daniel de
Hennezel , qui lui a vendu icelle quantité de liens de verre,
ne l’a encore livrée, ce qui est la cause du retard, mais
promet la livrer au plus tôt qu’il sera possible (3).
Une fois, comme par exception, le i« r octobre i6i3,
Abraham et Jehan de Hennezel, qualifiés d’écuyers, tant
(1 ) Histoire d'un four à verre de l'ancienne Normandie , par A. Mil et,
1871, p. 11-12.
(2) Voir plus haut, la fin du chapitre II.
( 3 ) Archives des notaires de Nevers, minutes Pellé.
On retrouve dans les mêmes minutes, en 1619, 1620, etc., quantité
de reconnaissances faites par Claude Orgery, fils de défunt André
Orgery et d’Antoinette Blondeau , au nom de sa nièce , « faisant traffi c
de verreryc en la ville de Tours », pour vente et délivrance de mar-
chandises de verre par le seigneur Horace Ponté.
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— 245 —
pour eux que se faisant fort pour Daniel de Hennezel, leur
frère, absent, tous gentilshommes verriers, demeurant à
Gi\ay , paroisse de Savigny-Poil-Fol , pays de Nivernois ,
traitent directement avec un marchand de Nantes, pays de
Bretagne, du nom de Honoré Rousseau, et promettent lui
livrer sur le port Tarault, c lieu propre et chargeable en
bateaux », dans le jour et fête des Brandons prochain venant,
la quantité de 3 ,ooo liens de verre à faire vitre, qui aura de
hauteur demi-aune et demi-quartier, et de largeur 16 pouces
par le bas, chacun lien de trois tables, toute bonne marchan*
dise blanche , loyale et marchande..., le tout moyennant le
prix et somme de 1,200 livres, qui est à raison de 8 sols
pour chaque lien, sur laquelle somme ledit Rousseau a
payé comptant huit-vingts livres (1).
Généralement toutes les ventes se font par l'entremise du
maître de la verrerie de Nevers, qui parait être le grand
bailleur de fonds de nos verriers du Morvand et se charge ,
contre livraison de leurs marchandises, d’acquitter leurs
obligations.
Ainsi : le 4 décembre 1617, noble Jean de Hennezel ,
écuyer, demeurant à Marsendé , paroisse de Ta\illy, vend
et promet livrer et conduire à Nevers, sur le port du guichet
de Loire, dans le premier jour du mois de janvier prochain
venant, à noble Horace Ponté, la quantité de 600 liens de
verre en viltre , à compter 10 1 liens pour 100, et 17 bou-
teilles de verre de la grandeur que ledit de Hennezel les fait
faire ordinairement, moyennant le prix de i 5 o livres tour-
nois, qui est à raison de 5 sols pour chacun lien dudit verre ;
laquelle somme ledit sieur Ponté sera tenu de payer, pour
acquit dudit sieur de Hennezel, à noble Pierre du Four,
conseiller et maître des comptes de Monseigneur le duc de
Nivernois, pour semblable somme en laquelle ledit sieur de
Hennezel lui est obligé (2).
fi ; Archives des notaires de Nevers, minutes de France.
[ 2 ) Minutes Peljé,
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— 246 —
Deux jours après, le 6 décembre, le même Jean de
Hennezel, tant pour lui que prenant en main pour ses frères
Daniel, Charles et Joseph, tous gentilshommes verriers,
promettait de même de livrer à Nevers, dans le premier
jour de janvier, 1,560 liens de verre en vitre, avec 5 o grosses
bouteilles de verre de même façon qu'ils en ont ci-devant
délivré, moyennant la somme de 390 livres tournois, sur
laquelle ledit sieur Ponté, a présentement payé 90 livres en
quarts d’écus ou douzains, le reste devant être payé, pour
acquit dudit sieur de Hennezel, à maître Nicolas Moquot,
conseiller, maître des comptes de Monseigneur le duc de
Nevers, en déduction de plus grande somme qu’ils doivent à
noble homme et sage maître Jacques Foullé , seigneur de
Prunevaulx, conseiller en la cour de Parlement , à Paris,
à cause tant de l’accense de ladite terre de Prunevaulx que
d'autres dettes.
Il était aussi spécifié que ledit sieur de Hennezel ne pourra
vendre aucune marchandise de yerre en vitre à autre per-
sonne qu’au sieur Ponté, qui en achètera davantage, si bon
lui semble, pour la faire voiturer par eau ou par terre... ;
cessant laquelle clause, ledit sieur Ponté n'eût aucunement
acheté ladite marchandise.
Et pour mieux s’assurer le monopole de la vente, à quel-
ques jours seulement de distance, le '5 janvier 1618, Horace
Ponté achète encore 1,400 liens de verre en vitre, à compter
101 pour 100, qui devront être emballés en petits ballons de
25 liens par chacun ballon (1), et livrés avec 5 o gros
flaccons aussi de verre, dans le premier jour du mois de
janvier prochain 1619, sur le port du guichet de Loire ou de
Ninchat. Lors de la livraison sur le port , ledit sieur Ponté
pourra faire déballer la marchandise, pour « icelle voir et
faire visiter, si elle est loyale et marchande », mais après
l’avoir visitée, sera tenu la faire relier et remballer à ses
dépens. Ledit marché est consenti par noble Daniel de Hen-
1 ) Il y avait des gros ballons de 5 o liens pièce, d'autres de 40 liens.
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nezel , gentilhomme verrier, demeurant à Bqys-Giset , maître
de la verrerie dudit lieu , tant pour lui que pour ses frères
Charles et Joseph , demeurant audit lieu ; pour Jean de Hen-
nezel, aussi son frère, et sa femme, damoiselle Madeleine de
Chargières (i), et aussi pour Bénédicte Decray, sa propre
femme, le tout moyennant le prix de 3i2 livres io sols
tournois , sans préjudice des précédents marchés de vente de
verres en vitre et bouteilles ci-devant conclus par ledit sieur
de Hennezel et ses frères audit sieur Ponté.
Les mois suivants, Horace Ponté continue ses achats,
savoir: le 10 février 1 6 1 8 , 1,134 liens de verre en viltre à
compter, cette fois, 102 liens pour chacun cent, et 20 bou-
teilles de verre carrées et flattes assorties , de même gran-
deur que celles précédemment livrées, moyennant le prix de
3 oo livres 4 sols, sur laquelle somme le sieur Abraham de
Hennezel confesse avoir reçu dudit seigneur Ponté 100 livres
en marchandise de pain de verre et soulde ; — le 9 mars ,
i, 3 oo liens de verre et 25 grosses bouteilles; — le 22 mai,
866 liens de verre et 1 6 grosses bouteilles , etc.
Toutes ces marchandises sont généralement conduites de
la verrerie du Bois-Gizet au port Tharault, où les voituriers
par eau de Nevers vont les recevoir, en présence de maître
Antoine Lefebvre, notaire, demeurant audit lieu et repré-
sentant du seigneur Horace Ponté, puis les amènent à
Nevers sur le port du Pont-Cizeau ou sur le port du guichet
de Loire. C’est là que les marchands verriers du royaume et
même de l'étranger viennent s’approvisionner.
11 serait trop long et fastidieux d’indiquer, même sommai-
rement, tous les actes de ce genre que nous avons pu rencon-
trer; nous n’en citerons qu’un du 3 o décembre 1619 : Un
nommé Jean Pichenet, voiturier par eau, demeurant à
(1) La seigneurie de la Pommeraye, sise en la paroisse de Savigny-
Poil-Fol, comme le Bois-Gizet, était possédée en ib-jb par Charles de
Chargère, écuyer, qui, cette année, en donna dénombrement au duc
de Nevers. {Le Morvand, par M. l’abbé Baudiau, t. I".)
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— 248 —
Nevers, fait en ce jour marché avec honorable homme
Charles Landart, marchand verrier demeurant à Paris, de lui
conduire jusqu’au port de Gien 3 , 000 liens de verre de viltre,
en gros et petits ballons, et 5 caisses pleines de verres ; auquel
lieu, après avoir fait délivrance audit sieur Landart ou à ses
commis de ladite marchandise, il sera tenu en apporter
décharge à noble Horace Ponté, et sera tenu pareillement
partir sitôt que la rivière sera libre et desglassée et ne
pourra livrer auparavant aucune autre voiture pour qui que
ce soit , le tout moyennant la somme de 75 livres tournois.
Or, ce marchand de Paris déclare être le commis et entre-
metteur de deux marchands flamands, Benjamin de Jonge,
demeurant aussi à Paris, rue et enseigne des Trois-Mores,
et Adrien Imbert, demeurant en la ville de Dort , en
Hollande (1).
Parmi les témoins de cet acte si intéressant nous remar-
quons encore Charles Brare, marchand verrier, demeurant à
Montdidier, en Picardie, de présent à Nevers, où il était
venu aussi pour ses approvisionnements, et Gervais Dupré,
maître émailleur, dont la maison était voisine de celle
d’Horace Ponté, et qui signe habituellement sur tous ses
contrats (2).
En cette année 1619, les dettes contractées par les verriers
de Boisgiset n’étaient pas encore acquittées , mais ils travail-
laient avec activité, et le 10 janvier, les quatre frères Daniel,
Jean, Charles et Joseph de Hennezel vendaient à noble
Horace Ponté la quantité de 3,452 liens de verre et
1 00 grosses bouteilles , livrés dans le jour et fête de saint
Jean - Baptiste prochain venant sur le port du Guichet
de Loire, moyennant le prix de 1,208 livres 4 sols, qui
fi) Nous avons rencontré déjà en 1609 un marchand flamand du
nom de Girard Imbert, demeurant à Dord , en Hollande, et le lecteur
aura rectifié (note 2 de la page 1 38) le mot Dori qui n’est autre que
Dort.
(2) Archives de la chambre des notaires de Nevers, minutes Pellé.
— Les actes qui précèdent sont également tirés des mêmes minutes.
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— *49 —
est à raison de 7 sols pour chacun lien de verre et les bou-
teilles par-dessus; sur laquelle somme le seigneur Ponté
payait manuellement comptant auxdits sieurs de Hennezel
3 oo livres en pis toiles et quarts d*escus du poix et de
l'ordonnance , et 5 oo livres à M re Nicolas Moquot, pour
acquit de semblable somme due par lesdits gentilshommes
verriers au seigneur de Prunevaulx , maître Jacques Foullé,
lequel consentait à accorder mainlevée auxdits sieurs de
Hennezel d’une certaine quantité de verre saisie à sa requête
et présentement gardée en la maison des T rois-Mores de cette
ville de Nevers. Horace Ponté avait soin de faire inscrire
dans le contrat, comme condition de son marché, que les
sieurs de Hennezel ne pourront vendre ni distribuer aucune
marchandise de verre en viltre, à quelque personne que ce
soit, du jour et fête de Toussaint prochainement venant,
sans son congé, afin que plus commodément il pût débiter
la marchandise à lui vendue, leur laissant seulement le droit
de vendre à qui bon leur semblera , dans la fête de Toussaint
prochaine, telle quantité de bouteilles qu’ils voudront.
Jusqu’à présent, dans toutes les livraisons de nos verriers,
il n’a été question que de verre à vitre de couleur blanche ,
sans désignation d’aucune autre couleur ; la grande renom-
mée des verreries de la Lorraine leur venait cependant en
particulier de la fabrication des verres de couleur. La charte
des verriers octroyée en 1448 , et dont il a été parlé précé-
demment, en faisait déjà mention : a Iceulx ouvriers, y est-
il dit, pourront faire verres tels et de telle couleur que leur
plaira. » Le président en la cour des comptes de Nancy, du
nom de Thiéry Alix, auteur d’une description manuscrite de
la Lorraine en 1594, parlant du grand commerce qui se
faisait à l’étranger du verre fabriqué dans les Vosges,
s’exprime ainsi :
« Ne sont à obmettre les grandes tables de verres de toutes
couleurs qui se font ez haultes forests de Vosge , ezquelles se
trouvent à propos les herbes et aultres choses nécessaires à
t. u, 3 * série. 26
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— 250 —
cet art, qui ne se rencontrent que rarement ez aultres pays et
provinces , dont une bonne partie de l’Europe est servie par
le transport et trafic continuel qui s’en fait ez Pays-Bas et
Angleterre; puis de là aux aultres régions plus remotes et
esloignées ( i ). »
Sans doute nos forêts du Morvand renfermaient à propos
les herbes nécessaires à la fabrication des verres de couleur,
car le 26 janvier 1621, Daniel et Charles de Hennezel vendent
au seigneur Horace Ponté 5 , 200 liens de verre blanc et
800 liens de verre de colleur , plus 200 grosses bouteilles de
verre à livrer sur le port Tharault..., pour le prix, savoir :
de 6 sols 6 deniers pour chaque lien de verre blanc et i 3 sols
tournois pour chaque lien de verre en colleur ; à l'égard des
200 bouteilles, ledit sieur Ponté ne sera tenu de payer
aucune chose, comme lui ayant été données par lesdits sieurs
de Hennezel.
La réputation des verreries de Nevers et du Bois-Giset
était d’ailleurs bien connue, et l’on se rappelle qu’en 1643
l’artiste qui réparait les vitraux de la cathédrale d’Auch ,
ayant besoin de verres de couleur et n’en pouvant trouver (2),
priait MM. les Chanoines d’écrire à Nevers, « à ce gentil-
homme qui fait le verre, pour qu'il fît parvenir leur lettre à
M. Charles de Hanse, au Bois-Gi%i , paroisse de Savigny. *
Si les anciennes verrières de la cathédrale de Nevers exis-
taient encore, il nous serait permis sans nul doute d’y recon-
naître les produits des verriers du Bois-Giset.
« Pour le verre en plat, dit M. Levaillant de La Fieffe ( 3 ),
(1) Les Gentilshommes verriers , par M. Beaupré (ouvrage déjà cité),
page 35 .
(2) Voir plus haut, fin du chapitre il, page 166.
( 3 ) Les verreries de Normandie, page 459. En 1661, Josué Hennezel
demandait l’autorisation de joindre à sa fabrication, des miroirs, à la
façon de Venise, et des grands verres ronds, à la façon de ceux de
France, qui ne se font qu’en Normandie. (Verreries à la façon de
Venise, par J. Houdoy, documents, page 73.)
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— iSi —
le verre est d’abord soufflé en forme de boule un peu allongée,
puis attaché au pontil, après l’avoir réchauffé, et lorsqu’il le
croit suffisamment ramolli , l’ouvrier imprime au pontil un
mouvement de rotation très-rapide qui, à l'aide de la chaleur
et de la force centrifuge, développe la pièce en un plateau
rond et plat ; on le détache alors du pontil , mais sans pou-
voir faire disparaître l’empreinte , qui produit au centre du
plateau la loupe ou boudiné que l’on rencontre dans de vieux
carreaux fabriqués par ce procédé. Le plus souvent aussi la
feuille de verre a l’inconvénient d’étre plus épaisse vers le
centre qu’à la circonférence. »
Nous possédons un très-joli fragment de verre blanc pro-
venant de la cathédrale, sur lequel est peinte hardiment une
grande feuille de chardon, et dans le centre , qui va en effet
en s’épaississant, on remarque la loupe ou boudiné très-forte-
ment caractérisée.
Cependant, depuis quelques années déjà, des pourparlers
étaient engagés entre les verriers italiens descendant de nos
premiers Sarode, dont plusieurs travaillaient auprès d’Horace
Ponté, et nos verriers lorrains, vivement sollicités de se
rendre en Italie pour y fonder une verrerie de gros verre.
Dès l’année 1634, un premier pacte avait été conclu à
Nevers, en la maison de la verrerie, par-devant le notaire
Pellé. On nous saura gré de faire connaître les principaux
détails de cet épisode si intéressant et tout à fait inconnu.
Donc, le 19 avril de ladite année 1634, noble Charles
d’Hennezel, écuyer, l'un des maîtres de la verrerie du Bois-
Giset, tant en son nom que pour ses frères Daniel et Joseph,
aussi écuyers, demeurant ensemble en ladite verrerie (1),
promet et s’oblige aux sieurs Jérôme et Jacques Sarode,
gentilshommes verriers, demeurant en Italie, au lieu de
( 1 ) La procuration desdits frères faite le i5 avril, au lieu de la
verrerie de Giset, est signée de Daniel d*Hcnne\et (sic) et de Philippe
d*Hennefet, comme témoin ; encore un nouveau nom qui s'ajoute aux
cinq déjà cités.
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— 2 5 2 —
Montenotte (i), paroisse de Caire en Lombardie, ou autre-
ment pays de Millanois; — ledit sieur « Hiérosme » étant
de présent à Nevers et se faisant fort pour son frère; — de
s'acheminer avec ses frères de leur domicile du Bois-Giset,
dans le mercredi de la fête de Pentecôte prochaine jusqu’à la
verrerie dudit Montenotte, et avec eux, un autre gentil-
homme , un apprenti , un fondeur, un empailleur et trois
tisonniers, pour travailler de leur art de verriers et sans
discontinuation y faire et façonner jusqu'à la quantité de
dou\e mille liens de verre plat de trois tables pour lien %
moyennant la somme de 4 sols tournois pour chacun lien
de verre que ledit Jérôme Sarode sera tenu payer lors de
l’entière livraison.
En outre, seront tenus lesdits Sarode fournir aux sieurs
c de Henne\el » tous les matériaux nécessaires à faire ladite
quantité de liens de verre; plus, payer : pour les gages du
fondeur, 4 livres par semaine; à l’empailleur, 3 livres, et à
chaque tisonnier 35 sols aussi par chaque semaine; et
encore de nourrir « honnestement » pendant tout le temps
que ladite marchandise durera à faire, ou qu'ils travailleront
audit lieu, tant les sieurs de Hennezel et leur gentilhomme
que les autres.
Les gages desdits fondeur, empailleur et tisonniers com-
menceront à courir du jour qu’ils partiront de leur maison
jusqu’à leur retour, pourvu qu’ils ne séjournent par les che-
mins plus d’un mois à aller et retourner ; et à l’égard de la
dépense desdits sieurs d’Hennezel, du gentilhomme, de
l’apprenti et des autres, tant pour aller à la verrerie de
Montenotte que pour retourner en leur maison, les sieurs
Sarode seront tenus leur payer la somme de 3 oo livres pour
chacun voyage audit lieu...; et continuera le présent marché
(1) Il est à remarquer que Montenotte est dans le voisinage d'Altare ,
pays de nos verriers de Nevers. Altare est en effet compris aujour-
d’hui dans la province de Gênes, arrondissement de Savone, canton
de Cairo-Montenatte.
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- ^53 -
pour quatre voyages qu’ils feront dans neuf années, à com-
mencer, comme il a été dit, le mercredi d’après la Pentecôte
prochaine pour le premier voyage, et les autres trois voyages
trois mois après qu’ils auront été avertis par lesdits sieurs
Sarode.
Il ne sera loisible aux sieurs d’Hennezel de faire, ni
souffrir être fait, en ladite verrerie, par leurs gens , aucune
sorte de bouteilles sans l’exprès consentement desdits sieurs
Sarode, à peine de payer une pistole d’Espagne pour chacune
fois, etc.
Comme aussi est accordé que si pendant le temps que
lesdits sieurs d’Hennezel travailleront en la verrerie de
Montenotte il arrive des guerres , des maladies contagieuses
ou autre force majeure, et qu’ils ne puissent travailler facile-
ment, ils seront tenus, après avertissement des sieurs Sarode,
de quitter leur travail et s’en retourner à leur domicile, et
ne seront payés de leurs marchandises que ce qui se trouvera
avoir été fait, et leurs ouvriers seront payés au prorata du
temps qu’ils auront travaillé.
A la lecture de ce contrat on pourrait croire que le voyage
de nos verriers était à la^veille de s’accomplir; cependant,
après vingt ans écoulés, personne n’avait quitté le Bois-
Giset, malgré les appels réitérés des sieurs Jérôme et Jacques
Sarode adressés au maître de la verrerie de Ne vers pour les
transmettre aux contractants.
En 1654, le 14 du mois d’octobre, Jacques Sarode, le
frère de Jérôme, — probablement décédé , — vient renou-
veler, tant en son nom propre qu’en celui de son autre frère,
Charles, le contrat de 1634 ; Charles d’Hennezel , ainsi que
ses frères Daniel et Joseph, ayant manqué à leur parole, il
s’adresse à un autre membre de cette nombreuse famille,
Hugues d’Hennezel, qualifié d’écuyer, sieur de Longpré,
aussi demeurant au Bois-Giset, lequel promet de s’acheminer
de son domicile, un mois avant ou après les fêtes de Noël de
l'année 1655, jusqu'à la verrerie de Montenotte, et « illec
assisté des sieurs David, François, Claude et Denys
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d'Henne\et , pour lesquels il se fait fort » travailler de leur
art de verrerie de gros verre. Les conditions sont absolument
les mêmes que sur le pacte de 1634 (1).
Cette fois, le seigneur Hugues semble avoir pris au sérieux
son engagement. Il s’occupe, — non sans de grandes difficul-
tés, — de trouver les ouvriers qui devront l'accompagner. Le
23 avril 1656 Jean Maucourant, tireur de verre en table ,
demeurant en la paroisse de a Naulay », lui promet
par-devant notaire (2) de le servir de son art de tireur,
en la verrerie de Montenotte , et de partir à sa première
réquisition, moyennant quoi ledit sieur de Longpré sera
tenu le nourrir, coucher et blanchir, à compter du jour
qu’ils partiront et jusqu’au retour, et en outre, pour paye-
ment du travail , lui donner la somme de 3 livres chaque
semaine.
Deux années passent encore, et un autre Sarode, prénommé
Augustin, vient à son tour à Nevers. Comme ses prédéces-
seurs, il descend à l’hôtel de la verrerie, auprès de noble
Jean Castellan, successeur d’Horace Ponté. Hugues d’Hen-
nezel s’y rend aussi, et le projet va décidément recevoir un
commencement d’exécution.
Pour la confection des fourneaux à faire verre, il n’est
terre meilleure que celle du Nivernais; en conséquence, le
12 octobre 1658, le seigneur Hugues s’engage à faire tirer
de la terre blanche du Port-Tarault la quantité de 3 o poin-
çons , qui seront transportés en lieu chargeable en bateaux ,
de ce jour en trois semaines , moyennant le prix de 7 livres
« pour chacun poinsson » de ladite terre, montant à la
somme de 210 livres, que le sieur Sarode a payée comptant.
Ledit sieur Hugues s'engage aussi à faire tirer « des Croux-
Blancs, proche Prunevaulx », 15 poinçons de ladite terre,
(1) Archives dss notaires de Nevers, minutes Devillars. La minute
est signée : Giacomo Saroidi et Hugue de Hanne\ê.
(2} Minutes Devillars. Il a été plusieurs fois question de ce Maucou-
rant dans le chapitre II.
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— 255 —
au même prix, et à la faire transporter sur le port de la ville
de Nevers (i).
Le 18 octobre, Augustin Sarode étant encore à Nevers et
déclarant agir en son nom et en celui de son frère Jacques-
Philippe, Hugues d’Hennezel promet de s’acheminer de son
domicile de Bois-Giset, avant ou après les fêtes de Noël de
l’année prochaine 1659, jusqu’à la verrerie de Montenotte,
assisté d’ouvriers suffisants et capables...; il s’engage de
même à partir, au commencement du mois d’avril prochain,
avec un homme, pour construire « bien et deument » le four
et les pots nécessaires au travail de ladite verrerie, moyen-
nant quoi leur sera payée par ledit Sarode la somme de six-
vingts livres à l’achèvement desdits four à pots, plus seront
nourris par ledit Sarode, qui paiera aussi l’homme qui cons-
truira le four.
Mais quand tout semblait terminé surviennent de nou-
velles lenteurs, et cette fois de la part d'Augustin Sarode,
lequel devait se trouver à Nevers au i fp avril, pour emmener
avec lui Hugues d’Hennezel et son ouvrier, et qui fait défaut,
comme il est officiellement constaté par devant le notaire de
Villars et en présence du sieur Castellan.
Par-devant le même notaire encore, le sieur de Longpré
expose, le 5 octobre 1661, qu’en exécution du contrat passé
le 14 octobre 1654, il a entrepris gentilshommes et autres
ouvriers nécessaires et capables pour faire valoir une verrerie;
qu’il est allé de ce fait au pays de Lorraine où, n'en ayant
trouvé, il a été de verrerie en verrerie , puis a entrepris ses
frères David, Isaac, Jean et Claude, tous écuyers, pour partir
incessamment, et aussi le nommé Claude Guyot, fondeur, les-
quels maintenant lui font sommation de prendre un parti le
plus promptement possible. Ceci se passait au domicile de la
demoiselle Suzanne d’Albane, veuve d’Horace Ponté, laquelle
leur demande une quinzaine pour avertir le sieur Sarode.
(1) Archives des notaires de Nevers, mêmes minutes de Villars.
L’acte est signé : Agostino Saroldi, Hugue de Hannt\è.
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— a 56 —
Enfin, sur ces entrefaites arrive Charles Sarode ( Carlo
Saroldi) ; en présence du même notaire de Villars et de la
veuve d’Horace Ponté, le 12 octobre, il est donné lecture du
contrat de 1654; Hugues d’Hennezel reconnaît qu’il doit
faire en la verrerie de Montenotte mille trois cents quaisses
de verre de viltre, et Charles Sarode déclare avancer pour les
dépenses du voyage la somme de 3 oo livres tournois (1).
Le i 5 juillet 1671, un ouvrier de la verrerie de La Nocle ,
Jean Laveyn e, fondeur de gros verre de vistre , s’engage
encore à aller faire sa demeure en la verrerie de Montenotte,
au service du sieur Sarode, pendant un an, à commencer le
x« r avril prochain, moyennant le prix de i 3 livres par cha-
cune semaine (2).
Mais, c’est assez et trop peut-être, sur ce sujet! Nous
ignorons d’ailleurs la suite de l’histoire des verriers de Bois-
Giset ; il faudrait, pour la compléter, collationner minutieu-
sement les archives si considérables des notaires, les registres
des paroisses et les archives particulières des familles aux-
quelles ces gentilshommes s’étaient alliés ( 3 ).
Au moment même où nous envoyons ces lignes à l’impres-
sion, notre infatigable collègue, M. d’Espiard, nous fait part
de nouvelles découvertes dans les archives des notaires de son
(1) Nous passons sous silence une réclamation du sieur François
d’Hennezel, écuyer, seigneur de Lavot, demeurant au lieu de Breuille,
paroisse de Maltat, pays de Bourgogne, lequel, à la date du 28 octo-
bre 1667, s’adresse à Jean Castellan, lui demandant de lui faire payer
les sommes promises pour qu’il parte avec ses ouvriers, ayant pris
l’engagement, le 26 juillet 1666, de faire ouvrir la verrerie de Monte-
notte et du Fourny, en Italie, pendant deux années, etc..., à quoi le
sieur Castellan a répondu qu’il en donnerait avis aux sieurs Jacques
et Charles Sarode frères, n’étant que leur mandataire. (Minutes de
Villars.)
(2) Archives des notaires de Nevers, minutes de France.
( 3 ) Parmi ces familles, nous rappellerons les de Balorre et les de
Chargères qui, très-étroitement unis aux verriers, n’ont cependant
pas travaillé au verre , comme semblerait l’indiquer le sommaire de
ce chapitre , page 224.
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voisinage. C'est entre autres un contrat d’apprentissage d’un
gentilhomme verrier, avec serment de ne pas révéler le noble
art de faire le grand verre en plats.
Cet acte des plus curieux mentionne les quatre grandes
familles lorraines ayant le privilège de souffler le verre en
plats sans déroger à leur noblesse , comme de haute ancienneté
l’avaient en Normandie les quatre familles des Bongards,
Brossard, Caqueray et Le Vaillant (i).
Nous nous empressons d’en donner la copie :
€ Cejourd’huy deuxiesme jour d’aoust mil six cent cin-
quante par devant moy nottaire roial soubsigné et présent
les tesmoings cy apprès, au lieu de Lisle (paroisse de Savigny
sur Canne) hostel du juré avant midy, s’est comparu en sa
personne Pierre de Thiétry , ecuyer sieur de Sainct Vaulbert
lequel désirant apprendre le noble art de faire du grand
verre en table, et scachant que ledit art ne se confert ny ne
peult apprandre que par gentilhomme des quatre familles
de Thiertry , de Henne\el , de Thisac et de Biseval en
ligne masculine ou à gentilhomme dont l’origine est bien
vérifiée estre descendu des quatre (2) le quel comme estant
descendu de la dite famille de Thiertry , en la présence de
Jacques de Hennezel, escuyer sieur du Courroy et Jacques
(1) Les verreries de la Normandie , par Le Vaillant de La Fieffe,
chapitre II, les Gentilshommes verriers , p. 447-471.
(2) Les Thisac y que nous n’avions pas encore eu l’occasion de citer,
se retrouvent dans le travail de M. Beaupré [Recherches sur Vindustrie
et tes privilèges des verriers dans Vancienne Lorraine ).
En i 5 o 5 , le duc René II permit à François de Tysal ( Thisal , Tisac)
d’établir une verrerie au lieu dit la Haute-Frison, sur le Rupt des
Vosges. De même, les Biseval — si l’on se rappelle combien l’ortho-
graphe des noms propres variait alors — ne doivent être autres que
les Bisonale, descendants de Jehan et Pierre Brysonale ou Bysenale t
maîtres verriers, mentionnés sur la charte de 1448, renouvelée en
1469. Ce titre si précieux mentionne précisément que les verrières
sont au nombre de quatre, gouvernées chacune par des membres des
quatre grandes familles privilégiées.
t. 11, 3 * série. 27
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— 258 —
de Hennezel, escuyer sieur de La Sebille, a juré et affirmé
par son serment presté par devant moy notaire roial présens
les dits sieurs de La Sebille et du Cou rroy et les tesmoings
cy apprès estre issu de la première famille de Thiertry et
qu’il désire apprandre ledit noble art promet par sondit
sermant et soubs la peine de cinq (?) neus escus sol applic-
quable à la communaulté des familles de Thiertry , d'Enne\el t
de Thisac et Biseval pour la moitié et pour l’autre moitié au
roy. Ou au ou il aura contrevenu ni monstrer ny anssi-
gner ledit noble art qu’à ceux issus des dites quatre familles
ou à gentilshommes descendus de quatre lignées, travaillier
ny conférer dudit noble art avec aultre personne. Dont et du
quel serment je aux dits sieurs octroyé acte en presence
d’honorable homme Jehan Tixier marchand et Gabriel
Prévost meusnier demeurants audit Lisle ; ledit Prévost ne
signe enquis. »
Ainsi signé : P. de Thietry Saint-Vaulbert, J. de Hennezel
Sebille, J. de Hennezel Corroy, Tixier, et du notaire
Pierre (i).
M. d’Espiard nous signale aussi, dans le volumineux
inventaire déjà cité des meubles de Jean de Ponard et de
Claudine de Reugny, commencé le 15 février 1574, la men-
tion de lettres en parchemin contenant l'acte de vente de la
verrerie de la Boue , appelée Chenanbray , par noble homme
Olivier Mesmain, à défunt Jehan Ponard et à Guion
Ponard, frères; acte reçu le 20 février i 55 y par Bailezy,
notaire royal à Moulins-Engilbert.
D’où il suit d’une manière maintenant certaine que
Chenambret et la Boue n 'étaient vraiment qu’un même
établissement , contrairement au doute que nous avions
précédemment émis (2).
(1) Minutes de Pierre Pierre, notaire royal à Listes , aujourd’hui
simple domaine de la commune de Sai nt-Gra tien-Sa vigny , canton de
Fours.
(2) Voir plus haut, page 237.
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— 25g —
M. l'abbé Baudiau, dans son Essai sur le Morvand, fait
mention à l’article consacré à Savigny-Poil-Fol, jadis siège
deil'une des trente-deux châtellenies du Nivernais, d'un sire
d'Enne\el t qui eut, au seizième siècle, un grave démêlé avec
le curé de la paroisse. Ce seigneur avait obtenu, moyennant
la promesse d’un calice d'argent, la permission de bâtir dans
l’église une chapelle qu'il dédia à saint Michel, mais il refusa
plus tard d'exécuter son engagement; c’est pourquoi il fut
cité par-devant le bailli de Savigny et condamné à livrer le
calice promis (i).
Il serait bien intéressant de connaître la date précise de cet
acte, qui pourrait peut-être nous édifier sur l'époque de la
venue des d'Hennezel en Nivernais.
Le 22 février 1670, Isaac d’Hennezel, écuyer, demeurant
« à présent (2) » en la verrerie d’Avry , paroisse à'Aubigny -
le-Chety ( 3 ;, reconnaît avoir reçu la somme de 450 livres,
provenant des deniers du mariage de feu damoiselle Barbe
de Thiétry, son épouse , duquel il est resté une fille nommée
Jeanne-Marie de Hennezel, de présent en pension au logis
du sieur David d’Hennezel , écuyer, résidant à la Grant
Catherine , laquelle somme il s’oblige de restituer à sa fille
lorsqu’il se rencontrera lieu pour la marier ou se mettre en
religion. Il déclare en outre avoir renoncé au reste de la
succession de ladite demoiselle sa femme , consistant en un
billet resté aux mains de demoiselle Claudine, femme du
sieur Josué d'Hennezel , écuyer, sieur d'Ormoy en partie,
demeurant à Nammeure (Namur), lequel billet porte environ
1,000 livres barrois et autres billets pour les meubles, bagues
et joyaulx , etc. (4).
(1) Le Morvand , t. l #r , p. 390 de la première édition.
(2) En 1661, il était avec ses frères à Bois-Giset.
( 3 ) Avril-les-Loups , hameau de la commune d’Aubigny-le-Chétif,
canton de Decize. ( Dictionnaire topographique du département,)
(4) Archives des notaires de Nevers, minutes de France. — L'Inven-
taire sommaire des archives de Meurthe-et-Moselle , par M. H. Lepage,
contient de très-curieux documents sur les gentilshommes verriers du
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— 2Ô0 —
La Grande-Catherine dont il est ici question, oü résidait
David d’Hennezel, frère d’ïsaac, n’est autre que l’ancienne
verrerie de Fours, dite de Sainte-Catherine. Tous ces établis-
sements de La Noclc, de Prunevaux, de Bois-Giset, d’Avril,
de Fours, fondés par les verriers lorrains, avaient été aban-
donnés dès la fin du dix-septième ou au commencement du
dix-huitième siècle. Cependant, vers 1779, M. de Vogué,
seigneur de La Nocle, avait à grands frais rétabli la verrerie
de Fours. Un mémoire instructif sur cet établissement,
rédigé en pleine Révolution , par des amis de la justice et
de la vérité (1) , rend hommage aux généreux sacrifices que
l’émigré Vogué et sa famille s’étaient imposés tant pour le
bien général de la patrie que pour le bien particulier des
habitants de la commune de Fours. Si Ton ajoute, en effet,
au nombre des souffleurs, tiseurs, fondeurs, étendeurs,
fournalistes , potiers, etc., qui sont pour le service intérieur
de l’usine, les commis, bûcherons, bouviers, etc., qui tra-
vaillent à l’extérieur, le calcul ne se portera pas à moins de
mille individus que cette verrerie fait vivre. On y rappelle
que M. de Vogué avait appelé le citoyen Schmid, proprié-
taire de la verrerie de Boucard , fermier de celle d’Aubigny,
dans le département du Cher, élevé de père en fils dans cette
industrie, et regardé comme celui qui, en France, avait le
plus de connaissances dans cette partie; aussi avait-il porté
bien vite la verrerie de Fours à un haut degré de perfection.
Il faut consulter à ce sujet les registres paroissiaux de
Fours. On y rencontre dès le commencement d’avril 1779,
comme parrain, Jean-François Scalabrino, fils de François-
Martin Scalabrino, premier commis de la verrerie royale de
Sainte-Catherine; — le 29 avril, Nicolas Hyacinthe Multz,
nom d’Hennezel et de Thiétry. Nous en avons trouvé 1’indication
dans un petit travail récemment publié à Nancy (mars i883), sous ce
titre : De la prétendue noblesse des gentilshommes verriers en Lorraine ,
par M. Léon Germain.
( 1 ) Archives de la préfecture. Communication de M. de Flamare.
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— 2ÔI —
directeur-propriétaire de la manufacture royale de Sainte-
Catherine, ancien officier de cavalerie, pensionné du roi,
époux de M œe Françoise Vulliez, ayant sa résidence à
Landanges, diocèse de Trêves, parrain aussi d'un fils de
Martin Mathis, verrier de ladite manufacture ; il meurt peu
après, et est inhumé le 14 août. C’est alors que M. de Vogué
sans doute devient acquéreur de la verrerie.
Le 16 novembre, François Lang, verrier en verre de
table à la verrerie de Sainte-Catherine, fils de Michel Lang,
verrier à Saint-Quirin , diocèse de Metz, et de Catherine
Keller, se marie à Catherine Geind, fille de Jean-Georges
Geind, fondeur en ladite verrerie.
A la fin de cette même année 1779, le samedi 4 décembre,
le curé de la paroisse note qu’il a béni la halle et le premier
four de la verrerie de Sainte-Catherine, tous les ouvriers
étant présents à la cérémonie. M. Bellet, représentant M. le
marquis de Vogué, a mis le feu au four à verre de gobléterie ,
après quoi nous avons chanté le Laudate. MM. les direc-
teurs, associés, directeur en second et commis ont signé l’acte
que nous transmettons à l’avenir.
Le 26 juillet 1782 est baptisée Jeanne-Françoise-Cons-
tance, fille de Melchior Schmith , maître de la verrerie , et
de dame Claude-Nicole Glaise; le parrain se nomme messire
Jean-Nicolas de Brossard, chevalier, seigneur de Boismallet
et de la Perrière; — le 3 janvier 1785, autre baptême d’un
fils de Ours Schmith , commis à la verrerie, et de Marie
Hansé; les parrain et marraine sont Pierre-François-Louis
de Chazal, seigneur d’Issonche, et Jeanne-Marie-Françoise
de Chazal. Un troisième membre de la famille Schmith,
prénommé Joseph et qualifié de coupeur de verre , est cité,
dès 1759, etc. (1).
M. Née de La Rochelle, dans ses Mémoires sur le Niver-
nais , publiés en 1827, consacre quelques lignes à la grande
(1) Tous ces extraits des registres de Fours nous ont été commu-
niqués par M. le baron d’Espiard.
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— 262 —
et belle manufacture de Sainte-Catherine, où l'on fabrique
du verre blanc. Elle contient, dit-il, quatre fours, dont deux
peuvent être alternativement en activité. Le verre qui en
sort est le produit d'un sable vitrifiable que l’on tire de
Ternant, commune du canton de Fours. Les creusets de cette
verrerie se font avec la belle argile connue sous le nom de
terre du Port-Tarraud , aux confins du département , et la
position de cette verrerie à la proximité des grands bois et
des charbons de Decize, rend son exploitation plus facile (i).
Le bourg de Fours n’était plus connu dans ces dernières
années que par son importante fabrique de porcelaine.
Combien d’autres établissements verriers existaient certai-
nement de haute ancienneté en Nivernais, peut-être même
à Ne vers !
Ainsi, sur une charte de l’année 1 178, fonds de l’abbaye
Saint-Martin de Nevers, nous rencontrons comme témoins :
Hugues le monétaire et maître Raoul le verrier : S . Hugonis
monetarii , S. magistri Radulfi vitrearii (2).
Le Dictionnaire topographique du département nous
signale : la Verrerie-Godard et la Verrerie-Neuve en la
commune de Saint-Léger-des-Vignes ; — La Verrerie ,
hameau détruit , commune de Montsauche , porté sur la carte
de Cassini, etc. On se souvient de la verrerie d'Apremont f
fondée au milieu du siècle dernier par M m ® de Béthune, et
qui a fait l’objet d’un mémoire auquel, plus d’une fois, nous
avons renvoyé le lecteur.
La trace de beaucoup d’autres établissements se retrouvera
certainement encore dans les noms de lieux énumérés sur
les anciens contrats, dans les vieux terriers et notamment
dans le dépouillement méthodique des registres de l'état civil.
(1) Mémoires, tome II, pages 23 i-i 34 .
(2) Une autre charte de 1247, même fonds Saint-Martin, aux archives
de la préfecture, mentionne encore la présence, non plus de verriers,
mais de monétaires à Nevers. Il s’agit d’une pièce de terre sise ultra
Ulmum de Nivernis , haud longe a via per quam itur ad Vauqellas ,
inter terras monetariorum Hugonis de Monteto et Sortie .
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- 263 —
Les deux verreries à bouteilles de Decize, aujourd’hui
les seules en activité dans le département de la Nièvre, ne
sont autres que les verreries de Saint-Léger-des-Vignes ,
fondées en 1789, sur le vaste port où la compagnie des
houillères avait établi ses dépôts de charbon, d’où le nom
de La Charbonnière .
Depuis longtemps, ces verreries appartenaient à la Com-
pagnie des mines de Decize.
En 1869, les verreries furent vendues en même temps que
les mines à MM. Schneider et C ,e , du Creusot, qui les
exploitèrent jusqu’en 1879.
En cette dernière année seulement, MM. Schneider et C ,a
ont affermé lesdites verreries, pour une période de vingt ans,
à M. J. Clamamus, de Saint-Léger-des-Vignes.
Les produits des verreries de Decize (bouteilles de toutes
formes et nuances, avec spécialité de champenoises pour vins
mousseux), sont très-appréciés au triple point de vue du fini
de la bouteille , de la beauté du verre et de sa très-grande
résistance.
C'est à cette qualité que M. J. Clamamus, outre les diplô-
mes d’honneur qu'il a reçus à différentes expositions indus-
trielles et tout récemment à Moulins , doit de faire encore
quelques affaires en Italie, d’où les verriers français ont été
à peu près chassés par les verriers allemands, le besoin de
bouteilles solides s’étant fait sentir dans la province de Turin
depuis cinq ans que l'on champagnise le vin d’Asti et des
environs.
Citons enfin, pour mémoire seulement, la verrerie et
cristallerie de l’Épeau, à Donzy, que les excursionnistes
de la Société nivernaise avaient vue en pleine activité au
mois de juillet 1873. Fondée l’année précédente par
M. Bedouet, neveu de l’imprimeur Marne, et desservie
par des artistes verriers de Normandie, elle n’eut qu’une
existence éphémère.
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— 264 —
CHAPITRE VI.
ALTARE ET NEVERS.
Sur le point de terminer ces pages où si souvent se trouve
inscrit le nom de la cité d’Altare, un instant, par la pensée,
transportons-nous dans ce pays d’origine de nos verriers de
Nevers.
Aussi bien , tandis que, il y a déjà six ans écoulés (i) t par
l’intermédiaire si obligeant et si dévoué de M. Chevalier-
Lagénissière , alors à Turin, nous poursuivions de ce côté
nos investigations, fort à propos et simultanément se
publiaient à Gênes et à Savone deux brochures des plus
intéressantes, relatives à l’histoire de la verrerie d’Altare,
et que notre collègue s’empressait de nous faire parvenir (2).
Une première remarque qui nous a le plus frappé à la lec-
ture de ces curieux travaux, concerne l’antique origine des
Sarode, des Borniol et autres verriers altarais venus à
Nevers. Naturellement, nous les croyions d’origine italienne;
or, voici que la Monographie de Vart du verre à Altare ,
publiée par M. le chevalier Enrico Bordoni, comme les
Aperçus historiques , de M. le professeur Gaspard Buffa,
s’accordent à établir leur origine flamande.
(1) Voir Bulletin de la Société nivernaise f t. XI, page 35 , procès-
verbal du 3 juin 1880.
(2) Enrico Bordoni L’industria del vetro in Italia. L’Arte vetraria
in Altare , nella sua origine, nelle sue vicende nel suo sviluppo —
nelle sue speranze. — Savona, tipo-litographia di Andrea Bicci. 1879.
L'Universita delV arte vitrea di Altare dalle sue origini ai nostri
giorni. — Genni storici di Gaspare Buffa. — Genova , tipografia di
Gaetano Schenone. 187g.
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— 265 —
D’après une tradition locale, dit ce dernier (i), tradition
embellie peut-être par l’imagination populaire, mais au-
dessus de la critique dans sa partie substantielle, vers l'an
iooode l’ère vulgaire, vivait dans la petite île de Bergeggi,
près de Savone , un pauvre ermite, venu là de la Flandre
française, lequel devint abbé de la riche abbaye de Fornelli,
près de Mallare. Les bois épais qui alors couvraient toutes
les crêtes des Apennins, et dont aujourd’hui encore on admire
les restes majestueux à Montenotte ( 2 ), lui persuadèrent que
ces lieux convenaient parfaitement pour y établir des verre-
ries. Avec cette idée fixe , le bon ermite se rend dans sa patrie
et persuade quelques familles d’émigrer et de s’établir sur les
cimes de notre Apennin , pour y travailler à la fabrication du
verre (3). Ces familles étaient au nombre de huit environ,
(1) L’Artevitrea in Altare. Origini, page 12 et suivantes.
(2) On a vu dans le chapitre précédent l’épisode relatif aux verreries
de Montenotte.
( 3 ) Altare est aujourd’hui une commune de 2,000 âmes, située au-
dessus de Carcare, sur le versant septentrional. On y arrive de Savone
à peine après avoir passé le pas dit de Cadibona, là où, selon certains
géographes, viennent se rencontrer et s’abaissent successivement,
d’une part les Alpes-Maritimes, d’autre part les Apennins. Cette com-
mune appartient à l’arrondissement de Savone, et par conséquent à la
province de Gênes.
A propos du nom même d 'Altare, nous ne pouvons oublier de faire
remarquer ici quelques méprises curieuses reproduites dans des actes
anciens précédemment cités et qui n’auront pas échappé sans fioute
aux lecteurs attentifs : ainsi, à la note de la page 178, dans un acte
passé à Nevers en 1669 par-devant le notaire de Villars,e\ relatif à un
gentilhomme verrier du nom de Massard ( Massaro ), originaire d 'Al-
tare f au pays de Monferrat, le notaire a écrit: originaire du lieu de
Yhôtel de Monferrat. Il y a ici l’indication d’une double méprise ;
d’abord le nom de lieu Altare traduit par Y autel (l’autel sacré, Altare
Dei)j puis ce mot phonétiquement rendu par hôtel. De même, à la
page 196, le curé de la paroisse Saint-Laurent, dans l’acte de mariage
de Fillipo Privoto,en 1678, le qualifie Italien de nation, natif de
Lautel , proche Savone , demeurant de présenté Nevers; or, Lautel est
évidemment Altare , en effet tout proche de Savone, traduit par autel
M. Schuermans signale dans sa quatrième lettre une semblable
t. U, 3* série. 28
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— 266 -
dont voici les noms italianisés (i nomi fatti italiani ), tels
qu’ils se sont conservés jusqu’à ce jour, — ces familles
n’étant pas encore éteintes , — avec leurs correspondants dans
la langue franco-flamande ou normande, tels qu’on les
retrouve aussi en Flandre et spécialement à Val-Saint-
Lambert.
Ces noms sont : Bordoni ( Bourdon ) , Biancardi ( Blan-
chard) ), Buzzone ( Bousson ), Brondi ( Breaund ), Bormioli
( Borgnolle ), Rachetti [Raquette], Saroldi ( Saraud ) (i).
méprise pour les Ferri , de Provence, auxquels on assigne pour lieu
d’origine Lan ta , au diocèce de Noli , dans l’ancienne Pouille. Il est
très-possible, en effet, dit-il, qu’il s’agisse du diocèse de Noli, près
de Gênes, et qu’il faille changer le nom du reste inconnu Lanta en
Laltar, c’est-à-dire l’Altare ou Al tare.
Peut-être pourrions-nous ajouter encore que le sieur Isidore de
Revet ou Drevet, écuyer, qui travaille à la verrerie de Ne vers en 1672,
est bien proche parent sans doute de Domenico Riveta , auquel, le
24 février i685, Jeanne Pluchon, femme de Nicolas « (de Bourgniollc ,
sieur de Fourchambault », transportait, par procuration de son mari,
l’accense d’une maison appartenant à Pierre Maulguin, chanoine de
la cathédrale, et sise devant la verrerie. (Minutes Taillandier. — Voir
aussi, dans le chapitre III, pages 192-197.)
Plus d’un oubli de ce genre aura pu nous échapper encore.
(1) On remarquera sans doute ici l’absence du nom de Ponté, si
étroitement uni cependant avec celui des Sarode. La famille Punta , —
veut bien nous écrire M. Bordoni, — était originaire du pays, peut-
être Ligure; elle s’est éteinte depuis environ un siècle. Le seigneur
Horace Ponté , qui donna une si grande renommée à la verrerie niver-
naise, était sans doute un dttiseur ou apprèteur , qui, après, avoir
terminé l’apprentissage voulu par les chapitres de Part, s’agrégea aux
maîtres verriers. (Voir plus haut, dans le chapitre III, page 194, la
note relative aux différents emplois dans les verreries.) — Semblable
remarque s’applique : i* aux Castellan , non moins connus a Nevers.
La famille Castellani était originaire de Carcare, pays voisin d’Altare.
On peut supposer, dit également M. Bordoni , que, pour services
rendus, le consulat l’agrégea ad honorem à la corporation, comme il
le fit pour beaucoup d’autres familles; — 2 0 aux Perrotti , qui devaient
être originaires du pays de Bormida , peu distant d’Altare, où aujour-
d’hui encore il existe plusieurs familles de ce nom. Il est hors de
doute que les Perrotti ont été agrégés à Part, et que quelques-uns des
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D'après le même auteur, le type physique de Y Altarais,
l’idiome du pays, certaines désinences et inflexions qui lui
sont propres, ainsi qu’un grand nombre de mots particuliers,
et encore les statuts de l’art, les usages traditionnels, les
méthodes de travail sont autant de preuves de l’influence
française à Altare.
Ainsi, par exemple, tandis que les ouvriers originaires du
pavs se nommaient et sont encore nommés les paysans
(paesani)y les descendants des anciennes familles des verriers
composant l’université de l’art s’intitulaient d’un mot fran-
çais inconnu dans les environs : Monsu, les monsieurs ( r ) ,
et pendant plusieurs siècles ils eurent dans le pays la prépon-
dérance exclusive...
Quand la peste ravageait Tltalie, en i 63 o, Altare fut
épargné, et la commune attribua cette singulière faveur du
ciel à saint Roch , qu’elle invoqua dès-lors comme patron.
Or, il n’est sans doute pas inutile de faire observer, ajoute
l’auteur, que saint Roch était appelé prince d'origine fran-
çaise . (Non è forse inutile , il far notare che S. Rocco era
tenuto e detto Principe di origine francese.)
Plus tard, quand revenait la fête du saint patron, le
16 août, parmi les curieuses particularités que signale le
même auteur, il est à remarquer que Je préconiseur criait à
trois reprises, avec une voix de stentor : Buâ monsû Roch !
c’est-à-dire : A nous ! formule absolument française, formola
anch ’ essa francese (2).
leurs avaient travaillé avec les Bormioli , les Ponta et les Saroldi en
Flandre. Un registre du consulat mentionne, sous la date du 27 sep-
tembre i 685 , un reçu du sieur Christophe Punta et de Jacques Per -
rotto, pour entier payement de ce qu’ils ont travaillé en Flandre par
le passé : huit crociati, valeur égale à 3 o 8 florins.
(1) / membri delV Universita si intitolavano con voce francese e
ignota nei diulorni 1 monsu. ( Page 20 des Stenni Storici di Gaspare
Buffa.)
(2) M. Roubet, dans sa Notice sur la verrerie d’Apremont , raconte
qu’un jour le directeur de cette verrerie, M. de Rupt (1766-1769),
se présenta à l’église si excentriquement encapuchonné que les assis-
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Après cela on a lieu de s’étonner de la conclusion de
l’auteur, attribuant une origine flamande plutôt que fran-
çaise aux verriers altaristes. M. Schuermans, qui a discuté,
avec sa haute compétence, cette si intéressante question,
dans sa troisième lettre au comité du Bulletin des commis -
sions royales d*art et d'archéologie , conclut à l’origine
normande. En Normandie, en effet, les verriers s’appelaient
aussi les messieurs , et la forme primitive des noms cités est
plutôt normande que flamande, — et, au surplus, « ce qui
emporte la pièce, Val-Saint- Lambert , est un établissement
datant non de l’an 1000, mais de 1826, époque où l’indus-
trie verrière fut installée dans les bâtiments de la vieille
abbaye, supprimée à la Révolution française. »
M. Buffa a déclaré depuis, par suite de ces observations,
qu’il ne persiste pas à soutenir l'origine flamande des Alta-
ristes.
De son côté, M. le chevalier Bordoni , descendant d’une
de ces premières familles de nobles verriers (1), confirme
pleinement toutes les allégations relatives à la haute origine
des Altaristes, allégations qui reposent nou-seulement sur la
tradition, mais sur certains documents découverts par le
révérend chanoine T. Torterolo, bibliothécaire à Savone.
M. Bordoni cite, en outre, cet extrait du Dictionnaire coro-
tants ne purent tenir leur sérieux. Et le curé laissa tracer sur son
registre de paroisse le portrait, peu flatté, du directeur, avec cette
mention textuelle :
« Un monsieur à perruque rousse, dont la figure est ici tirée au
naturel, s’est avisé de venir ainsi bâti à la messe. Monstrum horren-
dum ingens , s’écria saint Roch, qui mit son chien après luy. »
Notre président ajoute : « On ne devait guère s’attendre à voir saint
Roch en cette affaire ! >
Ne serait-ce pas au contraire un souvenir du patronage de saint
Roch ?
(1) M. E. Bordoni, ancien secrétaire de l’Association artistique des
verriers d’Altare, en est aujourd’hui le directeur, depuis la mort de
M. Ferdinando Bormioli.
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— 269 —
graphique de l’Italie, par le professeur Amato Amati :
« Altare était, aux temps anciens, muni d’un château-fort et
entouré de murailles. Vers le neuvième siècle, ce pays
appartenait aux seigneurs de Monferrat , lesquels concédèrent
à des émigrants français de Bretagne et de Normandie le
privilège d’y exercer l'art de la verrerie et accordèrent à leurs
familles le titre de noblesse et de magistrature consulaire. *
Dans une note manuscrite, M. Bordoni voulait bien
ajouter que les armoiries des familles des verriers indiquent
davantage encore leur origine française. Et comme nous lui
demandions s’il serait possible de connaître d’une manière
précise les écussons de ces familles établies à Altare depuis
le onzième siècle , M. Bordoni nous adressait un charmant
croquis des blasons, copiés sur les originaux qui existent
dans l’église d’Altare, fondée par ces familles. En même
temps M. Chevalier- Lagénissière s’offrait généreusement à
faire lithographier cette planche de blasons à Turin et nous
en envoyait la description , avec les belles épreuves qui vont
illustrer ce dernier chapitre de l'histoire de nos verriers.
Chacun des écussons ci-après décrits est représenté dans
un cartouche, et tous sont uniformément timbrés d’une
couronne d'or à l’antique. Les lecteurs rigoureux au sujet
des règles du blason remarqueront plusieurs exceptions à ces
règles, notamment en ce qui concerne la non-superposition
des couleurs ou métaux.
Bormioli. — D'aqur, au bœuf contourné d'or passant sur
une champagne losangée de gueules et d'argent ; accom-
pagné en chef de trois étoiles d'or à huit pointes, mal
ordonnées.
(Nous devons faire observer que, sur les peintures murales
de l’église paroissiale d’Altare, peintures plusieurs fois
restaurées, les losanges de la champagne sont indiqués
aujourd'hui comme étant de gueules et d’une couleur indé-
cise entre l’azur et le violet. Il y a eu là assurément erreur
de la part du peintre, erreur qui provient sans doute de ce
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— 270 —
que^ sur les anciens monuments où était représenté l’écusson
des Bormioli, les losanges d’argent, en s'oxydant, avaient pris
peu à peu cette teinte incertaine que l'artiste a reproduite.)
Ajoutons que la branche de cette même famille à qui,
par la suite, a été octroyé le comté del Pino, a quelque peu
modifié son blason. Les Bormioli, comtes del Pino, portent :
Coupé , au premier d'azur à trois étoiles d'or mal ordonnées,
ail second de gueules au bœuf d'or (1).
Bordoni. — D'azur, à deux bâtons au naturel passés en
sautoir , surmontant une champagne barrée d'or et de
gueules de dix pièces ; accostés de deux fleurs de lis d'or ,
soutenus par une autre fleur de lis de même , celle-ci bro-
chant sur la champagne et sur le champ ; et accompagnés
en chef de trois étoiles d'or à huit pointes , mal ordonnées.
Saroldi. — Coupé d'azur et de gueules , à la demi-roue
d'or brochant sur le tout , accompagnée en chef de trois
étoiles d'or à huit pointes , mal ordonnées , et en pointe de
trois grumeaux de sel au naturel rangés en fasce.
Brondj. — D'azur, au lion d'or rampant contre une tour
de même , sur une champagne à pré fleuri ; le lion , sénestrc
d'une fleur de lis d'or , et accompagné en chef de trois
étoiles d'or à huit pointes , mal ordonnées.
(1) Le Nobiliaire du Dauphiné ou discours historique des familles
nobles qui sont en cette province, avec les blasons de leurs armoiries,
par M. Guy-Allard, Grenoble, 1679, P- ^2, décrit ainsi les armes des
Barniol , famille venue d’Avignon, il y a cent ans, pour travailler à
faire des verres en Dauphiné : De gueules , au lyon d'or, tenant une
épée nue d'argent, à la garde et poignée d'or, et trois étoiles de même ,
posées en chef.
On a vu précédemment qu’on prononçait et écrivait souvent Barniol
et Barniolles pour Borniol.
M. Henri de Borniol, de Paris, nous écrit que le sceau de sa famille
porte : D'azur, au chevron d'or , accompagné en chef de deux roses
(ou de deux étoiles ) de même , et en pointe d'un bœuf d'argent sur une
terrasse dç simple.
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BORDONI
( Bourdon )
BORMIOLI
( Borgnolle )
SAROLDI
( S arau d )
BIANCARDI
< Blanchard )
RACCHETTI
( Raquette )
YARALD1
( Varaud)
RACCHETTI -VARALDI
armoiries des anciennes familles de gentilshommes verriers
D'ORIGINE FRANÇAISE ÉTABLIES À ALTARE DEPUIS LE XI* 1 " SIÈCLE
Jacrës un croquis dûs l'obligeance de M*B0RD0N[. Régent de la Direction de l'Association artistique desVerrpnes d Altare
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Buzzone. - Dans l'église paroissiale cTAltare, les armoiries
de cette famille sont représentées comme suit : Taillé ; au
premier d’argent , à V avant-bras posé en barre , habillé
d’une maille d'acier au naturel ombrée d'or ; la main
nue y de carnation , tenant trois javelots de sable armés
de pointes d'or; — au second , fuselé d’argent et de
gueules .
(Quant aux émaux de la partie inférieure de ce blason des
Buzzone, nous avons à taire la même observation que pour
les émaux de la champagne des Bormioli : le peintre les a
aussi représentés, par erreur, de gueules et d’une couleur
indécise entre l'azur et le violet.)
Ce ne sont pas là, croyons-nous, les véritables armoiries
des Buzzone. En effet, dans leglise de la SS. Annunziata
(Notre-Dame de l’Annonciation), bâtie en 1690, sur l’empla-
cement de la paroisse primitive d’Altare , par Mathieu
Buzzone, verrier, qui fit sa fortune à Rome, pour avoir, au
moyen de certaines herbes médicinales , guéri un Pape qui
avait à une jambe une plaie considérée comme incurable ;
dans cette église, disons-nous, on voit, représenté avec soin
par un artiste habile, sur la porte d'entrée et sur la tombe de
Mathieu, l’écu que nous indiquons ci-après, et qui nous
semble être le vrai blason des Buzzone :
De gueules , à la bande d'a\ur bordée d’or et chargée de
cinq chevrons de même. — L’écu , timbré de la couronne
d’or à l’antique, est surmonté, en cimier, d’un bras habillé
d’une tmiMe d’acier, la main gantée de même, tenant trois
javdo.j J acier, armés et empennés d’or, avec la devise:
Constantia.
Biancardi. — D’azur, à la montagne à trois hauts pics ,
couverte de neige au naturel , mouvante de la dextre de
Vécu, posant sur une champagne barrée de gueules et d’or
de six pièces ; la montagne sénestrée de trois fleurs de lis
d’or mal ordonnées.
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— 272 —
Varaldi. — D'azur, à deux fers de scie au naturel posés
en sautoir , surmontant une champagne losangée de sinople
et de gueules , les losanges rangés en tires d’ échiquier ; les
fers de scie accostés et soutenus de trois fleurs de lis d'or,
et accompagnés en chef d'une étoile d'or ) huit pointes .
Il convient de faire observer, à l’égard des émaux de la
champagne de cet écu , que Ton rencontre, dans le nord de
l’Italie, cette réunion du sinople avec une autre couleur,
sans que cela constitue une anomalie.
Racchetti. — D'a\ur, à un pin au naturel planté sur une
champagne bandée d'argent et de gueules de sept pièces ; le
pin accosté de deux étoiles d'or à huit pointes , et accom-
pagné en chef de trois fleurs de lis cTor mal ordonnées .
( Dans l’église paroissiale d’Altare, la champagne de
l’écusson des Racchetti est indiquée comme étant bandée
d’azur et de gueules. — Nous répétons ici ce que nous avons
dit en parlant de l’écusson des Bormioli et de celui des
Buzzone : il y a eu assurément erreur du peintre, qui a
reproduit en bleu celles des bandes qui, primitivement
peintes en argent , avaient , en s’oxydant , pris une teinte
incertaine.)
Racchetti-Varaldi. — La farriille Varaldi s’étant éteinte
en la personne d’une femme mariée à un Racchetti, le dernier
des Varaldi imposa aux Racchetti l’obligation de porter à
l’avenir dans leur blason les armoiries réunies des Racchetti
et des Varaldi. Ce blason se voit en bas-relief dans la nou-
velle paroisse d’Altare, sur l’autel d'une chapelle dédiée à
saint Joseph, et dont les Racchetti sont les patrons.
La famille Racchetti-Varaldi porte donc aujourd’hui :
Tranché , au premier des Rachetti et au second des
Varaldi .
Après ces documents qui ont pour nous un véritable
attrait, puisque, outre les Sarode et les Borniol, plus d’une
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— 273 —
fois nous avons rencontré entre autres noms les Busson
ou Bousson et les Rachette, une autre remarque qui nous
intéresse plus particulièrement est celle qui concerne le
consulat de l'art , dont plusieurs fois aussi il a été question
dans ce travail (1).
On se souvient peut-être qu’en 1625 un gentilhomme
verrier d’Alcare, qui s’était engagé envers le seigneur Horace
Ponté à travailler pendant un aû dans la verrerie de Nevers,
s’étant enfui clandestinement et sans aucun prétexte après
deux mois seulement écoulés, procès-verbal avait été dressé
par-devant notaire, à la requête dudit maître de la verrerie,
afin qu’il pût recouvrer contre le délinquant tous dépens,
dommages et intérêts, selon les ordonnances des sieurs
consuls de Vart de la verrerie de ladite vtlle d'Altare, pour
ne l’avoir servi pendant le temps porté par ladite paction.
« Le consulat de l'art (il consolato de 1 !' arte), dit M. le
chevalier Henri Bordoni , était composé de six artistes ver-
riers qui , aux termes du statut, étaient nommés à la majo-
rité par leurs compagnons de l’art , le jour de la fête célébrée
chaque année, avec pompe, à Noël.
» Il semble que c’était à ces consuls qu’était confié le
gouvernement des choses publiques, et plus spécialement
celles de l’art. De plusieurs documents il résulte que les
consuls verriers d’Altare furent reconnus par des princes de
Mantoue et de Monferrat et par la République de Gênes, et
que les fabriques de Bergame, Brescia, Bologne, Trente,
Milan, Turin et autres de la Romagne et du royaume de
Naples, même à l'étranger, en Angleterre, Hollande,
Flandre, France et Allemagne, payaient aux consuls d’Altare
pour avoir des artistes exerçant leur art et travaillant le
verre. Les consuls établissaient le prix des ouvriers ; — ils
composaient les maîtrises qui devaient aller dans les fabri-
ques hors du pays ; — ils faisaient jurer aux artistes , avant
(1) Vide supra , chapitre !•', page et chapitre II , page 142.
T. u, 3 * série. 29
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— 276 —
CONCLUSION.
a Si la céramique, écrivait en 1873 l’auteur des Verreries
à la façon de Venise (1), a inspiré de nombreux ouvrages
qui permettent aujourd’hui de suivre les débuts, les progrès
et les différentes transformations de cette industrie dans les
différentes cohtrées de l’Europe, l’art de la verrerie ne compte,
jusqu’ici, que quelques publications incomplètes, et l’histoire
générale de la fabrication des produits d’art et de luxe, même
depuis l’époque de la Renaissance, est encore à écrire. »
Cette judicieuse réflexion s’applique tout particulièrement
au Nivernais. Dès 1 863 , M. du Broc de Segange, dans le
beau livre : la Faïence , les Faïenciers et les Émailleurs de
Nevers , édité par la Société nivernaise, nous faisait con-
naître les origines historiques d’une industrie , l’une des
gloires de notre cité. Il racontait bien au long les procédés
de fabrication et de décoration de la faïence nivernaise, et la
classait en cinq époques déterminées d’après le style et le
caractère des produits céramiques de Nevers. Un chapitre
spécial était aussi réservé aux émailleurs, et bien qu’il nous
eût révélé un texte précieux et oublié signalant l’existence
simultanée dans notre ville, dès le seizième siècle, des
artistes habiles non-seulement dans le travail de la poterie et
de l’émaillure, mais aussi de la verrerie, l’auteur gardait le
silence sur les gentilshommes verriers.
Et cependant, non moins que les œuvres des faïenciers et
des émailleurs, les produits des verriers, pendant près de
trois siècles, avaient attiré dans la grand' rue de Nevers, la
ioule des étrangers qui y venaient admirer le Petit Muran
de Venise et toutes ces sortes de « gentillesses » qu’on ne
retrouve qu’en Italie.
(1) Avec ce second titre : la Fabrication flamande , d’après des
documents inédits, par J. Houdoy. Paris, A. Aubry, rue Séguier.
Dumoulin, quai des Augustins.
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Parmentier, dans le chapitre des Archives de Nevers (i),
consacré au corps des arts et métiers, avait bien signalé, il
est vrai, sous le titre Verrerie , les privilèges concédés par
Henri IV au seigneur Jacques Sarode, puis le rétablissement
de la verrerie en 1647 par le seigneur Jean Castellan, mais il
s’arrête à 1 665 et ne mentionne même pas l’établissement des
Borniol.
Le travail déclassement et de rédaction de P. Inventaire des
archives communales et hospitalières de Nevers nous ayant
fait découvrir quantité de documents précieux et absolument
inédits sur un sujet jusqu’ici entièrement délaissé, la pensée
nous vint de les coordonner et de faire connaître , avec les
noms et les principaux épisodes de la vie des gentilshommes
verriers, quelques détails sur leur industrie.
Ce ne devait être tout d’abord , dans notre pensée, qu’un
chapitre de la belle histoire des bienfaits des princes de
Gonzague dans leur bonne ville de Nevers, histoire depuis
longtemps désirée; cependant, à mesure que nous écrivions,
la matière semblait grandir, le cadre se développait; puis,
étant données d’importantes communications faites par de
laborieux et bienveillants collègues dont les noms sont
souvent cités dans ces pages, le chapitre, grossissant tous les
jours, devint P Histoire des gentilshommes verriers et de la
verrerie de Nevers.
Sur la demande de la Société, nous dûmes même ajouter
un chapitre spécial traitant des différentes verreries établies
dans l’étendue de la province et du département ; et ce
chapitre, à lui seul , s'il n’eût fallu nous borner, eût pu faci-
lement devenir un volume.
Que si l’on nous reprochait d’avoir trop donné à l’histoire
et de ne pas signaler, comme on Ta fait pour les faïences , les
signes caractéristiques des différentes époques et des divers
lieux de fabrication, la réponse est facile : Ignoti nulla
cupido; il fallait d’abord attirer l’attention sur le verre,
'1) Tome II, pages 62-75.
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comme on Ta fait pour la céramique. Qui pensait , il y a
quelques années, à collectionner les ouvrages de verre ? Ce
premier but est atteint. Bientôt les musées publics et les
collections privées, quelques-unes déjà que nous avons parti-
culièrement citées, fourniront de curieux éléments de compa-
raison (1).
Il ne faut pas se dissimuler qu'il sera toujours quelque peu
difficile de distinguer les différences entre les diverses fabri-
ques et qu’on doit renoncer à juger des verres comme des
laïeuces. Cependant, un examen attentif pourra parfois
fournir des moyens de distinction, Un vieil auteur prétend
que les verreries nivernaises se reconnaissent aisément , « le
verre n’étant pas blanc , mais bien d'un blanc tirant un peu
sur le jaune (2). »
(1) Le musée de Varzy (Nièvre) possède de curieux spécimens de
nos verreries ; nous en avons vu aussi de très-remarquables au musée
de Bourges, à Moulins, etc.
(2) L'Art de la Verrerie , où l'on apprend à faire le verre , le cristal
et l'émail , la manière de faire les perles , les pierres précieuses , la
porcelaine et les miroirs , la méthode de peindre sur le verre et en
émail y de tirer les couleurs des métaux, minéraux , herbes et fleurs ,
nouvelle édition, augmentée d’un traité des pierres précieuses, par
M. Haudiquer de Blancourt. Seconde partie.
A Paris, rue Saint-Jacques, chez Claude Jombert, au coin de la rue
des Mathurins, à l’image Notre-Dame. MDCCXVIII, avec privilège
du Roy.
CHAPITRE CCXII.
La manière de peindre sur le verre .
€ On doit premièrement choisir un verre que nous appelons de
Lorraine , quoi qu’il s’en fasse à Nevers de la même nature, parce
qu’il prend mieux les couleurs que les autres verres et qu’il résiste
mieux au feu, étant plus fixe. Ce verre se connaît aisément, n’étant
pas blanc, mais bien d’un blanc tirant un peu sur le jaune. »
(Page 1 36. — Communication de M. Bouveault.)
On voit qu’il s’agit ici du verre en table.
Les échantillons de ce verre que nous possédons sont plutôt d’un
blanc légèrement verdâtre. Ce verre de Lorraine ne se faisait pas à
Nevers, mais bien à Bois-Giset, et dans les autres verreries du
Morvand , par les verriers lorrains .
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— 279 -
Une autre source de difficultés surgira. Nos verriers d’ori-
gine altariste se faisaient privilégier en France pour la
verrerie à la façon de Venise, et se trouvant à Nevers,
comme à Liège et dans maintes autres villes, en contact avec
des Muranistes, ils ont dû leur emprunter quelques-uns de
leurs procédés, de leurs modèles. Comment alors déterminer
la différence entre la façon de Venise et la façon d’Altare ?
Déjà, en 1607, un auteur cité par M. Schuermans (1) se
plaignait des fournaises de Liège « où Ton praticque de
contrefaire les verres de Venise si ponctuellement qu'à
grand 'peine les maîtres eux-mêmes sauraient juger de la
différence ».
Puisque les maîtres mêmes se seraient trompés aux contre-
façons de verres de Venise, comment pourrons-nous juger
avec certitude des objets renfermés dans nos vitrines ! Mais
ces difficultés ne doivent-elles pas plutôt stimuler la curiosité
des amateurs?...
Nous sommes bien loin, en vérité, d’avoir épuisé la matière
au point de vue purement technique.
Et que de documents historiques nous sont demeurés
inconnus, enfouis peut-être au fond de quelque modeste
étude de notaire, dans des liasses poudreuses fermées depuis
des siècles !
Que d'autres donc ne craignent pas de poursuivre cette
(1) Cinquième lettre au comité du Bulletin des commissions royales
d'art et d'archéologie. Cette lettre fournit quantité de documents des
plus utiles pour l’étude comparative des verreries de Liège et de
Nevers, également à la « façon de Venise 1 et a d’Altare », et pour
l’histoire générale de la verrerie en France.
M. Schuermans arrive à cette curieuse conclusion , tout à l’honneur
de notre cité, que Henri IV, en introduisant partout en France, sur
les « mouvements premiers » du duc de Nevers, la verrerie à la façon
d’Altare, avait pour ainsi dire divisé la France en départements
verriers affectés à des Altaristes : Lyon et Nevers aux Ponté et Saroldi,
dont il maintenait la possession ; Melun et Paris, avéc une zone de
trente lieues à la ronde, aux Saroldi ; Rouen et un rayon de vingt
lieues aux Buzzone et Bartholus.
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— 28o —
étude, qui nous a procuré de si honorables relations en Italie
et en Belgique, et nous a valu de la part de nos collègues de
si aimables encouragements ; heureux de 1 avoir entreprise,
nous serons plus heureux encore de la voir noblement
achevée.
Juillet 1885.
L’abbé BOUTILLIER,
Curé de Coulanges-les-Nevers.
ERRATA ET ADDITA.
ERRATA.
Nous en avons indiqué plusieurs dans des notes : Page iq5, sur
l’orthographe véritable de Monferrato , écrit d'abord Montferrat ;
Page 248, sur le nom de lieu Dori pour Dori;
Page 265, sur le nom d'Altare traduit par d'anciens notaires en Hôtel
ou Lautel, etc.
Quelques observations rectificatives se trouvent aussi, page 256,
sur les familles verrières, et, page 258, sur l'unification de la verrerie
de La Boue et de Chenambray ou Chenambret.
Ajoutons encore qu’il faut lire : page 1 63, note 2, Jean Mayeux et
non Mayux\ ce peintre eut d’ailleurs une certaine notoriété à Nevers;
Page 233, il faut lire de Vathaire de Guerchy. au lieu de Valkaire.
Le lecteur continuera s'il y a lieu.
ADDITA.
i° M. Augustin Cochin, dans sa Notice sur la manufacture des
glaces de Saint-Gobain , qui fait suite à ses Études sociales et écono-
miques ( p. 285-286 ) , parlant de l’art de la verrerie, spécialement
ouvert de tout temps et même réservé aux gentilshommes, en
Dauphiné, en Normandie, en Lorraine, en Nivernais , se demande
l'origine de ce privilège, et il propose cette explication qui intéresse
particulièrement notre contrée :
« On ne doit pas oublier que les verreries ont été longtemps des
dépendances de l’exploitation forestière , comme les petites forges. Il
en est encore ainsi en Bohême... Dans ce pays, une verrerie se compose
de deux fours, sous un misérable hangar en bois au milieu d'une
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— 28 1
forêt. On la transporte plus loin quand le bois est brûlé. Dans les pays
de bois, comme le Nivernais ou la Lorraine, on trouve partout le nom
ou la trace d’une verrerie, et des familles d’origine allemande dans
les lieux où existaient ces verreries. Or, les forêts appartenant jadis
aux gentilshommes, ils ont dû demander de bonne heure la permis-
sion de fonder des verreries sans déroger à la noblesse. — Puis, la
faveur une fois accordée, le métier est devenu la ressource de gentils-
hommes ruinés et ensuite leur prétention. Ce qui était une exception
à la noblesse est devenu une prétention de la noblesse. •
2* A propos du miroir dont nous avons donné le dessin, page 210,
il est intéressant de rappeler une expression insérée dans le brevet
de 1688, accordé à Bernard Perrot ou Perreau (comme, à tort, on le
trouve souvent écrit), brevet que nous avons mentionné aussi page 178*
— L’associé de notre Jean Castellan est breveté pour le coulage des
cristaux à tables creuses avec figures. Ces expressions, qui nous
avaient échappé, s’appliquent parfaitement à notre miroir, dont les
dessins sont en creux par-dessous et sans relief extérieur.
3 * Nous aurions voulu pouvoir offrir aussi le dessin de quelques
bénitiers dont on verra des types variés dans la collection de M. Bou-
veault. Le bénitier que nous appelons à ailerons ou à éventail semble
avoir été le plus répandu. M. Robert Saint-Cyr fils, à Nevers, et M. de
Laugardière, à Bourges, en possèdent chacun un, absolument sem-
blables et d’origine certainement nivernaise.
SÉANCE DU 27 NOVEMBRE 1884.
Présidence de M. Roubet.
Étaient présents: MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice-président; E. de Toytot,
secrétaire; Canat, conservateur du musée;
Roblin, H. Marandat, le docteur Subert, de
Villefosse, de Villenaut, l’abbé Foucher, l’abbé
Camus, de Flamare, de Lespinasse, Duminy, le
docteur Fichot, le vicomte de Maumigny, de
Rosemont, Charles Col.
t. u, 3 * série. 3 o
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— 282 —
M. Canat présente au musée, à titre de don
offert par M. Combereau, inspecteur des forêts,
un tronçon d’épée trouvé dans la forêt domaniale
des Minimes , près Decize. D’après la note lue par
M. Canat , cette épée , semblable à une de celles
du musée de Pierrefonds , que l’on dit être
conforme au modèle réglementaire de 1560,
pourrait être une épée d’infanterie.
M. le Président continue la lecture de son
travail sur la capitainerie de Cuffy.
M. de Lespinasse, à titre de renseignement,
demande quelle est la paroisse des Vaux de
Nevers désignée sous le nom de Chevannes dans
le registre-terrier de l'évêché de 1280. Au nom
de Chevannes est accolé généralement le nom
de Chaulgnes. Cependant Chaulgnes n’est point
sur le territoire de Chevannes.
M. de Lespinasse désirerait être renseigné sur
l’identification de ces deux noms.
M. le curé Guillemenot offre à la Société son
livre sur l 'Économie sociale, et M. le docteur
Subert le Compte - rendu des séances de la
Société des médecins de la Nièvre.
M. l’abbé Boutillier donne lecture d’extraits
divers d’un travail de M. Schuermans, premier
président à la cour de Liège , sur les verres
fabriqués aux Pays-Bas, à la façon de Venise et
d’Altare. Ce travail, dont les épreuves ont été
communiquées à M. l’abbé Boutillier, touche
par divers points aux fastes du Nivernais, aux
princes de Clèves et de Gonzague et à la
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— 283 —
fabrication de la verrerie de Nevers, dont notre
collègue nous a donné l’histoire. M. Schuermans
cite avec éloges divers passages du travail.
M. le docteur Fichot dépose sur le bureau un
bracelet en bronze et plusieurs fragments de
bracelets en lignite trouvés à La Fermeté. La
description de ces objets a été donnée déjà dans
le Journal de la Nièore par le docteur Jac-
quinot.
SÉANCE DU 18 DÉCEMBRE 1884.
Présidence de M. Roubet.
Etaient présents : MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de
Toytot, secrétaire ; Canat, conservateur du
musée ; Roblin, H. Marandat, Ed. Marandat ,
l’abbé Marillier, de Villenaut, de Lespinasse,
Adolphe de Rosemont , de Flamare.
Lecture est donnée du programme du Congrès
des sociétés savantes à la Sorbonne en 1885; ce
programme comprend les questions relatives à
l’histoire, à l’archéologie, aux sciences économi-
ques et sociales, aux sciences mathématiques,
physiques, chimiques et météorologiques, et aux
sciences naturelles et géographiques.
M. l’abbé Boutillier et M. l'abbé Marillier pré-
sentent comme membre de la Société M. l’abbé
Roy, curé de Montenoison.
M. l’abbé Roy est admis à l’unanimité.
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— 284 —
M. de Lespinasse dépose sur le bureau des bra-
celets, l’un en lignite, les autres en bronze, et une
hachette en bronze; ces objets, appartenant à
M. de Lespinasse, ont été trouvés dans une car-
rière voisine de Luanges, à Urzy, au milieu de
débris de pierres, qui contenaient plusieurs sque-
lettes.
M. l’abbé Boutillier fait remarquer que des
objets presque identiques, décrits par Gillet dans
ses Annuaires , avaient été trouvés de son temps
dans une localité de la même commune toute
voisine de Luanges, le Pont-Saint-Ours.
M. le président Roubet présente un jeton de
cuivre portant la date de 1 553 et représentant un
homme qui compte des jetons en les faisant tom-
ber. En outre, sur le revers, sont inscrites les
lettres de l’alphabet. M. Roubet penserait que ce
jeton pouvait servir aux écoles pour apprendre
à lire et à compter (jecter).
M. le président Roubet donne lecture d’un
article de la Revue du Centre ayant un certain
rapport avec le Nivernais. Il s’agit des souvenirs
du collège de Bourges vers 1827.
M. de Lespinasse émet le vœu qu’une table
analytique et générale des matières, des noms
d’hommes et de lieux soit publiée pour les dix
premiers volumes de nos Bulletins.
M. l’abbé Boutillier donne lecture d’un rapport
lu à l’Académie de Mâcon par M. Deton , notre
confrère à la Société nivernaise, président de
l’Académie de Mâcon. Ce rapport rend compte
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- 285 -
très-spirituellement d’un concours de poésie ouvert
dans le département de Saône-et-Loire.
M. de Villenaut demande si, pour rendre nos
séances plus intéressantes et attirer un plus grand
nombre d’auditeurs, il ne serait pas possible de
publier d’avance l’ordre du jour de nos séances ou
de consacrer un mois, par exemple, à l’histoire, à
l’archéologie, à la littérature, etc.
Il est répondu que la chose est peu facile ; que
si les auditeurs abondent , il n’en est pas de même
des lecteurs et des auteurs. On propose autant que
possible à ceux qui ont des travaux à lire de le faire
connaître d’avance , de façon à ce que la lecture
soit annoncée dans l’avis de convocation et puisse
ainsi être connue du public.
SÉANCE DU 29 JANVIER 1885.
Présidence de M. Roubet.
Étaient présents : MM. Roubet, président;
l’abbé Boutillier, vice-président ; E. de Toytot,
secrétaire; Canat, conservateur du musée; le
vicomte de Maumigny, de Villefosse, Édouard
Marandat, de Villenaut, l’abbé Camus, Grivaut,
de Flamare, Henri Marandat, le docteur Subert.
M. l’abbé Boutillier fait circuler deux jetons,
très-bien frappés, luiappartenant, lesquels peuvent
servir de confirmation à l’opinion émise à la der-
nière séance au sujet des jetoirs ou jetons servant
à compter et à indiquer les lettres aux enfants.
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M. l’abbé Boutillier donne aussi lecture d’un
passage de l ’ Annuaire de Gillet, an XI, relatif
à des objets romains trouvés vers cette époque sur
le territoire dit de Saint-Saturnin , près du Pont-
Saint-Ours, commune de Coulanges.
MM. Maurice et Henry Canat présentent
M. Brac, inspecteur de l’enregistrement.
MM. l'abbé Boutillier et le docteur Subert pré-
sentent M. Ducourthial.
M. l’abbé Boutillier et M. l’abbé Foucher pré-
sentent M. l’abbé Poupin, professeur à l’institution
Saint-Cyr.
MM. Brac, Ducourthial et Poupin sont admis à
l’unanimité.
M. le Président donne lecture de la situation
financière de la Société nivernaise des lettres,
sciences et arts au 3 1 décembre 1 884.
Les recettes s’élevant à 2,693*07
Et les dépenses à 2,454 15
Il en résulte que le solde restant en
caisse au 31 décembre 1884 est de. . 238 92
Lecture est donnée d’une circulaire du ministre
de l’instruction publique , comité des travaux histo-
riques et scientifiques. Cette circulaire recommande
comme sujet d’études pour la section des sciences
économiques et sociales : Y Histoire d'un domaine
rural. La méthode de cette étude est empruntée
à la forme des monographies de M. Le Play.
M. le Président donne lecture également d’une
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— 287 —
circulaire du ministre de l'instruction publique et
des beaux-arts , relative à la réunion des délégués
des sociétés savantes et des beaux-arts à la Sor-
bonne la semaine de Pâques.
SÉANCE DU 26 FÉVRIER 1885.
Présidence de M. Roubet.
Étaient présents : MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice-président ; E. de Toytot,
secrétaire ; le comte de Soultrait, Canal, conser-
vateur du musée ; de Charant, Roblin, le marquis
de Veyny, Grivaut, Ad. de Rosemont, l’abbé
Foucher, Edouard et Henri Marandat, l’abbé
Rolland, Ch. Col, Julien, de Flamare, le comte
de Maumigny, Brac.
M. le comte de Soultrait présente M. le comte
de Chatellux et M. Teste, à Vésigneux.
MM. Canat et d’Assigny présentent M. Jolly,
directeur de la Banque de France.
MM. de Flamare et Julien présentent M. l’abbé
Bonoron, vicaire de Saint-Étienne de Nevers.
. MM. le comte de Chatellux, Teste, Jolly et
l’abbé Bon or on sont admis à l’unanimité.
Lecture est donnée par M. le Président de la
lettre du ministre de l’instruction publique relative
à la réunion des sociétés savantes à la Sorbonne.
M. Arthur de Chambrun d’Uxeloup de Rosemont
est désigné comme délégué de la Société.
M. le président Roubet, revenant sur une com-
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— 288 —
munication précédente, relative à des bracelets
paraissant en lignite, fournit un renseignement
nouveau tiré de la Reoue des Sciences , duquel il
résulterait que ces bracelets seraient composés
d’une substance céramique formée d’argile finement
pulvérisée et comprimée.
M. le comte de Soultrait offre à la Société un
travail de lui : l'Iconographie chrétienne dans le
diocèse de Besançon.
M. le comte de Soultrait donne lecture des
principaux passages d’une notice de M. le comte
de Chatellux intitulée : Vésigneux. Ce travail
intéressant tout spécialement l’histoire du Niver-
nais, la Société est heureuse de lui donner place
dans son Bulletin, et désire que le manuscrit soit
imprimé intégralement.
M. l’abbé Boutillier signale un travail intéres-
sant de M. le chanoine Lucot, archiprêtre de
Châlons, sur le P. Charles Rapine, annaliste de
Châlons-sur-Marne , lequel était un écrivain niver-
nais , ainsi qu’il résulte de la notice de Née de La
Rochelle.
M. le comte de Soultrait pense à ce sujet qu'il
serait intéressant de signaler, à titre de renseigne*
ments, les écrivains nivernais qui se trouvent en
assez grand nombre parmi les familles nivernaises
et sur l’identité desquelles on n’est pas absolument
fixé.
M. de Soultrait nomme parmi les familles qui
ont fourni le plus d’écrivains de la province, les
Bourgoing, les Rapine, les Cotignon.
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— 289 —
Diverses notices bibliographiques attribuent trop
facilement à certains auteurs des ouvrages qui
n’ont certainement pas été écrits par eux ; par
exemple, on confond souvent un Cotignon de La
Charnaye, auteur d’un ouvrage très-léger du dix-
huitième siècle, le Nouveau Théophile , avec
un chanoine du nom de Cotignon , qui vraisem-
Dlablement ne saurait être le même.
D’autres fois, on mentionne certains ouvrages
comme imprimés, alors qu’ils sont toujours restés
à l’état de manuscrits.
M. l’abbé Boutillier signale dans le même ordre
d’idées une notice sur Arnaud Sorbin , l’évêque
de Nevers du seizième siècle, par M. Forestié.
M. l’abbé Boutillier mentionne, parmi les ouvrages
d’Arnaud Sorbin, le Desfÿ de la Mort , dont un
très-bel exemplaire se trouve dans la Bibliothèque
nivernaise de la ville, et il en donne quelques
extraits. La notice de M. l’abbé Boutillier sera
imprimée au Bulletin.
M. Forestié, de la Société archéologique de
Tarn-et-Garonne, nous envoie plusieurs Bulletins
de cette Société, avec prière de lui accorder
l’échange. Cette demande est ratifiée par un vote
de la Société.
M. Forestié offre à la Société un exemplaire de
son ouvrage sur Arnaud Sorbin.
t. n, 3* série.
Ji
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SÉANCE DU 26 MARS 1885.
Présidence de M. Roubet.
Étaient présents : MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de
Toytot, secrétaire; Canat, conservateur du
musée ; le docteur Subert, le vicomte de Mau-
migny, le baron Charles de Berthier-Bizy, Col,
Robert Saint-Cyr, Duminy, de Flamare, l'abbé
Crosnier, de Rosemont.
M. Teste, dans une lettre particulière adressée
à M. le Président , annonce qu’il a l’intention de
publier une notice sur la famille de Vauban.
M. le Président donne communication de plu-
sieurs citations relatives à la qualité et à la
désignation de Châtelain qui , selon lui , s'ap-
plique aussi bien à l’ordre administratif judiciaire
que militaire , tandis que, selon M. de Flamare,
le titre de châtelain comportait certaines fonc-
tions administratives militaires analogues à celles
de l’intendance , mais sans aucun commandement
militaire.
M. le président Roubet donne lecture d’une
notice intitulée : Une Exécution en effigie en
1785.
M. l’abbé Boutillier communique à la Société
des extraits d’un ouvrage : La Roussillonnade
et son véritable auteur , récemment publié.
L’auteur, M. Harold de Fontenay, en fait hommage
à la Société. M. l’abbé Boutillier rappelle et cite
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— 2g i —
la notice publiée, il y a quelques années, sur le
même sujet dansl’ Almanach de la Nièvre de 1846.
Il résulte du travail de M. de Fontenay que,
contrairement à l’opinion de l’auteur de la notice
de X Almanach, le poème nivernais la Roussil-
lonnade, attribué d’abord à l’abbé Lenoble,
ensuite à l’abbé Cassier, qui en aurait été le
plagiaire, est bien réellement l’œuvre de l’abbé
Lenoble, curé de Roussillon-en-Morvand. L’abbé
Cassier n’aurait fait, par manière de distraction
littéraire, que d’y apporter quelques variantes.
M. l’abbé Boutillier annonce aussi à la Société
qu’aux vacances dernières, M. Léon Palustre et
Mgr Barbier de Montault, qu’il accompagnait dans
leur visite au musée du palais Ducal, ont tout
particulièrement admiré le petit fragment de bas-
relief en ivoire déjà remarqué par le Congrès
archéologique de Nevers, en 1852.
Mgr Barbier de Montault a tout récemment, dans
le Bulletin monumental , publié une description
très-exacte et 'très-complète de cette admirable
pièce, qui représente la Nativité du Christ et
l’Adoration des Mages. Cet objet serait un ivoire
latin du quatrième ou cinquième siècle, formant
le couvercle d’un coffret eucharistique. M. l’abbé
Boutillier voudra bien donner, avec l’héliogravure
qui a été faite pour le Bulletin monumental ,
une analyse détaillée de la notice de Mgr de Mon-
tault sur ce précieux ivoire.
■
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— 292 —
SÉANCE DU 30 AVRIL 1885.
Présidence de M. Roubet.
Étaient présents: MM. Roubet, président;
l’abbé Boutillier, vice-président ; Canat, conser-
vateur du musée ; Ernest de Toytot, secrétaire ;
l’abbé Foucher, Griveau, l’abbé Guillemenot,
l’abbé Clément, l’abbé Pot, Julien, l’abbé Camus,
de Flamare, Duminy, de Pierredon.
Lecture est donnée d’une lettre de M. Goblet,
ministre de l’instruction publique, aux réunions
des sociétés savantes.
M. l’abbé Guillemenot, à l’occasion des réunions
de la Sorbonne, émet le regret qu’à côté de la
science technique, développée avec grand talent,
il ne soit pas donné assez de place à la science
sociale et morale , qui intéresse les origines et
l’histoire de notre pays.
M. l’abbé Guillemenot serait dans l’intention
d’écrire une histoire élémentaire de France, qui
comprendrait toutes les évolutions politiques,
économiques, artistiques, littéraires, agricoles de
la France.
La Société prend acte de l'offre de M. l’abbé
Guillemenot et ne peut que lui adresser ses
félicitations.
M. Ernest de Toytot rend compte de la réunion
des Unions de la paix sociale du Centre, fondée
par M. Le Play. La société a tenu sa séance cette
année à Moulins. Il a été question, dans cette
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— 2g3 —
séance fort intéressante, de l’histoire' sociale et
morale du Nivernais et du Bourbonnais. A ce
titre , M. de Toytot croit intéresser la Société des
lettres, sciences et arts de Nevers, en rendant
compte de la réunion de Moulins.
A cette réunion, il a été traité diverses ques-
tions intéressant notre région , notamment les
divers modes d’instruction primaire avant la
Révolution, les divers régimes successoraux du
Nivernais et du Bourbonnais , lesquels assuraient
au père de famille une liberté féconde pour le
bien et profitable à l’ordre public comme à la
famille. M. Ernest de Toytot a donné communi-
cation d’une monographie intéressant notre pro-
vince : Le Faïencier nioernais dans le passé et
dans le présent.
Enfin, M. Delaire, secrétaire général de l’Union,
et M. Claudio Jeannet ont tous deux développé
avec beaucoup de talent et d’éloquence les prin-
cipes d’économie sociale sur lesquels reposent
toute société.
M. de Toytot est heureux d’annoncer que
l’année prochaine la réunion de la région aura
lieu à Nevers.
Le Congrès archéologique de France tiendra
sa cinquante - deuxième session cette année à
Montbrison.
M. le Président donne lecture du programme
des travaux du Congrès.
M. l’abbé Boutillier et M. le comte de Soultrait
présentent comme membre de la Société niver-
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— >94 —
naise M. de Borniol, arrière-petit-fils du dernier
maître de la verrerie de Nevers.
M. H. de Borniol est admis.
M. de Flamare communique quelques fragments
d’un manuscrit liturgique de l’abbaye Notre-Dame
de Nevers, contenant en marge des annotations
relatives au nécrologe de l’abbaye.
M. le curé-doyen de Prémery communique à la
Société un bassin de cuivre trouvé sous la voûte
des combles de l’église, et que l’on présume avoir
servi pour recevoir l’eau dans l’administration du
baptême, ou pour l’usage des quêtes. M. l’abbé
Boutillier en donnera la description dans une
prochaine séance.
Il a aussi trouvé une moitié de rétablè en pierre
offrant une admirable peinture : la Cène. Enfin,
dans un ordre d’idées absolument différent, M. le
Curé a trouvé, dans les combles, le squelette d’un
homme remontant à quatre ou cinq cents ans, car
les ossements, à peine touchés, sont tombés en
poussière.
M. le président Roubet donne lecture d’une
notice locale fort intéressante intitulée: Forges
et Fourneaux du Nivernais, rive gauche de
l'Ailier et de la Loire. Ce travail sera inséré au
Bulletin.
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* 9 * —
SÉANCE DU 28 MAI 1885.
Présidence de M. Roubet.
Étaient présents: MM. Roubet, président ;
Ernest de Toytot, secrétaire; Canat, conser-
vateur du musée; Duminy, bibliothécaire ; le
vicomte de Maumigny, Teste , de Villefosse,
l’abbé Bonoron, de Flamare, Julien, de Rose-
mont.
M. Ernest de Toytot, sur l’invitation de M. le
Président, donne lecture d’un travail lu au Congrès
de l’ Union de la paix sociale du Centre, dont la
session s’est tenue à Moulins. Il s’agit d’une étude
intéressant notre région : Le Faïencier nioernais.
M. Canat dépose sur le bureau , comme don à
la Société, de la part de M. Combereau, un très-
beau bracelet de bronze denticulé. Cet objet a été
trouvé dans un tumulus situé entre Chassy et le
Magny. M. Canat indique aussi l’existence de
plusieurs amas de pierres qui pourraient être des
sépultures. Elles sont situées dans la forêt de
Faye, et M. Combereau serait tout disposé à
autoriser la Société à y faire des fouilles. La
Société, sans décider dès maintenant rien de
formel à cet égard, vote une somme de 20 fr.,
qui pourra être distribuée aux gardes forestiers
et aux ouvriers chargés d’exécuter les travaux de
confection de chemins.
M. Teste appelle l’attention de la Société sur
les mines argentifères du Nivernais. Il a des
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1
— 396 —
documents concernant les mines de Chitry,
datés de 1516 et 1519. M. Teste veut bien pro-
mettre à la Société de lui donner communication
de ces pièces intéressantes. M. Teste fait aussi
mention de divers actes qui se trouvent dans les
archives de Vésigneux; il en donnera la copie
exacte.
M. le président Roubet continue la lecture
commencée à la dernière séance : Forges et
Fourneaux du Nivernais.
M. le Président se propose d’écrire à M. le
Maire de Cosne ; il désirerait obtenir pour la
Société l’autorisation d’enlever quelques débris de
sculpture trouvés dans un caveau de l’église.
M. le Ministre de l’instruction publique invite
les sociétés de province à préparer le programme
de leurs travaux pour la réunion des sociétés
savantes de 1886.
M. Teste signale dans les archives du château
de Vésigneux plusieurs volumes d’analyses de
pièces concernant les seigneuries circonvoisines
relevant de Vésigneux. Ces pièces peuvent inté-
resser le Nivernais.
SÉANCE DU 25 JUIN 1885.
Présidence de M. Roubet.
Étaient présents : MM. Roubet , président;
Ernest de Toytot, secrétaire ; de Pierredon,
Duminy, de Flamare, l'abbé Foucher, l’abbé Pot,
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— 297 —
Jolly, le docteur Fichot, de Villefosse, Robelin,
le comte de Maumigny, Hugon, de Charant, le
docteur Subert, Griveau.
M. le Président donne communication d’une
circulaire de M. le Ministre de l’instruction
publique relative à la réunion annuelle des
sociétés des beaux-arts pour l’année 1886.
M. le docteur Fichot , pour répondre au ques-
tionnaire ornithologique adressé à la Société par
le ministre de l’instruction publique, communique
une note intéressante sur la migration des oiseaux.
Lecture est donnée d’un travail envoyé par
M. l’abbé Sery, sur la généalogie de la famille
Brothier.
M. J de Flamare est chargé de vouloir bien
réviser ce travail.
M. Duminy et M. de Pierredon proposent de
recevoir comme membre de la Société M. Maze-
ron, libraire.
M. Achille Mazeron est admis.
M. le Président donne lecture d’une communi-
cation qui lui a été adressée par M. Léon Gadoin
sur le caveau de l’église Saint-Jacques de Cosne.
Cette étude sera insérée au Bulletin.
Lecture est donnée par M. Teste de l’énoncia-
tion de quelques chartes relatives aux mines
d’argent et de plomb du Nivernais.
M. le président Roubet donne lecture d’un
intéressant travail intitulé : Le Trésor de Neusy.
Il lit aussi une communication relative à une
découverte de M. Boyer, archiviste de Bourges.
t. u, 3* série. H
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— 2g8 —
,11 s'agit de statuettes du dieu Mars, dont les types
peuvent se rapprocher de celui de la statuette que
nous possédons au musée.
INVENTAIRE DE QUELQUES CHARTES.
Il est intéressant d’indiquer dans notre Bulletin l’exis-
tence des chartes qui ont rapport à notre histoire locale et
qui se trouvent en des dépôts publics et particuliers.
Voici donc l’énonciation sommaire de quelques chartes
qui concernent les mines d’argent au pays du Nivernais.
Nous les classons par ordre de date :
I.
i er septembre 1469. — Lettres royaulx données à Niort
par Louis XI à son féal conseiller et chambellan Pierre
des Barres, seigneur de Chitry, à l’effet d’ouvrer et beson-
gner ès mynes d’argent et de plomb à Chitry.
Cette charte a été donnée in extenso dans notre Bulletin
de l’année 1871 .
II.
20 juin 1502. — Expédition en parchemin d’un contrat
de vente à titre de cens et rente, reçu Claude Devezon , clerc,
notaire royal, consentie par Philippe de Chastellux , che-
valier, seigneur dudit Chastellux, vicomte d'Avallon , et
Lucas, écuyer, seigneur de Vésigneul , en faveur de nobles
hommes Etienne de Cambray, général des mines d'argent,
et Jean de Bjize. de Vézelay,
D’une place située en la justice de Chitry et sur la rivière
de Chors (la Cure), et auquel pourront prendre les sieurs de
Cambray et de Beize le cours de l'eau nécessaire au fait des
mines d’argent et de plomb ; et pourront prendre tout mort-
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— 2 99 —
bois et bois mort pour leurs affaires et usaiges; et aussi tout
autre bois vif tant chêne que autre pout bâtir et édifier. A ce
appelant le gruyer de notre chastellenie ou celui du seigneur
de Vésigneul, pour y assister et apposer le marteau aux armes
des bailleurs.
Sous la charge de 25 sous de rente et 12 deniers de cens.
(Archives de Vésigneux.)
III.
Don à Etienne Burdelot de l’office de gardien des mines
d'argent du comte de Nivernais, vacant par le déeès de Jean
de Bèze.
Paris, i 3 avril 1515. (Archives nationales.)
IV.
Permission à Antoine Duprat, chancelier de France, de
prendre 3 oo marcs d’argent sur les cendrées provenant des
mines du Nivernais.
Bois de Vincennes, 19 mars 1516.
(Archives nationales.)
' V.
Mandement aux généraux maîtres des monnaies de tenir
quittes les maîtres des mines de Chitry et autres mines du
Nivernais de la quantité de 500 marcs d’argent prise par le
roy et livrée à ses orfèvres pour fabriquer de la vaisselle tant
pour sa maison que pour celle de sa mère et du Dauphin.
Saint-Germain-ea-Laye, 8 juillet 1 5 1 9-
(Cour des monnaies , archives nationales.)
VI.
1 5 53 . Don du droit de mines d’argent au profit du duc
de Nevers. (Abbé de Marolles.)
Mai 1 885 .
TESTE.
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— 3oo —
LE CAVEAU
de l'église saint-jacques de cosne.
Dans ces bienheureux temps d’archéologie et d’histoire
locale, l’église Saint- Jacques de Cosne ne pouvait être
oubliée: elle a donc été décrite successivement par Née de
La Rochelle, par l’abbé Bourassé, par Touchard de La
Fosse, par le Nivernais et par M. G. de Soultrait; sans
doute tout n’a point été dit sur ce monument remarquable,
surtout dans sa partie absidale. Sans songer à en faire la
monographie , nous croyons qu'il est intéressant de men-
tionner la découverte d’un caveau qui existe sous cette
église, et dont le souvenir était demeuré effacé de la mémoire
de nos contemporains.
Au mois de mai dernier, on opérait quelques changements
dans la chapelle des fonts baptismaux; en perforant le
dallage, on s’aperçut qu’il recouvrait une profonde exca-
vation ; une dalle fut soulevée, et au milieu des terres et
décombres qui les obstruaient, on crut reconnaître des
marches d'escalier. Bientôt, au moyen d’une échelle, les
explorateurs pénétraient dans un caveau voûté en berceau.
Cette grotte rectangulaire a six mètres de longueur sur trois
mètres de largeur. On y accédait à l’une et l’autre extrémité
au moyen de deux escaliers tournant à angle droit et formant
palier. L’un de ces escaliers était pratiqué dans le mur latéral
du monument; l'escalier du fond permettait de communiquer
dans l'intérieur de l’église.
L'appareil de la voûte qui couvre le premier escalier, et
dont la section est elliptique, ainsi que l’appareil de la porte
de sortie dont le linteau est à chanfrein et à oreillons , est
d'une très-bonne exécution ; les traces du marteau de l’ouvrier
accusent le onzième siècle.
La voûte est ornée d'une peinture parfaitement bien con-
servée; elle représente le Sauveur assis in cathedra . La main
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m.
gauche s’appuie sur un monde et il bénit de sa dextre; il est
accosté des attributs ailés des quatre évangélistes, avec un
phylactère qui reproduit leur nom.
Le dessin n’a rien d’archaïque ; il a été exécuté par une
main habile et sûre ; lecriture à cassures des légendes nous
invite à reporter cette œuvre picturale à la fin du quinzième
siècle.
Nous avons dit que l’existence de ce caveau avait été com-
plètement oubliée; nous devons pour vérité mentionner que
dans des notes manuscrites laissées par M. l’abbé Violette,
curé de Saint-Jacques, et que nous sommes heureux de
posséder, il en est une qui concerne le caveau dont nous
parlons.
En voici le texte :
* On nous apprend aujourd’hui (12 octobre 1845) qu’il
existe sous la chapelle des fonts baptismaux un caveau
recouvert d'une longue dalle, dans lequel sont renfermées
différentes statues, entre autres une du Père éternel. »
M. le curé Violette n’avait pas eu la curiosité de vérifier
cette déclaration à laquelle il attachait sans doute peu d’im-
portance.
Quelle a pu être la destination de ce caveau ? Aurait-il
servi de grotte sépulcrale? Les ossements humains qu’on y a
découverts pourraient confirmer la supposition.
D’autre part , a-t-il servi de sanctuaire propre à y dire la
messe; c’est possible, bien que l'on ne puisse constater l’em-
placement réservé à un autel; cependant, dans la paroi du
mur, on remarque une excavation primitivement pratiquée.
Ce reccssus se fermait par un petit volet, et laisse croire
qu’il était destiné à recevoir en dépôt quelques objets servant
au culte de l’autel.
L’an 1020, Hugues de Châlons, évêque d'Auxerre, faisait
construire à Cosne une église sous le vocable de saint Lau-
rent. Serait-ce saint Laurent intra muros ?
En 1212, Guillaume de Seignelay, cinquante-huitième
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— 302 —
évêque d’Auxerre, instituait à Cosne un chapitre richement
doté; enfin, l’église Saint-Jacques actuelle était érigée avec
titre de paroisse en i486.
C’est à cette époque qu’il convient de faire remonter la
construction de Saint-Jacques, qui absorba sans doute rem-
placement d’un édifice plus ancien duquel dépendait le caveau
qui fait l’objet de cette communication.
Nous ajouterons qu’il a été retiré du caveau les fragments
fort curieux d’une statuette de saint Martin. Nous n’avons
point à en faire la description , par le motif que ces débris
de sculpture sont destinés à prendre place au musée lapi-
daire.
Parmi ces fragments sc trouve un blason que nous lisons
ainsi : En chef deux coquilles surmontées d'un lambel à
deux pendants , à une fasce chargée de trois coquilles ; nous
présumons que le champ était de gueules.
Ne serions-nous point en présence des armoiries de Claude
Duplessis, qui fit son testament le n août 1504, et fut un
des bienfaiteurs insignes de l’église Saint-Jacques dans
laquelle il a été inhumé ?
Léon GADOIN.
LE TRÉSOR DE NEUZY.
Les sociétés archéologiques ont coutume de mentionner
dans leur Bulletin , .avec autant de précision que possible,
les découvertes de monnaies anciennes qui offrent quelque
notoriété à leur région.
Aujourd’hui la Société nivernaise doit signaler le trésor
de Neuzy; nous disons trésor, puisque le Digeste nous invite
à appeler thésaurus tout dépôt de monnaies cujus non extal
memoria.
Neuzy est un domaine situé commune de Saint-Père,
canton de Cosne. Il y a deux mois, dans un champ mis en
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— 3o3 —
culture, le laboureur faisait sortir de terre un vase contenant
line grande quantité de médailles gallo-romaines. Ce vase, en
poterie commune, était oblong et apode; il fut brisé indi-
gnement ; les fragments furent dédaignés : qu’importaient
quelques tessons de céramique à l’inventeur, qui avait sous la
main environ sept cents pièces de monnaie. Dans ce nombre,
deux cents sont des grands bronzes ; les autres se composent
de médailles petit module, dont quelques-unes en argent et le
restant en bronze saucé.
Nous n’avons pas eu l'occurrence d’examiner les grands
bronzes, mais un grand nombre des menues pièces ont passé
sous nos yeux.
Elles datent du troisième siècle, et offrent une grande
variété de types. Nous savons que les soixante-quinze pre-
mières années de ce siècle ont vu se succéder vingt-un
empereurs sans compter les douze tyrans , au nombre des-
quels figure Tétricus, qui a si largement prodigué ses
monnaies dans nos contrées.
Nous avons donc rencontré l'effigie de Septime-Sévère, de
Macrin, d’Alexandre, de Gordien, de Philippe père et Phi-
lippe fils, de Trajan-Dèce, de Gallien et de Claude-le-
Gothique.
Dans le nombre de ces médailles se rencontrent aussi
quelques noms d’impératrices, Salonina et Herennia.
Quand un si grand nombre de médailles se trouvent tout-à-
coup jetées sur la place , elles perdent nécessairement de leur
valeur relative ; mais au moins elles offrent aux jeunes collec-
tionneurs un moyen de satisfaire leur curiosité.
Comme étude de numismatique, il serait sans doute fort
intéressant de décrire un à un tous ces spécimens, de
constater l’époque de leur émission , Tavénement des empe-
reurs, les diverses qualifications qui accompagnent leur nom,
et enfin les effigies des dieux ou des déesses sous l’attribut
desquels ils aimaient à se faire représenter ; la bonne volonté
pour ce minutieux travail ne nous fait point défaut ; mais il
eût fallu pouvoir détenir le] trésor avant son entière dispersion.
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— 3 04 —
Nous ajouterons, sous toutes réserves, que le dépôt de
Neuzy, vêtus depositio, a dû avoir lieu à l’époque où les
paysans, révoltés sous le nom de Bagaudes, partaient des
environ de Lutèce et venaient en troupe (Bagad) accomplir
leur œuvre de pillage et de destruction sur les rives de la
Loire.
Juin 1 885 . L. ROUBET.
- ■ t o O C^^J O O o ■ -
NOTICE LOCALE.
PERRIÈRE S D’APREMONT ET DU VEUILLIN,
VILLA DES RYAUX.
Près le Veuillin , commune d’Apremont, une vaste car-
rière longtemps abandonnée, a, depuis quelques années
été remise en exploitation ; on la désigne sous le nom de la
carrière des Ryaux , par le motif que d'ancienneté elle se
trouvait comprise dans les appartenances du château qui
portait ce nom.
Au mois de février 1882, une équipe d’ouvriers, opérant
des déblais dans cette carrière, mit à découvert un dallage de
pierres et de briques sur lequel gisaient pêle-mêle des
chapiteaux, des bases et des tronçons de colonnes.
Comme la foi qui animait nos pères n'est pas encore
complètement éteinte dans nos contrées, les ouvriers sup-
posèrent tout d’abord que sur cet emplacement il avait dù
s’élever autrefois une chapelle, un oratoire.
Peu de jours après cette découverte, je me rendais sur les
lieux, accompagné de notre bien affectionné collègue
M. Charles du Verne qui, en cette circonstance, joignait à la
curiosité de l’archéologue l'intérêt intime qui s'attache au
sol dont on est le propriétaire, et qui peut lui donner un
reflet historique.
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— 3o5 —
Nous reconnûmes de suite que nous étions en présence de
substructions et de débris remontant à l’époque gallo-
romaine.
Nous constatâmes avec prédilection l’existence d’un puits
creusé dans la roche. Entièrement comblé jusqu’à son orifice,
il était plein de promesses. Mais, hàtons-nous de le dire, ce
n’était point un puits lunéraire ! Ce n’était , selon la défi-
nition technique de Viollet- Leduc, qu'un trou cylindrique
percé dans le sol et atteignant une nappe d y eau.
Néanmoins , les espérances conçues par les chercheurs
furent en partie réalisées, si tant est que la plus petite trou-
vaille a pour eux un attrait ignoré du vulgaire.
Mais avant de faire la description succincte des reliques
que le hasard va nous livrer, il n’est point hors de propos de
parler un instant de ces vastes carrières de pierre blanche et
tendre qui, sur la rive gauche de l’Ailier, forment une chaîne
continue qui, partant d’Apremont, passe par le Rochery, les
Ryaux, la Charnaie-lès-Cuffy, et s’arrête à Baulne.
Le moindre châtel, le plus petit sanctuaire voit libeller
aujourd’hui sa chronique , sa légende : Pourquoi les
anciennes Perrières n’auraient-elles point droit aussi au
privilège d’une notice locale? N’ont-elles pas, aux temps
passés, fourni bien des assises pour la construction des villas,
des châteaux, des basiliques? N’ont-elles point vu se succéder
tour à tour les servi lapidarii , les condamnés in lapicidinas ,
les peiriers, les perroyeurs, les entrayeurs et enfin les carriers?
Nous puiserons nos fugitives énonciations dans les feuilles
détachées de ce vaste cartulaire qui n’a point de fermoir et
que nous avons déjà nommé Passim.
I.
Philippe I fP , mort en 1 108, avait demandé à être inhumé
dans le couvent de Sain t-Benoît-sur- Loire; Louis-le-Gros,
obéissant à la volonté de son père, lui fit élever sous la
coupole de l’église un tombeau en pierre d’Apremont ; c’est,
t. n, 3 * série. 33
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— 3 o 6 —
dit-on, le premier tombeau qui représentât en entier-relief
le corps du défunt.
Mutilé en 1793, ce tombeau a été restauré en i 83 o.
II.
En 1200, Sadon de Patinges accordait aux moines de
Fontmorigny le droit de faire usage de sa perrière de Baulne :
Conccssi preterea ad plénum et perpet'uum usariarium in
peteraria mea de Balnea ; ad faciendum œdijicationem .
III.
Quatre-vingts ans après, le comte de Nevers, voulant
orner avec somptuosité le château de Cuffy, faisait livrer aux
maistres imagiers, ces belles pierres blanches d'Apremont
dont nous signalions naguère les fragments si artistement
sculptés.
IV.
Jehan Anlet, receveur du chapitre d’Orléans, et préposé à
la justice du Chautay,qui appartenaità l'église Sainte-Croix,
faisait compte des dépenses et mises faites en l’année que
M. de Saint-Plaisir vint au Chautay et à Nevers pour
paler à Mgr comte de Flandre (Louis II — 1329); il
comprenait une somme de dix sols, pour être allé à Nevers
marchander de mener la pierre d'Apremont à Orléans et
pour le vin du marché .
V.
Le pourtour de la cathédrale de Moulins, ancienne
collégiale, commencée en 1474 et terminée en i 5 o 8 , était
orné de niches nombreuses qui étaient garnies de statues
taillées avec art dans la pierre d’Apremont.
VI.
Le 16 mai 1499, « Louis XII, étant à Blois, » autorisait le
chapitre d’Orléans à tirer et à amener par notre rivière de
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— 307 —
Loire les pierres provenant des perrières assises en Nivernois,
sans payer aucun droit de traicte, péage, passage et redevance,
sans faire cranter (faire déclaration), les pierres d’Apremont,
« lesquelles ne sont dangereuses à la gelée ». « Le tout, disait
le roi, pour la singulière dévotion et affection qu’avons et
portons à l’église cathédrale de notre ville d’Orléans, et à
la continuation et parachèvement d’icelle. »
VII.
En 1 5 1 9 , le 4 décembre, François I er donnait des lettres à
MM. les Trésoriers, tendantes aux mêmes fins que ci-dessus.
VIII.
Pierre Lorrin, perreieur du Veuillin, reçoit 6o sols pour
trois grandes pierres longues et larges de huit pieds et demi,
d’un pied et quatre doigts de hauteur, fournies et déposées
à la communauté des habitants de Nevers , pour faire trois
écussons , l’un aux armes du Roi , l’autre aux armes de
Madame et de Mgr son fils (Marie [d’Albret et François de
Clèves) , et le troisième aux armes de la ville.
En 1590, nous retrouvons encore les échevins qui font
marché avec Louis Ferréol, pour faire aux portes de la ville
six escussons de pierre eslevés en bosse, aux armoiries de
Mgr et M me Louis de Gonzague, et Henriette de Clèves. Il
était stipulé que la pierre serait de trois pieds en carré , et
quelle serait prise dans la perrière d’Apremont.
IX.
La primitive église d’Apremont avait été érigée par
Guillaume des Barres, seigneur du lieu et baron de La
Guerche, en l’année 1217; vers la fin du quinzième siècle,
Philibert de Boutillat, bailli du Nivernais, y avait apporté des
transformations en prodiguant ce style ogival qu’il avait
introduit dans une chapelle de Saint-Etienne de Nevers, où
il avait élu sa sépulture.
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— 3 o 8 —
Le presbytère était alors situé sur le coteau (asper-mons)
près de l’église ; mais en 1666 il fut transféré au milieu du
bourg, à côté d’une petite chapelle nommée Notre-Dame -
de- Grâce.
Le nouvel hôtel presbytéral fut édifié sur l’emplacement
d’une ancienne perrière appartenant à Toussaint Minot.
X.
En 1629 , noble et sage personne Pierre des Ryaux , ou
Réaulx, écuyer, seigneur du lieu, dictait son testament à
François de Montjoly, curé de Patinges ; il voulait être inhumé
dans l’église de cette paroisse, dans la sépulture de ses prédé-
cesseurs, et que sur sa tumbe lust mise une pierredela
perrière des Réaulx. Il constituait pour son héritier Louis
des Réaulx, son frère, seigneur de l’hôtel de Patinges. Il
recommandait que la cotte de soye promise à sa sœur lui fû t
payée. Il léguait encore à de Marguerit, son beau-frère, sieur
de Saint-Georges, les 65 livres d’accense annuelle dues par
Jehan Charbon pour la perrière des Réaulx.
La famille des Charbon a été très-nombreuse, notamment
dans la paroisse de Cuffy. Elle est aujourd'hui complètement
éteinte.
Jehan Charbon, qui faisait exploiter comme accenseur la
perrière des Réaulx, avait épousé en premières noces Guil-
lemette Diligent, décédée en 1607, et ensuite Claudine
Morin, décédée en 1609. Il fit élever dans l’église de Cuffy,
à chacune d’elles , une memoria en pierre incrustée de petits
placages en marbre de diverses couleurs.
Au-dessus de l’inscription, que la Révolution a respectée
en partie, un petit tableau a été sculpté; il représente la
défunte élégamment vêtue, à genoux sur un prie-Dieu à
lectrin , lequel est recouvert d’un drapel avec le livre
d’heures par-dessus.
On devine facilement la provenance de la pierre (1).
(1) Actes notulaires. — La Guerche.
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— 3o9 —
XI.
En 1 656 , le 24 février, Étienne Janson, serviteur-domes-
tique de haut et puissant seigneur messire Jean-ÉIéonor de
Rochechouard , chevalier, seigneur marquis de Mompipeau,
s’étant acheminé à cheval en l'hôtel et domicile d’honorable
homme Jacques Charbon, marchand, demeurant à Nevers,
lui fait sommation , par-devant le notaire royal Taillandier,
d’avoir, conformément à ses marchés de 1 653 et autres
années, à lui fournir au port de Saint-Ay ou Meun-sur-
Loire, les pierres <T Apremont de la qualité qu’il est obligé,
pour la reconstruction de la maison de Mompipeau, lui
déclarant, à faute de ce faire, que ledit seigneur marquis l’y
fera contraindre tant par saisie de ses biens que emprisonne-
ment de sa personne; — à quoi la femme dudit Charbon a
répondu qu’il est tout prêt à livrer les pierres, sitôt que le
temps le permettra, et que s’il n’a fait lesdites livraisons,
« ça été au subject que la glace a esté depuis trois mois en
ça dans la rivière et que la rivière a esté extrêmement
basse (1). »
XII.
En 1 685 , le 7 octobre, en vertu d’une commission
émanant de Mgr Cambout de Croislin, évêque d’Orléans ,
Jean de L’Épine, sergent royal à Apremont, se transportait
sur la sentine en rivière de l’Ailier, au lieu-dit le Port-aux-
Picrres , et faisait main-mise, comme pour fait de bâtiments
royaux, des pierres extraites par Sylvain Champroux, maître
perreyeur, demeurant paroisse du Veuillain , par Jean
Baudot, Laurent Prévôt et Jean d’Allouzy, lesquels étaient
dans l’intention de donner autre destination aux pierres
requises pour l’église de Sainte-Croix.
XIII.
La façade de cette cathéJrale n’était pas encore terminée
en 1748. A cette époque, l’évêque d’Orléans écrivait à Lau-
(1) Communication de M. l’abbé Boutillier.
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— 3 io —
rent de Berthier, seigneur du Veuillin, pour lui annoncer
qu’il venait de voir le roi à Versailles , et que par suite il
désirerait traiter avec lui pour la fourniture de la pierre à
prendre dans ses carrières (i).
Le traité fut accepté, et comme thef de l'exploitation il
arriva sur les lieux un sieur Pierre Desécures ; celui-ci
mourait en 1768, et était remplacé par son fils.
Les Desécures descendaient de l’ingénieur de ce nom,
intendant des turcies et levées de Loire, Cher et Allier, au
logis duquel fut posée la première pierre de la ville d’Hen-
richemont, fondée par Sully. Le dernier de ce nom est mort
à Apremont, en 1868.
XIV.
Enfin, nous voyons en 1787 maître Champrobert, avocat
à Nevers, et préposé à la justice du Veuillin, rendre ordon-
nance pour qu’il soit procédé à l’inhumation d’un pauvre
carrier qui avait été écrasé par un bloc de pierre détaché de
la carrière dite des Rappées.
§
Les énonciations ou éphémérides que nous venons d’énu-
mérer prouvent suffisamment que, pendant bien des siècles,
les carrières d'Apremont et du Veuillin ont fourni aux œuvres
de construction leurs beaux produits de pierre blanche.
Voiturés par les eaux de l’Ailier et de la Loire, ils
servaient à l'édification des églises et des châteaux voisins
de leurs rives.
Le Tibre avait , non loin de Rome, un port spécial , qui
se nommait Marmorea ou Marmanda ; il était destiné à
recevoir les marbres expédiés de toutes les contrées et
réclamés par la ville qu’Auguste avait trouvée construite de
brigues, pour la laisser toute de marbre.
S’il nous était permis de parva magnis comporter e % nous
(1) Archives d’Orléans.
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— 3 1 x —
dirions que la ville d’Orléans avait aussi un port particulier
pour recevoir les pierres des carrières nivern?ises. Il était
situé à la tête de la ville , près du fort Alleaume.
Quand l'archéologue s’arrête devant les ruines d’un
antique monument, après avoir examiné les débris de
marbre ou de pierre plus ou moins ouvragés, il ne se
contente point toujours d‘en rechercher l’appropriation, la
destination; il se demande encore quel a pu être leur
gisement naturel et primitif; il veut à la fois rendre hom-
mage à l’art proprement dit, ainsi qu’à l’œuvre industrielle
qui a su les extraire et les transporter en divers lieux.
Ainsi donc, puisqu'il est admis en archéologie que les
pierres doivent parler :
Les colonnes provenant de Saincaize qui ornent notre
musée lapidaire, diront que Yascia du lapidarius les a
extraites des perrières d’Apremont.
Les belles pierres qui ont servi à la construction de l'esca-
lier du château de Chambord, si curieux par sa double
évolution, diront aux touristes : Nous sommes du Veuillin
et d’Aprçmont, au pays de Nivernais.
Ces carrières ont été plus d’une fois abandonnéesetreprises,
selon l’oportunité des temps. Grâce à la proximité d’un
canal et de la voie ferrée, les produits ne sont plus réduits
comme autrefois à s’arrêter sur les rives des rivières ; il leur
est permis de pénétrer bien avant dans les terres.
C’est dans ces heureuses conditions que la carrière dite des
Ryaux se trouve en complète exploitation.
Ainsi que nous l’avons dit en commençant, le nom des
Ryaux a été emprunté à un ancien féodal manoir que diverses
archives désignent indifféremment par châtel des Ryaux ,
— des Réaux — des Ruaulx — des Ruyaulx : autrement
pour le latin Castellum de Rivis . Le vieux châtel a laissé à
peine quelques vestiges; il a fait place aux constructions
rurales réclamées par l’industrie agricole. Les ruisseaux ou
riots, rivi qui l'arrosaient subsistent encore, ainsi que cette
perrière qui figurait dans * ly dénombrement dou fié des
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— 3l2 —
Ruyaulx faict à messire lou Comte, par Guillelme des
Ruyaulx, chevalié, homme du roy de France en sa marine
Normande. L’an de grâce M. CCLXXXIIII (i). »
C’est donc en travaillant à l'abatage des terres qui recou-
vraient les bancs de pierre de cette carrière que les ouvriers
rencontraient d’abord les substryctions d'un mur construit en
petit appareil, au long duquel s’étendait un carrelage formé
de dalles et de carreaux d’argile. A huit mètres du mur ils
reconnurent l’existence d’un puits creusé dans la roche et
comblé jusqu’à son orifice.
Sur le dallage ils recueillirent des tuiles faîtières (vertices),
un débris de vase à deux anses en poterie d’un beau rouge,
et enfin plusieurs chapiteaux et bases de colonnes qui firent
présumer aux travailleurs qu’ils se trouvaient sur l’emplace-
ment d’une ancienne chapelle. Vitruve n’a pas encore été
adopté comme auteur dans l’instruction obligatoire ; il est
donc permis d’ignorer que dans l’édification des demeures
romaines, les colonnes y figuraient toujours à titre d’utilité,
c’est-à-dire de soutènement, plutôt qu’à titre purement
ornementatif, comme le comportent les édifices religieux.
Voici au surplus la description de ces restes lapidaires :
i. La base d’une stèle, ou d’un pilier rectangulaire, ayant
90 centimètres de haut, 32 de côté et 40 de largeur. Une
moulure peu saillante, composée d’une gorge et d’une plinthe,
existe sur les quatre faces. Serait-ce une pierre altarique ?
Nous ne le pensons point. Sur la face antérieure sont gravés
les caractères suivants ( Figure 1) :
XIIV.
S’ils indiquent une expression numérique, elle n’est point
régulièrement tracée ; un hardi interprète a lu duodecim —
annos — vixit ? Nous ne saurions adopter cette leçon,
d’autant moins qu’Orelli , reproduisant une peinture de
( 1 ) Archives d’Apremont. — Communiqué à La Chesnaye-des-Bois
qui a reproduit la charte originale, sans la réintégrer.
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VILLA DES RYAUX
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— 3 1 3
Pompée représentant des gladiateurs , offre dans la légende
l'expression XI IX comme lettres numérales.
2. Deux chapiteaux, ordre toscan ; le diamètrede la colonne
dans sa partie haute, est de 32 centimètres. {Fig. 2 et 3 .)
3 . Partie supérieure ou abacus d’un chapiteau corinthien
(Fig. 6 .)
Cet abacus est, conformément à son style propre, taillé en
arc sur les quatres côtés ; à chaque angle se trouvent de petites
volutes hélices ; au milieu de Tare, au lieu d’un petit fleuron
ou rosette, flos} le sculpteur a placé une petite tête couronnée
de feuillages ; on reconnaît que l’artiste a cherché surtout à
produire ce que nous nommons du noir ; les yeux de cette
petite tête sont profondément fouillés.
4. Deux bases de colonne, dont l’une a 1 m. 10 c. de
hauteur. Le diamètre de la base prise à partir du tore infé-
rieur est de 65 centimètres, et le diamètre du fût au-dessus
de la base étant de 5 o centimètres , nous pouvons calculer
exactement que la colonne devait mesurer 4 mètres et demi
de hauteur (à raison de sept fois le diamètre). Nous pré-
sumons qu’elle était d’ordre dorique.
Cette énorme base a été extraite du puits dont nous avons
parlé. (Fig. 4 et 5.)
Le puits a restitué entre autres choses, un débris de petite
statuette de pierre qu’il convient de décrire. (Fig. 7.) Elle est
haute de 1 3 pouces ; elle représente un personnage assis. Il est
vêtu de cette tunique gauloise à larges manches , descendant
à mi-jambes, qui se nommait caracalla. Il tient de la main
droite un gâteau à croûte mamelonnée que les Romains
appelaient ma\onomum et quelquefois panis artopticius t
parce qu’il cuisait daus un moule nommé artopta.
La tête, le bras gauche et la jambe droite ont été brisés.
Les archéologues ne sont pas encore complètement d’accord
sur la personnification de ces statuettes assises.
Les uns y voient une imago funeraria propre à orner un
t. u, 3 * série. 34
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laraire; d’autres les acceptent comme une divinité topique
rappelant par certains détails une des grandes divinités gau-
loises. Le musée de Saint-Germain contient dans la salle
n* XIX un bon nombre de ces petites statuettes ; nous avons
fourni le moulage de deux de ces imagines .
L’une d’elles détient une bourse d’où s’échappent des
monnaies, tandis que la main gauche s’appuie sur un
gâteau semblable à celui que nous avons décrit plus haut,
qui se nommait ma\onomum et se faisait avec de la farine
d’orge.
Nous osons supposer que cette petite divinité devait
représenter le Plutus-Statius, — stable, constant, certain. —
Comme il est assis , on ne saurait présumer sa claudication
mythologique. C’était le dieu des richesses, fils de Cérès
Jasion, célèbre agriculteur. Il symbolisait cette vérité de
tous les temps, c’est que l’agriculture est la source véritable
des richesses réelles, préférables aux richesses de convention,
agréées par les hommes réunis en société.
On aime sur le sol fécond de nos contrées à retrouver les
images de cette divinité.
Il a été en outre extrait du fond du puits :
i» Plusieurs fragments de poterie à reflet métallique,
revêtus d'une ornementation faite au pointillé (Fig. 8,
9 et io );
2 ° Un vase de bronze fortement oxydé en dedans et en
dehors, aux parois duquel adhèrent de nombreux petits
cailloux; sa forme n’offre point un caractère bien déterminé ;
cependant on pourrait lui donner le nom de situla, c'est-
à-dire seau à puiser eau, dont le fond se terminait en pointe,
pour faciliter l’immersion (Fig. io) ;
3° Une chaîne de fer, dont les anneaux ont la forme
d’un 8 ;
4 ° Une clé dont le pêne est recourbé en angle droit ;
5° Une articulation en fer, ayant dû s’adapter à un fléau à
battre le grain ;
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— 3i5
6° LJn cercle de seau en fer; le seau était en bois, on en a
retiré deux douelles ;
7 ° Douze pierres plates et brutes, trouées à leur extrémité;
ces pierres devaient servir de contre-poids pour la descente
ou l’ascension du vase à puiser eau;
8° Deux disques de plomb s'emboîtant l’un sur l'autre, qui
ont dû faire l’office de soupape.
Enfin , on a retiré encore trois pierres creusées en cuvette
demi-sphérique; deux de ces pierres juxtaposées semblent
devoir constituer un récipient qui , placé près de l’orifice du
puits , a pu servir à recevoir l’eau qui s’échappait ensuite au
moyen d’un conduit horizontal pratiqué dans le fond de la
cuvette.
§
Les temples ou sacella étaient partout en grand nombre à
l'époque gallo-romaine. Néanmoins, rien ne nous invite à
attribuer les débris de sculpture et d'architecture que nous
venons de décrire, comme provenant d'un édifice consacré
aux dieux, et dont la destruction pourrait remonter à
l'époque où l'influence énergique de saint Martin faisait, dans
nos contrées, disparaître les derniers vestiges du paganisme.
Nous supposons qu’ils faisaient partie d’une de ces riches
villas dont on retrouve les traces non encore complètement
exhumées dans nos contrées.
Les habitations romaines étaient toutes à peu près cons-
truites sur des plans similaires.
Nous savons que Y atrium constituait la pièce principale
de la maison. C’était là qu'on déposait les statues ou bustes
des empereurs, les images des ancêtres, et là aussi se trouvait
l'autel des dieux protecteurs de la famille.
Au milieu de Y atrium se voyait presque toujours un
bassin nommé impluvium. Il était entouré de quatre colonnes
au moins. Le puits qui a été signalé devait remplacer cet
impluvium; son puteal , c’est-à-dire le petit mur qui l'en-
tourait, devait être accosté de deux piliers servant à soutenir
l’architrave au milieu de laquelle pendait la poulie.
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— 3 1 6 —
Si, au moment de la dévastation qu’a subie la villa, une
base de colonne d'aussi grande dimension que celle que nous
avons décrite n° 4 a pu être précipitée dans ce puits, c'est
évidemment qu’elle se trouvait à proximité de l’orifice.
Peut-être la stèle n° 1 était-elle destinée à recevoir quelque
statue? Peut-être la statuette assise sur son siège à accoudoir
représentait-elle la divinité topique ?
Malheureusement aucune inscription, aucun graffite lapi-
daire ne sont venus confirmer les conjectures que nous
formulons toutes avec une prudente réserve.
Néanmoins, en terminant, nous proposerons de ramener
dans V atrium de la villa des Ryaux [de Rivis) une statue
équestre qui devait y figurer au siècle des Antonins.
Nous avions recueilli, il y a vingt-cinq ans, l’avant-corps
d'un cheval de pierre , un peu moins grand que nature. Il
avait été juché au sommet du pignon de la grange du domaine
de la Charnaie, d'où il finit par tomber en se brisant en deux
morceaux, en un jour d’incendie.
Cette œuvre sculpturale datait de l'époque gallo-romaine.
L’artiste avait pris pour modèle le cheval Numide, à la tête
fine , à la large encolure , à la crinière coupée en brosse. La
forme du harnais , antilena , et mieux encore le revêtement
du genou du cavalier demeuré attaché au flanc de l’animal,
tout venait à l’appui de notre conjecture. [Fig, 12.)
Je cherchai en vain la provenance de ce monument. Le
temps est un grand maître ; or, la Charnaie se trouve préci-
sément à un mille de cette carrière des Ryaux , qui vient
de nous livrer de si intéressantes épaves ; nous avons donc
aujourd’hui quelque raison de supposer que ces débris de
statue équestre avaient été amenés de Y atrium que nous
tentons de restituer.
Quoi qu’il en soit, il nous est permis de noter sur notre
carte gallo-nivernienne l’emplacement d’une nouvelle et
importante villa : la villa de Rivis? c’est-à-dire des Ryaux.
L. ROUBET.
!
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1
— 3 1 7 —
LE DESFY DE LA MORT
OU LA MANIÈRE DE BIEN MOURIR ET NE CRAINDRE PAS TROP
LA MORT CORPORELLE,
Par M. Arnauld SORBIN, évesqub de Nevers, conseiller et
PRÉDICATEUR DU ROY,
»
Ubi est , mors , Victoria tua? Ubi est , mors , stimulus tuus ? (I Cor., ib.)
A.Paris, chez Guillaume Chaudière, rue Saint-Jacques , à renseigne
du Temps et de Y Homme sauvage. M.D.LXXXVI. (Petit volume in-18
de 440 pages, relié en maroquin rouge, avec dorures très-élégantes
sur le dos et les plats.)
L'ouvrage proprement dit est précédé , selon la mode du
temps, d'une curieuse épistre avec cette dédicace :
A très-chrestienne , catholique et généreuse D. et prin-
cesse D. Henriette de Clèves , duchesse de Nevers ; —
A. Sorbin, évesque de Nevers , désire salut et paix en
Nostre-Seigneur Jésus-Christ.
En voici le début :
« Estant le Quaresme précédent en cour, pour l’exercice de
ma charge, l'occasion se présenta de parler, un jour, comme
j’avois cest honneur d’estre en propos avec monsieur le Duc
vostre seigneur et mary, de l’heureuse et chrestienne mort
de feu madame la Princesse vostre sœur, dont j’avois aussi
ouy parler à madame de Randan, et à plusieurs autres per-
sonnes d'honneur, qui avoient esté présentes en un si triste
et lamentable spectacle : et furent dès-lors produits certains
mémoires, contenans ses derniers propos, pleins de plusieurs
beaux traicts, qu’un ancien serviteur de vostre illustre maison
avoit fidèlement recueillis : qui me firent prendre envie de
les renvoyer à la postérité, tant pour les obligations que j’ay
à monsieur et à vous, comme aussi pour l’honneur que je
porte à la mémoire d’une si chrestienne princesse, que j'ai
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— 3 1 3 —
fait tout chrestien devoir, par le moyen de monsieur et
vostre, de remettre dans le parc, d’où la nourriture de ses
jeunes ans Tavoit ( au regret vostre, et de tous les bons )
retirée. »
On devine qu'il s’agit ici de Marie de Clèves , élevée dans
les principes de la religion protestante et convertie par
Mgr Sorbin.
Après de longues tirades dans le goût du temps sur le
désir d’avoir le pinceau délicat de Thucydide, studieux
d’escrire si clairement les guerres péloponésiaques, etc., et de
ressembler à un orfèvre qui , pour faire paroistre l'excellente
beauté et riche prix d’une précieuse pierre, se met en devoir
de l’enchâsser en lieu où elle puisse donner plaisir à ceux qui
la contempleront, le docte prélat continue en ces termes :
c Mais estant, au mois d’avril dernier, arrivé en mon
petit désert ou hermitage de Prémery , vrai lieu d’estude et
propre à la méditation, tant chrestienne que philosophique,
me trouvant surprins d’une griefve maladie, procédante
d’une colique néphrétique et pierreuse (qui me conduisit bien
près des portes de la mort), Dieu m’ayant remis en santé et
pour ne m’avoir cognu digne de sa gloire, me réservant
encores en ce monde, pour y desrouiller mon âme et la
rendre aucunement apte à estre nombrée entre les héritiers
de son paradis : je prins résolution de dresser ce petit volume,
que je nomme le Desfy de la Mort , parce que je y ay colligé,
tant des sainctes Escritures que des escrits des anciens philo-
sophes, toutes les raisons, tous les exemples, toutes les
inductions que j’ay peu penser pouvoir servir, pour persuader
à ne craindre démesurément la mort et apprendre à bien
mourir, couchant entre les exemples plus mémorables , celuy
de madame la Princesse vostre sœur, avec ses derniers propos,
que j’y ay insérés de bonne foy, sans altérer les mémoires
que j’en avais à ces fins receu »
Suivent de longues phrases encore sur les moyens qui ont
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paru les plus plausibles pour, si faire se peut, plaire, émou-
voir et enseigner tous les lecteurs. Contrairement à ses
habitudes, l’auteur entre ensuite dans des détails intimes et
personnels, d’autant plus attachants, ce semble, qu’ils sont
plus éloignés de nos mœurs actuelles. Il reprend ainsi:
« Estant, donc, venu à bout de mon project: et ayant
achevé ce mien petit labeur à qui le devois-je plus tost con-
sacrer qu’à vous (madame), si je me représente les obliga-
tions que j’ay à monsieur le duc de Nevers vostre seigneur
et mary, qui a esté celuy, par le moyen de qui (après Dieu)
j’ay eu cet honneur d’avoir esté premièrement reçeu au
service de ce grand roy Charles IX, vray protecteur de la foy
et amateur de toutes personnes de vertu et valeur? au service
duquel j’ay par son moyen acquis ce que le poète donne à
ceux qui ont l’honneur d’agréer aux rois et princes , disant
Entre nous icy bas le los ne vaut pas peu
Aux princes et aux rois d’avoir quelquefois pieu,
parce que preschant le Quaresme à Paris, en l’église de
Saint-Germain de l’Auxerrois, l’an 1567, luy ayant pieu, et
à vous, madame, d’assister le long du Quaresme à mes pré-
dications , non content de m’avoir honoré de plus de faveurs
que ny mes labeurs , ny mes mérites ne pouvoient espérer,
ou attendre de luy, encores voulut-il couronner une infinité
de biens, qu’il luy pleut m’impartir, de ceste introduction
en la bonne grâce du feu roy, qui, à son instigation, me
commanda luy donner la première de mes prédications
(comme je sceus fort particulièrement par tesmoins dignes
de foy) le jour de la Pentccoste en suyvant, en l’église Saint-
Maur-des-Fossez : depuis lequel temps il n’a jamais cessé de
me pourchasser tout le bien et honneur, dont il s’est peu
adviser comme il fait encore, sans jamais se départir de ceste
première bonne affection.
» C’est donc, à juste cause (madame) et à bon droict, que
je me suis enhardy de vous offrir ce mien petit labeur,
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— 320 —
tesmoin de ma fidélité, et sincère affection, que je désire vous
conserver tout le reste de mes jours : qui vous servira, pour
employer les heures auxquelles, quelquefois Tannée, nous
sommes incitez à penser à la vie future et éternelle. Je désire
aussi qu’il vous serve de tableau, pour y voir les traicts
naturels et naifves couleurs des piété et sincérité chrestiennes,
que Dieu avoit mises en lame de feu madame la Princesse
vostre sœur, par le pinceau de la prédication de sa parole :
où elle profita si bien, pour le peu de temps qu'elle a vesceu,
depuis qu’elle fut remise entre les bras de l’Eglise catholique,
nostre commune mère, qu'il s’en trouve peu qui, à l’heure
de la mort, et au besoin en facent de plus claires et naifves
protestations... »
Comme d’habitude, Vépistre est suivie non pas seulement
d’une pièce de vers, mais de deux sonnets et d’une odelette
où est paraphrasée la sentence de saint Paul dans la première
épître aux Corinthiens : Absorpta est mors in Victoria;
puis de six distiques latins sous ce titre ad librum :
Ergo ne, parve liber , volucres prodibis in auras !
Nonne tibi fuerat tutius esse domi ?
Mais l’auteur espère que tout le monde sera heureux de
trouver un soulagement aux terreurs de la mort :
At cui non placeat mortis terrore levari ?
Et c’est précisément ce que fait son livre ; aussi termine-
t-il plein de confiance ;
Ergo âge , vade Liber, tutus volita que per ora :
Namque placere potes , namquejuvare potes.
On voit que l’évêque et le vaillant controversiste n’avait
pas oublié la poésie qu’il avait aimée de jeunesse.
Un autre sonnet encore, signé A. L., termine ces poésies;
il est adressé à R. P. monsieur Arnauld Sorbin, évesque de
Nevers, conseiller et prédicateur du Roy, sur son Des/y de
la Mort .
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Dans l’ouvrage lui-même qui commence ensuite, nous
n'avons rien de particulier à signaler, à part quelques détails
plus intimes et d’un caractère historique sur la conversion et
la mort de Marie de Clèves.
C'est par l’instigation du duc de Nevers, raconte le prélat,
que la princesse fut attirée à « ouïr la première des prédi-
cations catholiques, qu’elle ouït jamais, le jour de Pasques,
en l’année 1569, en la ville de Lyon et en l'église des
Célestins, où, par la volonté dudit sieur de Nevers, je m’ar-
restoy pour prescher les lestes de Pasques. Et sachant le
désir que madame de Nevers, sa sœur, avoit de voir en elle,
ce qu’il a pieu à Dieu y apporter depuis, sçavoir la sincérité
de la foy et exercice de la religion catholique, je m’employay,
revenant de Lyon à Nevers, ayant cest honneur d’estre en
leur barque, depuis Rouanne jusques audit Nevers, à luy
faire paroistre par les raisons plus claires et évidentes, qu’il
m’estoit possible, la différence qu’il y a entre les modernes
opinions et la doctrine vrayement chrestienne : Combien elle
estoit loin du but qu’elle attendoit, qui est la vie éternelle, et
combien Dieu luy feroit de grâce, la mettant en mesme
eschole avec mesdames ses sœurs , attirées en leurs jeunes
ans à mesme danger, mais retirées d’iceluy par la miséricorde
de Dieu le Créateur... » Cependant, ce ne fut que plus tard,
en 1 572, après la Saint-Barthélemy, que la princesse, « sol-
licitée par les honnestes et chrestiennes remonstrances et
exhortations de monsieur et de madame de Nevers , print
résolution d’embrasser la foy catholique pour suyvre et
achever le reste de ses jours en icelle... » Deux ans plus tard,
après une longue maladie, le pénultième d’octobre 1574,
ayant levé les mains et fait le signe de la croix, ne faisant
démonstration aucune de sentir violence ni effort, d’un
doux et gracieux soupir, elle rendait son âme bienheureuse
en mains de celuy qui l’attendait là haut au ciel . Après quoi
c elle fut ensevelie honorablement, selon la coustume de
l’Eglise catholique, en la ville de Nevers, et aux sépulcres
de ses pères, avec la pompe accoustumée d’estre faite à per-
t. xi, 3* série. • 35
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— 322 —
sonnes de sa qualité, par la piété, loyal et fraterne devoir de
monsieur et madame le duc et duchesse de Nevers, ses
frères et sœurs absens toutefois 2.
A la fin du volume se trouve encore une épistre (de quatre-
vingt-trois feuillets) pour une dame du pals de Nivernois,
de la secte que les calvinistes nomment nouvelle, ou religion
réformée , utile pour la consolation de ceux qui ont désir de
se départir de ces opinions-là et revenir au giron de l'Église
catholique, leur mère, par M. Arnauld Sorbin, evesquede
Nevers.
Venite et videte quia ego sum Deus . (Ps. 45; Deuter. , 32 . }
A Paris, chez Guillaume Chaudière... i586.
Ladite épître est précédée, comme généralement tous les
ouvrages de Mgr Sorbin , d'une page où l’auteur souhaite:
Au lecteur chrestien et catholique, salut et paix; puis, de
deux sonnets en l'honneur du Sa inct-Sacrement de l'autel,
aux nouvellement retirez de l’hérésie calvinesque ; ils sont
accompagnés par manière de signature de ces quatre mots :
Plus bien que rien.
Cette épître ne contient d'ailleurs aucun renseignement
historique à signaler. On y voit seulement que la dame en
question avait goûté les exhortations d'un vertueux et docte
homme, le Père Gaspar, de la Compagnie du nom de Jésus,
lequel depuis il avait plu à Dieu appeler à soy; pourquoi, à
cause de sa charge et à raison de l’honorable sang de ladite
dame, le prélat avait pris la peine, durant les prédications
de ce présent Carême , de polir cette épître et de l'agencer de
son mieux.
En terminant, le vaillant polémiste et pieux évêque se
réserve de répliquer contre tous ceux qui voudront contredire
à son épître ; « comme en toute autre chose, qui concernera
le salut de votre âme, je mettrai peine de m’y employer
d'aussi bon cœur, que prie Dieu , madame, vous tenir en sa
grâce, me recommandant très-affectionnément aux vostres.
De mon petit hermitage de Prémery, ce 4 d'octobre 1585. »
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Des trois résidences d’Urzy, Parzy et Prémery que possé-
dait alors Tévéque de Nevers, on voit que Mgr Sorbin
affectionnait surtout cette dernière et spécialement le petit
ermitage qu’il s'était choisi dans les dépendances de ce ma-
gnifique château encore si imposant, malgré les destructions
partielles qu'il a subies.
Deux sonnets à Thonneur du Saint-Sacrement de l'Eucha-
ristie terminent le volume; ils sont signés, comme les précé-
dents : Plus bien que rien , ce qui explique ces quatre lettres
P. B. Q. R. qui se trouvent fréquemment à la suite de
diverses pièces de vers insérées dans les autres ouvrages de
Mgr Sorbin.
Novembre 1884.
L’abbé BOUTILLIER.
IVOIRE LATIN
DU MUSÉE DE NEVERS (i).
Le Congrès archéologique tenu à Nevers en 1852 avait
mentionné, dans sa visite au musée, l’antique ivoire en ces
termes aussi sommaires que vagues (p. 258 ) : « Un frag-
ment de bas-relief en ivoire provenant d’une croix qui se
voyait autrefois à la cathédrale; le style de ce morceau
accuse une époque fort reculée. »
M. le comte de Soultrait ( Guide archéologique dans
Nevers, p. 99) dit aussi, en parlant du musée : c On y
remarque quelques ivoires dont un seul mérite d’être
examiné avec intérêt; c’est, dit-on, un fragment d’une croix
qui appartenait à la cathédrale; ce fragment, qui paraît
antérieur au onzième siècle, représente en bas-relief l’Enfant-
Jésus eramaillotté, avec l’âne et le bœuf, et l’Adoration des
Mages. »
(x) Voir le procès-verbal du 26 mars 1885, p. 291.
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— 324 —
Cependant cette petite plaque, d'ailleurs soigneusement
recueillie (i), placée sous verre, n'avait encore été l’objet
d’aucune étude sérieuse.
Au mois d'août 1884, Mgr Barbier de Montault et M. Léon
Palustre, directeur de la Société française, visitaient ensemble
les musées de Nevers. Leurs regards se fixèrent bien vite sur
notre précieux ivoire. Une description sommaire et minu-
tieuse en fut faite sur-le-champ; on s’enquit des moyens de
faire exécuter un cliché qui servit à faire une héliogravure
pour le Bulletin monumental , et nous sommes heureux, grâce
à l’obligeance de M. Palustre, de la joindre à cet article.
c Je ne vois pas trop, nous disait Mgr de Montault, com-
ment ce petit bas-relief a pu entrer dans la composition d’une
croix. Cette croix était-elle contemporaine de l’ivoire ! On
l’ignore. En tout cas, pour en couvrir la surface, il eût fallu
d’autres plaques empruntées à la vie du Christ. » Il ajoutait :
« En maintenant l'adaptation à une boite, ce que la place
des charnières rend évident, je suis amené à reconnaître que
la croix devait être d’une autre époque que l’ivoire, qui a pu
y être cloué comme objet précieux et antique, dans un temps
où il ne restait plus que cette seule plaque.
» Au surplus , puisque nous sommes en face de l'inédit , du
rare et du beau, nous nous empresserons de lui donner dans
le Bulletin la réclame à laquelle il a droit à tant de titres. »
Voici maintenant le texte même de la description faite de
main de maître par ce savant iconographe (2) :
II.
« La plaque est divisée en deux compartiments égaux,
par des bandeaux chargés d’oves , qui forment cadre saillant
(1) On a eu toutefois le tort grave de la salir en deux endroits par
l’apposition d’un numéro à l’encre, qu’il sera difficile de faire dispa-
raître.
(2) Bulletin monumental , 1884.
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— 327 “
tout autour ; le montant gauche manque en entier, et la
partie supérieure du montant droit fait défaut. La séparation
biseautée entre les deux scènes est décorée de perles allongées,
unies par des perles rondes. Une pièce de même nature
s’étend en haut, comme pour terminer la plaque, qui est
rectangulaire et mesure dix centimètres de largeur sur six de
hauteur, dimensions exactement reproduites par l’hélio-
gravure.
» Les deux scènes se lisent de gauche à droite , comme
dans un livre. Elles représentent la Nativité de Notre-
Seigneur et son Epiphanie. Dans le premier panneau, le
fond du tableau consiste en un mur, percé d’une double
arcade, et régulièrement appareillé. Leur archivolte cintrée
retombe sur une pile, moulurée aux angles ; elle se prolonge
en imposte. C’est le type de l’architecture classique.
» Par ces ouvertures s’avancent vers r la crèche l’âne et le
bœuf traditionnels, comme s’ils venaient du dehors; leur
physionomie, bien rendue, est expressive et intelligente. A
Ja vue de cet âne, jeune et ardent, on se rappelle cette strophe
de la prose qui, au moyen-âge, exaltait ses qualités :
Orientés parti bus
Adventavit asinus,
Puîcher et fortissimus ,
Sarcinis aptissimus ( i).
» Ces deux animaux domestiques sont debout et prêts à
réchauffer de leur tiède haleine le nouveau-né , engourdi par
le froid d’une nuit de décembre.
» L’enfant est déposé dans la crèche où ils prenaient leur
pâture. Cette crèche est également en maçonnerie , haute de
quelques assises seulement et de forme allongée. La paille,
étendue à sa surface, ou peut-être renfermée dans de l’étoffe,
lui tient lieu de berceau. Étroitement lié de bandelettes, les
bras serrés contre le corps, les pieds en avant, à peu près
(i) Annales archéologiques , tome VII, p. 28.
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comme le Santo Bambino si vénéré à Rome, le petit Jésus,
endormi, ne montre à découvert que sa figure rondelette,
enveloppée en manière de coiffe.
» Au second panneau , l’arcade est triple, mais de même
architecture. La Vierge se tient à droite, assise sur une
cathedra recouverte d’une housse ; ses pieds sont chaussés,
et son manteau , en remontant sur sa tête, remplit l’office de
voile. De ses deux mains, elle soutient aux épaules son fils,
vêtu d’une tunique, pieds nus, assis sur ses genoux et les
mains ne faisant aucun geste.
» Vers lui se dirigent , dans la même attitude et avec le
même costume, les trois mages, coiffés du bonnet persan,
chaussés, habillés d’une tunique à double ceinture (aux
aisselles et au-dessous de l’estomac) , d’un manteau qui
laisse les bras libres et d’anaxyrides brodés verticalement, à
la façon des orfrois ou galons de passementerie. De leurs
deux bras tendus , iis offrent simultanément , non successi-
vement, comme on le pratiqua plus tard, leurs présents
symboliques sur des plateaux circulaires, à contour perlé,
semblables aux missoria (i).
» La date de cet ivoire ressort de son style et de son
exécution. Nous ne croyons pas, M. Palustre et moi, qu’on
puisse la reporter au-delà du quatrième siècle et en deçà du
cinquième. L’art est franchement latin et classique, tout en
ne déguisant pas une époque de décadence ; les personnages
sont un peu lourds et trapus ; mais, dans tout l’ensemble, il
y a à la fois de la noblesse, de la simplicité et, sinon de l’art
personnel, au moins de l’art traditionnel. L’artiste, qui vivait
probablement sous Théodose plutôt que sous Constantin,
s’est inspiré de bons modèles qu’il a rendus de son mieux.
Son modelé est satisfaisant , ses personnages vivent et ont de
l’expression ; si les formes sont épaissies , elles n’ont pas du
moins encore subi une altération notable; le relief est puis-
(i) Voir sur les missoria un mémoire de M. de Longpérier dans ses
Œuvres.
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sant , les détails fidèlement accusés ; on s’amuse même à
reproduire la maçonnerie, dont on pourrait compter les
assises et les pierres. Il y a là encore une certaine habileté et
un savoir-faire. Cet art est latin, occidental, italien et sans
doute romain.
» La destination de cette belle plaque nous est attestée par
ses trous et ses entailles. Les trous permettent de reconnaître
qu'elle fut, à l’origine, fixée solidement, non collée (ce qui
eût été plus propre), sur une âme en bois. Les deux encoches,
à la partie supérieure, portant la trace de deux clous, font
supposer deux charnières de métal , auxquelles s’adaptait le
couvercle. C’est donc un petit coffret, dont nous n’avons
plus qu’une seule plaque.
» Domestique et civil, il pouvait servir à renfermer des
bijoux précieux, anneaux et colliers, quelque portion du
mundus muliebris. Qu’on ne s’étonne pas de sa décoration.
Ne voyons-nous pas, à Saint-Vital de Ravenne, au sixième
siècle, dans la mosaïque du chœur, l’impératrice Théodora
porter, au bas de son manteau , orfroi tissé ou brodé, une
Épiphanie analogue.
» Liturgique, il aurait été cette acerra ou alveola (i) dans
laquelle on mettait l’encens et , de ce chef, l'Adoration des
Mages convenait parfaitement à sa destination, car l’Homme-
Dieu y était spécialement reconnu et loué. »
III.
Nous renvoyons au Bulletin monumental pour l’examen
si complet des particularités iconographiques qui distinguent
et recommandent notre ivoire.
Mais voici le texte ( un peu écourté cependant) du dernier
paragraphe de la si belle étude de Mgr Barbier de Montault ,
(i) Alveola I eburnea , in qua thus continetur . (i* r înv. de Bérenger ,
dixième siècle, n° 28.)
t. u, 3* série. 36
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— S3o -
où le sagace auteur entreprend de tenter la restitution de
notre ivoire :
« Cette plaque n’a pas de similaires, en tant que partie de
boîte carrée, les autres étant rondes. Le coffret de Marseille
est au moins douteux, sinon faux (i) ; quant à la boîte du
Luxembourg, M. Bayet la fait descendre au neuvième
siècle ( 2 ). Mais nous avons heureusement pour la compléter,
plus d’une série où figure la vie du Christ : un choix nous
est facile.
» Remarquons d’abord que, d’après les dispositions des
charnières , la plaque de Nevers a été employée comme
couvercle ou comme partie postérieure d’une boite rectan-
gulaire. Je préfère la première destination, à cause de l’im-
portance du double sujet qui y est sculpté.
» Or, le sujet lui-même me met sur la voie à suivre pour
arriver à une restitution complète et satisfaisante. Saint
Fulgence a dit , dans un de ses sermons , que l’unité de foi a
été consommée parle rapprochement du judaïsme et de la
gentilité: la naissance fut saluée par les bergers juifs, la
manifestation du Fils de Dieu provoqua l'adoration des
mages gentils . Ce texte a une valeur spéciale dans la ques-
tion : Ad lapidem angnlarem uterque paries venit et verum
angulum fidei unitas fecit . Horum duorum parietum unus
adductus est , quando pastoribus Judæis Christum natum
angélus nuntiavit ; alter paries adductus est , quando genti-
libus magis novum sidus apparuit. ( Sermo de Epiphania et
Magis , édit. Migne, p. 733.)
» La boîte , par ses angles et sa taille en parallèlipipède ,
ressemble à une pierre angulaire fondamentale. Saint Paul
l’a dit : Petra autem erat Christus (3), et l’Église l’a répété
après lui dans le Pontificale Romanum : Dominum nostrum
(1) Revue du Musée eucharistique de Paray- le -Monial, i 883 ,
pl. VIII.
(2) Page 493 , n° 49 bis .
( 3 ) I ad Corinth., x, 4.
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— 33 1 —
Jesum Christum filium tuum, lapident probatum , angu-
larem , pretiosum , in funiamento fundatum , de quo dicit
apostolns: Petra autem erat Christus (i).
» Il est donc tout naturel que notre coffret, surtout si ce
*ut un coffret eucharistique, soit exclusivement consacré au
Christ, en rappelant les principaux traits de sa vie, qui se
décompose ainsi: figures de Tancienne loi, vie terrestre,
passion et résurrection. Nous avons deux scènes sur huit,
car j’en compte deux pour chaque grand côté et une par
chaque bout.
» Les figures se placent aux deux extrémités : l’une se
réfère à l’Adoration des Mages, l’autre à la Résurrection.
Ainsi s’établit le parallélisme, si fréquent dans l’iconographie
primitive, entre l’Ancien et le Nouveau-Testament. Les trois
jeunes Hébreux, jetés par ordre de Nabuchodonosor dans
une fournaise ardente où le Fils de Dieu se manifeste à eux
et qu'ils exaltent ensuite dans un cantique enthousiaste, par
leur nombre comme par leur acte, présagent les mages
offrant à celui qu’ils reconnaissent pour Dieu les présents
qui, empruntés à la nature, prennent une voix pour le louer
à leur manière ( 2 ). Daniel , enfermé dans la fosse aux lions ,
où il doit mourir de faim et servir de pâture à ces animaux
féroces, prie, les bras en croix; le prophète vient le récon-
forter et il sort sain et sauf de l’abîme de la mort. Ainsi le
Christ, condamné à mort, sommeille sur l’arbre de la croix,
puis ressuscite triomphant (3). Je n’invente ni n’exagère
rien : toute cette mise en scène se trouve à la fois dans les
textes et les monuments.
( 1 ) De benedict. et imposit. prim. lapid . pro eccl. ædific.
( 2 ) J'ai constaté ce rapprochement intentionnel dans les cimetières
de Saint-Calliste et de Priscille, ainsi qu’à un arcosolium du cimetière
de Balbine, qui date de l’époque constantinienne : les trois mages
sont en regard des trois Hébreux. M. de Rossi en a parlé dans son
Bulletin ; il dit que ces fresques « rappellent la destruction de l’ido-
lâtrie et la conversion du monde païen à la vraie foi ».
(3) Sarcophage du Latran, Annal, arch., t. XXIV, p. 265.
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- 332 -
» A la partie antérieure du coffret, je voudrais la chute et
la réparation. Adam, séduit par Ève qui a succombé aux
suggestions du démon, après avoir perdu son innocence et sa
grâce originelle , est expulsé du paradis et maudit dans sa
postérité. A T Annonciation , le message de l’ange et l’accep-
tation de Marie constituent une nouvelle Ève, vraiment
mère du genre humain et qui donnera naissance au nouvel
Adam par qui l’humanité entière sera régénérée.
» Au couvercle, nous réserverons la Nativité et l’Adoration
des Mages, pour montrer que l’Église, en réconciliant ce qui
était divisé jusque-là, a établi un seul pasteur et un seul
bercail, unum ovile et unus pastor...
La Passion et la Résurrection figureront à l'arrière, comme
complément de la manifestation divine. On a le choix entre
la condamnation par Pilate qui se lave les mains (i) ou le
portement de croix (2).
» N’est-il pas vrai que ce symbolisme, résultant de rap-
prochements faits avec intelligence, est tout ensemble sobre,
simple, logique, naturel et à la portée de tous ? Là est sa
beauté et sa force. Quand reviendrons-nous puiser à la
source, nous qui ne connaissons plus que des ruisseaux
dérivés et souvent fangeux ?
» Ainsi interprété, à l’aide de la tradition, on conviendra
sans peine que l’ivoire de Nevers est non-seulement le joyau
le plus précieux du musée de cette ville , mais aussi un
morceau de sculpture dont la France doit être fière. 2
(1) Sarcophage du Latran (quatrième-cinquième siècle), Annal,
arch., t. XXII, p. 25 x.
(2) Ibid.
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— 333 —
LE FAÏENCIER NIVERNAIS
ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES OUVRIERS DES DEUX MONDES
SUIVANT LA MÉTHODE DE M. LE PLAY.
Messieurs ,
M. le Président de la Société des lettres, sciences et arts de
la Nièvre a bien voulu m’inviter à vous donner lecture
d’une étude sur le Faïencier de Nevers , lue à la séance
générale des Unions de la paix sociale de la région du
Centre , qui se tenait cette année à Moulins , comme elle se
tiendra l’année prochaine à Nevers.
Notre président a pensé sans doute que rien de ce qui
touchait à l’histoire de notre province ne devait nous rester
étranger. Si l’étude de nos faïences nivernaises a maintes fois
occupé nos séances, l’étude des faïenciers qui les ont fabri-
quées dans le passé ou qui leur assurent dans le présent et
dans l’avenir de brillantes destinées’, ne saurait nous laisser
indifférents.
A un autre point de vue , la Société de la porte du Croux
suit avec un vif intérêt les travaux des sociétés savantes,
fruits d’une si louable activité dans cette région du Centre
qui nous est chère, non pas seulement parce qu’elle est la
nôtre, mais aussi parce que , placée au milieu et comme au
cœur de la patrie française, elle représente bien vérita-
blement, et peut-être plus qu’une autre, les aspirations, les
besoins, les traditions de la vraie France.
Sous ce rapport encore, et c’est mon excuse, je me suis cru
autorisé à vous présenter, comme je l’avais fait au congrès
de Y Union de la paix sociale de Moulins, l’histoire du
Faïencier nivemais et celle de la Faïence , cette industrie
locale qui nous est précieuse à tant de titres ; mais j’ai pensé
aussi qu’en dehors de la vie de cette famille d’ouvriers niver-
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- 33 4 -
nais, attachée par ses mœurs, ses usages, non moins que
par sa propre volonté , à son pays , à sa profession , à son
travail, à ses traditions locales , il pouvait y avoir quelque
intérêt à vous faire connaître d’abord cette méthode d'obser-
vation connue sous le nom de monographie , créée et appli-
quée avec un rare bonheur par un homme illustre et vénéré
entre tous, M. Le Play.
I.
Personne n’ignore qu’après avoir consacré vingt-cinq ans
de voyages et de recherches à décrire la vie domestique, les
conditions morales, économiques, industrielles des popu-
lations ouvrières de l’Europe, suivant un procédé scienti-
fique, M. Le Play, associant à ses travaux la Société
d’économie sociale, continua son œuvre en étendant ses
observations non plus seulement aux familles européennes,
mais à celles des deux mondes.
Appelé à vous faire connaître une étude conçue suivant
cette méthode, étude déjà ancienne mais toujours actuelle
sur la vie de famille , les travaux et l’industrie d’une popu-
lation d'ouvriers nivernais , nous avons essayé d’en détacher
quelques pages propres à faire saisir à la fois la fécondité
de la forme monographique et l’intérêt qui s'attache, tant
au point de vue de l’histoire du passé qu’au point de vue du
présent, à l’examen des faits en apparence les plus vulgaires
et les plus indifférents.
L'histoire de la faïence nivernaise, l’histoire d’un faïencier,
n’est-ce pas d’ailleurs ici un sujet d’études toujours ancien,
toujours nouveau et tout spécialement sympathique à cette
Société de la porte du Croux qui doit à la faïence une de ses
dénominations les plus populaires , celle de : Société des
pots cassés .
Vous me pardonnerez donc, Messieurs, si , pour accomplir
ma double et difficile" tâche , je prends la liberté, avant
d'entrer dans le récit spécial des faits de la monographie du
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— 335 —
Faïencier nivemais, de vous dire tout d’abord deux mots
de cette méthode de statistique et d’étude que l’Académie des
sciences morales a couronnée comme la meilleure , la plus
exacte et la plus féconde , en émettant le vœu qu’une société
savante prît à tâche de poursuivre et d’étendre les études de
M. Le Play à travers les deux mondes (i). Permettez-moi
d’ajouter que ce vœu a été réalisé et que les monographies
recueillies depuis vingt-cinq ans ont déjà fourni des docu-
ments nombreux du plus haut intérêt.
Quelle est donc cette méthode ? et comment doit procéder
l’observateur?
Veut -on étudier l’histoire sociale, religieuse, morale,
industrielle, économique, agricole d’une famille, d’un
individu , voire d’une profession ? Au lieu de se borner à des
généralités toujours très-vagues et très -peu précises, on
s’adresse à un ouvrier déterminé, à un ouvrier particulier,
en chair et en os, ayant son nom, sa personnalité, son
caractère propre qu’on recueille avec soin ; cet ouvrier a un
état civil; on l’établit; il a une famille, un père, une mère,
une femme et des enfants ; c'est cette famille surtout qu’il
faut étudier en l'observant sur le vif, dans le foyer où
s’élèvent les enfants , dans l’atelier où se gagne le pain
quotidien. C’est à ce foyer tout spécialement que l’obser-
vateur recueillera des documents précieux sur la vie reli-
gieuse , morale , intellectuelle de l’ouvrier ; sur ses habitudes
d’ordre, d’économie, de travail; sur sa santé, son alimen-
tation, sa manière de vivre, ses usages bons ou mauvais,
voire ses croyances et ses superstitions.
Après avoir tracé à traits rapides la situation du pays dans
lequel il habite, l’état du sol et de la population au milieu
de laquelle s’écoule son existence , on l’interroge , non sans
intérêt, sur sa famille, son travail, ses ressources, son
salaire ; on lui fait raconter les phases principales de sa vie ,
( 1 ) Rapport du baron Ch. Dupin sur le prix de statistique.
(Montyon, i856.)
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- 336 -
décrire la partie technique de son industrie et de celle des
siens. On lui demande quels sont ses besoins, ses désirs, ses
aspirations, ses douleurs et ses joies. Rien n'est omis, pas
même ses distractions; et la manière dont il emploie les
jours de fêtes ou de repos. Bien plus , on dresse son budget
de dépenses et de recettes; là doivent figurer l'habitation
avec ses annexes , le vêtement, la nourriture, les besoins de
toute nature et aussi les ressources , salaires , subventions ,
profits ou cadeaux , au moyen desquels la famille fait face à
ses dépenses.
A ces divers objets d’information viennent s’ajouter les
détails les plus intéressants sur la région qu'il habite,
l’industrie qu’il exerce ou les diverses professions qui s’y
rattachent; les rapports des patrons et des ouvriers, les
différents régimes de transmission des biens, les réformes
sociales, juridiques, économiques, réclamées à tort ou à
raison par l’opinion du pays ou par l'ouvrier lui-même.
Le monographe tient la plume; il ne fait que dresser un
procès-verbal ou remplir en quelque sorte mécaniquement
un cadre tracé d’avance par l'auteur de la méthode ; mais
combien ce procès-verbal est éloquent ! comme ce tableau est
saisissant ! C’est que les récits consignés dans ces mono-
graphies peignent l’existence et les émotions des masses
profondes de l’humanité. Ils sont les vrais éléments de
l’histoire morale et de l’histoire sociale du monde.
Puis, quand l’œuvre est accomplie dans sa simplicité et
dans sa précision, il se trouve qu’on a acquis la con-
naissance d’une foule de choses intéressantes. On a accu-
mulé une quantité considérable de documents et on a été
amené à étudier les questions vitales de l’ordre social. Les
plus réfractaires d’abord à cette méthode d’analyse sont dans
l’admiration des résultats qu’elle produit ; ils les obtiennent
eux-mêmes, en quelque sorte à leur insu. Ce qui, au premier
abord, semblait être l’exception, le fait propre à une famille,
se trouve être la règle ou revêtir tout au moins un caractère
d’ensemble et de généralité.
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- 33 7 -
La monographie terminée met en outre en relief la vérité
dans toute sa force. Quand on cherche à dégager de ces
travaux une conclusion pratique, il est démontré que chaque
fois qu’une société , une nation, une famille, un individu
restent fidèles aux préceptes du Décalogue , la prospérité
morale et matérielle en est la conséquence immédiate ; que
si , au contraire , on s’en éloigne , la décadence et la ruine
arrivent forcément. C’est l'enseignement de l’histoire dans la
vie des nations et des peuples; c'est aussi celui non moins
éloquent des monographies , ces modestes annales de l'exis-
tence quotidienne dans la vie des familles ou des individus.
L’étude sur le Faïencier de Nevers , écrite il y a vingt ans
déjà suivant les procédés d’analyse que nous avons pris la
liberté de vous exposer, avait pour but de faire connaître
l’histoire d'une industrie en quelque sorte nationale pour la
vieille cité nivernaise : Elle décrivait les procédés techniques
de la fabrication et les œuvres céramiques dont un art tout
français fit les égales des majoliques italiennes ; mais surtout
elle avait pour objet de mettre en lumière ces habitudes
morales d'une famille vouée au travail, fidèle à ses traditions,
à ses habitudes professionnelles, gardant au milieu des
épreuves et des difficultés de la vie une stabilité séculaire,
sûre d'affronter l’avenir comme elle avait vécu dans le passé.
C’était un document de l'histoire d’autrefois se perpétuant
dans le présent , une étude prise sur le vif de la vie morale
et des conditions d’existence de la famille. On était amené
à étudier par là même le travail du faïencier, son salaire,
ses rapports avec le patron; on y montrait les habitudes
traditionnelles de la profession, l’instruction généralement
plus développée qu’on ne le croit dans l'ancien régime; on y
parlait des divers modes de transmission des biens, de la
liberté de tester, de la prospérité des nombreuses familles.
(Celle qui nous occupe avait à un moment compté dix-huit
enfants.)
On traitait la grave question de l'immixtion de l’État dans
le travail , et plus spécialement de son intervention toujours
t. u, 3* série. 37
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— 338 —
fatale dans l'industrie d'art et de luxe , comme la céramique,
par exemple , au sujet de laquelle personne n'ignore que la
fabrication de Sèvres, entre les mains de l’État, aussi bien
que celle des Gobelins, est et demeurera éternellement
stérile.
A ne considérer ces documents qu’au point de vue pure-
ment historique, il n’est pas douteux, pour quiconque a
souci du maintien des vieilles mœurs et des vieilles tradi-
tions, que ces questions d’archéologie sociale, morale ou
économique, présentent tout au moins le même intérêt que
l’examen d’une médaille gallo-romaine, d’un monument
byzantin, d'un manuscrit du quinzième siècle, ou d’un
jeton du temps de Louis XIV.
II.
Je n’aurais garde toutefois de vous présenter dans son
entier la volumineuse histoire de Y Ouvrier faïencier f avec
toutes ses annexes, ses notes, et les questions qu’elle fait
surgir. Le court extrait des observations consignées en 1864
et résumées vingt ans après, sur la demande du comité de
Y Union de la paix sociale , a surtout pour but de montrer
que l’attachement à la profession , la stabilité dans le travail
et dans l’atelier, le maintien de la famille au même foyer, la
permanence des engagements avec le patron, la pratique
constante des préceptes du Décalogue, sont les sources les
plus fécondes de l’harmonie et de la prospérité matérielle, en
même temps qu’ils sont les principaux auxiliaires de la reli-
gion et de l’ordre moral.
Aussi bien les changements survenus dans la famille par
la mort et les circonstances n’ont pas modifié sensiblement
la portée des observations relatées dans la monographie:
vraies en 1864, elles le sont encore aujourd'hui.
Mais, avant d’entrer dans le détail de la vie de l 'ouvrier
faïencier, peut-être convient-il, pour me conformer aux
enseignements de la méthode de M. Le Play, de vous faite
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- 33 9 «
connaître rapidement l’industrie à laquelle se réfère cette
monographie.
S
L’art de la poterie est aussi ancien que le monde ; c’est
celui qu’assurément, après l'art de fabriquer des armes pour
leur défense et quelques tissus grossiers pour leur vêtement ,
les hommes durent cultiver le premier.
On employa d'abord le limon des fleuves desséchés au
soleil; on imagina ensuite de soumettre à l’action du feu
cette terre pétrie et délayée que la moindre humidité rendait
à sa nature première. L’argile devint solide et résistante,
mais elle restait poreuse et perméable; elle transmettait aux
aliments un goût désagréable ; elle présentait d'ailleurs aux
yeux l’aspect Jrougeâtre de la brique. 11 fallait trouver une
couverte, une glaçure, un vernis. Ce fut le premier degré de
l’art céramique : c’est une glaçure vitrifiée que nous retrou-
vons sur les vases grecs ou étrusques ; c'est un vernis qui
nous apparaît sur les œuvres de Bernard Palissy, sur les
faïences d'Oiron ou sur les poteries arabes; vernis trans-
lucide et fragile qui recouvre à peine le vase et dissimule mal
la couleur de la terre. Cette glaçure et ce vernis laissent
subsister dans son entier le problème tant cherché de
l’émail.
Par quels miracles de patience, de génie, de bonheur ce
problème fut-il résolu? Après combien de recherches la
précieuse faïence fut-elle découverte par Lucca délia Robbia ?
Comment les riches majoliques hispano-arabes pénétrèrent-
elles de l'île Majorque en Italie; comment l'émail stanni-
tère, c’est-à-dire à base d’étain, l’émail opaque, imperméable,
inaltérable, apte à recevoir des métaux les plus brillantes
couleurs, fut-il apporté à Nevers ? Nous n’avons pas à le
redire ici. L'histoire en a été narrée éloquemment dans un
livre qui est aujourd’hui encore l'œuvre classique de notre
Société : La Faïence , les Faïenciers et les Émailleurs de
Nevers, par M. L. du Broc de Segange, auquel tous les
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— 340 —
érudits de la céramique, tous les amateurs de l’art , tous les
initiés de la faïence se plaisent à rendre hommage. Pourquoi
faut-il qu’en citant l’œuvre capitale de notre cher et savant
confrère il faille aujourd’hui pleurer sa mort et rendre seule-
ment à sa mémoire l’hommage de nos regrets ?
On raconte que, vers la fin du seizième siècle, un gentil-
homme italien de la suite des princes de Mantoue, qui
occupaient alors le duché de Nivernais, aperçut, en se pro-
menant aux environs de Nevers, une argile plastique tout à
fait semblable à celle dont les potiers de Savone et d’Albissola
modelaient leurs chefs-d’œuvre. Il expérimente la terre; il la
couvre d’émail et de peintures à la mode de son pays.
L’expérience réussit pleinement. Aussitôt les artistes mode-
leurs et peintres accourent d’Italie. Nevers devient le centre
d’une fabrication céramique qui bientôt va rayonner sur la
France entière.
L’ouvrier qui fait l’objet de cette monographie est, comme
tant d’autres, un descendant de ces premiers faïenciers
nivernais; peut-être même, si j'en juge à la terminaison
italienne de son nom, ses ancêtres venaient-ils, avec les
Custode et les Conrade, de ce duché de Mantoue, berceau de
notre art céramique, et en apportait un art et des traditions
nouvelles.
Ce qui est certain, c'est qu’en 1864 notre ouvrier,
François G..., se faisait gloire d’être depuis deux cent
cinquante ans, de père en fils, « dans la faïence ». Sa
femme, Claudine L..., se vantait d'avoir par ses parents une
même origine, et cette origine était par eux considérée
comme un titre de noblesse.
La maison qu’ils habitaient était dans la famille depuis
un temps immémorial. C’était encore une maison profes-
sionnelle , située dans la partie basse de la ville , en plein
quartier de faïenciers , presqu’en face de cette vieille église
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de Samt*Genest , qui fut longtemps la paroisse exclusive des
potiers. A l’époque où Nevers comptait onze fabriques de
faïence , les artisans de Y art de terre formaient comme une
cité à part, ayant leur vie propre, leurs privilèges, leurs
coutumes, auxquels tous restaient invinciblement attachés.
Il faut le reconnaître, ce temps est déjà éloigné. Si le
vieux quartier subsiste encore aujourd’hui avec ses maisons
basses et ses fenêtres étroites, il n’est plus habité qu’en partie
par les hommes de métier.
La faïence, non plus que la verrerie, ne confère guère la
noblesse. La vieille église a été transformée en brasserie, et
beaucoup de fils de faïenciers , oublieux de la coutume , sont
aujourd’hui commis de magasin , hommes d’équipe de
chemin de fer, clercs de notaire ou terrassiers, heureux
encore s’ils ne sont pas inféodés à quelque loge maçonnique,
en révolte ouverte avec la religion que pratiquaient leurs
pères.
La plupart des onze fabriques en activité à l’époque de la
Révolution ont vu s’éteindre leurs fours. Quatre subsistaient
en 1864. Il n’en reste plus qu’une aujourd’hui, celle
de M. Montagnon, qui a du reste concentré en une seule
maison le matériel et le personnel des quatre autres. Seul
patron d’une population ouvrière encore nombreuse, il
maintient sa fabrication dans un état prospère. Il a per-
fectionné l’outillage , donné à la faïence artistique une plus
grande extension, réformé des abus, apporté de sages
modifications aux réglements et au laisser-aller de la
fabrique; par-dessus tout il lutte par l'exemple, par la
parole , par l’action , et aussi par le maintien des vieilles et
saines coutumes, contre les entraînements de la Révolution
et de l’antagonisme.
Au point de vue technique et matériel , l’art de terre n’a
point ou presque point changé; la fabrication suit les mêmes
errements que par le passé et laisse subsister les mêmes
pratiques, à cette différence près que les patouilleurs otf
patouilloux , les pétrisseurs et marcheurs de terre chargés
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de préparer l’argile avant que de la laisser pourrir durant de
longues périodes dans des caves , sont aujourd’hui remplacés
par des malaxeurs mécaniques mus par la vapeur, qui
abrègent singulièrement le temps de la préparation.
Quant aux éléments qui composent la terre, l’émail , les
couleurs , ils sont les mêmes qu’autrefois ; ils sont préparés
de la même façon. L'argile, d’abord pétrie, condensée,
malaxée, est livrée au tourneur et au mouleur pour être
travaillée sur des tours horizontaux, qui ne diffèrent point
sensiblement de ceux des potiers antiques d’Athènes ou de
Corinthe. Quand la pièce est tournée, ajustée, polie, raclée,
finie ; quand elle a séché à l'atelier, le patron en prend
livraison et la paye au tourneur-modeleur suivant des tarifs
qui n'ont, pour ainsi dire, point varié depuis deux cents
ans. C’est un fait assez remarquable pour qu'il soit consigné
ici.
Mais si le prix des objets fabriqués à la pièce , suivant
une pratique excellente , dans des ateliers séparés où
l’outrier travaille à son compte, si ces prix n’ont pas varié,
si même ils ont plutôt diminué, il est à remarquer que le
salaire des ouvriers a augmenté dans une assez large
proportion. C'est le résultat d’une organisation meilleure
dans l’atelier, d’un travail plus assidu exigé par le patron ,
même pour l’ouvrage à la tâche. C’est la conséquence de
réformes intelligentes dont il faut renvoyer l’honneur à
M. Montagnon. C’est aussi le fruit d’une activité plus
grande, d’une habileté de main , d’une rapidité d’exécution
qui se sont précisément développées chez les ouvriers au
moment même où , par suite de la crise industrielle , le
patron se voyait obligé d’abaisser ses salaires de iop. o/o.
C’est ainsi que tel ouvrier tourneur, qui ne gagnait
autrefois que 4 fr., en gagne aujourd’hui 5 , 6 ou 7, suivant
qu’il est plus ou moins habile.
La poterie cuite en biscuit , c’est-à-dire en terre rouge, est
trempée dans Y émail qui doit lui donner l’aspect blanc, poli
et brillant de la faïence.
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C'est de la confection de cet émail à base d'étain que
dépend en grande partie la réussite de la pièce. Si elle est
destinée à rester en émail blanc , elle passe au feu pour la
seconde fois. C’est le sort des pots de confitures, des assiettes
blanches, des soupières et aussi de ces vases d’un usage moins
noble encore, mais absolument usuels, qui sont chaque
jour expédiés à Nantes en quantité effroyable pour le service
de l’Amérique et des Deux-Mondes.
Si , au contraire , la faïence est destinée à être décorée ,
après avoir été passée dans l’émail cru , elle est livrée aux
peintres décorateurs.
S’agit-il de ces assiettes, de ces pots, de ces saladiers aux
couleurs réjouissantes, aux décors naïfs qui font l’ornement
des dressoirs rustiques, l’artiste y inscrira, soit à l'aide d'un
poncif, soit à main levée , un coq au brillant plumage , un
oiseau fantastique, une fleur aux pétales épanouis, parfois
une légende de l'ancien temps. Ce décor tout primitif n’est
pas seulement un reste des anciennes traditions. Il est
absolument conforme au goût du public des campagnes de
France ou de l’étranger. Tous les efforts tentés pour
améliorer ces peintures et relever le dessin par trop lâché
de ces motifs ont échoué devant la volonté bien arrêtée des
consommateurs.
On a dû garder les coqs traditionnels et les rosaces jaunes
et bleues, des vieux saladiers. Les spécialistes qui produisent
ces étonnantes images, grâce à l'extrême rapidité d'exécution
à laquelle ils sont arrivés, peuvent gagner des journées de 5
et 6 fr., alors que les produits de leur art ne dépassent pas le
prix le plus minime.
Il n'en est pas de même des faïences d’art destinées à
l'ornementation des murs , à l’embellissement de la maison ,
surtout à la satisfaction d’un sentiment artistique qui prend
chaque jour un plus grand développement.
C’est cet art qui fit au seizième siècle la renommée d'Urbino
et de Faenza, de Gubbio, de Gênes et de Savone, comme il
devait faire, un siècle plus tard, la renommée de Nevers.
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— *44 “
Au dix-septième siècle , nos artistes peintres décoraient ces
grands vases, ces bassins, ces aiguières, ces plats immenses,
ces plaques et ccs carreaux , dont les personnages largement
traités, les riches décors, les couleurs éclatantes, font aujour-
d'hui encore l’ambition [des musées qui se les disputent à
prix d’or.
Puis voici qu’après un demi-siècle de décadence et d'oubli,
les traditions artistiques du vieil émail stannifère reprennent
une nouvelle faveur. Les décorateurs de Sèvres, les peintres
de porcelaine eux-mémes cherchent à copier les dessins et les
effets de l’antique faïence , et c’est Nevers encore qui prend
dans cette voie une glorieuse et féconde initiative.
Que si, entrant dans une voie nouvelle, l’art céramique
venait à prêter son concours à l'architecture ; si dans l’orne-
mentation des édifices, les médaillons, les balustres, les
vases, les bas-reliefs, les plaques indélébiles aux intempéries
des saisons , inaltérables au temps , étaient appelés à mêler
aux tons de la pierre leurs brillantes couleurs, nul doute
que la faïence de Nevers ne vît s’ouvrir de nouvelles desti-
nées, au grand honneur de l’art, au grand profit des ouvriers
modeleurs, tourneurs, émailleurs ou peintres, dont nous
cherchons à vous retracer les conditions de travail et d’exis-
tence.
III.
Si maintenant, quittant les généralités de la fabrique,
nous passons au foyer domestique de l’ouvrier dont nous
avons décrit la vie et les mœurs, qu’y voyons-nous? Ud
honnête homme, aux habitudes modestes, laborieuses,
intelligent, instruit, sobre, économe, dévoué à sa femme et
à ses enfants , plein de déférence pour son patron, attaché à
sa profession , religieux plutôt par le sentiment que par
l’observation stricte des prescriptions de l’Église, mais
adonné à la pratique du bien. Il est bon et charitable ; il est
universellement estimé et considéré; il a été maître en
charge de la confrérie et conseiller de son association de
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- 345 —
secours mutuels ; on le prend souvent pour arbitre et pour
conseil. 11 a soixante-huit ans ; mais , malgré les privations
et les maladies, il a encore bon courage, bonne santé et cœur
au travail. — Sa femme, douce, modeste, laborieuse, pieuse,
a soixante-six ans; elle vaque aux soins du ménage et elle
trouve moyen d'aider son mari dans son travail de mouleur.
Elle est l’àme de la maison, le bon conseil et le bon génie de
la famille. Surtout n'oublions pas de dire qu'elle a eu dix-
huit enfants , dont elle a nourri le plus grand nombre, sans
que, à part le temps des couches, sa santé paraisse avoir
souffert de ces rudes fatigues de la maternité. Sur ces dix-
huit enfants, dix, il est vrai, sont morts à des époques
diverses. En 1864, huit étaient encore vivants et honorable-
ment placés : les filles bien mariées, les fils tous employés à
la fabrique de faïence, en vertu de cette hérédité de la
profession à laquelle la famille se fait gloire d’appartenir
depuis deux cent cinquante ans.
Ce sentiment très-vif de l’ancienneté professionnelle, nous
tenons à le mettre en relief comme un des caractères
distinctifs du Faïencier nivemais , non moins que l’atta-
chement à la vieille maison de famille dont les époux se
montrent fiers à juste titre. C’est là qu’habite encore aujour-
d’hui, âgée de quatre-vingt-huit ans, presque sans infirmités,
la veuve de l'ouvrier, la mère des dix-huit descendants des
faïenciers nivernais; elle est là avec ses deux filles, son gendre
et ses petits-enfants, entourée de respect et d’affection.
Nous signalons aussi cette fécondité du mariage, qui
n’était pas exceptionnelle dans les familles d’ouvriers du
temps passé. Cette fécondité, loin d’être considérée comme
une source d’appauvrissement pour le sol et pour la famille,
était quelquefois une cause de prospérité et de bien-être. Ici
les aînés sont venus de bonne heure en aide à leurs parents;
ils ont fourni des soldats au pays, des ouvriers habiles à leur
profession; la plupart ont fait souche; aucun des enfants
n’a connu la gêne , et l’aîné, qui remplace le père, occupe
aujourd'hui dans la fabrique un poste important. Tous les
t. n, 3 * série. 38
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- 346 —
enfants, d’ailleurs, ont pu recevoir une instruction assez
développée. L'un d’eux avait été admis à une bourse du
lycée de Bourges; mais il est mort à quinze ans. Un autre
avait utilisé très-fructueusement au profit de sa profession
renseignement du dessin qu’il avait reçu chez les frères. Il
gagnait 6 fr. par jour comme peintre faïencier, et il en eût pu
gagner 1 5 , s’il eût accepté les offres qui lui avaient été faites
à Paris. Il préféra ne pas quitter la maison paternelle; tout
en payant à ses parents une pension de 5 oo fr. pour sa
nourriture et son logement, il put, à l’aide de ses ressources
personnelles, acheter une vigne dont l’exploitation servait
de distraction et de ressources à la famille. 11 est mort il y a
quelques années , laissant à deux de ses frères ou sœurs une
petite fortune de 10,000 fr., fruit de ses économies et de son
travail.
Enfin un autre des fils, qui vivait en 1864 au foyer
paternel, était particulièrement disgracié; bossu, impotent,
faible au point de ne pouvoir se tenir debout ; à peine
pouvait-il aider son père comme manœuvre à la confection
des pièces de faïence. Cependant, grâce à son instruction et
à son intelligence, ce jeune homme put occuper jusqu'à sa
mort un emploi utile à la fabrique pour la réception des
marchandises et la comptabilité. Son salaire était plus élevé
que celui d’un faïencier ordinaire.
Malgré les vicissitudes de sa vie et ses nombreux enfants,
l’ouvrier a pu mettre de côté quelques économies. Membre
assidu d’une société de secours mutuels dite de Saint-François-
Xavier, il est assuré par sa retraite contre les éventualités de
la vieillesse et celles de la maladie. Sa maison est propre ,
agréable; la tenue de ses vêtements excellente; il aime à
fréquenter ses confrères et ses amis les faïenciers, à voir du
monde, à causer; il a toujours été en rapports excellents avec
son curé ; mais il n’observe pas très-fidèlement le précepte du
repos du dimanche ; c'est le plus grand reproche qu’on lui
puisse faire. Il lit volontiers; mais la déplorable lecture du
Petit Journal , le seul qui lui tombe sous la main et qu’il
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— 347 —
achète chaque jour, n'est pas sans avoir porté atteinte à la
rectitude de son jugement.
G... ne partage pas les habitudes d’ivrognerie qui sont de
temps immémorial le côté faible des faïenciers deNevers,
grands beuveurs en leur beuverie . comme au temps de
Rabelais. Sous prétexte que la chaleur de Tatelier donne
envie de boire et que la poussière desséchante de la terre
altère le gosier, on les voit , suivant en cela encore les
traditions du vieux temps, accomplir des exploits dignes de
Pentagruel. Tout dernièrement encore , des compagnons
faïenciers, bons ouvriers d’ailleurs, gens économes et de
précaution, avaient fait venir pour leur famille un petit
tonneau de vin , non frelaté, afin de lavoir, par le moyen
de l'association, à meilleur compte. La société coopérative
improvisée se rend à la gare pour prendre livraison du vin.
On veut le goûter; c’est trop juste. On le trouve exquis. On
le goûte encore, tant et si bien que, séance tenante, le fût se
trouve vide, sans qu’une seule goutte du liquide soit entrée
à la maison des ayants-droit.
Ces gais compagnons sont d’ailleurs, comme la plupart des
populations du Centre, insoucieux de l’avenir, assez indif-
férents aux idées religieuses , aux sentiments généreux , peu
disposés aux innovations, aux progrès, difficiles à émouvoir
pour le bien comme pour le mal. La force de l’habitude et
de la routine les maintient dans le statu quo. C’est pour
cela peut-être que la plupart des faïenciers restent au pays,
sans chercher trop à courir au dehors les risques d'un chan-
gement de position.
Il est juste de dire cependant qu’en dépit de cette indiffé-
rence le faïencier nivernais a l’esprit de corps, le sentiment
de la solidarité et de la charité ; pour les confrères dans la
détresse, il n’est sorte de sacrifices qu’il ne s’impose. Fran-
çois G... a souvent pris l'initiative d’œuvres de confraternité
de ce genre.
Avant ces dernières années , quand le culte civil de la
franc-maçonnerie n’opprimait point encore les consciences
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- 3 4 8 —
de ces braves gens , tous ou presque tous faisaient partie de
la confrérie. On célébrait avec une scrupuleuse exactitude la
fête du patron, saint Antoine ermite. La tradition rapporte
que la cruche du saint s 'étant un jour cassée au désert, il la
raccommoda ou plutôt la rétablit dans son intégrité première
par la vertu seule de sa prière. C’est à ce titre que nos
ouvriers le prirent pour patron de la faïence, bien qu'à vrai
dire leur méthode de fabrication diffère entièrement de celle
du saint ermite. Toujours est-il que le premier lundi de
juillet, les faïenciers de la confrérie se rendent à la cathé-
drale, assistent à la grand 'messe et aux vêpres. La statue en
faïence de saint Antoine, vieille et mutilée, mais précieuse
par son ancienneté , est portée par le maître en charge de la
confrérie , lequel est nommé pour deux ans. Les cotisations
des confrères subviennent aux frais du culte, aux dépenses
des cierges et du pain bénit que tous tiennent à offrir à tour
de rôle. Ces cérémonies et les pratiques qui s’y rattachent
n’empêchent pas que le soir on ne fête saint Antoine à
l'aide de la dire bouteille ; mais elles prouvent encore
dans une population indifférente et hostile parfois aux
choses religieuses la force de la tradition et le maintien de
la coutume.
La vérité oblige à reconnaître que ces traditions, vraies il
y a quelques années encore, ont absolument disparu aujour-
d'hui. La confrérie a été dissoute, bien que quelques ouvriers
ne désespèrent pas de la voir se reformer.
§
Quant à l’ouvrier dont j’ai essayé de vous décrire la pro-
fession et la vie, il est à la vérité meilleur que les autres , il
n’est point absolument une exception ; mais j’ose affirmer
que si son existence s’est accomplie heureusement, fructueu-
sement, utilement; s’il a, au milieu de luttes incessantes ,
triomphé des difficultés de la vie; si sa famille a mérité
d'être citée comme une famille prospère, il ne le doit qu'à la
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— 349 —
pratique des préceptes du Décalogue sur lesquels repose tout
ordre social.
De cette monographie ressort, ce me semble, nn autre
enseignement : ces vertus de famille, ce travail persévérant,
ce courage, ces bonnes mœurs, cet attachement à la pro-
fession , ces enseignements laissés aux enfants , et qui dans
une large mesure subsistent encore aujourd’hui, prouvent
que, malgré bien des déchéances, toute vie morale n'est
point éteinte dans la vieille cité des Conrade et des Custode.
Toute espérance ne saurait être perdue de réveiller dans nos
populations le sens du bon et du bien et l'observation de la
loi de Dieu.
Si d’ailleurs il est vrai que l’art auquel touche de si près
l’industrie céramique soit capable de rendre à nos provinces
quelque activité, de susciter chez elles des forces ignorées ou
méconnues, nous appelons de tous nos vœux pour Nevers
une ère de restauration artistique , nous souvenant que les
temps qui virent fleurir au plus haut degré les arts et les
industries locales , furent aussi ceux où l’esprit de la cité, le
sentiment du droit, de la liberté, l’amour de Dieu, du
devoir et de la patrie, furent le plus en honneur.
Ern. DE TOYTOT.
SÉANCE DU 30 JUILLET 1885.
Présidence de M. Roubet.
Etaient présents : MM. Roubet , président ;
Ernest de Toytot, secrétaire ; Canat, conserva-
teur du musée ; le comte de Soultrait , le docteur
Subert, de Charrant, Griveau, de Rosemont,
l’abbé Fouché, l’abbé Bonoron, de Flamare ,
Duminy.
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— 35o —
M. le comte de Soultrait a reçu de M. le comte
de Chastellux des pièces fort intéressantes rela-
tives aux mines de Chitry, destinées à nous être
communiquées.
La Société adresse des remerciements à MM. de
Chastellux et de Soultrait.
M. Griveau dépose sur le bureau , à titre
d'hommage, un ouvrage en deux volumes, intitulé :
Étude sur la condamnation du livre des
Maximes.
M. le docteur Subert donne lecture d’une notice
sur la vie et la mort de M. l’abbé Lebrun, par
M. l’abbé Boutillier.
Cette notice sera insérée au Bulletin .
M. le comte de Soultrait témoigne le désir qu’il
soit aussi rendu un hommage spécial à un de nos
regrettés confrères , M. du Broc de Segange.
MM. les abbés Boutillier et Marillier présentent
à la Société M. le comte du Hamel de Breuil,
propriétaire au château de Reconfort, commune
de Monceaux-le-Comte.
MM. le comte de Soultrait et Roubet présentent
M. Rocoflfort , membre du conseil général et
écrivain distingué, propriétaire au château de
Retz, commune de Toury-Lurcy.
MM. le comte du Hamel de Breuil et Rocoffort
sont admis.
M. Roubet donne communication d’une note
relative au siège du château de Cuffy.
M. le comte de Soultrait rend compte du
congrès de Montbrison, auquel il a assisté. Il
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- 3 5 i -
expose ensuite l’histoire d’un manuscrit, ouvrage
autographe de la main de Guy-Coquille , sur les
libertés de l’église gallicane, qui se trouve en sa
possession.
M. de Soultrait montre aussi une de ses reliques
bibliographiques : les Œuvres de Jean Coquille,
chanoine de Nevers et professeur de belles-lettres
au commencement du seizième siècle.
Ce J. Coquille , né à Decize , était vraisembla-
blement de la même famille que le jurisconsulte,
sans cependant qu’on le puisse démontrer.
SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1885.
Présidence de M. Roubet.
Étaient présents : MM. Roubet, président;
l’abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de
Toytot, secrétaire ; Canat, conservateur du
musée ; Duminy, archiviste; le comte de Soultrait,
Roblin, le vicomte de Maumigny, de Quirielle,
le docteur Subert, Henry d’Assigny, de Rosemont,
l’abbé Fouché, de Flamare.
M. le Ministre de l’instruction publique et des
cultes adresse à la Société le programme du
congrès des sociétés savantes à la Sorbonne.
Le secrétaire donne lecture de ce programme.
M. de Flamare lit un travail très-intéressant sur
la cinquième croisade et les chevaliers teutoniques
en Nivernais. Ce travail sera inséré au Bulletin.
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— 35 a —
Le Bulletin de la Société des sciences histo-
riques et naturelles de V Yonne (année 1885 ,
39 e volume), publie la correspondance de l’abbé
Lebeuf avec le président Bouhier en 1734.
Lecture est donné d’une lettre de l’abbé Lebeuf,
relative à la célèbre inscription Ande Camulos,
autrefois incrustée dans les anciens remparts de
Nevers, dont le fac-similé est reproduit dans le
Bulletin de l’Yonne.
La Société décide qu’il y a lieu de reproduire
dans notre Bulletin le fac-similé de cette pierre,
encore inexpliquée , avec la lettre de l'abbé
Lebeuf et la réponse du président Bouhier.
M. l’abbé Boutillier signale dans ce même
Bulletin de l’Yonne trois articles intéressants sur
les cahiers des doléances des paroisses des bail-
liages d’Auxerre pour les États-Généraux, par
M. Ch. Demay.
Parmi ces paroisses , un certain nombre du
bailliage d’Auxerre nous intéressent comme faisant
partie du Nivernais : Amazy, Argenou, Arquian,
Billy, Breugnon, Champlemy, Dampierre, Oisy,
Oudan, Parigny-la-Rose , Saint- Andelain , Saint-
Cyr-les-Entrains, Saint-Martin-du-Pré, Villiers-
le-Sec.
M. le comte de Soultrait communique cinq
éditions gothiques de la Coutume du Nioernois ,
toutes d’une grande rareté , et dont deux en parti-
culier méritent d’attirer l’attention ; ce sont les
seuls exemplaires connus de ces éditions.
La première, qui est certainement l’édition
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- 353 -
princeps de notre Coutume , est sans indication de
date et de lieu d’impression. C’est un petit in-4 0
gothique de quarante feuillets non chiffrés , à
vingt-neuf lignes par page pleine.
En voici le titre : Les Coustu | mes des pays de
Nyuernois | et de Donziois fait a Neuers par
assemblée | des trois estatz et par auctorite \ du
prince desdictz \ pays.
La rédaction de cette Coutume a été enregistrée
lan mil quatre cens quatre-ointz et dix , ainsi
qu’on le voit au recto du quarantième feuillet par
une attestation datée de Nevers, le 28 e jour de
juillet l’an 1494, et il est très-probable que l’im-
pression du livre aura suivi de fort près cette date.
On remarque sur le titre l’écusson de Bourgogne-
Nevers (de France, à la bordure componée
d’argent et de gueules), et une L majuscule fleu-
ronnée , gravée sur bois d’une manière élégante,
comme le sont les autres majuscules qui ornent le
livre. La ville de Nevers n’avait pas encore d’im-
primeur en 1494 ; notre Coutume paraît sortir
d’une presse lyonnaise.
La seconde édition est de 1503. En voici le
titre : Le Coustumier des pays de | Niuernoys et
Donzioys | faict à Neuers par assem | blee des
trois estatz et par | auctorite du Prince desdictz
pays. — Puis on lit au recto du dernier feuillet :
Cy finit le coustumier du pays de Niuernois
et | Donzioys Imprime a Paris Par Iehan De
Couloces | Imprimeur libraire et marchant
demourat en la rue Sainct laques a l’enseigne
T. u, 3* série. 3 9
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- 35 4 “
des Chantres Lan mil cinq | cens et trois le
XXIX. iour d’auril. — In *4° gothique de qua-
rante-deux feuillets.
Cet exèmplaire porte la signature et des anno-
tations autographes du jurisconsulte Brodeau.
Cette édition contient de plus que la précédente
les neuf articles discordes et non enregistres ou
coustumier cy-deuant escript , mais on n’y a pas
réimprimé les nom et surnoms de ceulx qui ont
signé de leurs seignes manuels a la fin de ces
présentes coustumes, qui se trouvent dans la
première édition.
La troisième édition, de 1518, est identique à
celle de 1503.
La quatrième édition donne le texte de la nou-
velle rédaction de la Coutume de 1 534 ; elle a été
imprimée en 1535 par Nicolas Hieman, impri-
meur pour honeste personne Jehan Le Noir
marchant libraire demourant à La Charité
près la halle a lenseigne Sainct Jaques ou ils se
vendent et a Neuersa lenseigne Sainct Roc rue
de la Saueterie.
La cinquième édition, donnant le même texte
que celle de 1535, fut imprimée en 1546 par
Jehan Real imprimeur pour Guillaume Le Bret
libraire et messaiger iure de lunioersite de
Paris demourant au clos Bruneau a lenseigne
de la Corne de Cerf.
Ces cinq éditions sont fort remarquables comme
typographie, surtout celles de 1494 et de 1535.
M. de Soultrait communique aussi à la Société
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— 355 —
un manuscrit, daté de 1514 , de la coutume locale
de la Justice de Saint-Pierre-le-Moustier. Une
note de Parmentier, à qui a appartenu ce volume,
apprend qu’il est de la main de Jean Guyot,
licencié ès-lois, lieutenant particulier de Saint-
Pierre-le-Moustier en 1514.
Il communique encore un exemplaire de
Y Abrégé historique du prieuré de La Charité ,
ouvrage assez rare de Bernot de Charant, à la
suite duquel sont reliés 165 feuillets manuscrits,
contenant des extraits des anciens registres de la
ville de La Charité , les noms des échevins de la
ville, etc., à partir de 1547.
M. le président Roubet donne lecture de la
première partie d’un travail intitulé : Une visite à
l'abbé Berthier, 1640 .
SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1885.
Présidence de M. Roubet.
Étaient présents : MM. Roubet, président ;
l’abbé Boutillier, vice-président ; Canat, conser-
vateur du musée ; Duminy , archiviste ; Charles
Deton, président de l’Académie de Mâcon ; l’abbé
Foucher, Griveau, l’abbé Pot, Robelin, le docteur
Subert, de Rosemont, Decray, Col, Jullien, de
Lespinasse, de Flamare.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu
et adopté.
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— 356
M. Duminy fait observer qu’un certain nombre
de volumes manquent à la bibliothèque depuis
longtemps; il fait appel aux membres qui pour-
raient les détenir.
M. le Président donne lecture d’une lettre du
ministère de l’instruction publique demandant une
collection du Bulletin de la Société pour la
bibliothèque du musée du Trocadéro. L’envoi sera
immédiatement fait.
M. Lallemand fait hommage à la Société d’un
exemplaire de son Histoire des enfants aban-
donnés. M. le Président donne lecture de la lettre
d’envoi de l’auteur.
M. le docteur Subert veut bien se charger de
faire un rapport sur cet ouvrage.
M. Subert dépose sur le bureau le Rapport
sur les travaux des conseils d’hygiène de la
Nièvre pour l’année 1884.
M. Col dépose sur le bureau une histoire des
seigneurs et du comté de Gien.
M. l’abbé Boutillier donne lecture d'un article
de M. Chabouillet, inséré dans le Bulletin des
comités des travaux historiques (Archéolo-
gie 1883 ), sous ce titre : « Jeton de cuivre du
XIV e siècle ».
Ce jeton porte pour légende sur la face princi-
pale :
t MAIN : PREVDONS EN EST DECEVS.
Et sur l’autre : f Parra. m. ovs. svi done.
Il manque , paraît-il , à la bibliothèque nationale
et est sans doute inédit.
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— 3 57 —
M. l’abbé Boutillier Jprésente un jeton absolu-
ment identique faisant partie de sa collection et
dont voici les légendes, ainsi disposées : face :
f main : prevdons en est dec. — Revers : PAR
AMOVRS. SUI. DONÉS.
En réponse à l’observation de M. Chabouillet
que la légende Par amours sui doné, fréquente
sur les jetons, fait allusion à l’usage de distribuer
en certaines occasions des jetons, M. l’abbé
Boutillier présente un autre jeton offrant sur la
face : une tête couronnée dans un trilobé , avec la
légende : f getes contes, sovmes ben ; ce qui
indique que ce jeton était donné aux employés
faisant les comptes ; et sur le revers, autour d’une
croix semblable à celle du jeton précédent, la
même légende : f par amovrs. sui done.
M. Roubet donne lecture d’un mémoire sur des
fouilles faites dans l’emplacement de l’ancienne
église et du cimetière de Patinges.
M. de Flamare annonce la découverte aux archi-
ves du Vatican d’une bulle du pape Honorius III,
relative à l’hôpital de Bethléem, à Clamecy.
M. l’abbé Boutillier lit une étude sur le reli-
quaire donné par l’abbesse Gabrielle Andrault de
Langeron- Maulévrier à son abbaye de Notre-
Dame de Nevers, en 1667.
La Société vote l’impression au Bulletin du
mémoire de M. Roubet, du texte gracieusement
envoyé par M. le comte Riant, de l’Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, et de l’étude de
M. l’abbé Boutillier.
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M. Col et M. l’abbé Boutillier proposent pour
faire partie de la Société M. Emmanuel Cheminade.
M. Cheminade est admis à l’unanimité.
M. Roubet continue la lecture de sa légende
historique : Visite de maître Adam à U abbé
Berthier.
« oo » —
SÉANCE DU 31 DÉCEMBRE 1885.
Présidence de M. Roubet.
Étaient présents : MM. Roubet, président ; de
Toy tôt, secrétaire ; Duminy, archiviste ; Canat,
conservateur du musée; le comte de Soultrait,
de Flamare, Griveau, le docteur Subert, Col,
Cheminade.
M. de Soultrait donne quelques détails sur les
jetons ou jetoirs employés comme jetons de pré-
sence et servant à compter. Il exprime ensuite le
désir qu’on s’occupe de l’histoire littéraire du pays.
Un de ses ancêtres , son trisaïeul , écrivain , paléo-
graphe, lettré en un mot, avait écrit divers contes
à la manière de La Fontaine ; M. de Soultrait lit une
pièce de vers assez curieuse adressée par son aïeul
à un duc de Nivernais, sous ce titre : P lacet
présenté par les muses.
L’intérêt de cette pièce, médiocre comme
poésie, vient de ce qu’il existait à Nevers une
petite académie où on lisait des vers, où on
échangeait des lettres, des impromptus, etc.
M. de Soultrait signale des passages de diverses
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- 35 9 -
autres pièces de vers du dix-huitième siècle prove-
nant de son arrière-grand-père et intéressantes
surtout parce qu’on y trouve des allusions piquantes,
des jeux de mots curieux sur les noms , les familles,
les anecdotes de la société de Ne vers.
M. de Soultrait continue à communiquer à la
Société divers livres très-rares et très-curieux de
sa bibliothèque : un poème de Saint-Just, Organt ,
livre obscène et nul comme poésie ; un poème
latin d’un auteur nivernais, Bredellius ou Bredeau,
intitulé Pion ; un très-beau livre de Th. de Bèze ,
intitulé la Mappemonde papiste ; enfin , le Cata-
logue historial des éoôques de Neoers , de Michel
Cotignon, livre absolument introuvable , imprimé
en 1616.
M. le Président présente avec M. Robert Saint-
Cyr , M. Gadoin, de Cosne.
M. Duminy et M. Roubet présentent M. Lan-
gellé, de Pouilly.
M. le comte de Soultrait et M. Roubet présentent
M. Assézat de Boutèyre.
Ces messieurs sont admis à l’unanimité membres
de la Société nivernaise.
M. de Toytot lit un travail sur l’opinion pro-
bable de non-universalité du déluge et des races
d’hommes antédiluviennes.
M. Roubet donne lecture d’une charte d'affran-
chissement du droit de servitude donné par
G. de Réveillon , seigneur d’Apremont, à ses sujets ,
le 27 mars 1426.
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— J6o —
NÉCROLOGIE.
M. L’ABBÉ LEBRUN,
CHANOINE HONORAIRE DU DIOCÈSE DE NEVERS, ANCIEN PROVISEUR DU LTCÈE,
DÉCÉDÉ A PARIS , LE 7 JUILLET l885.
Le nombre des membres fondateurs de notre Société
diminue chaque année d’une manière bien sensible. C’était,
il y a un an , le docteur Thomas qui mourait, emportant les
regrets de toute la ville de Nevers; en 1 885 , nous avions
perdu le savant et si modeste abbé Laborde, l’ami du docte
abbé Moigno. Aujourd’hui, c’est M. l’abbé Lebrun, l’un des
plus ardents parmi les prêtres du clergé nivernais qui, en
1 85 1 , s’étaient inscrits à la suite de notre premier président
Mgr Crosnier.
D’autres ont parlé avec amour de l’ancien aumônier devenu
principal du collège, puis premier proviseur du lycée de
Nevers : il est bien vrai que son souvenir sera toujours gravé
dans le cœur de ses anciens élèves (i).
A Paris, où l’abbé Lebrun s’était retiré depuis 1870, ce
vieil ami de la jeunesse des écoles n’aurait pu s’en séparer;
il s’attacha comme simple membre au cercle catholique des
étudiants et il sut bientôt y conquérir une influence et une
autorité considérables. C’est qu’en effet , comme le redisait
si bien sur sa tombe l’honorable président du cercle, c notre
cher abbé était admirablement doué pour agir sur le cœur
des jeunes gens, qui aimaient en lui cette franchise d’allure
(1) M. Lebrun, né à Donzy (?) le 3i juillet 1807, fut successivement
vicaire de Clamecy en i 832, vicaire de la cathédrale en i836,
aumônier du collège en 1840, puis principal et proviseur du lycée.
Retiré à Paris en 1870, il y mourut à Pinfirmerie Marie-Thérèse le
7 juillet i885.(Voir la Semaine religieuse de Nevers du 11 juillet i885
et le Journal de la Nièvre du 10 juillet.)
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— 36 1 —
révélant, malgré certaines aspérités, une âme si généreuse et
si chevaleresque (i). »
M. l'abbé Lebrun n’était pas moins admirablement doué
pour le genre de travaux propres à notre Société, s'il eût eu
le loisir de s'y livrer.
On sait comment, en 1845, il s'empressa de publier une
énergique protestation , c dans l'intérêt de la religion et de
l’histoire », contre le fait étrange, disait-il, rapporté dans
V Annuaire de la Nièvre de cette année sur la mort de
Mgr de Séguiran que l'on disait accélérée .
Ces assertions ont été plus tard réfutées de nouveau par
Mgr Crosnier dans la séance de la Société nivernaise du
4 mars i 852 (2).
Dès son arrivée à Nevers, l’abbé Lebrun s’était pour ainsi
dire constitué le biographe de tous les vieux prêtres échappés
à la tempête révolutionnaire et derniers survivants de l'ancien
clergé nivernais. Combien il serait intéressant de réunir en
un volume ces belles notices où l’esprit et le coeur éprouvent
une véritable jouissance , notices aujourd’hui oubliées dans
la collection de l'ancien journal l'Echo de la Nièvre! Signa-
lons du moins quelques-unes de celles que nous avons pu
rencontrer; en les parcourant, on se sent comme transporté
dans un autre âge !
La première, croyons-nous, et la plus importante parut au
commencement d'avril 1841, et fut ensuite rééditée en une
brochure de cent pages, sous le titre de : Notice sur la vie
de M . l'abbé Imbert , chanoine honoraire de la cathédrale
d'Autun, doyen du chapitre et curé de la cathédrale de
Nevers , par un de ses anciens vicaires. L’abbé Imbert, l’un
des douze survivants des soixante-un prêtres nivernais
(1) Discours de M. Beluze aux funérailles de M. Lebrun.
{%) Bulletin de la Société nivernaise , r* série, tome I", page 5 j. —
Echo de la Nièvre du 4 février 1845, où se trouve le procès-verbal de
l'autopsie et de l'embaumement du prélat par le docteur Doumic,
médecin de l'hôpital.
t. 11, 3 * série. 40
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— 36 » —
condamnés à la déportation en 1793, était alors dans sa
soixante-quatorzième année.
Cinq semaines à peine écoulées , un autre deuil venait
frapper le clergé de Nevers dans la personne de l’abbé
Robinot, chanoine et vicaire général du diocèse, mort dans
sa quatre-vingt-cinquième année. M. Lebrun reprit la plume
pour retracer avec émotion Inexistence si laborieuse du dernier
Nivernais faisant partie du chapitre épiscopal dont il était le
doyen d’âge (1). En terminant, il rappelle les liens d’étroite
amitié qui unissaient à Nevers les deux abbés Robinot et
Imbert avec le vénérable abbé Groult et laisse échapper cette
réflexion touchante : t Heureuse et douce société d’hono-
rables vieillards qui avaient traversé sans faiblesse des jours
longs et souvent orageux, société de charité et de vraie
union, où les prêtres du diocèse ne manquaient pas d’aller
puiser de beaux exemples ’et les vertus traditionnelles du
sacerdoce ; vous vivrez toujours dans mes plus chers
souvenirs!... »
L’année suivante s’éteignait doucement, dans sa quatre-
vingt-quatrième année, le 22 mars 1842, le savant abbé
Crétin, chanoine de la cathédrale, aumônier des Ursulines.
L’aumônier du collège ne pouvait manquer de retracer la
vie, si bien remplie d’ailleurs, du docte confrère qui avait
occupé, dans ce même collège, avant la Révolution, la chaire
de philosophie (2).
En 1843, une seule notice aussi est consacrée à un prêtre
jeune encore, l’abbé Culot, curé de Saint-Benin-d’Azy, mort
à l’âge de quarante-cinq ans , orné de toutes les qualités qui
font le bon prêtre ( 3 ).
Mais, en 1844, trois biographies sont pleines d’épisodes
des plus intéressants : celle de l’abbé Bouré , né à Nevers en
1763, maître de quartier au collège avant la Révolution et
(1) VEcho de la Nièvre , numéro du 4 mai 1841.
(2) Idem, 3 o mars 1842.
( 3 ) Idem , 16 juin 1843.
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mort aumônier des Carmélites (i); — puis celle de l’abbé
Morot, curé de Pouilly pendant cinquante-six ans. Vaine-
ment deux ministres avaient successivement offert à ce digne
prêtre un canonicat de Saint-Denis, il refusa, répondant
toujours : « Je ne quitte pas ma famille ; mes paroissiens
sont mes enfants, je veux mourir au milieu d'eux (2). » —
La troisième, celle d’Etienne Coquille, ancien religieux
bernardin, mort curé de Donzy, et successeur de l'abbé
Admirai qui lui aussi était un ancien religieux béné-
dictin ( 3 ).
En 1847, nous retrouvons les biographies du pieux abbé
Barrot, chanoine honoraire et directeur au grand séminaire
de Nevers (4J; puis celle du vénérable abbé Groult, l’ancien
administrateur apostolique du diocèse, publiée comme celle
de l'abbé Imbert en une brochure à part, a En ce digne
vieillard, écrivait jVÏ. Lebrun, s’éteignit le dernier docteur
de l’ancienne et illustre Sorbonne, un des derniers repré-
sentants du vieux clergé français, et le prêtre qui, sans
contredit, a le plus mérité du diocèse de Nevers... Il s’en
fallait de cinq semaines qu’il n'eût complété sa quatre-
vingt-septième année. Cette longue vie, à laquelle ne man-
quèrent ni le labeur, ni la fatigue, ni la souffrance, ni le
désenchantement et la persécution, et qu'illustrèrent tant de
choses, est à jamais empreinte dans les souvenirs tradi-
tionnels du pays. Le portrait de l'abbé Groult, placé au
grand séminaire, au milieu des portraits de pontifes niver*
nais, rappellera aux jeunes lévites que s’il ne fut point
évêque, il fut digne de l’être...; et puissent ces lignes
trop insuffisantes et trop incomplètes, consacrées à une
mémoire si chère, contribuer aussi à la sauvegarder de
l'oubli qui suit de si près .toute existence humaine ! Elles
(1) Echo de la Nièvre , numéro du 21 mai 1844.
(2) Idem, 20 juin 1844.
( 3 ) Idem, 9 juillet 1844.
(4) Idem, 9 novembre 1847.
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- 36 4 —
témoigneront au moins de rattachement tout dévoué et des
vifs regrets de celui qui les a tracées avec une douloureuse
émotion (i). »
Oserons-nous, à notre tour, empruntant à notre bien-aimé
confrère ses propres paroles , exprimer aussi l'espoir que ces
quelques lignes si insuffisantes, si incomplètes, inscrites dans
le Bulletin de la Société nivernaise, contribueront à sauve-
garder de l'oubli une mémoire si sympathique !
Juillet i885.
L’abbé BOUTILLIER.
NOTICE HISTORIQUE
SUR LES FORGES ET FOURNEAUX AU CANTON
DE LA GUERCHE.
Après la décadence de l’Empire romain, malgré les mal-
heurs et les dévastations qui précédèrent rétablissement
régulier de la féodalité, il est facile de reconnaître que dans
nos contrées deux industries continuèrent sinon à prospérer,
du moins à se perpétuer.
Nous voulons parler de l’industrie du potier et de celle du
ferronnier : l’une et l’autre reposaient sur des besoins d’uti-
lité que nous pouvons appeler nécessaires aux usages de la
vie.
Nous allons donc parler de l’industrie du fer; et tout
d’abord nous nous permettrons une fugitive observation :
c’est que, en dépit de la prédominance que le fabuliste
(i) Nous ne poursuivrons pas davantage nos investigations... Qu'il
suffise de rappeler la notice si pleine de cœur, — et probablement la
dernière, — publiée par M. Lebrun en 1873, dans la Semaine reli-
gieuse du diocèse, à la mort de M. l’abbé Rouchauce, le vieux doyen
du chapitre, décédé à Paris le 28 août et inhumé au cimetière de
Nevcrs. (N” 26 et 27, pages 307-8, 319-25 du tome X.)
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— 565 —
accorde moralement au pot de fer sur le pot de terre , ce
dernier a néanmoins obtenu , jusqu’à ce jour, presque tous
les honneurs de la publicité monographique; c’est ainsi que
les céramistes, les potiers, les verriers ont trouvé tour à
tour leurs chartriers , leurs historiens , leurs vulgarisateurs ,
tandis que l’orgueilleux pot de fer , presque dédaigné , a dû
céder le pas à l’htamble pot de terre , son camarade.
Cependant M. J. Quicherat, dans une Revue des sociétés
savantes ( 4 e série, page 457 , t. V), faisait un pressant appel
sinon aux érudits, du moins aux hommes de bonne volonté,
avec l’espoir que Ton arriverait à rectifier bien des erreurs
archéologiques concernant la sidérurgie; par ainsi, il invitait
les chercheurs à mettre la main à l’œuvre et à fournir le
résultat de leurs investigations.
C’est donc pour répondre bien petitement à cet appel venu
de haut, que nous avons pensé à produire cette notice que
nous intitulons Forges et Fourneaux.
Notre travail sera circonscrit dans les limites de l’ancien
Nivernais que baignent sur la rive gauche, les eaux de
l’Ailier et de la Loire, c’est-à-dire dans le canton de La
Guerche.
Hâtons-nous de le dire, nous n’avons point à pénétrer
dans les ténèbres historiques du premier âge du fer, ni à faire
de la science boiteuse à propos de Vulcain ou de Tubalcaïn
dont le père naquit 3i3o avant Jésus - Christ, bien que
Tubal qui entre dans son nom veuille dire scorie de fer, en
langue arabe.
Nous n’aurons donc point non plus à rappeler les méthodes
de fabrication connues des Grecs et des Romains , que nous
aimons pourtant.
A peine produisons-nous quelques termes techniques, quand
nous les rencontrerons dans le texte authentique des multi-
ples documents où nous puiserons nos indications locales.
Notre but est de faire revivre pendant qu’il en est temps
encore les stations métallurgiques qui ont disparu de notre
sol et qui déjà sont tombées en oubli, sta viator ?
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— 366 —
§
Donnons d’abord la parole à notre Guy-Coquille.
« En Nivernais, dit-il, sont les châtellenies de Cuffy et de
La Guierche, les paroisses et seigneuries d’Aubigny, Cours-
les- Barres , et de l’autre côté, en s’éloignant de la rivière de
Loire, sont plusieurs autres paroisses esquelles y a grande
quantité de bois et de rivières sur lesquels sont plu-
sieurs fourneaux à fer et acier. Ces contrées sont commodes
aux forges, tant à cause des petites rivières dont elles abon-
dent qu’à cause des bois et des minerais.
» Les fourneaux y sont pour fondre la mine de fer avec
l’aide d’une matière appelée castine qui est terre pierre .
» Les pièces de fer fondu qui se tirent des fourneaux sont
appelées guises et poysent de 15 à 1,800 livres.
» Les forges sont composées d’affinerieet d’un gros marteau
à l’aide desquels ce fer est battu et rendu en bandes plates
qui est fer dont les maréchaux, serruriers et ferronniers se
servent.
» Les forges à acier sont esquelles de la même matière de
fer bien affiné et bien trempé se fait l’acier qui se met en
petits carreaux. »
Cette description est pleine de clarté. La méthode de fabri-
cation du fer telle qu’elle existait avant et du temps de
Guy-Coquille, se perpétua sans de notables changements
jusqu’en l’année 1822, époque à laquelle le laminoir vint
dévorer l’enclume et le marteau, et anéantir ces nombreuses
petites forges qui existaient sur le sol du Nivernais.
Nous allons donc, commune par commune, faire le
dénombrement à peu près historique de ces forges et four-
neaux qui, jadis et naguère encore, ont apporté tant de
vitalité à nos contrées et qui ont disparu pour ne plus
renaître. Le progrès est une belle chose; ceci a tué cela.
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367 —
GROSSOUVRE ET TRÉZY.
La petite rivière de l’Aubois, l’ancienne rivula Albeta de
Bobolène, n’avait point un bien long parcours à offrir avant
de venir se jeter dans la Loire, près du prieuré d’Aubigny,
en face de Marzy; mais à de lointaines époques elle avait vu
s'ériger sur ses rives de nombreux moulins tournant, virant
et faisant farine.
Ainsi que nous aurons occasion de le faire remarquer, la
plupart des moulins à battre fer (molines) vinrent s’installer
et pour ainsi dire se juxtaposer là où déjà se trouvaient des
moulins à blé.
Nous allons donc remonter le cours de l’Aubois pour nous
arrêter à Grossouvre.
« Grossouvre, nous dit le Nivernais, a pris son nom à la
basse latinité, Grossa opéra , ce qui indique une métal-
lurgique origine. Il y a eu en en effet à Grossouvre des
forges de temps immémorial. »
Il ne faut point trop discuter sur les étymologies. Il y a
longtemps déjà qu’un philologue a dit que cette science plus
ou moins ingénieuse, ne compte pour rien les voyelles et les
consonnes pour pas grand’chose.
Pourtant, sans effort de logique, nous ferons observer que
Grossouvre, en tant que nom de lieu, existait bien avant que
forges et fourneaux aient eu à livrer quelque grosse œuvre
métallurgique.
Nous dirons que dans son Histoire du Berry, La Thau-
massière écrit Grosauve et non pas Grossouvre , et que
l’ethnique Grosauve est rencontré dans la donation faite en
1 365 par le duc de Bourbon à son féal Jehan Grivel.
Grosauve veut dire grande forêt, grossa silva ; et à l’appui
de notre assertion nous dirons que près de Langres il exis-
tait autrefois un prieuré du nom de Grosauve, lequel dans
le cartulaire latin dudit prieuré est traduit par Grossa -
Silva.
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— 368 —
Quoi qu'il en soit, il y a une trentaine (Tannées, on
conservait encore à Grossouvre une guise qui datait de 1505
C’est là une respectable origine qui doit faire admettre
l’existence d’un fourneau à une époque sans doute bien
antérieure,
Dès avant, il est fait mention dans un acte de foi et hom-
mage du quatorzième siècle d’un vaste étang situé à
Grossouvre, lequel était traversé par la rivière de l’Aubois que
Ton devait quelquefois appréhender.
En effet, en i 638 , vers la mi-mai, il se produisait dans
cette rivière une crue telle que les forges de Grossouvre et de
Trézy furent complètement emportées. Depuis lors, on
n’omettait jamais d'insérer dans les baux des forges et four-
naux, une indemnité au profit du preneur en cas de dom-
mages causés par la rivière.
Les forges et fourneaux avaient à Grossouvre et à Trézy
leur exploitation propre. A partir de Tannée i 6 o 3 , ils se
trouvèrent réunis sous la même main, et marchèrent de
conserve, jusqu’en 1879, époque à laquelle ils furent com-
plètement abandonnés pour ne plus demeurer qu’à l’état de
ruines et de souvenirs.
TRÉZY.
Trézy était un petit fief situé sur la paroisse de La Cha-
pelle-Hugon. Il avait été emprunté en partie au territoire
de la châtellenie de Germigny-en-Luisant. L’octroi en avait
été fait en faveur d’un seigneur de Charenton, descendant de
Raoul II, surnommé le grand prince de Déols et de Châ-
teauroux.
Nous ignorons si, à Thysiacum, qui a fait Trézy, les
Romains ferrum exercebant ; mais nous pouvons dire que
sur le plateau qui , en face, domine l’Aubois, on rencontre
encore des vestiges de l’époque gallo-romaine, tels que les
habitants du lieu, qui a nom le Petit-Trézy, ont coutume
d’affirmer que là existait autrefois une ville , écrivons villa ,
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- 369 -
pour ne point apporter de décevance aux archéologues. Nous
ajouterons en passant que les Romains au surplus se procu-
raient le fer en le traitant par la méthode directe (dite
catalane) y c’est-à-dire au moyen de creusets en terre cuite,
dont on retrouve encore des débris au milieu des scories qui
parsèment le sol.
On peut voir à Trézy les restes presqu’indestructibles de
la masse d’un fourneau qui a certainement plusieurs siècles
d’existence, et nous savons que dans la Bourgogne les four-
neaux à masse apparurent à la fin du dixième siècle.
Rien ne nous invite à remonter à une époque aussi
reculée pour fixer à Trézy une forge ou un fourneau; mais
nous savons que l’étang de Trézy au quatorzième siècle
s’appelait déjà Y étang du Marteau , ce qui indique que les
eaux de l’étang servaient à mouvoir la roue de quelque
établissement métallurgique.
Le minerai nécessaire aux fourneaux de Grossouvre et de
Trézy était demandé aux immenses gisements que détenait
le sol de la paroisse du Gravier et celui de la paroisse de
Menetou-Couture.
Les chemins n’étaient guère praticables pour les voitures;
le transport des mines de fer s’opérait à dos de mulet ou de
chevaux à bâts.
Quant aux produits de la fabrication, ils étaient générale-
ment transférés en la belle saison sur les bords de l’Ailier,
et de là ils étaient voiturés par eau jusqu’au port le plus près
de leur destination.
En 1645, Pierre Lavazin était maître des fourneaux. Les
forgerons avaient acquis sans doute une certaine réputation
d’habileté, car nous voyons, en 1700, Claude Patraer, guisier
de la manufacture de fer en la ville de Cosne, venir à Trézy
pour embaucher Emery Dejeux, marteleur à ladite forge.
Celui-ci s’engageait à se transporter à Cosne avec sa famille,
à la condition qu’il recevrait 7 livres 10 sols par chacun
millier de fer qu’il forgerait.
Patraer devait lui fournir i, 5 oo et demi de fer de guise, et
t. 11, 3 e série. 41
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— 370 —
Dejeux devait rendre un millier de fer marchand au poids de
106 livres sur la balance.
A cette époque, nous rencontrons André Haly, qui prend
à la fois la qualité de bourgeois de La Chapelle- H ugon et de
gouverneur des fourneaux de Grossouvre.
La famille Haly a fourni plusieurs régisseurs à Grossouvre
et à Trézy.
André Haly mariait sa fille à Guillaume Page qui , succé-
dant à son beau-père, régissait en les mêmes forges et
prenait à ferme la forge de Fonbardais avec la caution de
M. de La Chaussade (1).
Après être restée exactement quatre cent vingt années dans
la famille Grivel, la terre de Grossouvre passa à François
Durand , auquel le nom de Grossouvre demeure authenti-
quement attaché ; après lui, nous avons vu successivement
arriver M. Grenouillet en 1829 et M. le marquis Aguado
en i 836 .
§
Les forges et fourneaux de Grossouvre et Trézy, auxquels
étaient joint un affouage considérable, furent pris à bail en
1816 par MM. Labé et Payaud, négociants en fer à Paris.
Ce dernier, s’étant retiré de son association, fut remplacé
par M. Louis Boigues.
(1) Guillaume Page fut père de Charles Page du Chailloux, qui
devint juge de paix du canton de La Guerche. Il avait revêtu les
ordres sacrés; mais le 20 avril 1793, il contractait mariage avec
Marguerite Berton.
Après le rétablissement du culte, il voulut faire légitimer son
mariage et ses enfants en face de l'église. Il adressa, en consé-
quence, une supplique au cardinal Caprara, qui concéda un rescrit
apostolique en forme d'absolution et dispense en date du 22 février
1804.
Le rescrit fut fulminé par l'archevêque de Bourges, et le curé de
Sancoins procédait au mariage, le 19 mars 1804, comme simple
communion laïque, auquel assistaient les frères de l'époux, François
Page de La Maisonfort et Louis Page des Tureaux.
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— 3 7 i —
Les deux sociétaires avaient déjà en projet la création sur les
bords de la Loire, non loin de Nevers, d’une usine à laquelle
ils donneraient un vaste développement métallurgique. Ils
finirent par choisir une étendue de terrains qui, jusqu’alors,
n’avaient servi qu’à l’agriculture et qui faisaient autrefois
partie d’un petit fief connu sous le nom de Fourchambault.
En 1821 , on jeta les premières fondations... d’une ville.
La société, commanditée par M. Louis Boigues , avait
confié l’exploitation de Grossouvre et Trézy à M Georges
Dufaud (1), ingénieur aussi habile que spirituel.
Il vint prendre domicile à Trézy, commune de La Cha-
pelle-Hugon; c’est là qu’il entreprit, en 1819, de fabriquer
le fer par la méthode anglaise qu’il avait étudiée avec
persévérance et sagacité. Il avait confié ses dessins et ses
idées à un contre-maître, M. Couroux, dont il avait su
apprécier l’utile intelligence ; un appareil dit laminoir fut
installé et prêt à être soumis à l’épreuve. On sait qu’un
laminoir se compose de deux cylindres placés horizonta-
lement l’un au-dessus de l’autre ; le premier porte des
cannelures en relief, le second offre des cannelures en
creux ; ces cannelures sont disposées de manière à s’adapter
assez exactement. Le moment consacré à L’expérimentation
était arrivé. Dans toute nouvelle création ou invention , il
convient d’être doué d’une foi robuste; l’ingénieur et le
contre-maître comptaient sur le succès de l’expérience. Le
fourneau était prêt à livrer son fer incandescent; on imprime
le mouvement au système, mais voilà que l’engrenage
(1) Georges Dufaud, élève de l’École polytechnique, avait exploité
sans grand succès le fourneau d’Uxeloup. Il s’était rendu en Angle-
terre , 011 il séjourna quelque temps dans un établissement métallur-
gique appartenant à M. Crawshay.
Les ingénieurs anglais voulaient cacher leur système de fabrication,
mais M. Dufaud sut habilement deviner leur secret.
Il était fils de Laurent Dufaud , qui avait épousé en la paroisse du
Gravier la fille de Georges Cerf, propriétaire de Villars, près La
Gucrche.
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- 3 7 2 —
destiné à faire mouvoir les deux cylindres se brise en
partie.
L’ingénieur comprit bien vite que, par application d’une
loi de mécanique usuelle, il fallait donner au cylindre
femelle un diamètre un peu plus grand que celui du cylindre
mâle . Ce détail technique avait été négligé.
Après cette rectification, l’essai était à recommencer.
Il nous a été raconté par un nommé Routon, ouvrier alors
au fourneau, que pour la circonstance M. Dufaud avait tenu
à honneur de revêtir le tablier de forgeron et de mettre la
main à l’œuvre; après la non-réussite, il s'en était allé
ceindre magistralement son écharpe blanche , pour procéder
à un mariage en la mairie de La Chapelle-Hugon.
Pendant son absence , le contre-maître remarqua que les
dents du pignon, autrement dit de l'engrenage, quoique
rompues, n’empêchaient point les cylindres de tourner par
un simple frottement ; il songea à continuer l’essai , et au
moyen d’une faible pression, et parvint tant bien que mal à
étirer douze barres de fer.
Ces douze barres que M. Dufaud appela les douze apôtres,
sont les premières barres de fer laminé qui aient été fabri-
quées en France.
L’emploi du laminoir substitué au marteau pour l’étirage
du fer eut dans le monde industriel un grand retentissement.
Les douze apôtres accomplissaient leur mission. Le nom de
Trézy rayonna glorieusement. De toutes parts on vit accourir
de nombreux et curieux visiteurs.
Le Gouvernement ne pouvait demeurer indifférent au
progrès des arts. M. le Préfet du Cher, marquis d’Alon,
voulut à son tour visiter la forge de Trézy, au canton de
La Guerche.
M. Georges Dufaud, comme nous l'avons dit, était maire
de sa commune. Suivi des ouvriers de l’usine et ayant à sa
droite M. Couroux, son habile contre-maître, il s’empressa
d’aller souhaiter la bienvenue au premier magistrat du
département du Cher. Sa harangue fut courte, mais spiri-
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tuelle. Il dit entre autres choses: c Monsieur le Préfet,
j’aurais bien désiré, en tant que maire, vous présenter mes
conseillers municipaux; mais j’ai le regret de vous dire que
pour le moment ils sont aux galères (i)... »
M. Dufaod , bene merito , recevait alors la croix de la
Légion-d’Honneur. En même temps, maintes félicitations et
de glorieuses promesses étaient prodiguées à M. Couroux (2).
Les puissants laminoirs de Fourchambault furent mis en
activité, mais Trézy continua encore à fabriquer du fer au
marteau qui demeura plus recherché que celui produit par le
laminoir.
Après la compagnie de Fourchambault, nous voyons la
société Châtillon-Commentry faire bail de Trézy et de
Grossouvre. Trézy suspendit sa marche en i867 etGros-
souvre éteignit ses feux en 1879. M. le comte Aguado tenta
pendant deux années de continuer l’exploitation , mais ce fut
sans succès.
Trézy est devenu une villa agraria ; le temps n’a pas com-
plètement lavé les inscriptions qui ornaient les linteaux des
portes des anciens bâtiments. On peut lire encore : Portier ,
— Bureau, — On n'entre pas sans permission .
Tout s’effacera, jusqu’aux souvenirs de gloire; et pourtant
Trézy, aux yeux de l’histoire, a droit à un renom tout aussi
intéressant que celui que peut revendiquer le prieuré de La
Chapelle- Hugon, pour avoir donné asile en io 85 au roi
Henri qui signa alors une charte en faveur de l’abbaye de
Saint-Victor de Nevers.
(1) Communication verbale de M. le comte H. Jaubert.
Il convient d'ajouter que certains hameaux de la commune ont un
dossier judiciaire très-déplorable. Nous avons vu arriver sur les lieux
un autre préfet du Cher, M. Octave de Barrai : c’était à l’occasion
d’un immense incendie que la malveillance avait allumé dans les
bois d’alentour.
(2) Quarante-cinq ans après, M. le comte O. Aguado offrait à son
fils, alors directeur des forges de Tronçais, les débris historiques du
primordial laminoir. M. J. Couroux se contenta d’en accepter la
photographie. C’était plus portatif.
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- 374 -
LE CHAUTAY.
La terre du Chautay était de Tancienne dotation et fon-
dation de l’église d’Orléans. La troisième année de son règne,
le roi Carloman restituait à l’église Sainte-Croix les terres du
Sautel et de Marzy, qui lui avaient été violemment enlevées.
Dans la seigneurie se trouvait le domaine de Coulanges,
qui demeura au chapitre jusqu’à la Révolution. D’ancienneté
il avait été établi sur l’étang de Coulanges un moulin à blé,
et nous trouvons mentionné dans un compte dressé en 1329
une somme de i 8 sols pour trois journées dues à Jehan
des Amis qui avait appareillé l 'arche de Colinges que nous
traduisons par conduit d'eau ?
Les eaux de Coulanges , en même temps que celles pro-
venant d’étangs supérieurs et de plusieurs petits ruisseaux,
arrivaient dans un vaste étang collecteur qui prit le nom
d’étang des Riots, aujourd’hui des Réaux.
Cet étang fut créé au milieu d’un bois dont on se contenta
de couper les arbres de haute futaie à une certaine hauteur
du sol; en sorte que lorsque l’étang est mis à sec, on est tout
surpris de voir surgir une grande quantité de troncs d’arbres
qui apparaissent debout comme des tronçons de colonne
exhumés sur l’emplacement d’un édifice romain.
Cet étang était destiné à faire marcher une forge et un
fourneau qui se trouvèrent dans la censive d’un petit fief qui
prit le nom des Ruyaux ou Réaux-sur-l'Aubois, pour le
distinguer d’avec le fief des Ryaux , situé paroisse du
Veuillin.
En i 56 o, Philiberte des Ruyaux , dame de Bernay, et
noble homme Jean de Bréchard, son fils, donnaient à accense
au sieur Gascoing l’étang des Ruaulx-sur-V Aubois avec le
moulin-bief-métairie et le fourneau à fondre fer , moyen-
nant six-vingts livres d’annuelle redevance. Dès avant, Jean
Bréchard acquérait un petit champ situé près le chemin
royal de Chautay au fourneau.
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En 1604, le fourneau appartenait à Etienne d’Angelier,
écuyer, seigneur des Réaux et de Milly.
En 1612, Gilbert Gascoing en était l’accenseur; il obtenait
d’Antoine de Foucher, seigneur de la Taille, le droit de
faire laver des mines près l’étang du Marteau.
En i 63 o, Etienne Gascoing, lieutenant-général au bail-
liage de Saint-Pierre-le-Moûtier, devenu seigneur de Berthun
et de Patinges, permettait à J. Masset de construire un
boucard au déchargeoir de l’étang des Réaux, c’est-à-dire de
créer une forge faisant fer (i).
Peu d’années après, le fourneau marche pour le compte de
François Goyre, grènetier au grenier à sel de La Charité,
dont le fils dirige en même temps les forges et fourneaux de
Fontmorigny et de Torteron.
En 1 666, François Pinet est maître de la forge du Chautay,
qui appartient à M. des Ulmes, comte de Torcy ; il a pour
clercs, c’est-à-dire pour commis, François Musset, Georges
Tresne et Barthélemy Boyaux.
En 1691, 3 octobre, honorables hommes Jacques et
Dominique Chaiilot étant fermiers principaux de l’étang de
Coulanges, font sommation à demoiselle Françoise Pinet,
veuve de Gilbert Gascoing, seigneur du Chezeau, fermière
du fourneau, à avoir à tirer les pelles de l’étang à six heures
du matin pour faciliter la pêche de l'étang de Coulanges.
Ils notifient qu’ils ont vendu les powmo/wpourle pourvoi
du roy.
Devenons en conclure que le grand roi appréciait tout
particulièrement les carpes et les brochets provenant des
étangs de MM. de Sainte-Croix ? Nous n’osons l'affirmer.
En 1692, Henry de Morogues, seigneur de Sauvage,
entreprenait, moyennant 400 livres, à refaire les trois côtés
de la masse du fourneau appartenant à M. le comte de Torcy;
(1) Vers cette époque nous trouvons un fondeur en fer de guise
nommé Moreau dit Chapelet . — C’est sans doute à lui qu’un domaine
voisin doit son nom de Chapelet i
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— 376 —
il préposait Germain Mercier comme régisseur de l'exploi-
tation; celui-ci faisait marché pour extraction, lavage et
grappage de mines, à raison de 55 sols par chacun millier de
fonte produite, sauf à fournir par an douze toises de planche
et deux sacs de charbon.
A cette époque , nous voyons apparaître remployé royal
commis à la marque du fer. Guillaume Raby, âgé de
soixante-dix-sept ans, maître chirurgien, est pourvu de cette
commission dans nos contrées.
Le fourneau du Chautay et scs dépendances avaient pri-
mitivement relevé de la baronnie de La Guerche; mais
François de Tenon s’était départi de ce droit féodal au profit
des seigneurs de Berthun et Patinges. Aussi voyons-nous
Louis-Antoine comte de Torcy, seigneur de Lantilly,
Sauvage et le Chautay en partie, exerçant les actions de
Magdelaine-Suzanne de Roffignac, son épouse, faire en mai
1757 foi et hommage au sieur Gascoing de Berthun , capi-
taine au régiment de La Roche- Aymon , à cause de sa sei-
gneurie de Berthun.
Au moment de la Révolution , Nicolas Chailloux
(des Barres), maître des forges de Sauvage, déjà propriétaire
en nos contrées de la terre du Vernay, provenant des héritiers
Chamorot, fait l'acquisition du fourneau du Chautay et de
ses dépendances territoriales.
En 18 1 5 , aux criées du tribunal de Cosne, M. Dupin,
agent de change à Paris, se rendait adjudicataire de cette
propriété, qui se frouve actuellement transmise par héritage
à M. Gustave Revenaz, qui y a lait construire un château
d’un attrayant aspect.
Le fourneau continua à marcher sous la régie directe de
M. Forqueray jusqu’à l’année 1843, époque à laquelle la
société de Fourchambault en demeura fermière pour cesser
en 1869.
Depuis lors , les bâtiments d'exploitation ont été aban-
donnés, le travail métallurgique ne s'y réveillera jamais; le
cri tapageur d'une machine à battre le blé remplace quelque-
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— 37 7 —
fois le souffle bruyant des puissantes machines à vapeur.
Tout s’est envolé en fumée ; et le tant vieil étang des Réaux,
si cher aux pêcheurs et aux chasseurs, est devenu pour le
paysagiste un artistique décor au parc du château qui
s’élève sur ses bords.
S
Le chroniqueur fidèle est parfois bien insupportable; il n'a
jamais fini d'épuiser ses cartons.
Pour aller du bourg du Chautay au fourneau, la distance
à parcourir n'était guère que d’une demi-lieue. Les habitants
de nos contrées ont toujours aimé , à travers les bois ou les
champs, à pratiquer des petits sentiers qu’ils appellent
dressières. Or donc, au lieu de suivre le grand chemin qui
prenait pourtant le titre de chemin royal, les ouvriers du
fourneau avaient coutume de passer par la garenne du
château de Bernay. Mais noble Bernard Augier, ancien
gentilhomme de M“ e Louise de France, premier président
du bureau des finances à Paris, et lors seigneur de
Bernay, voulut interdire l’exercice de ce passage toléré, mais
indû. Il s'avisa donc de faire planter à l’entrée de sa garenne
deux tourniquets avec deux bancs convenablement peints
couleur d’ardoise; et en même temps et au même lieu,
comme symbole de sa justice moyenne, il fit élever un pilori
en bois de chêne , haut de six pieds. Il le fit revêtir de ses
armes peintes sur une feuille de tôle et garnir d’un carcan
de fer.
Mais les forgerons, peu endurants de leur nature, protes-
tèrent à leur façon, et dans la nuit du r 5 au 16 mars 1770,
armés de ringards, ils s'en allèrent briser les tourniquets et
la tôle armoriée.
Le lendemain le notaire Lioult dressait procès-verbal
contre les malfaiteurs et ramassait comme monument d'en-
quête judiciaire, la feuille de tôle lacérée en morceaux.
Nous ignorons quelle fut l'issue du procès; mais nous
t. 11, 3 * série. 42
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- 3 7 8 -
savons que trois mois après , le 27 août 1770, Antoine-
Nicolas de Boismoreau, ancien agent de change à Paris ,
devenait adjudicataire de la seigneurie de Bernay, vendue
par décret sur l’ancien gentilhomme de la fille du Régent.
MAUREGARD OU SALLES.
Le fourneau de Mauregard , ou plutôt de Salles — car
c'est sous ce nom que nous avons vu d'anciennes taques de
cheminée indiquer leur provenance , — a dû fonctionner à
une époque très-reculée. 11 était servi par l’étang de Salles,
et le minerai se tirait sur les lieux mêmes.
Le domaine et le fourneau relevaient de MM. du chapitre
de Sainte-Croix ; en i53 ^ , Renée de Monbaron , épouse de
François de Bar, seigneur de Baugy et baron de La Guerche,
en faisait la reconnaissance à Orléans.
Près du fourneau se trouve une pièce de terre, indifférem-
ment nommée la Pierre-Pointe ou la Pierre-qui Danse ;
cette appellation nous invite à remonter à l’époque où les
druides exerçaient dans nos contrées leurs rites mystérieux
Peut-être le nom de Mauregard, ou plutôt Mal-Regard,
comme nous le trouvons écrit, indique-t-il la tradition de
quelques pratiques superstitieuses ?
jNescio quis malus oculus fascinât agnos .
Peut-être convient-il de donner au mot regard l’acception
de ruisseau? Alors Mal -Regard signifierait simplement
mauvais cours d'eau ?
Le fait est que le fourneau de Mauregard était forcément
obligé, en la saison d'été, de suspendre sa marche faute
d'eau.
Ce fourneau appartenait , en 1634 , à Antoine de Tenon,
conseiller du roi en son conseil ; comme il avait négligé
d’accomplir les debvoirs qui étaient dhus au chapitre d’Or-
léans, il se vit bien et dûment assigné à ce sujet.
Le fourneau avait été complètement abandonné depuis
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— 379 —
bien des années quand, en 1787, M™ # de Rolland d’Arbousse,
dame de Salles et de Menetou, voulut le rétablir.
Ce projet rencontra bien des obstacles.
La maîtrise des eaux et forêts fut appelée à donner son
avis.
Procès-verbal de commodité et d’incommodité fut alors
dressé en toute forme; et les propriétaires des forges et
fourneaux de la région furent invités à se présenter à l'en-
quête.
Comme on devait s'y attendre, ils furent unanimement
d’accord pour protester contre le rétablissement demandé. Ils
motivaient leurs dires sur ce fait que le fourneau de Maure-
gard ne trouverait point de bois en suffisante quantité pour
son alimentation.
Il nous semble que c’était affaire à M®* d’Arbousse , qui
ne leur demandait ni conseil ni protection.
A titre de renseignements de pure statistique, il n’est
point inutile, au point de vue notoriété locale, de connaître
les noms des opposants.
Les voici:
1® M. Durand, propriétaire de Grossouvre ;
2 0 M. de Neuchèze, propriétaire du fourneau duChautay;
3 ° M. de Champ, propriétaire du fourneau de Torteron ;
4* Le sieur Bonnet, au nom de MM. les abbés et moines
de Fontmorigny, à cause des fourneaux de Fontmorigny
et de Feullardc.
La connaissance juridique des bois, c’est-à-dire la maîtrise
des eaux et forêts, constatait que dans la contrée :
i* M“* de Béthune, dame d’Apremont, possédait
5 oo arpents de bois ;
2* M. le comte de Bar, 2,000 ;
3 ° Le feu comte de Fougière, baron de La Guerche, 1,000;
4 # Le duc de Nevers, 2,000;
5 ° Le sieur de Champ, 1,800;
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— 38 o —
6° Le sieur de Givry, 2,000 ;
7 0 Durand, 2,000;
8° Dufaud, à Villars, 3 oo ;
9* Gestat, sieur de Garambé, 800.
Malgré les oppositions plus ou moins valables, le fourneau
de Mauregard fut rétabli et remis en feu.
En 1792, M. Frazey, qui fut député à T Assemble natio-
nale et demeurait à Imphy, était fermier et régisseur du
fourneau.
Le 29 octobre de la môme année, la citoyenne Marie-
Louise-Charlotte de Méru , veuve de François de Ligondès ,
vivant officier de marine , demeurant à Bernay, commune
du Chautay, se plaignait du regond qui occasionnait la
mise-hors de son fourneau de Salles (Mauregard).
Après être passé par héritage entre les mains de M. le
comte de Montsaulin , le fourneau fut complètement aban-
donné , par suite de l'importance donnée aux fourneaux de
Feullarde, du Chautay et de La Guerche, et dirigés par la
compagnie de Fourchambault , qui en même temps créait le
considérable établissement de Torteron.
LA FORGE BRENOT.
En Tannée 1516, le chapitre d'Orléans, seigneur spirituel
et temporel du Chautay, faisait acquisition , d’un nommé
Thomas Couturier, d'une maison sise en leur justice, appelée
d'ancienneté la maison de la forge .
Il nous est impossible de préciser de quelle forge il était
parlé.
Sur la rive gauche de l'Aubois, il existait une petite forge
qui se nommait la forge Bernot. Elle consistait nécessai-
rement en halle, marteaux, soufflets, étang, écluse d’eau,
cour et jardin.
En 1694, cette forge était donnée à arrentement à Antoine
Godelinier, forgeron, par Jehan, seigneur de Fonfay, l'ami
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— 38 T -r-
de Y abbé Bcrthicr, et que nous avons vu épouser en l'église
Saint-Victor, de Nevers Françoise La Chasseigne, par
paroles de présents.
En 1758, la forge de Bemot appartenait à Pierre Léveillé,
sieur du Fournay, qui la transmit à son fils Pierre Noël,
mousquetaire dans la 1™ compagnie. Celui-ci affectait l'im-
meuble de 100 livres au profit de Joseph de Tenon , fils du
seigneur Jehan de Fonfay, avec droit de choisir deux carpes
et deux brochets dans l'étang.
La même année, il confiait à Guillaume Briot, martelleur
en fer, l'exploitation de la forge pour neuf années.
Le bailleur s'engageait à livrer i, 5 oo livres de fonte contre
un millier de fer forgé garni de 6 livres par chacun cent. Il
devait en outre payer au forgeron 12 livres 10 sols par
chaque millier de fer et trois bannes et demie de charbon
par millier, et fournir le corps de l'arbre quand besoin serait
de remplacar le manche du marteau.
Quand le preneur brûlait de grosses enclumes, il lui était
payé 3 livres par chacune d’elles, et il lui était livré une
banne de charbon (1). Il ne devait travailler pour personne
autre que pour le bailleur.
§
Dans l'histoire locale de la Révolution, nous trouvons
mention de l’étang de Brenot.
Le i w novembre 1793, en conformité d’un ordre émanant
du représentant du peuple La Planche, trois délégués de la
Société populaire de La Guerche se rendaient en la commune
de Patinges : c’était jour de la Toussaint. A l’issue de la
messe, l’un des délégués, le citoyen Fromajot, monte en
chaire et annonce aux assistants que désormais le culte est
aboli. Puis, après avoir justifié de ses pouvoirs au maire
(1) La banne du Berry était de trente-un hectolitres.
La banne du Nivernais était de vingt-quatre hectolitres.
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— 382 —
J.-B. Ponceau et au curé M. Fillette, il se fait remettre,
malgré de vives protestations, tous les objets de métal qui
appartenaient à l’église (i).
Après le départ des délégués, les jeunes paroissiens ne
pouvant contenir leur indignation, firent le complot de se
rendre par un chemin détourné jusqu’à la forge Brenot, pour
attendre les bons patriotes , lors de leur passage , avec la
ferme résolution de leur faire choisir entre la restitution des
objets qu’ils emportaient, ou un bain froid dans l'étang de la
forge.
Ce projet, heureusement, ne fut point mis à exécution.
Le curé et le maire étaient parvenus, non sans peine, à
calmer leurs intentions, en leur faisant comprendre à quelles
fâcheuses conséquences ils pouvaient exposer eux et leurs
familles.
Les bons patriotes passèrent avec leur glorieux butin , et
l’étang de Brenot continua tranquillement à verser ses eaux
sur les roues du moulin de la forge.
LA GUERCHE, CI-DEVANT PAROISSE DU GRAVIER.
Les archives de l’Yonne nous apprennent que déjà, en
1 383 , Guy Quarrel, receveur pour le comte de Nivernais,
faisait recette des produits ou redevances qui étaient dus
pour les forges et fourneaux de la province. Nous ignorons
s’il est fait nominativement mention de ces forges et
fourneaux; mais nous savons que ledit Quarrel était, en
1389, condamné, pour cause de malversation, à 10,000 livres
(1) Voici textuellement un extrait du procès-verbal qui fut alors
dressé en la mairie :
« Les officiers municipaux, après s'être conseillé, ils ont délibéré
que la République avait besoin de secours au moment où les guerres
sont dispendieuses; nous avons alors dépoulée notre église du saint-
ciboire, — du soleile, — de la patène, — de quatre chandeliers, — de
l'encensoir, pour être remis à la Société populaire de La Guerche. 1»
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— 383 —
d’amende; pourquoi lui, sa femme et leur fils crurent devoir
s'absenter .
A ces époques lointaines, les forges et fourneaux qui
fonctionnaient dans les contrées, dont nous avons à parler
particulièrement, furent en partie détruits par les bandes
anglo-bourguignonnes qui avaient envahi notre malheureux
pays. Il fallut bien des années pour réparér ces désastres, et
la monarchie fit de sages efforts pour favoriser et propager
Tindustrie métallurgique.
Les seigneurs riverains des rivières, oubliant que non
esse bonum ex alieno damno lucrum facere , avaient
coutume de s'attribuer sans vergogne , comme épaves , les
choses provenant de naufrage ou autre accident. Le comte
de Nevers s'emparait ainsi d’un chargement et de fer et de
clous appartenant à des marchands de Charlieu dont le
chaland avait naufragé dans le détroit de la Loire.
Guy de Roffignac, seigneurde Meauce, faisait pareillement
main-mise en 1448 sur un chargement de 10 milliers de fer
appartenant à Pierre- Saint-Yves, marchand sureau, qui
avait vu son bateau afondré au détroit d’Apremont, rive
droite de l’Ailier.
Mais des arrêts du Parlement parvinrent sous l’autorité
royale à faire disparaître ces coutumes abusives.
Enfin Henri IV, « jugeant le bien et l’utilité que le
public peut retirer dans ce royaume de l'ouvrage de fer,
confirmait, comme avaient fait ses prédécesseurs, les privi-
lèges-franchises accordés aux maîtres et ouvriers à fer, en ses
provinces du Berry et du Bourbonnais. »
C'était là un encouragement donné à la renaissance de
l’industrie métallurgique dans nos contrées.
Les seigneurs de La Guerche et des lieux circonvoisins,
dont le sol était à la fois nivernais, berrichon et bourbon-
nais, s’empressèrent de mettre à profit les mines de fer
inépuisables que recelaient leurs appartenances.
Près de la Garenne , qui était une dépendance féodale du
château de La Guerche , il existait un vaste étang qui
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- 384 —
primitivement servait & inonder les fossés de la ville quand
le faict de guerre l’exigeait ; c’est sur les bords de cet étang
que d'ancienneté furent établis une forge et un fourneau.
En i5o 4, l’étang qui s'appelait étang Grimier finit par
ne plus être désigné que sous le nom de Vétang du
Fourneau.
En i 6 o 3 , Edme Charrier était maître du fourneau de
La Guerche. Il faisait marché avec François Rouval, qui
s’engageait à tirer des mynes dans les tousses de Guéprou
(paroisse du Gravier).
Cette extraction sans doute ne pouvait guère se faire sans
occasionner quelque délit ou dommage aux fermiers du sol
supérieur, qui appartenait alors au seigneur de Menetou-
Couture ; car il était stipulé que ledit Charrier serait tenu
envers l’extracteur à indemniser ycelui contre les fermiers de
Menetou ou autres circonvoisins que sera besoing, en cas
que Rouval serait empêché , frappé, assommé ou emmené en
prison .
On voit comment encore, sous le règne du bon roi Henri,
ses fidèles sujets, dont il fut le vainqueur et le père, s'ingé-
raient volontiers à se faire justice par eux-mêmes.
En 1 6 1 1 , nous trouvons le même tireur de mines, qui sans
doute n'avait point été assommé, s'adresser au maître de
forge et lui tenir ce langage :
c Maître Charrier, vous estes adverti que ci-devant je vous
ai tiré grande quantité de mynes tant au Girardet, à la Taille,
que autres lieux. Je vous somme et interpelle icelles mynes
recevoir à fin qu’étant icelles reçues faire compte en-
semble. »
Ce document d’amiable procédure nous fait supposer que
le fourneau de La Guerche ne marchait alors qu'as sez peti-
tement.
Vers cette époque, la forge avec le bouquard annexé au
fourneau se trouvait au-dessous de la chaussée de l’étang.
En 1659, Pierre Frétier, maître bouqueur et accenseur du
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- 38 5 “
fourneau, vendait à François Pinet, marchand à Nevers,
tout le fer de bouquage qui serait fait au bouquard de La
Guerche, lequel fer devré être bien bouqué et lamé , bon et
recevable comme fer de bouquard, à raison de quinze livres
chaque millier.
L'année d'après, Jean Carré, receveur des droits doma-
niaux de la baronnie, donnait à ferme à Pierre Chartier,
maître bouquatier de fer, demeurant au village de Macé,
paroisse du Gravier, un bouquard à faire fer, situé auprès
du fourneau alors appartenant à François de Tenon, baron
de La Guerche.
« Il ne pouvait ledit preneur prendre que les eaux perdues
des étangs de Couvache, Tixerat et Grimier, sans en prendre
par les bondes. Il lui était permis de chercher dans les buttes
de laitiers provenant du fourneau. »
En 1 699, la baronnie était depuis vingt ans passée entre les
mains de Henri de Regnier, marquis de Guerchy, et Jehan
Casset en était devenu le fermier. Il fit par lui-même
exploiter le fourneau. Il entreprenait alors au sieur Robin le
roulage des mines sur la masse du fourneau. Ces mines
étaient extraites non loin de l’étang ,de Pin et de l'étang du
Marteau (paroisse du Gravier), caron avait recours aux eaux
de ces étangs pour opérer le lavage. Le charroi se payait à
raison de 10 sols le tonneau pour venir de l'étang de Pin, et
22 sols pour venir de Tétang du Marteau, près de Salles.
On distinguait ces mines en mines froides et mines
chaudes; les premières étaient les plus réfractaires; l’extrac-
tion s’en faisait sur le territoire de Bovy (en Bouy), paroisse
de Saint-Hylaire, et les secondes, plus fusibles, se prenaient
aux environs de la Taille (paroisse du Gravier).
Les extracteurs étaient tenus à laver la mine, la passer par
trois fois au courant de l’eau , et de la grapper de manière à
la mettre bien nette. Le tonneau se payait 100 sols.
En 1701, Bernard de La Grange, conseiller du roi, rece-
veur des tailles en l’élection de Nevers, faisait un traité avec
Pierre et Charles Colinet, fondeurs : ceux-ci s’engageaient
t. 11, 3 * série. 43
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à faire marcher le fourneau moyennant une redevance
annuelle de 5 oo livres. Ils avaient droit au jardin et à la
pêcherie.
L’année suivante, Pierre Le Double, sieur de Villevangue,
étant devenu fermier de la baronnie, fit exploiter le fourneau
en son nom. On consommait sept poinçons et demi de mines
par charge ; chaque tonneau se payait 1 5 sols aux extrac-
teurs. La castine se trouvait sur les lieux.
Quelque temps après , le duc de Nevers faisait dans les
environs de Decize établir un fourneau qui prit le nom de
Forge-Neuve ; et M. Prévost de La Croix créait aussi sur ses
ferres situées non loin de Decize un fourneau de grande
dimension qui prit le nom de Cressy.
L’établissement de ces deux fourneaux occasionna bientôt
une telle concurrence aux fourneaux de nos contrées et du
Berry, qui jusqu’alors fournissaient une quantitéprodigieuse
de fonte pour l’alimentation des forges en Nivernais, que les
fourneaux en deçà de la Loire furent contraints d'éteindre
ou de modérer leur marche.
De ce nombre se trouva le fourneau de La Guerche.
Néanmoins, après un assez long délai , le comte de Fou-
gières voulut, en 1779, rétablir en sa baronnie de La
Guerche le fourneau qui, autrefois sous ses antécesseurs ,
avait eu une féconde activité.
Il lui fallut alors se soumettre à remplir toutes les forma-
lités requises par les ordonnances.
La maîtrise de Nevers fut appelée à donner son avis , et
l’autorité judiciaire fit procéder à l’enquête de commodité et
d'incommodité.
Il surgit plusieurs oppositions. M. de Champ du Creuset
qui, par son mariage avec M lle Léveillé du Fournay, se
trouvait propriétaire des fourneaux de Torteron et du
Fournay, disait : < que la faveur précaire du commerce de
fer tenait surtout aux constructions maritimes; que Ton était
trop porté à croire que l’on en tirait grand profit ; que de
nouveaux établissements tomberaient sitôt que l’Etat n’au-
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38 7
rait plus besoin de fer; enfin que le prix du bois serait
augmenté à cause des verreries et des ferblanteries. »
Mais ce n'était là que vaines remontrances qui, sous
ombre du bien public, laissaient apparaître un intérêt tout
personnel.
La maîtrise de Nevers avait, le i5 novembre 1779, fourni
ses plans et donné un avis favorable à la demande.
D'une autre part , nous ne saurions omettre que le comte
de Fougières, était maréchal des camps et armées du roi ,
sous-gouverneur des enfants de France et lieutenant-général
de la province du Bourbonnais. Il avait exposé dans les
bureaux de Versailles qu’il y avait à La Guerche, un
emplacement avantageux pour l'établissement d’un fourneau
qui deviendrait utile au Gouvernement ainsi qu'à lui-même.
Que ses prédécesseurs avaient obtenu la faveur qu’il récla-
mait aujourd'hui; que tout concourait à en assurer le
succès, les mines se trouvant de même espèce et à proximité ;
que c’était remplir les vues du Gouvernement que de cher-
cher à mettre ces mines en valeur, surtout sans charge de la
part du roi.
Enfin , que cet établissement devait indubitablement être
utile aux habitants du pays sans nuire à ceux de cette espèce
qui existent dans la même province.
Bref, le i cr février 1780, il intervenait un arrêté du
conseil où nous lisons : c A ces causes, nous avons permis,
et par ces présentes permettons de reconstruire et faire dans
la terre de La Guerche une forge et un fourneau à l’endroit
indiqué par la maîtrise de Nevers. — Donné à Versailles,
le 23 février de l'an de grâce 1780, de notre règne le sixième.
— Signé: Louis. »
On procéda , sans délai , à l’édification du fourneau ; on
donna à sa base dix-huit pieds de profondeur. La chaussée
nouvelle tut établie sur pilotis, les bi lions avaient vingt-
quatre pieds de long. En même temps de vastes bâtiments
étaient appropriés à la régie et aux magasins.
En opérant ces fondations, on mit à découvert de notables
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x substructions remontant à l'époque où tout près de là, à
Fonfrain (Fons-Ferrea ) , les Gallo-Romains avaient pu
établir un petit balnéaire. Nous aurons au reste occasion
d'en parler, puisque les héritages circon voisins offrent encore
ces vestiges aimés des chercheurs.
Claude Mousse fut le premier régisseur ou fermier du
fourneau ainsi rétabli. Il avait entrepris à Claude Bossu,
minier, la fourniture des mines nécessaires à l'alimentation.
Ces mines étaient extraites dans le bois dit de Laumat;
l'entrepreneur avait le droit, sur la halle du fourneau, de
délaver les sables provenant du grappoire et d'en retirer à
son profit les mines et débris de fonte qui pouvaient s'y
rencontrer.
Mais bientôt il devint urgent de faire des réparations et
d'apporter des améliorations à la masse du fourneau. Les
pierres dont il était revêtu n'avaient point offert toute la
résistance désirable. Il intervint alors un marché fait à
forfait entre M. le comte de Fougières, seigneur d'Orval et
de Saint- Amand, et le nommé Philippe Desmoulins.
M. de Fougières s'engageait à fournir toute la pierre
d'ouvrage que besoin serait ; il prenait ces pierres dans les
carrières d'Orcay, relevant de Saint-Amand ; il s'obligeait à
les faire extraire , dégrossir et conduire à La Guercbe à ses
frais.
De son côté Desmoulins, moyennant 2,200 livres, s’en-
gageait à faire la grosse et la petite masse du fourneau.
Les apparoirs devaient être montés à vingt-quatre pieds
de haut à prendre dix-huit pouces au-dessous des bu^es.
La grosse masse devait être exhaussée de trois pieds et
demi et la petite masse de deux pieds et demi.
Le traité avait été lu et signé à Saint-Amand, le 9 décembre
1785.
Après Claude Mousse, nous voyons le fourneau dirigé par
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- 38 9 -
Ange-Laurent Dufaud , conjoint par mariage à Georgette ,
fille de Georges Cerf, propriétaire de Villars , qui prenait la
qualité de bourgeois de La Guerche.
Le comte Marie-François de Fougières était décédé en
1787; son fils , Louis- Joseph (1), lui avait succédé dans sa
charge de premier maître d’hôtel du comte d’Artois , depuis
Charles X, et dans sa baronnie de La Guerche.
La Révolution exerçait sa tourmente ; le jeune seigneur, à
peine âgé de dix -neuf ans, devait fidèlement suivre les
princes en leur émigration.
Par suite, en exécution du décret de la Convention
nationale, en date du 3 juin 1793, tous ses biens étaient
mis sous le séquestre pour être vendus au profit de l’Etat.
Au mois de pluviôse an IV, le fourneau étant tenu alors
à ferme par le citoyen Frazey, des affiches imprimées à
Brutus-le-Magnanime (Saint- Pierre-le-Moûtier), par J. -B.
Chevalier, imprimeur du district, annonçaient que le
16 dudit mois de pluviôse il serait, à Sancoins, procédé à la
vente et adjudication des biens provenant de l’émigré Fou-
gières , sur la mise à prix de 52, 108 fr.
Ces biens se composaient du fourneau de La Guerche et
de ses dépendances, qui comprenaient quatre étangs.
Après plusieurs enchères successives , le citoyen Lhomme,
agent national , proclamait Louis Rebut, propriétaire à La
Chapelle-sur-Grave, district de Mondidier, adjudicataire au
prix de 104,000 fr. (2).
Ce prix fut acquitté en trois termes et complètement en
assignats.
{1) En 1773, il avait eu pour parrain et marraine Monsieur, frère
du roi, depuis Louis XVIII, et Marie-Josèphe de Savoie, Madame. Les
cérémonies du baptême avaient été accomplies par l’évêque de Séez ,
en la chapelle du roi.
(2) Nous trouvons au nombre des enchérisseurs les citoyens Fran-
çois Durand, de Grossouvre; Frazey et Hubert Cacadier.
Louis Rebut avait alors un neveu, J.-B. Rebut, employé au contrôle
des finances en la ville de Bourges.
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— 390 —
Le 20 floréal an VII , Louis Rebut donnait le fourneau à
ferme à Claude Balleron , ancien curé de Saint-Etienne du
Gravier, marié , et déjà divorcé d'avec Victoire Dufour.
Quatre années après, le 12 floréal an II, devant Déséglise,
notaire à Bourges, il faisait un nouveau bail de douze
années pour finir en l'an XXIII , au profit de Jean Robert,
entrepreneur de la fonderie nationale de la marine, à
Ne vers.
Il était stipulé qu’il serait libre au preneur de déroger aux
usages des lieux pour la confection du mécanisme à adapter
au fourneau ; le prix était de 1,900 fr. par an.
Le 10 avril 1818, devant Dumont, notaire à Sancoins ,
M. Jean-Georges Dufaud, directeur des forges de Grossouvre
et Trézy, demeurant à La Chapelle-H ugon, fondé des pou-
voirs de MM. Payaux père et fils et Labé, affermait le
fourneau qui , par partage anticipé, appartenait alors à Jean
Dechaut et à dame Louise Rebut , sa femme.
Le 3 juillet , visite était faite contradictoirement des lieux
affermés.
Le fourneau était reconnu comme étant en assez mauvais
état ; — le poitrinaire était délabré ; — il ne s’y trouvait
aucun soufflet valable ; — point de boustat, de gentilhomme
ni de dame.
Bientôt une active et intelligente impulsion fut donnée au
fourneau de La Guerche , qui s’accrut encore après que la
compagnie Boigues eut complètement absorbé MM. Payaux
et Labé. On y installa une machine à vapeur en i 83 o ; c'est
la première que l’on vit fonctionner dans le département du
Cher.
M. Robert, qui n’était connu dans Nevers que sous le nom
de Robert de la Fonderie , avait, dès avant l’an XXI II,
donné la régie du fourneau à Pierre- Alexis Evrat, dont le
frère, J.-B.-F. Evrat, ex-gendarme et habitant de La Guer-
che , avait porté sa tête sur l’échafaud pour avoir protéré le
cri de: Vive le roi ! (4 thermidor an II.)
Sous la haute direction de MM. Dufaud père et fils, cette
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surveillance fut successivement confiée à MM. Evrat,
Augustin Ferrand et Reess Lewis père et fils.
Le i 3 octobre 1841, la compagnie de Fourchambault
devenait acquéreur du fourneau et de ses dépendances.
Le petit haut-fourneau marchait encore au bois. En 1844,
on augmenta sa capacité, on y installa une machine anglaise
à basse pression de Watt, de la force de trente chevaux.
On bâtit ensuite un deuxième fourneau, qui fut désigné
sous l'appellation de n° 2.
L’ancien fourneau n* 1 fut transformé pour recevoir un
mélange de coke et de bois; enfin, en 1867, il ne brûlait
plus que du coke, qui provenait de Saint-Etienne.
La même année, on créait vingt-six fours à coke; Com-
mentry et le canal du Cher fournissaient la houille néces-
saire, et l’établissement put fabriquer des projectiles en fonte
mixte (1). C’était alors travailler pour la gloire.
§
Depuis 1869, les travaux du fourneau ont pour toujours
arrêté leur cours. Comme une vulgaire et inutile propriété ,
il a été aliéné avec la condition restrictive que l’acquéreur ne
pourrait y rétablir une industrie métallurgique. 11 ne restait
plus qu’à répandre le sel sur le sol déshérité.
Inclinons-nous devant l’instabilité des choses humaines et
devant le progrès des arts.
C’en est fait. Vulcain et ses cyclopes s’en sont allés, et
saint Eloy n’est plus ici célébré par des bouches noires .
Au pied de cette haute masse qui dit : « Ici fut un four-
(1) A l’occasion de la fête que Ton célébrait le i 5 août, un artiste
peintre et vitrier exposait un transparent sur lequel on lisait :
La Guerche souviens - toi que dans Solferino ,
Bondissaient les boulets sortis de ton fourneau.
Ce distique ne l’empécha point de devenir capitaine dans la garde
nationale (1871).
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neau , » il ne restera plus bientôt que la source sacrée,
toujours ferrugineuse, que nos aïeux les Gallo- Romains
avaient vénérée , et qui avait légué son nom de Fons-Ferreà
au village voisin, Fonfrain.
Oh! les Romains, nous les retrouverons toujours sous
nos pas dans nos bien - aimées contrées , tandis que les
vestiges de nos forges et fourneaux sont fatalement destinés
à disparaître.
Pourtant il existe encore à La Guerche, au Chautay, à
Torteron , des amoncellements considérables de scories qui ,
témoins visibles d’une ancienne industrie, semblaient devoir
en perpétuer le souvenir.
Eh bien , voilà que chaque jour le génie utilitaire de nos
agents-voyers s’applique à les indiquer comme propres au
balast de leurs chemins vicinaux.
Inclinons-nous encore devant cet effacement historique.
Si au moins du milieu de ces amoncellements séculaires
il sortait quelques débris archéologiques qui vinssent tem-
pérer nos plaintes nestoriennes ! Mais, hélas! nous savons
que trop souvent la montagne en travail n’engendre qu’une
souris.
FONBARDAIS.
Fonbardais était une petite forge située au-dessous de
Château - Renaud ; son étang était alimenté par la petite
rivière de Germigny qui se nomme le Luissant (Lucida),
et va bientôt se jeter dans l’Aubois ( Albaya ). Voilà au
moins de poétiques appellations qui ont dû réjouir les
fraîches naïades des temps mythologiques !
Le fourneau de Martou apportait à Fonbardais le produit
de ses coulées.
Dans un inventaire dressé en 1689 après le décès de
Bernard de Brissonnet, baron de Germigny, il est fait
mention de 700 livres de fer battu à petits échantillons qui
se trouvaient fabriqués dans la forge.
Le 27 septembre 1757, Joseph Charançon, fermier du
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marquisat de Germigny, donnait à sous-ferme à Guillaume
Page, régisseur des forges et fourneaux de Grossouvre, la
forge de Fonbardais, consistant en bâtiments pour les for-
gerons, halles à charbon, magasins, soufflets, écluses, roues,
marteaux, enclumes, casses, caracolles, cours d’eau et étang,
et enfin 700 livres d’outils et ustensiles et quatre plaques de
fonte pour les affineries.
Le bail était fait au prix de 500 livres par an.
Messire Pierre Babaud de LaChaussade, écuyer, baron
de Frasnay, seigneur de Villemenan et de Guérigny, secré-
taire du roi, maison et couronne de France et de ses finances,
demeurant à Paris , rue Chariot , intervenait en personne
dans le bail et se portait caution du preneur.
La forge, comme bien d’autres, cessa de marcher à
l'époque de la Révolution ; elle fut vendue , elle bien
roturière , en même temps que l'aristocratique résidence de
Château- Renaud , au profit de la nation , après l’émigration
de Louis César, marquis de Bonneval , devenu marquis de
Germigny et seigneur de Château-Renaud par son mariage
avec Henriette de La Frezelière, fille de l'ancien premier
lieutenant-général de l’artillerie de France, Hilarion Fréseau
de La Frezelière, qui mourut à Château- Renaud le 2 janvier
1777 et fut inhumé en l’église de Germigny.
Aujourd'hui, sans dérogation aucune, Château-Renaud
appartient à M. René de Maistre, officier supérieur d’artillerie,
qui fut attaché à l’ambassade de Russie avec le général
Chanzy.
Quant à l’emplacement de l’ancienne forge, il a été livré
à la culture , et la charrue rejette encore sur le sol ces débris
de fonte qui st nommaient évents ou jets de coulée .
MARTOU.
Martou était un arrière-petit-fief qui relevait de la baronnie
de La Guerche ; il était situé sur les limites des paroisses de
Germigny et du Gravier; son territoire était riche en minerai
t. n, 3 # série. 44
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— 394 “
de fer, et au pied du coteau, qui formait une chaussée natu-
relle , il existait un vaste étang.
A une époque que nous ne saurions préciser, le détenteur
du fief de Martou demanda au baron de La Guerche la licence
de construire sur son étang un fourneau et une forge.
Cette autorisation fut concédée moyennant 3 oo livres de
rente annuelle et un contre-feu de fer de fonte.
En 1 6 1 3 , Edme Chevane, fondeur en guise, établissait un
fourneau sur l’étang de Martou.
Dans un inventaire qui date de 1625, nous trouvons
mentionnés, comme objets dépendant du fourneau, trois
soufflets avec leurs cuirs et courroys, ringards, chaînes,
balanceaux, chevilles, une grande romayne à peser guise
garnie de ses pesées et grille.
En 1639, noble Nicolas Rossignol, lieutenant-général à
l’élection de La Charité , tuteur des enfants de feu Nicolas
Coulon et de Marie de Fougière, vendait devant Riquelay,
notaire à La Charité , le fief de Martou à noble Daniel de
Fougière, écuyer, seigneur de Bussi (paroisse de Germigny).
En i 65 o, il opérait l’amortissement de la rente de
3 oo livres due à François de Tenon, baron de La Guerche;
et la redevance annuelle du contre-feu de fonte était con-
vertie en cent sols de cens, qui demeurait comme aveu de la
suzeraineté due au seigneur de La Guerche.
Neuf années plus tard , François de Fougière et dame
Marguerite de Fougière, épouse de Pierre Jaupitre, héritiers
de feu Daniel de Fougière, vendaient le fourneau et la
métairie de Martou à Séraphin de Mauroy, seigneur de
Saint-Ouen-sur-Seine, de Germigny et de Château-Renaud,
conseiller du roi, intendant de ses finances, secrétaire de
Sa Majesté, maison etcouronne de France.
Martou se trouva incorporé ainsi à la terre de Germigny,
laquelle fut adjugée aux requêtes du Palais à Paris au profit
du marquis Brissonnet d'Oisonville , le 25 octobre i 683 .
Celui-ci acquittait alors entre les mains de Henri Régnier,
marquis de Guerchy et baron de La Guerche, une somme
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de 1,200 livres pour profit des lods et vente, à cause des
fourneau et domaine de Martou.
S
Aux archives de l'État, nous avons lu un bail consenti,
le 16 octobre 1580, par René de Rochefort, du fourneau de
Mareuil en Berry et des gisements de mines existants en
cette seigneurie.
Il y était notamment spécifié que, « au cas où il se trou-
verait dans lesdites mynes et castines aucuns mestaux d'or,
argent , estaing, plomb, cuivre : seraient tenus les preneurs
d'en advenir ledit seigneur avant que d’en rien prendre et
employer les proffits, à peyne d'estre deschus et frustrés pour
le regard de ce du tiers qui leur appartiendra et qui leur a
été accordé par le seigneur de Mareuil ».
C’était là une condition de style qui s'écrivait par pré-
voyance, mais qui, le plus souvent, ne trouvait guère son
application.
Néanmoins, il arriva plus d'une fois que les ouvriers
employés à l’extraction des mines de fer se disaient entre
eux : N’aurons-nous donc jamais la chance de trouver sous
notre pioche quelque filon d’un métal plus précieux que
celui du fer.
Or, voici donc une légende que nous reproduisons telle
qu’elle nous a été racontée :
Il existe non loin de Martou un lieu nommé Arrangy,
qui pourrait bien avoir emprunté son nom à Argenteum
pour le latin et même à Argos pour le grec ; le fait est que
le sol d’Arrangy est d’une entière blancheur. Les ouvriers
de Martou s’avisèrent de vouloir expérimenter en secret les
mines qui s’y rencontraient. Après les avoir fait griller par
l'action de la fournaise, ils en retirèrent un beau lingot d’un
métal qui les émerveilla; il était si blanc, qu’ils n'hésitèrent
point à le prendre pour un métal d'argent ; mais courte fut
leur joie : les officiers du roi soubz ombre du dixiesme , ou
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- 3g6 —
autres officiers du seigneur de Martou, se présen tirent
inopinément au fourneau. A leur approche , le guisier crut
prudent de précipiter le lingot dans l’étang, et ce trésor
s’enfonça si profondément dans le marécage que onc on ne
put le retrouver; la crédulité populaire l’y cherchera long-
temps encore.
En 1780, le fourneau de Martou fut éteint, et l’étang,
transformé en terres labourables, ne produit plus que les
trésors chers à l’agriculteur.
COMMUNE DE PATINGES,
ACTUELLEMENT COMMUNE DE T O UTERO N.
RAGON.
Nous avons dit que les forges à battre fer s’établissaient
plus volontiers à l’endroit où déjà fonctionnait un moulin à
blé.
Cette remarque peut s'appliquer à la forge de Ragon,
comme à celle de Haulte-Fière que nous rencontrerons
bientôt à Jouet, toujours sur le cours de l’Aubois.
Ragon, Alias Arragon, ou bien encore La Charnaye-
Ragon, était un fief qui relevait de la comté de Nevers.
Les eaux qui baignaient la tour du petit manoir de Ragon
et faisaient mouvoir la roue de ses moulins, inondaient
parfois, par leur retenue en amont, les prairies appartenant
à l’abbaye de Fontmorigny; il y eut même en 1499 un
procès qui finit par prendre fin au moyen d’un échange
amiable.
Jehan des Ruaulx , agissant comme ayant la garde noble
de ses enfants, opérait en 1616 de notables réparations aux
moulins de Ragon.
En 1660, M ile de Marguerit faisait donation des biens
qui lui étaient échus dans la succession d'Anne des Ruaulx,
sa mère; on y trouve compris, entre autres choses, un moulin
à blé et un moulin à battre fer.
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— 397 —
La tour féodale et la roue de la forge ont disparu. Il ne
reste aujourd'hui qu'un moulin & faire farine.
FEÜLAHDE.
L'opulente abbaye de Fontmorigny ne négligeait rien de
ce qui pouvait augmenter ses redevances. Non loin des
mura du couvent , voulant faire emploi des mines qui
abondamment se trouvaient dans ses appartenances terri-
toriales , elle pensa de bonne heure à établir un fourneau
auquel elle donna le nom de Feularde. En supprimant avec
licence la consonne L , nous pourrions en proposer l’étymo-
logie.
§
En 1637, l'abbé de Marolles écrivait: » Nous vînmes
coucher dans une abbaye de l'ordre de Citeaux, appelée
Fontmorigny, appartenant à l'un des enfants de M. de Ville-
donné, mais qui était alors contestée par un riche habitant
de Nevers nommé Bouzitat.
» Le monastère est situé dans la solitude des bois. Je vis
dans les alentours plusieurs forges de fer . Le lendemain
nous fûmes passer la Loire en bateau pour aller à Nevers
saluer M** la princesse Marie... » Nous sommes presque
fier en disant que notre cher abbé de Marolles a passé par là.
En 1698, les seigneurs de Sauvage, du Rochy et autres,
qui avaient des fourneaux à pourvoir, connaissant toute la
richesse minière que recélait le territoire de Fontmorigny,
adressèrent une requête à la cour des aides, en empruntant
sans vergogne le nom des abbés et du couvent, < à l'effet
d’être autorisés à prendre des mines à faire fer dans diffé-
rentes pièces de terre de labbaye, toutefois après que le
fermier du fourneau de Feularde aurait été préalablement
fourni ».
Il fut fait droit à la requête ; mais le couventîjprotesta
contre l’arrêt , attendu qu’il n'avait donné aucune autori-
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— 3g8 —
sation pour prendre mines sur ses appartenances , attendu
encore que si les propriétaires ou fermiers des fourneaux
circonvoisins s'ingéraient à pratiquer un tel droit , le prix
des fers se trouverait sous peu réduit à rien .
Le prieur dom Longchamp, assisté des religieux (i),
donnait en même temps à Langellerie , procureur à Paris,
la mission de formuler un complet désaveu et d’obtenir des
dommages et intérêts.
Comme il arrivait en maintes circonstances , le procès se
termina par un accord qui sans doute satisfit les intéressés.
En 1774, Gabriel Velu était à la fois régisseur du four-
neau d'Imphy et de celui de Feularde, où il démeurait.
Il était appelé concurremment avec Etienne Bureau,
régisseur des forges et fourneau de Torteron , et Jean
Ponceau , marchand de bois à Milly, à faire en justice une
déclaration concernant certains usages pratiqués par les
bûcherons au détriment des charbonniers.
Cet acte de notoriété, au point de vue moral, nous paraît
assez tristement intéressant pour que nous en donnions la
teneur. Il y est dit: < Que de tout temps l’usage a été que ce
fût le charbonnier qui levât les cordes fabriquées par les
bûcherons, et que s’il est arrivé quelquefois que les bûcherons
aient levé les cordes avec le charbonnier, ce n’était que par
infraction à la règle et par abus.
» Que cet abus a pris sa source dans la mauvaise foy et la
méchancesté des bûcherons , soit que par leurs menaces ils
inspirassent de la crainte au charbonnier, soit, dans leur
intérêt respectif.
» Qu’il est arrivé encore que les bûcherons étant en plus
grand nombre et par conséquent les plus forts, ils aient fait
la loy tant au charbonnier qu’au marchand .
» Qu’en travaillant eux-mêmes à lever leurs cordes, ils les
font de manière qu’elles ne soient point de mesure, soit en
(1) Ces religieux étaient: dom Bernard de La Garde, sous-prieur;
dom Louis Lemoine, dom Guillaume Théon , procureur et cellérier.
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— 399 —
les plaçant sur des souches, soit en croisant leurs bois, soit
enfin en mettant au milieu des cordes des brides de ramier.
» Bref, que c'est au charbonnier à lever les cordes; car les
bûcherons ne font jamais les cordes telles qu’elles doivent
être; qu'au surplus dans le Berry, comme dans le Nivernais,
on n'a jamais connu la méthode de croiser le bois en l’empi-
lant.
» Qu’enfin la règle marchande est que la corde doit avoir
trois pieds de longueur sur quatre de hauteur. >
Ce document, écrit en entier de la main de Velu, ne
manque point d’enseignements à l’adresse des économistes et
des humanitaires ; et comme, malgré nous, nous sommes
forcé de faire un peu de biographie, nous dirons que Jean
Ponceau, ci-dessus nommé, était maire de la commune de
Patinges, lors du dépouillement de l’église, opéré le
i* r novembre 1793 par les délégués de la Société populaire
de La Guerche, : et que Gabriel Velu , étant maire de Saint-
Germain, sut énergiquement résister aux injonctions des
administrateurs du district de Sancoins qui réclamaient,
comme métal avantageux à la République , les trois cloches
de la ci-devant église, qifil avait cachées dans sa maison
pour les restituer en 1806.
TORTERON.
Torteron fut primitivement un petit prieuré dépendant
des chanoines de Saint-Martin de Nevers ; en tant que
prieuré, il avait sa chapelle qui était dédiée à sainte
Catherine ; en tant que fief, il avait sa justice; et au nombre
de ses baillis , nous sommes fier de rencontrer Guy-Coquille
(1578-1584). Il était autorisé à tenir ses assises dans la cour
même du palais épiscopal ; nous ne supposons point qu’un
orme y fût planté.
En 1193, le seigneur Odon de Montfaucon possédait un
chemin qui, partant de sa seigneurie, passait sous les vignes
de l'abbaye de Fontmorigny, pour aboutir aux planches de
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— 400 —
Torteron, sur l’Aubois. L'usance de ce chemin donna lieu,
comme toujours, à plusieurs discords ; bref, Odon finit par
faire l'abandon de ce chemin en donnant la permission
d'établir un étang sur le parcours.
En 1216, l’archevêque de Bourges confirmait quelques
donations de terres et de prés au-dessous du moulin de
Torteron. Nous devons naturellement en conclure que dès
avant il avait été édifié sur l'étang un moulin à faire farine
ou à battre fer qui avait été concédé à Saint -Martin de
Nevers.
Nous voyons aussi que le ruisseau, rivulus de Tortonio,
inondait trop souvent le pré de Fontmorigny, dictum pratum
de bovibus , de sorte que ce pré qui voulait rapporter de bons
foings ne voyait plus croître que des rauches. Deux meu-
niers, Hugues de Patinges et Amelius de Charenton, par-
vinrent à amortir le procès (1 339).
La petite forge de Torteron fabriquait du fer et de l'acier.
Nous y trouvons en 1610 Jehan Mut, et Laurent Mut
en i 63 i; l'un et l'autre sont maîtres assiérons . François
Goyre, grenetier au grenier à sel à La Charité, en était
l'accenseur principal.
En 1 63 1 , Edme Goyre, fils de François, demeurant à
Feularde, s’adresse à Laurent’Mut et le somme de lui forger
et faire le plus d'acier qu'il pourra , ainsi que le comporte
son bail, et lui dit qu’il a vendu quantité de milliers d’acier
à ung marchand , et que le terme de la livraison est sur le
point d’expirer.
Laurent Mut répondait : < Ne peux faire acier, attendu
que dans l’étang il n’y a plus d’eau que pour huit Jours. »
En 1610, les droits seigneuriaux du fief de Torteron
furent aliénés par MM. de Saint-Martin de Nevers, au profit
de Jean Després, qui obtenait plus tard des lettres de relief
pour sa noblesse (1 632).
En 1736, la seigneurie de Torteron était entre les mains
de Pierre Leveillé du Fournay, qui se trouva posséder alors
la forge de Torteron et celle du Crottay.
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— 4 01 —
En 1758, il établissait un nouveau fourneau à cuire la
mine de fer . L’inauguration en fut faite avec toutes les
cérémonies conformes à l’usage (1). Une pierre commémo-
rative, gravée en gros caractères, était incrustée dans la
construction ; un fragment en a été recueilli il y a quelques
années. On y lit :
i’ay etb p.
1758 PAR D ,,e JEANNE
ELISABETH DV FOVR.
Élisabeth Bernot de Charrant était alors épouse de Pierre-
Noël Leveillé du Foumay. Leur fille Jeanne-Elisabeth fut
conjointe par mariage à Ai mable-Charles de Champs, sei-
gneur du Creuset , qui devint ensuite propriétaire des four-
neaux de Torteron et du Crottay.
En 1822, Torteron était encore en la possession de la
famille du Fournay quand Louis Boigues, fondateur de
Fourchambault, en fit l’acquisition.
Dès-lors commença pour Torteron toute une ère de prospé-
rité industrielle. Les soufflets ou machines soufflantes plus
ou moins perfectionnés firent place à la soufflerie ayant pour
auxiliaire la machine à vapeur ; l'ancienne roue hydraulique
fut abandonnée, les étangs de Feulardeetde Torteron furent
mis à sec.
Les premières machines à vapeur que l’on vit fonctionner
dans ces deux fourneaux provenaient de Meath-Abbey, au
comté de Galles. En même temps la compagnie de Four-
chambault faisait venir d'Angleterre des ingénieurs avec
mission de transformer les fourneaux au bois et d'établir des
mouleries sur une grande échelle.
M. Grefith fut préposé aux fourneaux de Fourchambault
et M. Rees aux fourneaux de la rive gauche de la Loire.
( 1 ) A chaque mise en feu du fourneau du Chautay, il était dû deux
sacs de charbon au curé de la paroisse ; celui-ci était tenu de dire une
basse messe.
t. 11 , 3 # série. 45
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— 4°2 —
Les fourneaux de deuxième fusion, dit fourneaux à manche
ou à la Wilkinson, fonctionnèrent avec succès.
Torteron vit successivement augmenter le nombre des
hauts-fourneaux en remplaçant le combustible végétal par le
combustible minéral. Il eut le n® i, le n° 2 et son n° 3,
comme vocables de ses fourneaux.
Néanmoins, Feularde et Torteron marchèrent au bois
jusqu’en 1840. Après quoi, ils furent transformés pour
marcher avec un mélange de coke et de bois.
Vers 1860, on n’employait plus que le minéral pur,
quand le fameux traité de commerce avec l'Angleterre vint,
en diminuant les droits protecteurs sur la fonte anglaise,
porter un coup mortel aux hauts-fourneaux de nos contrées.
Sous la direction d’habiles ingénieurs, MM. Georges et
Achille Dutaud, Fournier, de Clervaux et Chauveau, l’usine
de Torteron acquit une juste renommée. Ses premiers mou-
lages acquirent une très-grande importance dès i 832. Elle
eut pour fidèle cliente la ville de Paris, à laquelle elle livrait
sans cesse ces innombrables tuyaux qui* sillonnent son sol
souterrain.
La fonte mixte servait à la fabrication des coussinets pour
les chemins de fer et des projectiles pour l’artillerie.
Des moules de Torteron sont sonies les arches des ponts
du Cubzac et du Carrousel, et la glorieuse colonne de
Juillet.
La France et l'Espagne réclamaient bien des kilomètres de
tuyaux. M. de Clervaux inventa alors une ingénieuse
méthode pour leur moulage ; elle consistait à placer vertica-
lement à fleur de terre les moules destinés à recevoir la
coulée , de telle sorte que l’opération devenait plus rapide et
permettait à la fonte de se répartir plus également quelle ne
pouvait le faire dans un moulage placé horizontalement.
Grâce au zèle et à l’intelligence de M. Dorguin qui, pen-
dant de longues années, tout en demeurant le régisseur
inamovible de l’établissement , remplissait les fonctions de
maire de Patinges, Torteron, dignement favorisé par la
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— 4o3 —
compagnie de Fourchambault , parvint à conquérir une
véritable importance communale.
Torteron qui, en 1822, ne comptait que cinq ou six
maisons, parvint, cinquante ans après, à posséder une popu-
lation de près de 3 ,ooo âmes.
Torteron eut son église , ses écoles , son hospice , son
kiosque pour l’orphéon, ses trottoirs et ses boulevards.
Torteron eut ses canons, Torteron prit officiellement le nom
de ville.
Et pourtant aujourd’hui Torteron n’est plus. Il a vu
transporter impitoyablement sa richesse et son importance à
Montluçon, devenu le seigneur suzerain de Fourchambault.
Rien n'est immuable ici-bas, et déjà il est possible de
prévoir le moment où , obéissant à une économique attrac-
tion, Fourchambault se verra contraint de déverser son
industrie et son immense outillage sur ce centre houiller
qui s'appelle Montluçon, en attendant qu’après avoir épuisé
ses ressources minéralogiques, Montluçon disparaisse à son
tour.
Hélas f pourquoi devons-nous ajouter que si Torteron a
eu ses jours de fêtes et de prospérité , il a connu aussi des
jours néfastes.
Si Torteron a célébré avec pompe de glorieux anniversaires,
s’il a reçu avec éclat d’éminents visiteurs, Torteron a eu
aussi son martyrologe.
Un matin, trois jeunes garçons qui, pour être plus tôt
prêts à se rendre à la fête d’un village voisin , avaient eu
l’imprudence de passer la nuit couchés derrière une étuve à
sécher les moules, étaient trouvés morts asphyxiés.
Un autre jour (le 6 janvier i 863 ), sept malheureux
ouvriers succombaient torréfiés par la fonte liquide qu’ils
transportaient sur un wagon mal équilibré.
Enfin, en 1869, on vit arriver de Fourchambault des
énergumènes qui , se répandant violemment dans l'intérieur
de la fonderie , éteignaient le feu des fours et renversaient
tout de leurs mains forcenées.
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— 4<>4 —
Aujourd’hui Torteron n’a plus à redouter les grévistes
politiques; l’établissement est désert comme un Hercu-
lanum !
SAINT-GERMAIN-SUR-L’AUBOIS ,
aujourd’hui jouet.
LE FOURNAY.
Le territoire de Jouet était un annexe à la baronnie de La
Guerche.
Il n’exista tout d’abord, sur la rive gauche de l’Aubois,
qu’une métairie dont nous trouvons mention en 1176, sous
le nom de Grangia de Johamet. Nous osons présumer que
par abréviation Johannet a fait Johet , qui définitivement se
transforma en Jouet .
Sur le cours de la rivière qui , à une lieue plus loin , va se
jeter dans la Loire, il avait été construit au moins deux
moulins que nous signalent les chartes de Fontmorigny. Le
premier, molindinum quoi corticem verberat , était au
douzième siècle un moulin à tan; le second se nommait
molindinum de alta feria , qui est traduit par Altefert —
Altefière. 11 finit de concession en concession par devenir la
propriété exclusive de l’abbaye (1190).
Sans trop préjuger sur la question, nous supposons que
ce moulin servait aux fourneau et forge qui y furent établis.
Le fait est que le sol de Jouet ne peut être creusé sans que
profondément on ne se trouve en présence de couches de
laitiers qui y ont été répandus de toute ancienneté.
En 1476, Robert de Bar, baron de La Guerche, et par
conséquent seigneur de Jouet , faisait accord avec Fontmo-
rigny au sujet du péage qui s’exerçait au passage des
planches de la forge de Jouet. Ledit seigneur donnait
dispense aux hommes du couvent de venir faire guet et
garde à son château de La Guerche ; et , par suite , les
manants n’avaient plus en passant le gué de la -Jorge qu’à
acquitter la moitié de la redevance due à la baronnie.
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— 405 —
Non loin de là se trouvaient le fief du Plessier, ou du
Fournay, et le fief du Crottay, qui tous les deux avaient
forges et fourneaux. Nous trouvons en 1 5 57 Jeanne
Trézard , alors épouse de Paul Leclerc , succéder à son père
pour l’exploitation du fourneau du Crottay.
En 1605, honorable homme Jehan Tréhard était maître
dudit fourneau; il mourait en 1612 et était inhumé en
l’église de Saint-Germain, sa paroisse. Voici son épitaphe
écrite sur une pierre qui avait été incrustée sans respect pour
une peinture murale qui représentait saint Christophe, et
qui elle-même avait été échancrée lors de l’appropriation de
l’église en arsenal:
CI-GIST . DÉFVNT . IEHAN .
TRÉHARD . VIVANT . MAISTRE . DE . FOR
GES . DEMEURANT . AV . FORMAT . PAROISSE
DE S '-GERMAIN . LEQUEL . EST . DÉCÉDÉ LE
JUNG . l6l2 . LE . DIT*.
MONUMENT . A . ESTÉ . FAICT . A . LA . SUS
CITATION . DE . HONNESTE . FEMME
MICHELLE . PIERRE . FEMME . DU . D1CT
DÉFUNT . TRÉHARD . PRIEZ . DIEU
POUR . SON . AME . AMEN .
S
Nous avons déjà vu que les consentement et licence de
créer ou d’apporter des modifications notables aux forges et
fourneaux, devaient être obtenus des seigneurs suzerains.
Aussi voyons-nous devant Sacré, notaire à Nevers, inter-
venir, le 17 septembre 1610, un arrangement entre Étienne
de Tenon, baron de La Guerche, et le seigneur du Fournay,
relativement à la forge du Crottay.
En 1707, Pierre Leveillé, seigneur du Rochy, qui tout en
maintenant dans ses armes parlantes une cigogne et sa
vigilance , prit le nom de du Fournay, soutenait concur-
remment avec Joachim Courtois, clerc, c’est-à-dire commis
à ladite forge, un procès qui durait depuis trente-deux ans
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devant le bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier, lequel avait
pourtant la réputation proverbiale de mener activement les
affaires, au fait de pendaison.
Ce procès concernait un réglement des eaux de PAubois.
En iy 5 o, Pierre Brenon , marteleur, exploite la forge du
Crottay; aux termes de son bail, il était tenu de rendre
contre i, 55 o de fonte un millier de fer selon l'échantillon
demandé; le fer défectueux ou de rebut demeurait pour son
compte.
Le bailleur était Pierre-Noël Leveillé, sieur du Fournay,
ancien mousquetaire du roi.
Celui-x:i s’obligeait à payer au preneur 40 livres pour
chaque millier de fer qui serait produit, et 5 o livres pour le
fer provenant de la ferraille.
Les huiles pour relevage des soufflets, les graisses et
cambouis, les manches des marteaux, bras, coins, cornes et
sabots, demeuraient à la charge de Bernon, qui devait
nourrir le souffletier; mais M. du Fournay acquittait les
frais des voyages faits pour se procurer des ouvriers; le
souffletier était payé à raison de 25 sous par journée.
Vingt ans après, nous trouvons à la forge Gabriel Velu ,
qui à la Révolution devint maire de la commune de Saint-
Germain, dont le nom agiologique avait été changé contre
celui de la Canonnière.
Le représentant du peuple Ferry, revêtu des pouvoirs
sans limites que la Convention nationale lui avait délégués ,
avait en ventôse an II décidé que la ci-devant église de
Saint-Germain-sur-l'Aubois , déjà érigée en temple de la
raison, serait débarrassée de tous les objets qui emplis-
saient sa capacité , afin de la rendre libre pour une fonderie
de canons.
Par suite, le i* r prairial an II, la commune de Neuvy-le-
Barrois recevait injonction d’avoir à cuire 20 milliers de
briques destinées à l’aménagement du four; et le 14 du
même mois i,95o briques étaient conduites à Apremont
pour la même destination.
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— 4®7 —
La direction des travaux et de la fonderie étaient confiée à
J. -B. Robert (i), agent du Gouvernement, qui en même
temps créait à Nevers une fonderie nationale sur remplace-
ment du couvent des Capucins.
Il préposa à la Canonnière un contre-maître du nom de
Moreau , qui accidentellement devait perdre une de ses
j ambes au milieu de ses périlleux travaux (2).
Bien qu'elle eût pris le nom retentissant de la Canonnière,
la commune n'en continua pas moins à ne posséder pour
toute artillerie que des boites chargées d'annoncer que la
flamme commençait , alors que l'on célébrait des anniver-
saires ou des événements politiques avec des feux de- joie!
§
Les fers et fontes provenant de Feularde, de Torteron, du
Crottay, étaient transportés sur les bords de la Loire; avant
d'être embarqués , ils étaient soumis à une pesée; le lieu où
elle s’opérait a pris le nom du Poids-de-Fer qu’il porte
encore (3).
Il fallait seize hommes pour remonter un bateau chargé
de 26 milliers de fonte.
Les chargements étaient soumis aux droits féodaux du
péage exercés par les seigneurs riverains. Ces redevances que
la monarchie s’appliqua à réduire et à supprimer étaient,
en 1 555 , de 2 sous 6 deniers par chaque millier, au détroit
(1) Ami des frères Montgolfier, Robert fut un des deux navigateurs
qui osèrent entreprendre une ascension au moyen d’un aérostat.
(2) U nous a été raconté que lorsque des visiteurs venaient dans
sa fonderie, Moreau se plaisait à prendre de la fonte sur ses deux
doigts, en faisant le simulacre de la porter à sa bouche pour la
goûter.
( 3 ) Le Poids-de-Fer était de la paroisse de Dompierre-sur-Loire ;
cette paroisse a été supprimée en 1757 pour faire partie de la paroisse
de Saint-Germain-sur-l’Aubois. Cura de damna Petra — presentatio
Priotis albiniensis. Il a été ouvert une carrière de pierres sur l’em-
placement de l’ancienne église.
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— 4°8 —
d’Orléans. Le soufflet de forge transporté par eau devait
acquitter 2 livres tournois.
Les mines de toute nature formaient une partie des
richesses du royaume. Nos rois, tout en favorisant l’in-
dustrie et en instituant les corporations au faict des mar-
chandises, n’oublièrent point de travailler à l’accroissement
des revenus de l’État. Jusqu’à la fin du quatorzième siècle,
l’exploitation des mines avait été au pouvoir des seigneurs
féodaux; mais en 1413 cette prérogative fut proclamée
inhérente à la royauté.
Le Trésor prélevait le dixième sur toutes les extractions de
mines.
En vain les propriétaires de nos contrées, lors de la
convocation des États-Généraux de 1614, réclamèrent-ils
l’abolition de ce droit , leurs remontrances ne furent point
écoutées, et le droit persista jusqu’à l’époque de la Révo-
lution. La loi du 21 avril 1810 fut ensuite promulguée;
c'est elle qui règle encore aujourd'hui ce qui est appelé le
régime des mines.
OBSERVATIONS FINALES.
En cherchant encore dans les sablons du gratissoire et
dans les lavoirs ou patouillets , nous eussions pu sans doute
rencontrer quelques minces épaves de fonte ou de mine;
mais après notre marche assez pénible à travers les sentiers
peu fleuris qu’arrose l’Aubois aux abords de nos forges et
fourneaux, nous avons pensé qu’il était temps de terminer
notre pèlerinage historique.
Il nous restait pourtant à examiner les choses au point
de vue économique et les hommes au point de vue physio-
logique.
Nous eussions alors assisté à cette revue des divers tra-
vailleurs qui , dans un labeur commun , concouraient à
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— 409 —
constituer cette ruche industrielle qui se nomme une usine
sidérurgique.
Nous eussions vu passer les miniers ou mineurs que Ton
appelait les Pieds-Jaunes.
Pénétrant au milieu des bois d’alentour, nous eussions
rencontré les bûcherons, les dresseurs de cordes et les
charbonniers, qui gardaient fidèlement le mystère d’affi-
lifction à leur métier, en même temps qu’ils professaient
une grande vénération pour monsieur saint Thibault , leur
patron.
Nous eussions aperçu le chartier- de- bats portant, en
triple torsade autour du cou , son long fouet au manche si
court. 11 passait quelque peu pour être sorcier, par le motif
qu’il lui suffisait d’une note de sa voix rauque, pour
assembler tous ses mulets et cavales décharnées, trop
souvent en délit sur le terrain d'autrui.
Nous eussions vu , près du fourneau , l’orgueilleux
fondeur qui exerçait sa suprématie sur l'équipe des ouvriers,
et considérait comme bien peu les clercs, les commis, les
plumitifs de la régie.
Le fondeur se prétendait aussi dépositaire de certains
secrets professionnels; et le dimanche, quand il avait à
renouveler ses feux , il avait soin de dissimuler les petits
bois dont la mesure, ignorée de tous , même des ingénieurs
en titre, servait à la préparation des creusets.
Enfin , nous eussions assisté au dénombrement des mar-
tauteurs ou marteleurs, — des affineurs, — des affoureurs,
— des bouqueurs ou bouquatiers , — des castiniers , — des
guisiers, — des mouleurs, — des briquetiers, — des
acierrons , enfin de tous ces travailleurs dont la corporation
avait pour patron saint Éloi, dès le temps reculé où Étienne
Boileau publiait son livre des métiers , et accordait une
importance considérable à l’œuvre de la forge.
Oh ! la Saint-Eloi était un grand jour de liesse pour la
corporation des forgerons, qui acceptaient volontiers le sur-
nom réaliste de gueules noires.
t. n, 3 * série. 46
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— 4 10 —
Par une pratique dont le symbole rappelait le paganisme,
au jour de la fête, le marteleur ne manquait point de placer
sur l'enclume transformée en autel antique une offrande
consistant en un pain bénit et en un verre rempli de vin :
Illud quod amabat ! Alors devant les ouvriers assemblés la
roue hydraulique mise en mouvement soulevait le lourd
marteau orné de fleurs qui, au milieu des cris de joie, venait
s’abattre sur le pain et le vin.
Dans les festins de Rome , les convives aussi étaient cou-
ronnés de roses.
En produisant cette notice aride et hérissée de millésimes
puisés à bien des sources diverses , nous n'avons point eu la
prétention de nous ériger en initié sorti du cours technique
de quelque école des mines. Nous avons négligé d’obéir aux
ci-devant royales ordonnances, comme à la loi du io mai
1810; nous n'avons livré ni plans de lieux, ni coupes ou
dessins de machines en triples exemplaires.
Nous nous sommes proposé seulement d’acquitter un
faible tribut à l'histoire locale de nos contrées, en établis-
sant que les siècles passés, malgré les événements qui les ont
troublés, n’ont pas toujours été indifférents à l'industrie
métallurgique.
En remontant à l'époque romaine, si nous ouvrons les
Commentaires , nous y verrons que les Bituriges savaient
mettre en exploitation les mines abondantes qui existaient
sur leur territoire, et qu’ils appliquaient à la défense d’Ava-
ricum l'art de creuser les galeries souterraines.
Nous ne pouvons mettre en doute qu'à ces époques loin-
taines les minerais n’aient été recherchés dans les gisements
qui avoisinent l’Aubois. Il y a vingt-cinq ans, un jeune
ingénieur, M. Beau, préposé au fourneau du Chautay et à
l'extraction des mines environnantes, voulut faire procéder
à l'abattage de quelques galeries abandonnées depuis des
siècles; or, il eut la joie d’y recueillir des médailles datant
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du commencement de l’empire et de notables fragments de
poterie dite de Samos !
Oh! la bonne et respectable archéologie saura toujours
nous livrer bien des secrets ; son empire est éternel !
FORGES ET FOURNEAUX.
APPENDICE.
Pour accomplir sa tâche aussi fidèlement que possible , le
monographe ne saurait négliger le détail. Nous avons donc
encore à signaler çà et là quelques vestiges de forges et four-
neaux sur le territoire cantonal de La Guerche.
Commune d'Apremont. — Il existe un domaine qui se
nomme le Boucard . Il s'y trouve un vaste étang avec une
forte chute d’eau qui fit longtemps mouvoir la roue d'un
moulin à blé. Nous devons rationnellement supposer que là
fut autrefois établi un fourneau avec un boucard qui broyait
le laitier, afin d’en extraire le fer de fonte qu'il détenait.
Commune de Cuffy. — Dans un bois cadastré sous le
nom de Bois-Midi on découvre des scories qui indiquent
l’existence ancienne d’une de ces forges primitives dites
forge à bras .
Près du domaine de la Douât , dans les bois Clercs , qui
furent en 1466 abandonnés par Jean, comte de Nevers, aux
pauvres humbles et obéissants hommes et sujets habitants
de Cuffy qui avaient été au loin dispersés par fortune de
guerre, il existe un petit canton qui se nomme les Laitiers.
Us indiquent suffisamment leur origine.
§
On n'est point parfaitement d'accord sur l’époque oh les
moulages en fonte firent leur apparition. Cependant, dans
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— 4 12 —
un inventaire dressé au château d’Apremont en 1497, nous
trouvons la mention de deux couleuvrines en fer de fonte.
Dans nos contrées , il convient d'admettre que , parmi les
ouvriers de fourneau, il se sera par intervalle rencontré quel-
ques mouleurs assez habiles pour produire des œuvres de
fonte autres que des guises à faire fer.
Le fourneau de Martou, au commencement du dix-sep-
tième siècle , devait chaque année livrer une taque de fonte
au seigneur du fief.
Dans divers fourneaux on coulait des landiers , des mar-
mites, des poids pour balances et pour horloge, et même des
gonds de porte.
Nous avons retrouvé un grand nombre de garde-pots ; ils
sont tous munis d’un pédicule terminé invariablement par
une fleur de lys, comme l’aiguille de la boussole. Nous avons
aussi recueilli des objets similaires que nous désignerons
sous le nom de grille-pain ! Nous savons du reste que les
mariniers de notre Loire avaient une grande prédilection
pour le ramequin ; c’est ainsi qu’ils appelaient le pain grillé
et trempé dans le vin.
Le curieux bénitier de l’église de La Chapelle- H ugon et les
dalles de fonte qui recouvrent le tombeau de François
Durand de Grossouvre sortent du fourneau voisin.
Nous pourrions aussi signaler un grand nombre de taques
ou contre-feux sortis de nos fourneaux à différentes époques.
Il en était fait plusieurs moulages à la fois. Leur exécution
n’est point toujours parfaite : on devine que le mouleur a
usé de tâtonnements et qu’il n’a point économisé la matière.
Ces taques sont presque toutes armoriées.
Voici le blason de Louis de Guerchy, baron de La Guerche,
avec ses six tourteaux ou ses six besants. Le mouleur, en
intervertissant le chiffre du millésime , a commis un ana-
chronisme. y
Voici le blason des Foucher, seigneurs de Salles.
Voici la grue et sa vigilance réclamée au fourneau du
Crottay par Léveillé, seigneur du Fournay.
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— 4 i3 —
Voici les armoiries de du Ligondès, seigneur du Chautay.
Et encore le blason d’un abbé de Fontmorigny qui por-
tait gentiment trois boutons de rose sur fond d’argent.
Il y aurait sans doute toute une étude à faire sur ces pages
de fonte héraldiques dispersées dans notre contrée; nous
osons l’indiquer aux chercheurs de l’avenir et aux jeunes
hommes de bonne volonté.
L. ROUBET.
LA CINQUIÈME CROISADE
ET LES CHEVALIERS TEUTONIQUES EN NIVERNAIS.
Rechercher dans les chroniques contemporaines quelle fut
la part prise par le comte de Nevers à la cinquième croisade,
quelles relations s’établirent entre les chevaliers qu’il avait
amenés avec lui en Égypte et l'ordre des Chevaliers Teuto-
niques qui, à la suite de cette expédition, eut des possessions
et créa des établissements en Nivernais, enfin exposer d’après
les titres qui nous en sont restés l’histoire de ces établisse-
ments, tel est l’objet du présent travail.
Lorsque le comte Hervé, qui avait pris la mer à Gênes (i),
arriva devant Damiette, vers le 28 octobre 1218, date qui
résulte de la suite des événements rapportés par les diverses
chroniques, depuis cinq mois déjà les premiers croisés , sous
les ordres de Jean de Brienne, l'intrépide roi de Jérusalem,
avaient commencée siège de cette place. L’armée qui avait
débarqué s’était établie sur une île située en amont de la
ville, entre la rive gauche du Nil (Damiette étant sur la rive
droite) et un ancien canal allant du fleuve à la mer (2). Le
(1) De Lespinasse, Hervé de Donçy, p. 67.
(2) Paul Meyer, la Prise de Damiette en 121g, Bibliothèque de
V école des chartes 1877, p. 5 14 et 5 1 5 .
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— 4*4 -
24 août , après une première attaque infructueuse qui avait
eu lieu le i* r juillet, elle s'était emparée d’une tour défendant
au moyen de chaînes la navigation du fleuve au milieu
duquel elle était construite ( i). De fréquents combats avaient
eu lieu entre l'armée assiégeante et l'armée du Soudan
d'Égypte qui cherchait à dégager la place assiégée , et , le
26 octobre, les Égyptiens étant venus attaquer les croisés
dans leur camp retranché , n’avaient été repoussés qu’après
un combat acharné; aussi, l'arrivée de nouvelles troupes
fut-elle un sujet de joie et d'espérance pour les compagnons
du roi de Jérusalem. C'était, en effet, un renfort important
composé de Français, d'Anglais et d’Italiens, qui débarquait
en même temps que le comte de Nevers (2).
(1) Gesta obsidionis Damiate. (Quinti Beili sacri scriptores minores ,
ed. Rohricht, p. 75 et 76.) Johannes de Tulbia. De Johanne rege
Jérusalem . [Ibid., p. 120.) Liber duellii christiani in obsidione Damiate,
(Ibid. % p. 144.) Ernoul, ed. de Mas Latrie, p. 416.
(2) « Et dum hec agerentur, magister Robertus de Cursone, vir
nobilis et potentissimus et cornes de Ni versa, vir eg régi us et prudeas,
et xnulti milites de Francia et Anglia et aliis Galliarum parti bu s ad
Damiate portum, virtute Domini pervenerunt; gavisi sunt namque
Christiani ingenti letitia. » Gesta obsidionis Damiate . (Rohricht.
Quinti beili sacri scriptores minores , p. 7Q.)
« Post hec applicuit magister R. de Cursionecum comité de Niversa
et cum multis militibus de Francia et Anglia. a Johannes db Tuuwa.
De Johanne rege Jérusalem . ( Ibid ., p. i 3 i.)
c Post hec applicuit Ruodpertus de Crusione (Robertus de Cursone)
cum Tubernense (Nivernense) comité et comité de Marchia qui multos
secum adduxerunt commilitones de Gallia et Anglia. » Liber duellii
christiani in obsidione Damiate. (Ibid., p. 146.) La nationalité alle-
mande du chroniqueur se décèle dans Tétrang^défiguration qu’il fait
subir aux noms propres.
a Herveus cornes Nivernensis, mare transito, cum multo nobilium
comitatu circa festum Apostolorum Simonis et Jude applicat Damie-
tam. 9 Robert Abolant. ( Testimonia minora de quinto bello sacro, ed.
Rohricht, p. 81.)
a Subjugata autem turre Damiate, venerunt ad passagium sancte
Crucis quod tune instabat, de diversis mundi partibus peregrini multi.
Inter quos venit Pelagius, Albanensis episcopus et Apostolice Sedis
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A la même époque arrivaient les deux cardinaux légats,
Robert de Courson , qui mourut bientôt, et dont tous nos
chroniqueurs célèbrent à l'envi la science, la piété, les
vertus, et Pélage, qui prit le commandement effectif de la
croisade, malgré les droits qu'y avait le roi de Jérusalem.
Cette usurpation fut amèrement reprochée au légat, au dire
des chroniqueurs aussi bien que des poètes : « Li cardinals
Robiers i fu mors, et li cardinals Pelages vescui, dont ce
fu grans damage, et moût il fist de mal , » dit énergique-
ment Ernoul dans son intéressante chronique (i). Pélage
fut, par son impéritie, cause du déplorable résultat de
l'expédition.
Nous avons peu de détails sur les actions du comte de
Nevers au siège de Damiette ; pour y suppléer, nous allons
résumer rapidement les principaux événements qui eurent
lieu pendant son séjour à l’armée des croisés.
Du 29 novembre aux premiers jours de décembre, le camp
des chrétiens eut à subir une violente et désastreuse tempête;
il fut inondé par les eaux du Nil qui détruisirent une partie
des travaux de défense faits pour le protéger contre les atta-
ques des Sarrasins du dehors ; les tentes furent arrachées par
le vent, les approvisionnements de toute nature gâtés , et un
grand nombre de vaisseaux chrétiens furent engloutis par la
mer soulevée. A la suite de cette tempête, les maladies
décimèrent l'armée (2).
legatus cum magistro Roberto de Curcum , viro sancto et nobili et
clerico nominis celeberrimi et Romane ecclesie card inali, natione
Anglico, et Romanis multis. Venerunt et episcopi multi cum comité
Nivernensi qui, dico cornes, postea, imminente Christianorum peri-
culo, turpiter recessit. » Mathieu Paris. ( Testimonia minora, p. 55 .)
(2) Chronique d’EaiiouL et de Bernard Le Trésorier , ed. de Mas
Latrie, p. 417. Voir les témoignages rassemblés par M. Paul Meyer,
/oc. ci/., Bibl. école des chartes 1877, p. 5 16, note 3 .
(1) Gesta crucigerorum Rhinanorum . (Rohricht. Quinti belli sacri
auctores minores, p. 43.} Gesta obsidionis Damiate. (Ibid,, p. 82 et 83 .)
Johannes de Tulbia. De Johanne rege Jérusalem, (Ibid,, p. 123-124.)
Liber duellii christiani in obsidione Damiate . (Ibid,, p. 148-149.)
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— 4ï6 —
Les chefs de la croisade, parmi lesquels il faut ranger
Hervé, quoiqu’à cette occasion il ne soit nommé nulle part,
voyant qu’ils ne pourraient s’emparer de Damiette tant que
l’armée resterait tout entière sur la rive gauche du Nil, se
décidèrent à la faire passer sur la rive droite. Cette opération
eut lieu du 3 au 5 février 1219 et fut singulièrement facilitée
par des dissensions intestines dans l’armée du Soudan. Le
7 lévrier, le gros de l’armée étant établi sur la rive droite, la
ville se trouva investie de toutes parts (1). La compilation
historique, connue sous le nom d ’Éracles , qui est l’histoire
en français de toutes les croisades , nous donne ces précieux
renseignements sur l’emplacement des différents corps : « Li
crestiens se logèrent tout entor la ville et l’enclostrent ensi
que nus n'i pot entrer ni issir. Le roi et tuit cil de la lenguc
de France furent herbergés devers l’oistre, dès le flum
tresque à la tor de Faies et les Pisans furent avec eauz; et de
cele tor envers le canton qui est vers le levant, fu li Temples
et li cuens de Kevers Hervi, et de ilec trèsque à l’autre
canton estoit li Hospitau de saint Johan et li Espagnol et li
Provensal ; et de celui canton trèsque au flum , toute la face
devers la boire estoit le légat et les Romains et li Frisons et
li Genoies et tous ceauz d’Itaile ; li Hopitaus des Alemans
devers le cochant et estoit [oltre] le flum (2). »
L’armée de secours , commandée par le Soudan de Damas,
frère du Soudan d'Égypte, vint livrer plusieurs combats
(1) G es ta crucigerorum Rhenanorum. (Rohricht. Quint i belli sacri
scrip. min. y p. 45 et 55 .) Gesta obsidionis Damiate. (Ibid., p. 86 .)
Johannes de Tulbia. De Johanne rege Jérusalem. (Ibid., 125-126.)
Fragment provençal sur la prise de Damiette, éd. par M. Paul Meter.
(Ibid., p. 169 et 170 et Bibl. de Vêcole des chartes 1877, P- 5l2 cl
5 1 3 ) ; même source (Rohricht, loc. cit., p. 101 et Bibl. éc. des ch. 1877,
p. 540.) Robert Abolant. Chronologia autissiodorensis t Recueil des
historiens de la France , tome XVIII, p. 286, d’après Olivier Le Scolas-
tique. Historia Damiatina, ch. 11, p. 1407 de l’édition donnée par
Eccard dans Corpus hist. medii Avi II, p. 1407.
(2) Historiens occidentaux des croisades , tome II, p. 375.
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— 4*7 —
aux chrétiens établis dans leurs nouvelles positions et les
attaqua plusieurs fois dans leur camp, notamment le
dimanche des Rameaux, 3 i mars 1219, où eut lieu une
attaque simultanée des troupes de terre contre le camp et
d’une flottille de 7 1 galères contre les vaisseaux et les ouvrages
défensifs qui interceptaient les communications par le Nil
avec la place assiégée. Cette attaque, qui fut repoussée victo-
rieusement et où les Musulmans perdirent beaucoup de
monde et une trentaine de galères , fut une vraie victoire
pour les croisés (1).
Vers cette époque , les assiégeants avaient élevé autour de
la ville différentes machines qui lançaient des pierres ou des
flèches ; la relation provençale du siège de Damiette , récem-
ment publiée par M. Paul Meyer, mentionne en ces termes
la part qu’Hervé de Donzy prit à ces travaux d'attaque :
« Apres del trabuchet del Temple , avia una pereyra de
VEspital que gitava dans la Tor Blanca e per la vila.
Apres d 9 ela avia un manganel et una pereyra del comte de
Nivers que pueys fo bri\at\. — « Après le trébuchet du
temple , il y avait une pierrière à PHôpital qui tirait du côté
de la Tour Blanche et par la ville. Après celle-ci , il y avait
un mangonneau et une pierrière du comte de Nevers , lequel
mangonneau fut par la suite brisé (2). »
Pendant les mois d'avril et de juin, de nombreux combats
eurent lieu entre croisés et Sarrasins. Au mois de juillet, la
ville fut attaquée plusieurs fois, les machines de guerre
furent renforcées, mais Damiette ne devait pas encore être
prise, et les Musulmans du dehors continuaient leurs fré-
quentes attaques et renouvelaient journellement des tenta-
( 1) Gesta crucigerorum Rhenanorum . (Rohricht. Quinti b. sacr. auct.
min., p. 47 et 48.) Gesta obsidionis Damiate. (Ibid., p. 87-90.) Johannes
de Tulbia. De Johanne rege Jérusalem. (Ibid., p. 126-127.) Liber
duelli christiani in obsidione Damiate. (Ibid., p. i 5 i-i 52.) Fragment
provençal sur la prise de Damiette (Bibl. éc. des ch. 1877, p. 5 s 5 -
526.) Robert Abolant. Historiens des Gaules, tome XVIII, p. 286.
(2) Fragment provensal . (Bibl. éc. des ch. 1877, p. 527.)
t. n, 3 * série. 47
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— 4 1 ** —
tives pour faire entrer des renforts ou des courriers dans la
ville assiégée.
Depuis longtemps déjà Hervé de Donzy avait demandé
des secours pécuniaires au Pape qui, le 1 3 février, avait
écrit aux prélats du comté de Nevers pour leur faire hâter la
levée du complément de la quête qui se faisait dans leurs
diocèses pour les besoins de la Terre - Sainte ; aussi, à
l’époque où nous sommes arrivés , il paraît probable que le
comte, à bout de ressources, songeait au départ. Les che-
valiers qu’il avait amenés avec lui devaient aussi être dans
la gêne, et une des raisons qui le feraient croire , c'est la
donation faite au mois de juillet, au camp devant Damiette,
par Erard , seigneur de Chacenay, à l’ordre Teutonique, de
20 livres nivernaises de rente assises : 8 livres sur la terre
tenue en fief dudit donateur par messire Henri de Per-
reuse (i), à Saint-Sauveur-en-Puisaye (2), et le reste sur les
revenus d’Erard de Chacenay à Guerchy ( 3 ). Cette donation
était confirmée presqu’aussitôt par Hervé de Donzy, oncle
du donateur, et seigneur suzerain des terres sur lesquelles la
donation était assise, qui mouvaient de la baronnie de
Donzy (4). Une donation semblable, dans de telles cir-
constances, pourrait n’étre qu’un témoignage de reconnais-
sance pour un grand service rendu ; mais n'est-elle pas bien
plus vraisemblablement le remboursement d'un prêt. Les
ordres religieux militaires ayant à cette époque leurs trésors
en Terre-Sainte , il arrivait fréquemment que les chevaliers
(1) Pereuse (Yonne), arrondissement d’Auxerre, canton de Saint-
Sauveur.
(2) Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne), arrondissement d’Auxerre,
chet-lieu de canton.
( 3 ) Guerchy (Yonne), arrondissement d’Auxerre, canton de Saint-
Sauveur-en-Puisaye, commune de Treigny.
(4) Les originaux de ces deux chartes sont conservés aux archives
de l’Aube, à Troyes, fonds de l’abbaye de Clairvaux, chartes de Beau-
voir, publiées par M. l’abbé Lalore. Collection des principaux cartu-
laires du diocèse de Troyes, tome 111 , p. 185-187.
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- 4*9 —
croisés ayant dépensé tout l’argent qu'ils avaient apporté
avec eux, avaient recours à des emprunts faits à ces trésors,
qui étaient très -riches, alimentés qu’ils étaient par les
revenus des biens, très-considérables dès-lors, que ces ordres
avaient dans tout le monde chrétien. Quoi qu'il en soit,
cette donation et sa confirmation sont d’autant plus pré-
cieuses pour jnous que c’est jusqu’ici un des deux seuls actes
du comte Hervé pendant son séjour au siège de Damiette
qui nous soient connus (i).
(i) Quoique ces deux actes aient été déjà publiés, à cause de leur
importance, nous croyons utile de les reproduire ici :
< Ego Erardus, dominus Cachenaii, notum facio omnibus présentes
litteras inspecturis, quod ego in honore Dei et beate virginis Marie
dedi et concessi fratribus hospitalis Alemannium, ob remedium anime
mee et antecessorum meorum, viginti libratas terre Nivernensis
monete in perpetuum possidendas. De quibus autem viginti libratis
terre octo libratas terre videlicet in terra quam dominus Henricus
de Perrose juxta Sanctum Salvatorem am Puisoie de me tenebat
eisdem fratribus annuatim percipiendas diligenter assignavi. Dicta
autem terra est de feodo comitis Nivernensis. Dicti autem fratres
alias duodecim libres in redditibus meis qui in festo beati Remigii
apud Gacheium michi debentur usque quo pluries dictis fratribus
dictas duodecim libres assignavero percipient annuatim. Ut hoc autem
ratum et inconcussum habeatur présentes litteras sigilli mei muni-
mine volui roboreri. — Actum anno gracie millesimo ducentesimo
nono decimo, mensi julii. Datum in exercitu Damiete. »
(Archives de TAube, original en parchemin. — Invent., fol. 35a t
N. XLII1. M. l’abbé Làlorb. Principaux cartulaires du diocèse de
Troyes, tome 111, p. i85 et 186 .)
c Notum sit omnibus présentes litteras inspecturis quod ego Herveus,
cornes Nivernensis, donationem quam dominus Erardus de Cachenaio,
nepos noster, fratribus hospitalis Alemannium fecit, videlicet octo
libratas terre in terra domini Henrici de Perrose , que terra sita est
juxta Sanctum Salvatorem am Puisoie et duodecim libres in moneta
quas idem Erardus eisdem fratribus in fructibus suis de Gacheio,
quo usque in terra assignaverit, dédit annuatim percipiendum , lau-
damus et dictam donationem, quousque pro duodecim libris terrem
dédit [dederit], ratam et firmam, quia de feodo nostro est, voluimus
pe rmanere. Ut hoc autem firmum et inconcussum permaneat, présentes
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— 4 2 ° —
Plusieurs chroniqueurs (i) s’accordent à mentionner le
départ du comte de Nevers au mois d’août et placent cette
mention avant le récit qu’ils font de la grande bataille du 29
de ce mois; cependant la présence d’Eudes, seigneur de
Châtillon-en-Bazois, à cette bataille, où il fut fait prisonnier
par les infidèles et un passage de la relation provençale du
siège de Damiette, nous engagent à croire qu'Hervé de
Donzy fut un de ceux qui poussèrent l’armée à aller attaquer
le Soudan dans son camp, et qu’il prit part à cette lutte
désastreuse. Aussi croyons-nous devoir donner le récit de
cette bataille d'après la rédaction provençale, qui noùs paraît
être la source la meilleure et la plus détaillée sur cette
affaire :
< Les chrétiens tinrent alors conseil, et tous ceux qui
devaient s'en retourner au premier passage voulurent que
le roi allât provoquer, dans son 'camp, le Soudan à se battre.
Toute la petite gent fut de cet avis. Mais le roi, les autres
barons, Le Temple, L’Hôpital, ne se rendirent point à cet
avis. La discorde régna ainsi dans V armée plus de quinze
jours , à ce point que la petite gent criait au roi et aux autres
barons qu’ils ne devaient pas tenir terre , ni en conquérir,
mais qu’ils n’avaient qu’à se tenir cachés comme des couards
et des lâches , les traitant de traîtres qui avaient vendu la
litteras sigilli nostri muniminc fecimus roborari. — Actum anno
Domini millesimo ducentesimo nono decimo, mensi julii. »
(Arch. de l’Aube, ibid., même numéro que la précédente; abbé
Lalore, p. 186-187.)
L’autre document est une reconnaissance pour argent prêté donnée
par le comte de Nevers à un {marchand génois devant Damiette, au
mois de novembre, probablement de la même année. (Bibliothèque
nationale, fonds latin 17803, n* 128, mentionnée dans Rohrtcht,
1 estimonia minora de quinto bello sacro, p. xxxvi, note 2).
(1) Johannes de Tulbia. De Johanne rege Jérusalem. Rohxucht.
V. Belli sacri scr. min., p. 122. Liber duellii christiani de obsidione
Damiate. (Ibid., p. x 58.) Robert Abolant. Recueil des historiens de la
France , tome XVIII, p. 286.
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— 421 —
croix. Alors il fut décidé 'que messire Raoul de Tabarie
resterait à la garde du camp. Avec quatre cents cavaliers et
quatre mille hommes de pied. Messire Raoul de Tabarie
garda les tentes , et tous les autres marchèrent au combat
contre le Soudan, et tous les gens sages firent pénitence,
communièrent et firent leur testament. Et il ne manqua pas
de présomptueux qui ne firent rien que porter des cordes
pour lier les Sarrasins , et des deniers pour acheter les
dépouilles , et des éperons dans l'espoir d'avoir des chevaux.
Ce fut le jour de la Décollation de saint Jean; nos gens
envoyèrent leurs galées et leurs barques en amont, toutes
chargées de vivres; mais elles ne furent pas à la moitié de
leur parcours que lèvent leur manqua, de sorte qu'il leur
fut impossible de remonter le courant. Les autres sortirent
du camp après la messe et rangèrent leurs bataillons. Le
Temple, le comte de Gloucester, avec les Français et les
Anglais, furent à l'avant-garde, et au retour, il leur fallut
faire l'arrière-garde. Ils chevauchèrent en ligne jusqu'aux
fossés du Soudan , et les Sarrasins abandonnèrent le camp.
Alors les chrétiens prirent conseil et dirent qu’ils avaient
peu de gens à cheval , tandis que les Sarrasins en avaient
beaucoup, et qu’il ne serait pas prudent de leur donner la
chasse. Tels y eut qui dirent qu’il serait opportun de les
poursuivre jusqu'au soir. En cela il y eut grande discorde
entre eux. Du côté de l'eau étaient les Romains, et les
femmes qui portaient par l’ost de l’eau douce à boire aux
gens de pied. Les Bédouins , qui étaient en amont du fleuve,
frappèrent sur eux et en tuèrent. Alors, les Romains se
laissèrent enlever la rive du fleuve. Quand le roi Jean vit
cela, il fit savoir à L’Hôpital, qui était devant lui, qu’il
voulait charger sur les Bédouins. Et les Romains crurent
que le roi et les siens s’en retournaient vers le camp. Alors ,
ils jetèrent leurs armes pour fuir, et le patriarche avec la
vraie croix qu'il portait ne put les retenir, ni le légat,
malgré ses efforts, ni le roi, pour rien qu’il sût faire. Et
quand les petites gens de l’ost virent cela, ils s’en retour-
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— 422 —
nèrent , pleins de mauvaise volonté , au camp. Et avant que
nos chevaliers se fussent mis en retraite, les Sarrasins leur
eurent tué beaucoup des gens de pied. Le roi et le comte de
Gloucester, Le Temple, L’Hôpital, les Français, les Cham“
penois , tous ceux - là marchèrent ensemble , formèrent
l’arrière - garde et reçurent grand dommage, car tous les
Romains, les Lombards, les Toscans et toutes les gens de
l’ost s’enfuirent vilainement sans coup férir ; dont ils
doivent avoir à tout jamais grande vergogne, car l’ost avait
en eux grande confiance. Et les bons chevaliers marchaient
au pas , poursuivis de près par les Sarrasins , au point qu’ils
ne savaient que faire : ou bien charger sur les leurs , ou ne
pas le faire ; et s’il leur arrivait de charger, c’était souvent
parce qu’ils étaient serrés de près par les Sarrasins , qui leur
tiraient des flèches si dru qu’ils leur tuaient et leur estro-
piaient les chevaux , et quand le cheval tombait , le cavalier
était mort ou pris. C’est ainsi qu’il leur fallut aller plus
d’une lieue et demie Les Sarrasins les serraient de si
près qu’ils tombaient l’un sur l'autre , et le fils ne faisait pas
attention au père , ni le père au fils , mais ils se jetèrent dans
les fossés des lices (de leur camp) ; les uns mouraient de
chaleur, les autres devenaient fous, d’autres se noyaient
dans le fossé, d’autres avaient reçu tant de flèches qu’ils ne
purent guérir. Le roi lui-méme, qui se défendait énergique-
ment, fut tout enflammé de feu grégeois, au point que toutes
ses couvertures de fer (ses armes défensives) furent toutes
brûlées , mais grâce à Dieu , il fut rescous.
9 En ce lieu, la chrétienté reçut la perte que je vous dirai :
de chevaliers séculiers, tant de morts que pris, 25o, entre
lesquels il y avait 17 seigneurs bannerets. Le Temple perdit
17 frères, L’Hôpital i3; d’arbalétriers et de petites gens, il
périt tant que je n’en sais le nombre (1). 9
( 1 ) Relation provençale , éditée et traduite par Paul Mkyeb. (Rohrjcht.
Quinti belli sacri scriptores minores, p. 185-190.)
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- 4*3 -
Ce dut être peu après cette défaite que le comte de Nevers
s’embarqua pour revenir en France ; les auteurs contempo-
rains s’accordant à mettre son départ au mois d'août , ce fut
probablement l’un des deux derniers jours du mois qu’il
partit, dégoûté sans doute de la mauvaise direction des
opérations et découragé par le funeste résultat de la bataille
du 29. Son départ précipité causa un grand dépit au reste de
l’armée, qui fit entendre contre lui de violents murmures;
les chroniqueurs se font l’écho de ces récriminations,
certains vont même jusqu’à accuser Hervé de Donzy de
trahison (1).
Damiette, prise le 5 novembre 1219, fut perdue par les
croisés le 8 septembre 1221.
Parmi les prisonniers restés entre les mains des Sarrasins
lors de la défaite du jour de la fête de la Décollation de saint
Jean- Baptiste était, comme nous l'avons déjà vu, Eudes,
seigneur de Châtillon-en-Bazois. Ce chevalier mourut en
captivité, et, avant de mourir, par ses dernières volontés,
(1) c Cornes de Niversa orto malo de exercitu exivit. » (Johannes
de Tulbia. De Johanne rege Jérusalem . Rohricht. Quinli helli sacri
scriptores minores , p. 122.)
c His diebus cornes de Niversa infiamatus de exercitu recessit.
Liber duellii christiani in obsidione Damiate. (Ibid., p. 1 58.)
•* Eodem anno, mense augusto, Herveus cornes Nivernensis a par-
tibus rediit transmari ni s. » (Robert Abolant. Recueil des historiens
de la France , tome XVIII, p. 287.)
< De cele part où ils entrèrent (un renfort) en Damiette, estoit li
cuens de Navers herbegiés. Dont il ot grant blasme, et li mist on sus
qu'il en avoit eu grant avoir del Soudan pour entrer les Sarrasins en
Damiete, parmi ses herberges. Dont il avint c’on le bani de l’ost. »
(i Chronique d’ERKouL, éd. par M. de Mas Latrie pour la Société de
l'histoire de France, p. 425.) Ernoul écrivant sa chronique quelques
années après les événements qu'il raconte, probablement vers i23o,
paraît avoir eu en vue ici l'entrée dans la ville assiégée de quarante
à cinquante cavaliers sarrasins, fait rapporté par la relation proven-
çale au 2 novembre, longtemps après le départ du comte et deux
jours avant la prise de la place. (Rohricht. V. Belli sacri scr . mm.,
p. 195-196.)
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— 4 2 4 “
donna aux Chevaliers Teutoniques 20 livres nivernaises*
forte monnaie, à prendre sur Pignol (1) et sur Tannay (2).
Cette donation semble avoir été faite verbalement, car, pour
en prouver la véracité, les frères Teutoniques eurent recours
à deux attestations qu’ils se firent délivrer par Raoul, vicomte
de Beaumont, le 16 mars 1223 (3), et par Milon de
Nanteuil, évêque de Beauvais, en décembre i23i (4) (ce
prélat étant alors à Ravenne), qui avaient été les compagnons
de captivité du seigneur de Châtillon et avaient assisté à ses
derniers moments. Par un acte du 7 janvier 1238, Eudes,
seigneur de Châtillon-en-Bazois, fils du donateur, assignait
définitivement les 20 livres de rente annuelle laissées par
son père aux Teutoniques sur le village de Pignol et ses
dépendances , en exceptant de cette redevance le fief de la
Faye-Narcau (5), possédé par les enfants de Robin de La
Coudraye (6) , et 8 livres de rente sur ses revenus de
Tannay (7).
C’est là qu'il faut placer le début des différents établisse-
ments que les Chevaliers Teutoniques eurent en Nivernais
jusqu’au commencement du seizième siècle. La donation
d’Erard de Chassenay paraît en effet n’avoir pas eu de suite»
ce qui nous confirmerait dans l’idée que c’est la marque
(1) Pignol, hameau et château (Nièvre), arrondissement de Clamecy,
canton et commune de Tannay.
(2) Tannay (Nièvre), arrondissement de Clamecy, chef- lieu de
canton.
(3) Arc h. de l'Aube. Vidimus de 1407. L'abbé Lalore. Cart. diocèse
de Troyes, III, p. 190.
(4) Ibid. Vidimus de 1455. Ibid., p. 104. < Quando ers mus in pri-
sione sarracenorum , présentes fuimus ubi et quando nobilis vir
Odo, dominus de Castellione in Be^oes, in puram et perpetuam
elomosinam legavit... »
( 5 ) Aujourd'hui détruit; les bois de Faye sont à l'ouest de Tannay.
(6) La Coudraye (Nièvre), arrondissement de Clamecy, canton de
Tannay, commune de Lys.
(7) D'après un vidimus de 1270. Archives de la Nièvre, H. Fonds de
l'abbaye Saint-Martin de Nevers.
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— 425 -
d’un prêt d’argent fait par Tordre à ce seigneur, et la
donation n’aurait été, dans ce cas, qu’un simple engagement
fait jusqu’à complet remboursement de la somme prêtée.
Toujours est-il que les archives de Tordre en France ne
contiennent pas de mention relative à la présence de
quelque établissement durable des Chevaliers Teutoniques à
Saint-Sauveur ou à Guerchy.
Il est probable que c’est à la même époque qu’il faut faire
remonter la fondation de la commanderie d’Orbec, en la
paroisse de Nolay; nous n'avons pas l’acte de la donation
primitive faite de ce lieu à l’ordre Teutonique, mais nous
voyons que par un acte du 9 mars 1251 Rainaud, prêtre,
fils de feu Robert du Marais (de Mates ) , vend aux frères de
la maison d’Orbec (de Orbé ] , de l’ordre de l’Hôpital des
teutoniques, pour 10 livres nivernaises, tous les droits qui
pouvaient lui appartenir tant sur les terres, prés, cens,
hommes, dîmes, bois et autres choses situées dans la paroisse
de Nolay (de Nunlay) (1).
Les représentants de Tordre en Nivernais paraissent avoir
très-mal administré les terres de leurs maisons, car, par une
bulle du 12 décembre 1258, Alexandre IV donne mission
au prieur de Saint-Martin de Nevers d’annuler toutes les
aliénations perpétuelles ou temporaires et tous les baux faits
tant à des clercs qu’à des laïcs , dans des conditions très-
préjudiciables aux intérêts de l’ordre (2).
Comme tous les ordres religieux militaires , Tordre
Teutonique avait sa clientèle de petits artisans de condition
libre qui, moyennant une redevance pécuniaire annuelle,
étaient sous sa sauvegarde. C’est ainsi que nous voyons un
cordonnier, Jean de Prémery, reconnaître par acte du
20 février 1260, que depuis longtemps il a institué une
(1) Orig. parchemin. Archives de l’Aube. Fonds des chartes de
Beauvoir. (Abbé Lalore. Cart. du diocèse de Troyes, 111 , p. 217 et
218.)
(2) Archives de l’Aube. Vidimus sur parchemin. (Abbé Lalore.
Principaux cartulaires du diocèse de Troyes, 111 , p. 220 et 221.)
*• u, 3 " série. 48
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— 426 —
rente annuelle de 5 sous nivernais, monnaie courante,
envers la maison des Teutoniques d’Orbec, et qu’en échange
les frères de cette maison l’ont pris sous la sauvegarde de
leur ordre (1).
A côté de ces hommes libres, se mettant spontanément
sous sa protection moyennant un cens, l’ordre avait des
serfs, et il nous est resté un acte du 23 septembre 1290 , par
lequel Étienne dit Dedard, d'Orbec, reconnaît qu'il est
homme taillable et exploitable de haut et de bas et main-
mortable du maître et des frères de l’hôpital des Teutoniques
d’Orbec, ainsi que de tout temps l'avaient été ses ancê-
tres ( 2 ).
Orbec paraît avoir été le chef-lieu des établissements de
l’ordre Teutonique en Nivernais; une communauté de frères
de l’ordre y résida , et nous voyons par les chartes qu’elle y
existait encore dans le premier tiers du quatorzième siècle.
Cette maison avait à sa tête un dignitaire de l’ordre qui est
(1) « Noveritis quod in nostra presentia constituais, Julianus de
Premiriaco, sutor, présente procuratore domus hospitalariorum
Theutonicorum de Orbeyo, Nivernensis diocesis, publiée et in jure
confessus fuit se, necessaria defensione rerum ipsius et corporis
perurgente , sicut dicebat , jamdiu est subdidisse délibéra tione
spon tança et subesse adhuc garde et dominio predictorum bospi-
talariorum pro quinque solidis cursualis monete in comitatu
Nivernensi servicii seu queste reddendis eisdem hospitalariis vel
mandat o eorum apud Orbeyum in festo sanctorum Remigii et
Germani in perpetuum annuatim. » (Archives de PAube. Original
en parchemin. Abbé Lalorb, loc. cit . , p. 221 et 222.)
(2) « Stephanus dictus Dedart de Orbeyo, publice et injure confessus
fuit certus, providus et ex certa scientia ductus, diligenti délibéra tione
previa, ut dicebat, antecessores suos semper fuisse et esse homines
tailliabiles et explectabiles alto et basso et de manu mortua religio-
sorum virorum magistri et fratrum hospitalis Teutonicorum de
Orbeyo, Nivernensis dyocesis, ac ipsum Stephanum fuisse semper et
adhuc esse hominem tailliabilem et explectabilem alto et basso et de
manu mortua eorumdem religiosorum et domus de Orbeyo supra-
dicte... » (Original. Archives de PAube. Lalore. Princ. cartul., III,
p. 234 - 235 .)
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— 4*7 —
désigné tantôt sous le titre de maître , tantôt sous celui de
commandeur, et qui était en même temps commandeur de
Beauvoir, chef-lieu des maisons de l'ordre en France; la
commanderie de Beauvoir dépendait elle-même de la pro-
vince de Lorraine. C'est la maison d'Orbec qui figure seule
jusqu’en 1 33 1 dans tous les actes passés par l'ordre Teu\o-
nique en Nivernais.
En 1296, le 3 i mai, Perreaus li Quequeren et Ysabeau
dite la Rousse , sa femme, vendent au commandeur et aux
frères de la maison d’Orbé , movent de Vospitaul des
Aleman\ , un bichet d'orge, mesure de Clamecy, de cens
annuel sur une terre située au-dessus de la fontaine de
Pignol, pour 24 sous, forte monnaie (1). Le même jour,
Geyns , de Pignol, et Perenele , sa femme, vendent aux
mêmes une pièce de vigne séant en Champsenault pour
26 sous, forte monnaie (2). Le 29 septembre 1298, Menjar\,
femme de feu Arnoulf Le Maréchal, du Pont-Saint-
Didier ( 3 ), et ses enfants, vendent à frère Guillaume de
Tongres, commandeur d’Orbé, et aux frères dudit lieu,
frères de üospitaul Nostre-Dame de Jérusalem , 6 sous de
cens annuel sur une pièce de terre située à Pignol (4).
,Lç 23 février 1299, Guillaume Blaisate , du Pont-Saint-
Didier, et Ysabeau, sa femme, vendent à frère Guillaume
de Tongres , commandeur de la maison d’Orbé , et aux frères
de ladite maison, un pré au Pont-Saint-Didier ( 5 ). Puis
viennent différents baux à rente de pièces de terre situées à
Pignol, consentis parle maistre et les frères de Vospitaul
d’Orbé , le 16 décembre 1324 (6), par religieux homes et
honestes les hospiteliers de Nostre-Dame-les-Alemen\ , le
(1) Lalore. Princ. cartul. du dioc. de Troyes, III, p. 239.
(2) Ibid.
( 3 ) Saint-Didier (Nièvre), arrondissement de Clamecy, canton de
Tannay.
(4) Lalore. Cart. de Troyes, III, p. 243.
( 3 ) Ibid., p. 243-244.
(6) Ibid., p. 277.
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— 428 —
26 janvier i 326 (i) , pour des biens situés à Pignol; puis
c’est un échange du 9 novembre i 326 entre Regnau ç di\
Meene \ , de Pignol, et les frères de Vospitaul d’Orjbé (2);
enfin, le 19 novembre 1 33 1 , c’est une donation faite par
Thévenins dit Légiers Huro\, de Pignol, aux maistre et
frères d'Orbé ( 3 ).
De tous ces titres que nous venons d’énumérer, il résulte
bien que le siège de l’ordre en Nivernais était à Orbec et
qu’il y avait une communauté résidant en cette maison.
Cependant , nous venons de voir aussi que l’ordre avait
acquis peu à peu , tant à Pignol qu’à Saint-Didier, des biens
nombreux; il en avait aussi dans un endroit appelé le Bot-
de-Villiers |ou Villiers, et situé en la paroisse de Fiez (4) ;
mais les titres ne nous renseignent pas sur l’origine de ses
possessions en ce lieu.
Le 11 novembre 1 3 36 , Perrin Li Mires , de Chachi ( 5 ),
reconnaît avoir pris de religieuses personnes le commandeur
et le couvent de Beauvoir, en Champagne, au diocèse de
Troyes, de l’ordre des frères Hospitaliers de l’hôpital Notre-
Dame-des- Allemands de Jérusalem, une pièce de terre à eux
appartenant à cause de leur maison de Villiers (6) , à condi-
tion de la planter en vigne dans le délai de deux ans. Si
la vigne n’est pas plantée dans deux ans , la terre sera reprise
par li gouvernerres et tenerres de ladite maison de Viliers.
(1) Lalore. Cart. de Troyes, III, p. 277 et 278.
(2) Ibid., p. 278.
( 3 ) Ibid ., p. 278-279.
(4) Fiez , réuni à Cuzy, forme une commune de l’arrondissement
de Clamccy, canton de Tannay.
( 5 ) Chassy, château, aujourd’hui commune de Vignot, arrondisse-
ment de Clamecy, canton de Tannay.
(6) Ce Villiers , en la paroisse de Fiez, dit aussi le Bout-de- Villier s,
nous semble identique avec Villiers-le-Boison , V illier s-la- Mon tagne,
fief de la châtellenie de Monceaux-le-Comte mentionné par M. de
Soultrait dans son Dictionnaire topographique, p. 197, col. i™. Nous
croyons le retrouver dans V Allemande, ferme, commune de Vignol,
canton de Tannay.
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— 4 2 9 —
C’estfla première mention que l’on trouve dans les chartes
de Beauvoir de cette maison de Villiers, qui ne nous semble
avoir été, comme celle de Saint-Didier qui lui succéda au
siècle suivant, qu’une succursale de celle d’Orbec, et où, pas
plus qu’à Saint- Didier, nous ne trouvons traces positives de
l’existence d'une communauté de frères de Tordre. Il est à
remarquer, du reste , que le titre de commandeur de la
maison de Villiers, pas plus que plus tard celui de comman-
deur de la maison de Saint-Didier ou de commandeur de
Pignol, ne se trouve porté isolément; mais ces titres sont
toujours joints à celui de commandeur de la maison d’Orbec,
et , nous l’avons déjà vu , le commandeur d’Orbec était
toujours ou presque toujours en même temps commandeur
de Beauvoir.
C’est au commandeur des maisons d’Orbec et de Villiers
que, le 27 juin 1348, Alis, veuve de feu Jean Richou, de
Saint-Didier, fit donation de tous ses biens , donation dont
les motifs sont ainsi rapportés dans l’acte : Quamplurima
commoda, bonitates et curialitates immensas habuit et
recepit retroacto tempore a religiosis viris preceptoribus
seu commendatoribus domorum de Orbeio et Villaribus ,
ordinis Beate Marie Theutonicorum Jherusalem (1).
Un bail à bordelage pour des biens situés à Pignol , passé
le 22 avril 1369, nous fait connaître le nom d’un second
commandeur d’Orbec, frère Jacques de Mayence, qui se
qualifie de commandeur des maisons d’Orbé, au diocèse de
NeverSy et du Bot-de-Villiers , au diocèse d'Ostun (2);
nous le voyons passer d’autres baux pour des biens situés à
Tannay le 24 mars 1372 ( 3 ), à Orbec les 9 août 1377 (4) et
28 octobre 1378 (5), et à Saint- Didier le 4 novembre 1387 (6).
(1) Lalokb. Princ. cart. du dioc. de Troyes, 11 J, p. 286.
(2) Ibid., p. 287.
( 3 ) Ibid., p. 288.
(4) Ibid. y p. 289.
( 5 ) Ibid. , p. 290.
(6) Ibid., p. 290.
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— 43o —
C est à son administration que se rapporte un mandement
du 1 6 décembre 1384, par lequel Philippes, duc de Bour-
gogne, ayant la tutelle de son fils Jean, comte de Nevers,
ordonne aux receveurs du comté de Nevers de payer au
commandeur de Beauvoir la somme de 100 sous tournois
qu'il avait le droit de prendre annuellement sur les fiesiages
de Monceaux-le-Comte (1). Nous ignorons l'origine de ce
droit qui ne nous est connu que par cet acte.
Dés 1 336 , dans les actes concernant les biens des Teuto-
niques en Nivernais, il n’est plus question que du comman-
deur seul ; on ne parle plus des frères de la maison d’Orbec,
nulle part non plus il n’est dit qu’il y en ait eu dans la
maison de Villiers; il est à croire que dès-lors la communauté
que nous avions rencontrée au treizième siècle et au com-
mencement du quatorzième siècle à Orbec avait disparu,
bien qu’il n’y en ait d’autre preuve que le silence gardé par
les actes à son égard, et qu’au siècle suivant, nous consta-
tions l’existence d’une chapelle dans la maison de Saint-
Didier.
Le successeur de frère Jean de Mayence, en qualité de
commandeur de Beauvoir, en Champagne , et maistre de la
maison de Pignoles (c’est la première fois qu'il est question
de cette maison), fut frère Jean de Brandebourg, qui ne
nous est connu que par une quittance qu’il donna le 20 jan-
vier 1394, étant à Asnan, à messire Pierre de Nourry,
chevalier, seigneur de Tannay, pour la somme de 8 livres
tournois (2). Cette somme représentait le terme de l’année
courante de la rente créée en 1238 par Eudes, seigneur de
Châtillon-en-Bazois, au profit de l’ordre Teutonique et qu'il
avait assise sur les revenus de la terre de Tannay.
Une quittance semblable, donnée à Tannay le 21 décembre
de l’année suivante, nous fait connaître le nom de frère
Arnoul de Seille, hospitalier de Notre-Dame-des- Al emens,
(1) Lalore. Cart. de Troyes, III, p. 290.
(2) Ibid., p. 292-293.
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commandeur de l’hôpital de Beauvoir, en Champagne , qui
succéda à Jean de Brandebourg (i) dans l'administration
des biens de l’ordre en Nivernais. Le 3 o octobre 1407, ce
commandeur, qui s’intitule frère Arnoul de Saille , ospi-
telier , mestre et commandeur des maisons de Beauvoir , en
Champaigne, d'Orbé et de Pignolles, au diocèse de Nevers,
de P ordre de Pruce , donne à titre de bordelage à Robert
Griffart « tous les maignez qui furent maisons séant à
Pignolles » pour 5 sous tournois et une quarte d’avoine (2).
Dans cet acte, qui est le dernier de ceux qui nous sont
parvenus de l’administration de ce commandeur, nous
voyons pour la première fois l'ordre s’intituler ordre de
Pruce ; ses successeurs le nommeront ordre de Jérusalem et
de Prusse ; Notre-Dame de Jérusalem , de Vordre de
Pruche ; ordre de Notre-Dame de Jérusalem et de Sainte -
Élisabet de Pruche .
Le successeur de frère Arnoul de Seille, au moins pour la
commanderie d’Orbec, fut frère Gérard de Beccange, que
nous voyons passer un bail pour une pièce de pré située à
Nolay, le 22 août 141 3 ; il y prend le titre de f rater Girardus
de Beccange, commendator omus hospitalis de Orbey ( 3 ).
Dans cet acte , le commandeur parait seul , ce qui prouverait
qu’il n’y avait plus de frères à Orbec, comme nous l’avons
dit ; cependant, frère Gérard de Beccange ne portant que le
seul titre de commandeur d’Orbec , il est très-possible qu’il
ait résidé dans cette maison.
Jusqu’à 1441 nous n’avons plus de documents où il soit
question de la maison d’Orbec, ni des établissements Teuto-
niques en Nivernais ; le 9 mai de cette année, trère Jehan de
Francfort, qu’un acte de 1438 qualifie de, commandeur de
Beauvoir, donne quittance à noble dame Marguerite, dame
de Maligny, pour les arrérages de la rente annuelle due à
(1) Lalore. Cart.de Troyes, III, p. 293.
(2) Ibid., p. 294.
( 3 ) Ibid., p. 294.
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l’ordre Teutonique sur les revenus de la seigneurie de
Tannay (i) ; dans cette pièce, il s'intitule seulement religieux
de Notre-Dame de Jérusalem .
Le 8 avril 1442 , « frère Jehan de Francfort , de V ordre
de Jérusalem et de Prusse, hospitalier et maistre d’Orbè >,
donne à ferme à Jehan Clerc et Jehan Bruet, alias Narquin»
paroissiens de Nolay, son hôtel et maison dudit lieu d’Orbé,
• réservé audit maître les rentes et bourdelages dues audit
hostel (2) ». A partir de ce moment , les différentes maisons
de l’ordre Teutonique en Nivernais, à commencer par
Orbec, qui en était la plus importante et la tête, ne sont
plus que de simples métairies. Sous l'administration de
frère Jehan de Francfort, la commanderie d’Orbec fut saisie
et mise sous la main du roi à cause d’une amende à laquelle
ce commandeur avait été condamné par le Parlement; les
titres de Beauvoir ne nous renseignent pas sur la date de
cette saisie, qui ne fut levée que le 23 décembre 1452 ( 3 ).
Jean de Gémont, prêtre, succéda à Jean de Francfort
dès 1451, mais ne prit possession qu’en 1452; en 1451,
nous voyons frère Nicolas de Soye , commandeur de
Beauvoir, en Champagne , au diocèse de Troyes, et des
maisons d' Orbec, et du Pont-Saint-Didier , au diocèse de
Nevers, membres de Nostre-Dame de Jérusalem, de V ordre
de Pruche , donner en bordelage perpétuel a une maison
appartenant à ladicte commanderie, à cause dudict Pont-
Saint-Didier, séant au Bout-de-Villiers , en la parroiche de
Fiez, avec les appertenances d’icelle maison du Bout-de-
Villiers ; item , trois journaulx de terre séant dessus le clox
de Villiers tenant aud. clox d’une part et à la rue de
Monceaulx d’autre part ; item, deux journaulx de terre ou
environ séant au finaige de Teigny... item, au finaige de
Cury, un désert de terre (4)... » La maison et les biens
(1) Lalore. Cart. de Troyes, III, p. 297.
(2) Ibid., p. 297.
( 3 ) Ibid., p. 3 oo.
(4) Ibid., p. 297-298.
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— 433 —
mentionnés dans cet acte sont ceux qui formaient la corn-
manderie de Villiers , au quatorzième siècle. Il est très-
douteux qu’il y ait jamais eu une communauté de frères de
l’ordre dans cette maison.
Les biens de Pignol étaient aussi en métairie, et par un
acte du 12 décembre 1454, noble Glande d'Aulenay ,
seigneur de Lye (1), écuyer , accorde de grâce spécial , à
religieuse personne, frère Jehan de Guemont, religieux de
Prusse et maistre et commandeur d'Orbey et de Saint-
Didier, soub\ lad . religion, et à Jaque Benoist, dit Le
Lorrain , absent, mectoier desd. religieux et demourant au
village de Pignoles , en la mectoirie de lad . commanderie
ens les fins et mectes du four bannal dudict Lye, apparte-
nant audict escuier, qu'il cui\e et puisse cuire pour leur
mesnage et hostel seulement de lad . mectoirie jusques à
ungan, moyennant payement de trois boisseaux froment
pour droit de fournage au bout de l’année (2).
Orbec, bien déchu et abandonné depuis longtemps par
l’ordre à des métayers, se composait de trois maisons , une
grange, un étang et un moulin ; le 6 novembre 1476, frère
Jehan de Gémont les donna à bordelage ( 3 ); et par acte
passé le lendemain, il afferma aussi pour six ans et pour le
prix de 12 écus dor neufs par an tous les revenus de l’ordre
(autres que les revenus des terres et bâtiments qui étaient sa
propriété directe, sans doute), avec cette clause: Et sera
tenu led. debteur paier aud . commandeur tous despens
qu'il fera ou pourra faire à Vactendue d'un chascun desd .
paimens, les termes d’iceulx passer , et fournir les despens
dud . commandeur quand il viendra ou envoiera quérir
sesdi{ paiemens , luy estant en ceste ville de Nevers (4).
La rente de 8 livres sur la seigneurie de Tannay conti-
(1) Lys (Nièvre), arrondissement de Clamecy, canton de Tannay.
(2 ) La lo re. Loc. cit., p. 3o2 et 3o3.
(3) Ibid., p. 3o8.
(4) Ibid., p. 3o8-3io.
t. 11, 3 * série. 49
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— 436 —
plutôt , n'ayant reçeu cet exemplaire que vers le commence-
ment du mois. La date de la permission peut vous prouver
qu’il n'y a pas bien du temps que le petit ouvrage est achevé
d’imprimer. J’espère que vous voudrez bien. Monsieur,
excuser quelques fautes d’impression qu’on y a laissées.
On m’a prêté depuis peu un Gruter (i), et je le lis avec
bien du plaisir. Mais comme je n’y suis pas encore extrême-
ment familiarisé , je voudrais , Monsieur, vous demander ce
que vous penseriez d’une inscription qui est insérée au coin
d’une maison voisine des anciens murs de la cité de Nevers,
et qui vient des monuments de cette cité. La pierre est d’un
pied et demi de hauteur et un pied de longueur
Les lettres ne sont pas des mieux conservées; quelques-uns
ont cru que la première lettre de la 2 * ligne étoit un G.
Au milieu de la 3 e ligne est un grand T. Puis l’O et le V
entrelacés. f v .
L’O de la 4 e ligne est petit et tel qu’il est icy représenté.
La 5 e ligne est écrite d’un caractère égal aux premiers.
Je sçay bien que Camulus est un des noms qu’on donnoit
à Mars ; mais je ne connois point de dieu Ande. Seroit-ce
Andate par abrégé?
(1) Inscriptions antiques Jotius orbis Romani a Jano Grutero col-
lectes . L'exemplaire du président Bouhier est à la bibliothèque de
Troyes. Sur ce curieux volume, Bouhier ajoutait chaque jour de
nouvelles inscriptions avec un soin minutieux. Souvent Gruter
n'avait trouvé que moitié d’une inscription, Bouhier retrouve
ailleurs le commencement ou la fin et complète celle de l'exemplaire
imprimé.
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- 435 —
23 avril i5oi , l’ordre Teutonique vendait toutes ses posses-
sions de France à l'abbaye de Clairvaux (i).
Vingt-quatre ans plus tard, le dernier grand-maître de
l’ordre, Albert de Brandebourg, devenu luthérien, détachera
de l’ordre le duché de Prusse et fondera ainsi le noyau de
l’Empire prussien.
Les chartes de l’ordre Teutonique en France, réunies
aujourd’hui à celles de l'abbaye de Clairvaux , sont conser-
vées aux archives de l’Aube; en 1871, M. d’Arbois de
Jubainville, alors archiviste de l’Aube, aujourd’hui membre
de l’Académie des inscriptions et belles - lettres , signalait
l’existence de ces chartes dans un article intitulé : L'Ordre
Teutonique en France (2) , et en analysait quelques-unes.
En 1878, M. l’abbé Lalore les publiait ou en donnait
des analyses détaillées dans le tome III de sa collection des
principaux cartulaires du diocèse de Troyes; malheureuse-
ment, cet ouvrage contient des iautes de lecture qui le
déparent.
H. DE FLAMARE.
LETTRE DE L’ABBÉ LEBEUF
AU PRÉSIDENT BOUHIER (3).
Auxerre, ce 8 septembre 1734.
Monsieur ,
J’ai prié une personne qui a quelques relations à Dijon de
vous faire remettre un exemplaire de ma dissertation sur
VÉtat des sciences sous Charlemagne . Je n’ay pu le faire
(1) Lalore. Loc, cit., p. 320-322.
(2) Bibliothèque de Vécole des chartes 1871, p. 63.
(3) Voir procès-verbal de la séahee d’octobre i885, p. 352.
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— 436 —
plutôt, n’ayant reçeu cet exemplaire que vers le commence-
ment du mois. La date de la permission peut vous prouver
qu’il n'y a pas bien du temps que le petit ouvrage est achevé
d’imprimer. J’espère que vous voudrez bien. Monsieur,
excuser quelques fautes d’impression qu’on y a laissées.
On m’a prêté depuis peu un Gruter (i), et je le lis avec
bien du plaisir. Mais comme je n’y suis pas encore extrême-
ment familiarisé, je voudrais. Monsieur, vous demander ce
que vous penseriez d’une inscription qui est insérée au coin
d’une maison voisine des anciens murs de la cité de Nevers,
et qui vient des monuments de cette cité. La pierre est d’un
pied et demi de hauteur et un pied de longueur
Les lettres ne sont pas des mieux conservées; quelques-uns
ont cru que la première lettre de la 2 ê ligne étoit un G.
Au milieu de la 3 e ligne est un grand T. Puis l’O et le V
entrelacés. f > ,
L’O de la 4 e ligne est petit et tel qu’il est icy représenté.
La 5« ligne est écrite d’un caractère égal aux premiers.
Je sçay bien que Camulus est un des noms qu’on donnoit
à Mars ; mais je ne connois point de dieu Ande. Seroit-ce
Andate par abrégé?
(1) Inscriptions antiques .totius orbis Romani a Jano Grutero col-
lectes . L’exemplaire du président Bouhier est à la bibliothèque de
Troyes. Sur ce curieux volume, Bouhier ajoutait chaque jour de
nouvelles inscriptions avec un soin minutieux. Souvent Gruter
n’avait trouvé que moitié d’une inscription, Bouhier retrouve
ailleurs le commencement ou la fin et complète celle de l’exemplaire
imprimé.
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- 437 -
LETTRE DU PRÉSIDENT BOUHIER
a l’abbé lebeuf.
( Après septembre 1734.)
Insérée dans mon Recueil d* inscriptions f page 355 .
(Cette note est de la main du président Bouhier, et la
notice suivante de la main de son secrétaire) :
Inscription antique , qui m’a été envoyée par le sieur
Lebeuf, chanoine d’Auxerre, en sa lettre du 8 septembre
1734, comme ayant été trouvée à Nevers, où elle est
incrustée au coin d'une maison voisine des anciens murs de
cette ville , sur une pierre d’un pied et demi de hauteur et
d’un pied de largeur, en caractères du beau Romain et bien
conservez :
ANDE
CAMV
LOS. T. OVTI
VS SICNOS
IE VRV
La lettre S qui suit CAMV^O me paroît marquer l’épi-
thète Sancto , qui est donnée au dieu Camulus dans
quelques inscriptions. Le nom qui vient ensuite paroît estre
T. OVITIVS. Apparemment, sur la pierre, le premier T
étoit confondu avec le dernier jambage du premier V. Cette
famille paroit nouvelle. Cependant au Recueil de Fabretti ,
page 445, n* 52 on trouve un Obittius . Or Obitius et
Ovitius est la même chose.
SICN me paroît estre pour SIGN , c’est-à-dire signifier .
On sçait que les anciens écrivoient souvent le C au lieu du G
ou le G au lieu du C.
Le petit O qui suit est un point à mon avis. Sur quoi, voir
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— 4 38 —
Reinesius, IX, 6, etc., XII, 74, comme encore en la préface,
page 7.
La lettre S, qui finit la 4 e ligne, signifie Singularium , en
sous-entendant equitum .
A la dernière ligne, je soupçonne qu’il y avoit LE. V,
c’est-à-dire Legiortis V, et ensuite le monogramme R, c’est-
à-dire Par. pour Particœ . Le V final est pour vovit .
Reste à rechercher ce que c’est que ce dieu Ande Camulus ,
dont il est parlé en ce moment, et nulle part ailleurs, que je
sçaehe. Il est bien fait mention en quelques inscriptions de
MARS CAMVLVS, ou de CAMVLVS seulement. Sur quoi
on peut voir Gruter, XL, 9, et LVI, n° 12, et Reinesius, 1,
i5o, 291, où il paroît que c’est un nom que les anciens
Celtes donnoient au dieu Mars. En effet, M. de Leibnitz,
en ses Collect. Etymol. inter Celtic ., p. 101 , dit que, dans
la langue de ces peuples, cammawn signifioit Pugna , et que
les Allemands employent encore dans le même sens le mot
Kampf. Et en son Archeolog. Teuto , ibid., p. io5, il assure
que chez les anciens Teutons, Kampffan signifie militare ,
comme aujourd’hui Kampffen chez les Allemands, et Kempen
ou Kampen chez les Flamands, qui disent aussi Kampioen
pour Pugnator, d’où est venu le mot Campio , qui se trouve
en cette signification dans les gloses d’Isidore, et notre mot
champion , que M. Ménage se contente de dériver du latin.
C’est du nom de ce dieu , comme le croit avec bien de la
vraisemblance Camden , Britan., p. 322, qu’est dérivé celui
de la ville de Camulodunum, dans la Grande-Bretagne. Car
c’étoit son nom , suivant plusieurs médailles de l’ancien roi
Cunabellinus, qui y régnoit, et qui sont raportées tant par
Camden, au lieu cité, que par Th. Gale, ln Anton, lier
Britann., p. 1 1 3, où l’on trouve sur plusieurs revers ce mot:
CAMV. Et si dans une ancienne inscription du Recueil de
Gruter , CCCCXXXIX, 5, et dans une médaille romaine
(quoiqu’un peu suspecte et rejettée par Vaillant, mais
rapportée parle P. Hardouin, Numm. Pop., p. 114) cette
ville est appelée Camulodunum, ainsi que dans quelques
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— 439 —
auteurs, c'est par un léger changement que les Romains
firent ensuite à ce nom , et dans lequel on ne laisse pas de
reconnoître son origine.
Une chose qui la confirme bien, ce qui n'est pas ici
inutile, ce sont quelques-unes de ces médailles du roi
Cumbellinus, oti Camden dit avoir vu la figure d'un
homme armé, avec le casque et le javelot, figurant galeatam
quœ Martis videatur. Ce qui prouve que Mars étoit le dieu
tutélaire de ce lieu , qui en avoit tiré son nom , plutost que
de la petite rivière de Cam , comme le veut Th. Gale, loc .
cit . , p. ni.
Il est bon de remarquer, en passant, que dans ces
médailles, le dieu Camulus est représenté à deux têtes, à
la manière du dieu Janus. Ce qui me fait adopter la pensée
de ceux qui croient que Janus et Mars étoient la même
divinité, comme Servius sur Virgile, Æn. VIII, 6 io,e t
autres qu’a suivi M. Huet, Demonstr. Evang., p. 142. En
effet, le premier étoit aussi représenté le javelot à la main,
et à cause de cela étoit appellé Janus Quirinus, quasi
bellorum potens, suivant Macrobe, Saturn. I, 9. C’est pour
la même raison, à mon avis (quoiqu’on en ait allégué
d'autres, moins bonnes, ce me semble), qu’on ouvrait le
temple de Janus pendant la guerre et qu’on le fermoit
pendant la paix , comme encore qu’on le peigne à deux
faces, et quelquefois à quatre, comme un excellent guerrier,
qui fait face de toutes parts aux ennemis. C’est pour cela ,
enfin, qu’il étoit représenté comme marquant avec les doigts
le nombre de CCCLXV, qui fait celui des jours de l’année ,
dès le temps qu’elle commençoit au mois de mars. Sur ces
convenances et d’autres encore, nous aurons peut-être occasion
de parler ailleurs de cette conformité.
Reste la principale difficulté de notre inscription du mot
ANDE, qui précède CAMVLO. Si la pierre avait été trouvée
dans le Limousin, je croirais que le dieu Andecamulus serait
particulier au même lieu où a été posée l’inscription dont
parle Gruter, CXII, 6, qui porte: FANVM PLVTONIS
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— 44 <> —
AN DEC AM V LEN SES DE SVO POSVER. Mais Nevers
en étant si éloigné, il y a apparence que ce mot ANDE est
plutost tiré de quelque terme de la langue celtique. Ce qui
me le persuade, c’est que suivant Dion Cassius, Hist. lib.,
62, p. 704, la déesse Victoire étoit appellée Andaté chez les
anciens peuples de la Grande-Bretagne. A la vérité, à la
page précédente, ce nom est écrit Andrasé ce que l’interprète
latin a changé en Adrasé , en quoi il a été suivi par Bochan,
Chanaan , lib. I, cap. 42, p. 758, affin de mieux accom-
moder ce nom à ses Etymologies phéniciennes. Mais il est
plus naturel de chercher celle d 'Andaté dans la langue
celtique. Or, suivant M. de Leibnitz, loc. cit . inter celtic
p. 80, les vestiges de ce mot se sont encore conservez dans
l’allemand, oü winden signifie vaincre . D’où peut être venu
le nom du dieu Odin, qui est le Mars des anciens Ger-
mains, et celui de notre déesse Andavta , dont le nom se
trouve dans quelques inscriptions du Recueil de Gruter ,
LXXXVIII, 9, 20; car je suis volontiers de lavis de D.
Gabr. Martin, Relig. des Gaulois , t. II, p. 12, où il croit
que c’est le même qu 'Andata. Je crois donc que ANDE
CAMVLUS signifie le Victorieux , dieu des combats ; et
c’est apparemment par cette même raison que la colonie,
que les Romains établirent à Camulodunum, fut appellée
colonia Victricensis. A quoi je m’étonne qu’on n’ait pas
pris garde.
L’INSCRIPTION DE L’ÉGLISE DE MYENNES.
Dans son Répertoire archéologique , notre bien affectionné
collègue, M. le comte de Soultrait, a mentionné l’existence
dans le clocher de l'église de Myennes, d’une pierre contenant
une inscription qui rappelait le décès d’un seigneur dudit
lieu.
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— 44 * —
Nous croyons intéressant de restituer le texte complet de
cette inscription ; le voici :
CY GIST LE CŒUR DE NOBLE
HOME RENÉ DE VlEL-BOURG,
LIEUTENANT D’UNE COMPAG
NYE AU RÉGIMENT DES GARDES
DU ROY, LEQUEL EUT LE BRAS
EMPORTÉ D’üN COUP DE CANON
AU SIÈGE DE LA ROCHELLE,
DE LAQUELLE BLESSURE
IL EST MORT A l’aGE
VINGT-TROIS ANS.
SON CORPS REPOSE EN
l'église de fetre,
PRÈS DE LA ROCHELLE.
PRIÉ DIEU POUR SON AME.
CESTE ÉGLISE A ESTÉ RÉPARÉE
DES BIENS QU'IL A DONNÉS. — 1626.
Cette inscription a été depuis peu d'années placée dans
l'intérieur de l’ancienne chapelle seigneuriale d’où elle avait
été enlevée.
Myennes ou Myennes-le-Châtel est situé à cinq kilomètres
de Cosne, et fit longtemps partie des possessions territoriale*
de nos comtes et de nos ducs. 11 relevait de la châtellenie de
Saint-Verain.
Ce nom géographique n’est point mentionné dans YInven -
taire de l’abbé de Marolles (titres de Nevertf). Il existe
néanmoins des lettres latines qui nous apprennent qu’en
1226, Archambault de Bourbon faisait, au lieu de Myennes,
un accord avec ses proches , Pierre des Barres d'une part et
Guillaume , son fils , seigneur de La Guerche , au sujet de
certaines franchises.
En 1599, Henriette de Clèves, pour parvenir à acquitter
les sommes que Louis de Gonzagues avait dépensées pour
t. 11, 3* série. 5o
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— 442 —
satisfaire à sa trop orgueilleuse magnificence, faisait alié-
nation de plusieurs seigneuries au nombre desquelles se
trouvait Myennes. Elle en consentait la vente au profit de
François de Vieil- Bourg, père de René, lequel était écuyer
d’écurie de Monseigneur le Comte , fils de Madame ( Charles
de Gonzagues).
Cette terre , qui continua à relever de Saint-Verain , était
grevée dès 1456 d'une rente de vingt écus d’or au profit de
l’abbaye de Roches, au diocèse d'Auxerre.
Enfin, Myennes-le-Châtel fut érigé en marquisat par
lettres de décembre 1661, en faveur de René de Viel-Bourg,
qui perpétuait le prénom de son ancêtre décédé glorieusement
devant La Rochelle.
L. ROUBET.
UNE BULLE DE HONORIUS III
RELATIVE A L’HÔPITAL DE BETHLÉEM A CLAMECY.
Dans son Histoire de V évêché de Bethléem (1), M. Che-
valier-Lagenissière rapporte , d’après V Histoire d' Auxerre
de l’abbé Lebeuf (2) et d’après une charte reproduite au
Gallia Christiana ( 3 ), les difficultés qui setaient élevées
entre l’évêque d’Auxerre et celui d’Autun au sujet de la
juridiction ecclésiastique sur l’hôpital de Bethléem, à Cla-
mecy, situé sur les confins des deux diocèses, et la sentence
mettant fin au différend, rendue par Manassès de Seignelay,
évêque d’Orléans, frère de l’évêque d’Auxerre, et Humbaud,
(1) Pages 74 et 75.
(2) Ed. de 1743, p. 345-346 et 736.
( 3 ) Tome IV, p. g 5 , des lnstr . eccl. Eduensis , n° LXIII, et tome XII.
p. i 5 o et 1 5 1 des lnstr . eccl. Autissiodorensis , LXXII. (Les instrumenta
de l’évêché d’Autun ne contiennent que la charte de l'évéque d’Autun
aux frères et habitants de Bethléem.)
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— 443 —
chanoine d’Auxerre, arbitres choisis d’un commun accord
par les parties.
Tout récemment, M. le comte Riant, de l’Académie des
inscriptions et bel les -lettres , au cours de ses importants
travaux sur Y Histoire de V Orient latin (i), a trouvé aux
archives du Vatican, dans les registres du pape Honorius III,
la bulle par lequel ce Pape confirma cette sentence arbitrale.
Le savant académicien ne s’occupant dans ses remarquables
études que des documents qui ont rapport aux croisades (2)
ou aux établissements latins en Orient, a eu l’amabilité de
nous envoyer ce précieux document en nous autorisant à
le publier; nous en donnons la primeur à la Société niver-
naise.
Dans cette bulle, qui est du 28 avril 1218, le Pape
déclare tout d'abord qu’il confirme la sentence portée
par Manassès , évêque d’Orléans , et Humbaud , écolâtre
d’Auxerre. Le document publié par le Gallia Christiana ne
mentionnait cet Humbaud que comme chanoine d’Auxerre.
Or, Lebeuf ne connut cette affaire que d’après ce même
document. Nous pouvons maintenant, grâce à notre bulle,
identifier cet Humbaud, chanoine, avec Humbaud Baston-
nier rapporté par l’abbé Lebeuf dans sa liste des scolas-
tiques et pénitenciers d’Auxerre en ces termes : Humbaud
Bastonnier paroi t être le premier qui fit revivre le titre
(ij Qu'il nous soit permis de citer seulement ici: Exuviœ sacrœ
Constantinopolce. (Genève, 1876-1877,2701. in-8°.) Innocent 111, Philippe
de Souabe et Boniface de Montf errât , dans la Revue des questions
historiques, numéros d'avril et juillet 1875*, le Changement de direction
de la quatrième croisade, même revue, janvier 1878.
La création de la Société et des Archives de l’Orient latin. (Les
deux premiers volumes de ce remarquable recueil ont paru en 1881
et 1884.)
(2) M. le comte Riant a bien voulu accepter, pour être publiée au
tome 111 des Archives de l’Orient latin, la copie de la charte par
laquelle Eudes de Châtillon donne aux Chevaliers Teutoniques un
revenu à Pignol et à Tannay, conservée aux archives de la Nièvre,
série H, fonds de Saint-Martin de Nevers.
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- 444 —
de scolastique y lorsque le revenu en eut été augmenté
vers Van 1210 . Son obit est marqué le 8 février dans
Vobituaire de i25o . Il y est qualifié diacre et dit avoir
donné une maison . Ob. Humbaudi Bastonarii , hujus
ecclesiœ scolastici et Levitæ (1). Il n’est pas douteux que si
le docte chanoine d’Auxerre avait connu la part prise par
l’écolâtre Humbaud à la sentence arbitrale de 1 21 1 ou plutôt
s'il avait reconnu notre écolâtre dans YHumbaudus cano-
nicus nommé dans le document publié par le Gallia
Christiana , il n'eût mentionné le fait dans la notice qu’il
consacre à ce personnage. Notre bulle nous fait connaître,
en outre, qu'Humbaud exerçait encore ses fonctions à la date
où elle fut rédigée.
La bulle d'Honorius III nous a transmis la copie in
extenso de la sentence arbitrale de 1211; et cette sentence
contient elle-même la transcription des différents documents
relatifs au débat qui l’ont précédée; ce sont: i° la charte par
laquelle l’évêque d'Autun déclare s’en rapporter, sous peine
de 100 marcs d’argent d’amende, à l'arbitrage de l'évêque
d’Orléans, de maître Hugues, doyen de Bourges, et de
Humbaud, chanoine d’Auxerre (il est à noter que dans cette
charte, comme dans les autres rapportées dans notre bulle,
Humbaud n'est qualifié que de chanoine) ; cet acte est dü
mois d'août 121 1 ; puis viennent les chartes par lesquelles le
chapitre d’Autun, au mois de septembre, l’évêque d'Auxerre,
au mois d’août, et le chapitre d'Auxerre, au mois de
septembre de la même année, déclarent s'en rapporter, sous
la même peine de 100 marcs d’argent, à la décision des
mêmes arbitres; enfin l'acte du 27 octobre 12 11 par lequel
l’évêque d’Autun déclare aux frères de la maison de Bethléem
et aux habitants du bourg de Bethléem que, d’après la
sentence arbitrale, l’hôpital, la chapelle et le bourg de
Bethléem sont du diocèse d’Auxerre.
De tous ces documents , la charte par laquelle le chapitre
(1) Histoire d'Auxerre , tome IV (éd, 4 e 174$, p. 785.
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445 —
d’Auxerre accepte la médiation des arbitres, le dispositif de
la sentence et la charte adressée par l'évêque d'Autun aux
habitants de Clamecy et du bourg de Bethléem , ont seuls
été publiés ; les autres actes contenus dans la bulle et celle-ci
elle-même sont restés jusqu'ici inconnus et par conséquent*
inédits.
H. DE FLAMARE.
1218 — 28 avril. — Au Vatican . — Confirmation par
Honorius III de la sentence arbitrale rendue par
Manassès, évêque d'Orléans , et Humbaud , écolâtre
(T Auxerre , attribuant à l'évêque d'Auxerre la juri-
diction sur V hôpital, la chapelle et le bourg de Bethléem ,
à Clamecy. — (Archives du Vatican. Registres d’Ho-
noriusllï, registre I, livre II, lettre 1028. — F 0 244,
v°, à 245, v°. )
Autisiodorensi episcopo . — Terminate judicio questiones
apostolico debent munimine roborari, ne lapsu temporis in
abyssum oblivionis elapse, in posterum pati possint conten-
tionis incomodum récidivé. Ea propter, venerabilis in
Chrisio frater, tuis justis postulationibus annuentes, diffi-
nitivam sententiam quam pro te contra venerabilem fratrem
nostrum.. Eduensem episcopum venerabilis frater noster
Menasses] (1), Àurelianensis episcopus, et Humbaudus,
magister scolarum Autisiodorensi um (2) arbitri hinc inde
electi de utriusque partis capitulorum assensu super juris-
ditione domus religiose, capelle ac burgi de Bethleem apud
Clametiacum (sic) protulisse noscuntur, sicut in litteris
arbitrorum ipsorum didicimus contineri, auctoritate apos-
(1) Manassès de Seignelay, évêque d’Orléans (1207-1221), frère de
Guillaume de Seignelay, évêque d’Auxerre.
(2) Le registre porte Autisiodorem.
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— 446 —
tolica confirmamus , et presentis scripti patrocinio commu-
nimus. Ad majorent autem firmitatem predictaram litterarum
tenorem de verbo ad verbum presentibus duximus inseren-
dum (i); qui talis est.
Manasses, Dei gratia Aurelianensis episcopus et H[um-
baudus] Autisiodorensis canon icus omnibus présentes litteras
inspecturis, in Domino salutem. Noverint universi présentes
pariter et futuri quod, cum inter venerabiles patres Galterum
Eduensem et Willelmum Autisiodorensem episcopos super
capella et domo de Bethleem et burgo de Bethleem apud
Clamentiacum {sic) cui jure diocesano subessent coram
venerabilibus viris.. cantore.. archipresbytero et magistro
(sic) Bono Amico canonico Bituricensi auctoritate apostolica
questio verteretur, tandem de assensu capitulorum suorum,
sub pena centum marcarum , compromiserunt in nos et
venerabilem virum Magistrum Hugonem Bituricensem
archidiaconum juxta formam que in autenticis eorumdem
et capitulorum suorum inde confectis et nobis traditis
expressius continetur: quarum seriem de verbo ad verbum
presenti pagine duximus annotare.
Littere ex parte episcopi Eduensis.
Galterius (2) Dei gratia Eduensis episcopus omnibus
présentes litteras inspecturis, in Domino salutem. Noverint
universi quod cum inter nos ex una parte et venerabilem
patrem Willelmum ( 3 ) Autisiodorensem episcopum ex altéra,
super capella de Bethleem apud Clametiacum (5/c) et jure
parrochiali ejusdem burgi coram., cantore.. archipresbitero
et magistro Bono Amico, canonico Bituricensi, auctoritate
apostolica questio verteretur, tandem mediantibus viris
bonis et ad pacem interponentibus partes suas (4) in
venerabilem M[anassem] Aurelianensem episcopum, Magis-
(1) Registre: inferendum.
(2) Galterius II (1189 — i ,r mai 1222).
( 3 ) Guillaume de Seignelay, évêque d’Auxerre (1207-1220).
(4) Registre : fuas.
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/
— 44 7 —
trum Hugonem Bituricensem archidiaconum et Humbau-
dum Autisiodorensem canonicum super ilia controversia ,
sub pena centum marcarum hinc (i) inde compromisimus
voluntate, sub hac forma : quod arbitri ipsi de piano jus
utriusque partis inquirent et nos inconcusse servabimus
quicquid ipsi vel episcopus cum altero coarbitrorum suorum
duxerit arbitrandum ; et condictum est quod propter tertii
absentiam non impedietur quin episcopus cum coarbitro suo
qui presens fuerit procédât. Super pena autem centum
marcarum repetenda, si essemus in deiectu plene suppo-
suimus nos jurisdictioni episcopi supradicti. Et ut majus
robur obtineat compromissum illud, tam per nostras quam
per capituli nostri litteras duximus roborare. Durabit autem
compromissum istud usque ad festum Omnium Sanctorum,
nisi de communi consensu partium fuerit prorogatum , et ex
tune, si non esset causa per arbitros terminata, dominus
Autisiodorensis episcopus ad judices suos superius nominatos
haberet recursum, et esset negotium quo ad litteras aposto-
licas quarum auctoritate conveniebamur et quo ad omnia
tam quo ad nos quam quo ad ipsum in eo statu in quo erat
tempore compromissi, ita quod non posset hujus compromissi
pretextu exceptio aliqua ex parte nostra contra ipsum vel
litteras predictas opponi. Actum mense augusto, anno
Domini M°. CC°. XI e .
Littere capituli Eduensis.
Hugo (2) decanus et universum Eduensis ecclesie capi-
tulum omnibus présentes litteras inspecturis in Domino
salutem. Noverint universi quod cum inter venerabiles
patres dominum nostrum Gai ter um Eduensem ex una parte
et Willelmum Autisiodorensem ex altéra episcopos super
capella de Bethleem apud Clametiacum (sic) et jure parro-
chiali ejusdem burgi coram., cantore.. archipresbytero , et
magistro Bono Amico canonico Bituricensi auctoritate
(1) Registre : hnc.
(2) Hugues II, doyen d’Autun (1201-1217).
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- 44 » —
apostolica questio vertcretur, tandem médian tibus viril
bonis et ad pacem interponentibus partes suas in vene-
rabilem patrem M[anassem] Aurelianensem episcopum ,
Magistrum H[ugonem] Bituricensem arcbidiaconum et
H[umbaudum] Autisiodorensem canonicum super ilia
controversia sub pena centum marcarum pari volumote
compromiserunt bine inde sub tali forma: quod arbitri
ipsi de piano jus utriusque partis inquirent (sic), et pars
utraque servabit quicquid arbitri ipsi vel episcopus euro
altero coarbitrorum suorum duxerit arbitra ndum; et con-
dictum est quod propter tertii absentiam, non impedietur
quin episcopus cum arbitro suo qui fuerit presens procédât.
Super pena autem centum marcharum argenti repetenda si
episcopus noster esset in defectu , supposuit se idem epis-
copus plene jurisditioni dicti Aurelianenais episcopi cober-
cendum. Et ut majus robur obtineat compromissum ,
dominus noster episcopus illud duxit per suas ac nostras
litteras roborare. Durabit autem compromissum istud usque
ad festum Omnium Sanctorum , nisi de comuni consens*
partium fuerit ulterius prorogatum. Et ex tune , si non esset
causa per arbitros terminata* dominus Autisiodorensis ad
judices suos superius nominatos haberet recursum; et esset
negotium quo ad litteras apostolicas quarum auctoritate
convenitur dominus noster episcopus et quo ad omnia
tam quo ad predictum dominum nostrum quam quo ad
dominum Autisiodorensem in eo statu in quo crat tempore
compromissi, ita quod non poterit hujus compromissi
pretextu exceptio aliqua contra dominum Autisiodorensem
vel litteras suas predictas ab adversa parte opponi. Nos
itaque, ea que ad pacem sunt cupientes, huic compromisse
assensum prebentes, illud sub presentis pagine et sigilli
nostri testimonio duximus roborare, ratum et inconcussum
in perpetuum habituri quicquid ex eo fuerit (i) ordinatüm
(i) Registre: fuit.
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— 449 —
Actura mense septembris, anno Incarnationis Dominice.
MV CO. XK
Littere ex parte Autisiodorensis episcopi.
Wiilelmus Dei gratia Autisiodorensis episcopus omnibus
présentes litteras inspecturis in Domino salutem. Noverint
universi quod cum inter nos ex una parte, et venerabilem
patrem Galterum Eduensem episcopum ex altéra, super
capella de Bethlecm apud Clamentiacum et jure parrochiali
ejusdem burgi coram., cantore.. archipresbytero et magistro
Bono Amico, canonico Bituricensi auctoritate apostolica
questio verteretur, tandem mediantibus viris bonis et ad
pacem interponentibus partes suas,, in venerabilem Menas-
sent] , Aurelianensem episcopum, Magistrum H[ugonem]
Bituricensem archidiaconum , et H[umbaudum] Autisio-
dorensem canonicum super ilia controversia sub pena
centum marcarum pari hinc inde compromisimus voluntate
sub hac forma: quod arbitri ipsi de piano jus utriusque
partis inquirent , et nos inconcusse servabimus quicquid
ipsi vel episcopus cum altero coarbitrorum suorum duxerit
arbitrandum; et condictum est quod propter tertii absentiam
non impedietur quin episcopus cum coarbitro suo qui
presens fuerit procédât. Super pena autem centum marcarum
repetenda si essemus in defectu plene supposuimus nos
jurisditioni episcopi supradicti. Et ut mâjus robur obtineat
compromissum illud tam per nostras quam per capituli
nostri litteras duximus roborare. Durabit autem compro-
missum istud usque ad festum Omnium Sanctorum, nisi de
communi consensu partium fuerit prorogatum ; et ex tune,
si non esset causa per arbitras terminata, nos ad judices
nostros superius nominatos haberemus recursum , et esset
negotium quo ad litteras apostolicas quarum auctoritate
conveniebamus jamdictum Eduensem episcopum, et quo ad
omnia tam quo ad nos quam quo ad ipsum in eo statu in
quo erat tempore compromissi , ita quod non posset hujus
corapromissi pretextu exceptio aliqua ex parte ipsi us contra
t. n, 3 # série. 5i
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— 4 ®° —
nos ad (i) litteras nostras opponi. Actum mense Augusto
M°. CO. XI 0 .
Littere capituli Autisiodorensis.
Raynaldus decanus ( 2 ] et universum Autisiodorensis
ecclesie capitulum omnibus présentes litteras inspecturis,
in Domino salutetp. Noverint universi quod cum inter
venerabiles patres dominum Willelmum, Autisiodorensem,
ex una parte et Galterium, Eduensem episcopos, ex altéra,
super capella de Bethleem apud Clametiacum ex jure
parrochiali ejusdem burgi coram., cantore.. (3) archi-
presbytero, et magistro Bono Amico canonico Bituricensi,
auctoritate apostolica, questio verteretur, tandem médian-
tibus viris bonis et ad pacem interponentibus partes suas,
in venerabilem patrcm M[anassem] , Aurelianensem epis-
copum, et magistrum H[ugonem] Bituricensem arcidia-
conum (sic) et Humbaudum Autisiodorensem canonicum
super ilia controversia sub pena centum marcarum pari
voluntate compromisimus hinc inde , sub tali forma : quod
arbitri ipsi de piano jus utriusque partis inquirent, et pars
utraque conçusse (sic) servabit quicquid arbitri ipsi vel
episcopus cum altero coarbitrorum suorum duxerit arbi-
trandum. Et condictum est quod propter tertii absentiam
non impedietur quin episcopus cum coarbitro suo qui fuerit
presens procédât. Super pena autem centum marcarum
argenti repetenda, si episcopus noster esset in defectu,
supposuit se idem episcopus plene jurisditioni dicti Aure-
lianensis episcopi cohercendum. Et ut majus robur obtineat
compromissum , dominus noster episcopus illud duxit per
suas ac nostras litteras roborare. Durabit autem compro-
missum istud usque ad festum Omnium Sanctorum , nisi
decommuni consensu partium fuerit ulterius prorogatum :
(1) Corrigez ac ou vel.
(2) Renaud, doyen du chapitre d’Auxerre (1209-1212).
( 3 ) Registre: cartore .
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— 45i —
ex tune, si non esset causa per arbitros terminata , dominus
Autisiodorensis ad judices suos superius nominatos haberet
recursum; et esset negotium quo ad litteras apostolicas,
quarum auctoritate convenitur dominus Eduensis episcopus;
et quo ad omnia , tam quo ad predictum dominum Eduen-
sem quam quo ad dominum Autisiodorensem , in eo statu
in quo erat tempore compromissi , ita quod non poterit
hujus compromissi pretextu exceptio aliqua contra dominum
Autisiodorensem vel litteras predictas ab adversa parte
opponi. Nos itaque ea que ad pacem sunt cupientes, huic
compromisso assensum prebentes, illud sub presentis pagine
et sigilli nostri testimonio duximus roborare, ratum et
inconcussum imperpetuum habituri quicquid ex eis fuerit
ordinatum. Actum mense septembris , anno Incarnationis
Domini M*. CC°. XI°.
Assignais itaque nobis litteris supradictis, nos duo
arbitri , non obstante tertii , scilicet archidiaconi Bituricensi
absentia, secundum quod condictum fuerat in compro-
misso, qui [jamdictus archidiaconus] (i) littera [liter excu-
savit] (2) , in arbitrio processimus et per testes ydoncos hinc
inde productos, jus utriusque partis diligentius inqui-
rentes, (3) et ea sollempnitate peractis qua decuit,
cum sola superesset diffinitiva sententia proferenda , Eduam
accessimus, et ibi [presentibus] (4) partibus, formata de
prudentium et jurisperitorum consilio sententia, pronun-
ciavimus, diffinivimus et sententialiterdecrevimus [capellam
et domum] (5) et burgum de Bethleem apud Clametiacum
Autisiodorensi episcopo ut pote diocesano loci illius pleno
[jure subesse] ( 6 ) et episcopum Eduensem nichil juris
(1) Lacune dans le manuscrit du registre comblée (hypothétiquement.
(2) Les lettres entre crochet écrites en marge du registre.
( 3 ) Lacune dans le registre.
(4) Lacune dans le registre comblée d’après le texte publié par le
Gallia Christ iana.
( 5 ) Idem .
(6) Idem.
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— 452 —
penitus habere ibidem ; unde ei perpetuum silentium impo-
suimus super premissis.
Ipse vero Eduensis episcopus, probata sententia, statim se
traxit in partem et, habito cum canonicis suis, quorum
magna pars presens erat consilio, reversus, publiée pro-
testatus est quod sententiam illam approbabat , et quod ei
nullatenus obviaret; et tam fratribus dicte domus quam
hominibus burgi de Bethleem per litteras suas patentes
denuntiavit id ipsum. Quarum ténor hic erat.
Galterus Dei gratia Eduensis episcopus dilectis in Cbristo
fratribus de Bethleem et omnibus in burgo de Bethleem
apud Clametiacum manentibus , salutem in Domino.
Noveritis quod per sententiam venerabilis patris Manasse
Aurerianensis episcopi et dilecti nostri H[umbaudi] Auti-
siodorensis canonici in quos compromiseramus super capella
et jurisditione burgi de Bethleem diffinitum est et declaratum
quod capella, domus et burgus quo ad ecclesiasticam juris-
ditionem pleno jure spectant ad episcopum Autisiodorensem;
et nos, eidem sententie parentes, id vobis notificamus, et
presentium insinuatione denuntiamus. Datum anno gratio
M°. CC°. XI 0 . mense octobrio. IIII 0 . Kal. Novembris.
Nos igitur arbitri, ne ea que per nos et a nobis rite ac tam
sollempniter acta sunt, procedente tempore, possint per
oblivionem deleri , acta ipsa in scriptum redegimus , et
presenti pagine annotata, sigillorum nostrorum munimine
duximus roborare. Actum anno Domini M°. CC°. XI 0 .
Nulliergo, etc. usque (i): nostre confirmationis infrin-
gere, vel ei etc. usque : contraire. Datum Rome apud Sanc-
tum Petrum. IIII. Kal. maii, anno secundo.
(i) Ces abréviations etc., usque , qui se trouvent dans tous les
registres des Papes, avaient pour but de renvoyer les scribes de la
chancellerie pontificale chargés de délivrer copie des bulles aux
formules ordinaires employées dans ces actes, formules dont il y
avait des recueils et qui variaient légèrement suivant les cas.
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- 453 -
LE RELIQUAIRE
DE ^ABBESSE DE NOTRE-DAME DE NEVERS,
G ABRIELLE ANDRAULT DE LAtfGERON.
§ I».
L'abbaye Notre-Dame , fondée en l’an 624, du temps de
l'évêque de Nevers Rauracus, parThéodulfe Babolène, abbé
de Saint-Maur-les-Fossés, qui la mit sous la règle de saint
Colomban, était sans contredit l’un des plus anciens monas-
tère de notre cité.
Parmentier rapporte qu’il s’y trouvait beaucoup de reliques
et que les dames se faisaient un plaisir de les montrer.
C'étaient notamment celles de saint Révérien, conservées
dans une châsse d'argent, celles de saint Genoul ( Genulfi )
dont les religieuses prétendaient avoir le chef aussi dans une
châsse d’argent (i). Le même auteur ajoute que cette maison
possédait beaucoup d’anciens titres très-bien conservés, entre
lesquels il cite le Martyrologe de l’abbaye écrit sur du vélin
et qui est de 1317(2). L’abbé Lebeuf mentionne fréquemment
le Nécrologe de l’abbaye Notre-Dame.
D’autre part, les Bénédictins, auteurs du Gallia Chris -
tiana , nous apprennent que l’abbesse Gabrielle Andrault de
Maulévrier-Langeron, désignée par le roi en 1642, et qui
avait pris possession au mois d’avril 1643, avait fait
transporter le 12 août 1667 beaucoup de reliques de saints,
d’une vieille châsse dans une nouvelle qui était dorée :
( 1 ) Hagiologie nivemaise , par M p Crosnier.
( 2 ) Archives de Nevers , t. I ,r , p. 39o-3g5.
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— 454 ~
Plurimas sanctorum reliquias e veteri capsa in novm
inauratam inferri curaviî (i).
Malheureusement , de ces riches archives pendant tant de
siècles si bien conservées, à peine reste-t-il quelques lam-
beaux, et des reliques et reliquaires il semblait aussi qui!
n’y eût plus nul souvenir.
Dans le courant de l’année dernière (1884), une personne
de la paroisse Saint-Étienne de Nevers me fit prier de venir
visiter un vieux reliquaire de bois doré, conservé dans sa
famille depuis la Révolution, et dont elle ignorait l'origine;
elle désirait connaître la valeur de cet objet pour s'en défaire,
.quand s'en présenterait l’occasion, ne voulant toutefois, à
cause des reliques, le livrer qu'en des mains qui sauraient le
traiter avec respect (2).
J'allai donc voir le reliquaire et je fus tout d’abord vive-
ment impressionné.
Impossible, en effet, de demeurer indifférent en présence
de ce précieux monument!
La forme en est simple, il est vrai ; c’est la châsse, en
forme de maison , car elle en présente l'aspect avec ses murs
et son toit à double pente. Mais, ce toit est ajouré sur la face
principale de deux fenestrages ; sur le sommet sont trois
petits pinacles soutenus par des consoles renversées et les
parois sont partout décorées avec beaucoup de goût.
Ici un bel écusson écartelé , surmonté d’une couronne de
comte , avec une crosse en pal , puis des cœurs enflammés
entre des cornes d'abondance, des vases de fleurs et de
gracieux rinceaux très-élégamment feuillés et fleuris , d’où
sortent des têtes d’aigles couronnées , le tout imprimé dans
une pâte, sorte de mastic appliqué sur le bois, et fort en
usage dans la seconde moitié du dix-septième siècle.
(1) Gall. Christ ., t. XII, colonne 675.
(2 J Ce reliquaire est aujourd’hui en la possession de M. Frédéric
Flamen d'Assigny, qui a bien voulu dessiner les trois lithographies
dont cette notice est illustrée.
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Google
- 455 -
J avais hâte de soulever le couvercle du monument. Peut-
être quelque relique de saint nivernais me mettrait-elle sur
la voie d'une précieuse découverte. Désillusion complète!...
Sur de petits billets de parchemin cousus à des sachets de
soie se lisent bien de très-curieuses inscriptions dont la plus
ancienne est du douzième siècle, les autres des quatorzième,
quinzième, seizième et même du dix-septième siècle, mais
pas un mot révélant une origine nivernaise! Ce sont des
reliques de saint Lô, de sainte Claire, de saint François
d' Assise, des saints Innocents, des cheveux de sainte Made-
leine, des souvenirs de la Terre-Sainte. Il y a même un
petit souvenir de pèlerinage à la sainte Robe de Trêves, etc.,
et d’autres ossements , fragments de crânes, vertèbres, mais
sans aucune indication.
Il me fallut revenir sérieusement à l'examen de l’écusson ,
qui seul devait évidemment tout expliquer.
Quelques paroles échangées avec le détenteur du reliquaire
sur l’ancien lieu d'habitation de sa famille m’avaient fait
déjà songer à l’abbaye Notre-Dame et à l’abbesse de Lan-
geron-Maulévrier dont les armes : d’aqur, à trois étoiles
d'argent, étaient écartelées <f argent, à trois fasces vivrées de
gueules y à la bande d'aqur semée de fleurs de lys cTor (i).
Mais , me rappelant d’autre part le bel écusson losangé
d’une autre abbesse de Nevers, de Saillans, récemment
reproduit dans V Histoire des verriers de Nevers , remar-
quant aussi que la crosse des abbés doit être tournée en
dedans de l’écusson et non en dehors, parce que leur
juridiction ne s'exerce qu’à l’intérieur du monastère,
j’éprouvais quelque scrupule et j’en écrivis à notre savant
collègue et maître dans ces questions, M. le comte de
Soultrait, qui me fit cette réponse catégorique :
c II était, en effet , d'usage de donner aux armes <jes filles
et même des femmes la forme du losange ; mais cet usage
(i) Armorial du Nivernais, 1 . 1", p. io5-io6.
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- 456 -
comportait de nombreuses exceptions , tandis que les digni-
taires ecclésiastiques mâles plaçaient toujours sur leurs
armes, à partir du seizième siècle, non -seulement une
crosse, mais une mitre. Ce n’est pas dans les livres qu’il
faut étudier le blason , mais bien sur les monuments de tout
genre. Les grammaires n'ont été composées que bien après
la formation des langues ; de même les traités de blason des
Paillot, Ménestrier, etc., ont formulé des règles héraldiques
régentant le blason, langue parlée, si je puis m’exprimer
ainsi, depuis cinq siècles, mais formulant ces règles d’après
leurs idées et sans tenir compte des monuments du moyen-
âge , dont on faisait si peu de cas aux dix-septième et dix-
huitième siècles. De là les hésitations de personnes qui ont
surtout étudié le blason dans ces livres remplis de règles en
général inventées par leurs auteurs. C’est ainsi que, selon les
héraldistes, la volute des crosses abbatiales devait être
toujours tournée en dedans; or, même au dix-huitième
siècle, vous trouverez les crosses abbatiales tournées pour la
plupart en dehors. Vous pouvez sans crainte attribuer à
l'abbesse Andrault de Langeron le reliquaire , d'autant que
le texte du Gallia Christiana donne toute certitude à cette
attribution. •
Le doute n’était plus permis. Mais, voici bien mieux
encore! Sur ces entrefaites, il me souvint de quelques
feuillets de parchemin , débris du dernier nécrologe de
l'abbaye, et en assez mauvais état d’ailleurs , qu'un heureux
hasard m’avait fait autrefois recueillir, et sur lesquels se
trouvaient des notes courantes, de différentes mains, faisant
surtout mention de reliques. Je laisse à penser la joie que
j’éprouvai en découvrant précisément le procès-verbal de
reposition des reliques de l’ancienne châsse du monastère
dans le nouveau reliquaire de l’abbesse de Langeron. Aussi
bien , voici le texte intégral de ce document si précieux et
qui peut jusqu'à un certain point remplacer les titres
authentiques ;
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<? J *
CCU^^orv dix Ht L U.ow^t
de ^OAi^ion , ***** uolu cieui/u \i^Tu.i>eU^e . ~
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— 4 57 ~
« Le douzième jour du mois d’aouSt mil six cens soixante
et sept, les reliques de plusieurs sains dont on a treuvé dans
la châsse de bois qui repose dans ce cœur vis-à-vis celle de
saint Révérien, duquel la translation a ci-devant esté faite,
les escris suivans dans des billets de parchemain : Hic est
dens dignus (i) Beatissimi et gloriosissimi venerabilis
Lautoni Epi et confess. cujus festivitas colenda decimo
kalendas octobris.
» Item , dans un autre est escrit : 4 e la porte dorée , de la
cinture de saint Genouil, de la pierre où Notre-Seigneur
fit sa prière et sua sang et eaue , de la pierre où Notre-
Seigneur pleura devant sa passion , des on\e mille vierges
et plusieurs autres sains ; des cheveux de sainte Madeleine .
» Plus un autre billet de parchemin où est escrit des
vestemens de sainte Claire et de la chaire de saint François.
» Ont esté mises les reliques sancti Megety mart. et la
forme de la robe de Notre-Seigneur qui est % Trêves qui
se montre de soixante ans en soixante ans.
» Se sont trouvées dans ladite châsse plusieurs autres reli-
ques desquels il n’y a point d’escrit, comme un corporeau ( 2 ),
des ossemens grans et petis, la partie d’un crasne de teste et
beaucoup d'autres, toutes lesquelles reliques ont esté trans-
portées par ordre de madame, madame Gabrielle Andros de
Langeron, abbesse de céans, en présance de toute la commu-
neauté, dans l’honneur deu aux saints, dans une châsse de
bois doré pour plus grande vénération, mise dans l’aumoise
des reliques de céans , le tout pour obtenir plus grandes
faveurs et grâces du ciel par leurs intercessions. Ce qui a
esté fait par moy soussigné, à la réquisition de la commu-
^ neauté, le Père directeur absent, les an et jobr susdis.
P. Guillemeau, curé de Saint-Genez de Nevers. »
(1) Cette lecture est fautive ici et sur plusieurs autres points qui
seront rectifiés dans le paragraphe suivant. Le curé de Saint-Genest
n'était pas fort en paléographie, pas plus qu'en orthographe.
(2) U a malheureusement été enlevé.
t. 11, 3 * série. 5 z
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I
— 458 —
L’authenticité et l’origine de notre reliquaire étant établies
d'une manière incontestable , nous allons maintenant
examiner brièvement chacune des reliques , puis donner la
copie de quelques textes du nécrologe relatifs à d'autres
insignes reliques de l'abbaye.
§ ».
Sur un coussin de très-beau taffetas, couleur orange, de la
longueur du reliquaire, sont cousus ou retenus avec de gros
fils de soie jaune d'or :
i° Au milieu, un sachet de soie grise, portant cette inscrip-
tion écrite sur parchemin en belle gothique de la première
moitié du douzième siècle : Hic est dentus et digitus beatis -
simi et gloriosissimi venerabili Lautoni ejpi et confs . Est
sua festivitas colenda Xmo KL ocbr.
2° Au-dessous, un carré de taffetas blanc présentant une
forme de robe de Notre-Seigneur peinte en rouge foncé, avec
cette date : A 0 i655, et ces deux lignes sur une petite bande
de papier :
LA FIGURE DE LA ROBE DE NOTRE-SEIGNEUR QUI EST A TRÊVES
ET SE MONTRE DE 6o ANS EN ÔO ANS.
3* Adroite du n° i, petit sachet de soie grise avec cette
inscription sur parchemin en gothique cursive du seizième
siècle : Des vestemans sainte Cle (Claire) et de la che (chaire)
saint Franqoys.
4° A gauche du n° i , petit sachet de soie rose avec ces
deux mots sur parchemin, en gothique du quinzième siècle :
De innocentibus.
5° Autre sachet de soie grise, mais ouvert et entièrement
vide, dont il ne reste que l’étiquette de parchemin sur laquelle
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on lit, noh sans peine, l'encre étant en partie effacée, ces sept
lignes en petite gothique du seizième siècle :
DE LA PORTE DORÉE
Dü SERVEAUL SAINCT GENUL
DE LA PIERRE OU N re S r (NOTRE-SEIGNEUR) FIT SA PRIERE ET
SUA SANG ET EAUE
DE LA PIERRE OU N w PLORA DEVANT SA. ..
DES UNZE MILLE VIERGES
ET PLUSIEURS AUTRES.
6° Autre sachet, ouvert et vidé en partie, formé par un large
ruban de taffetas blanc, avec une petite bande de parchemin
sur laquelle une main du dix-septième siècle a écrit : Des
cheveus de sainte Madeleine.
7 ° A chaque extrémité du reliquaire sont deux fragments
de crâne ; l’un, dur et luisant (os temporal) , qui indique un
adulte (i) ;
L’autre, blanchâtre, maculé et un peu écaillé (os occipital),
d’une plus grande épaisseur, devant appartenir à une per-
sonne âgée ayant, d’ailleurs, l’apparence d’une haute anti-
quité ;
Tous deux sans aucune indication.
8° Une vertèbre d'un sujet de moyenne taille, avec cette
petite inscription imprimée en italique sur papier : S . Feli -
cissimœ mart ;
9 ° Deux autres fragments d'os longs (humérus ?), avec
inscription pareillement imprimée en italique : S . Honorati,
— S . Piunii m.
io° Plusieurs autres ossements : un métacarpien d'adulte,
une côte première du côté gauche, un fragment de côte.
(i) C’est à l’obligeance de notre collègue, M. le docteur Subert, que
nous devons la détermination précise de tous les fragments d’osse-
ments qui vont être signalés;
\
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— 460 —
Enfin, dans une boîte placée au fond du reliquaire et sur
laquelle est écrit : Pour monsieur Quartier , prieur de
Chantel en Bourbonnois (1), se trouvent encore, sans aucun
ordre , quantité d’ossements , deux vertèbres cervicales
connues sous le nom à' axis , un fémur d’enfant nouveau-
né, etc., le tout sans indication quelconque, sauf au milieu
de ces débris un papier replié en forme de sachet sur lequel
une main du dix-septième siècle a écrit en belle cursive :
Reliquiœ sanctæ Benedictœ virg. et martyris . D'une ver-
tèbre ; et bien probablement cette vertèbre est là parmi les
autres ossements.
Evidemment, ces reliques avaient été déposées postérieu-
rement, et nous n’avons pas autrement à nous en occuper.
Nous devons cependant signaler encore, parmi tous ces osse-
ments si tristement mélangés et inconnus , plusieurs petits
paquets de soie de diverses couleurs ayant appartenu au
reliquaire et qu’une jnâlencontreuse curiosité avait fait
ouvrir pour en extrairë les reliques qui ont été en partie
distribuées (2) :
D'abord un paquet d’étoffe verte du dix-septième siècle
contient de nombreux fragments d’ossements et un morceau
de sandal rouge très-foncé du douzième siècle, roulé en
guenille, et à son tour conservé selon l'usage ancien, comme
relique, parce qu’il avait servi primitivement à les envelopper.
Un autre petit paquet d'étoffe, bleu contient d’autres
morceaux de sandal, tout roulé, de couleur également très-
foncée et qui paraît aussi ancien que le précédent.
(1) Claude-Guy Quartier, curé de la paroisse de Chaluzy-les-
Nevers, de 1707 à 1756, avait pris possession d’un canonicat delà
cathédrale en 1715.
(2) Les détenteurs du reliquaire nous ont dit, en effet, que leur
vieille tante prenait plaisir à le porter dans des maisons amies et dans
des communautés religieuses où elle aimait à faire de pieuses largesses.
C’est ainsi que le Carmel de Nevers se réjouit de posséder une touffe
de cheveux de sainte Madeleine presque aussi importante que celle
qui existe dans notre reliquaire.
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A
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— 461 —
Une double enveloppe de soie rose pâle couvre un os rond
et luisant (tête de fémur).
Un quatrième petit paquet d’étoffe rose ne renferme, à part
deux débris d’ossements, que des fragments de pierres dont
plusieurs réduites en poussière, parmi lesquelles de petites
parcelles de verre rose avec des fragments minuscules de
grenat et d’émeraude.
Ces débris de pierre nous ont rappelé le n° 5 précédem-
ment décrit, et qui précisément a été ouvert et dont il ne
reste que l’inscription indiquant surtout des pierres recueil-
lies en divers lieux sanctifiés de Jérusalem.
Il nous semblait à propos d’ouvrir également, avec tout le
respect dû à ces saintes reliques, les sachets demeurés fermés
depuis l’inauguration du teliqüaire de 1667. Une circons-
tance des plus favorables vint heurè^gjnent se présenter:
Mgr Barbier de Montault était à Ne ver?&tf mois d’août 1884
avec M. Léon Palustre directeur de la Société française.
Après avoir visité la cathédrale, ces deux maîtres de l’archéo-
logie et de l’iconographie chrétiennes en France voulurent
bien venir faire une halte au presbytère de Coulanges. Le
reliquaire ne pouvait être oublié. Voici brièvement le résultat
de ce minutieux examen :
i* Dans le sachet du très-heureux, très-glorieux et véné-
rable évêque et confesseur Lautoni, une enveloppe de soie
très-brillante, jaune d’or, du dix-septième siècle, à liséré
orange, renferme plusieurs débris d’ossements fort anciens,
et entre autres un fragment de vertèbre et un fragment d’os
frontal, mais pas de traces reconnaissables des dentus et
digitus de l’inscription ; — deux fragments d'éponge sans
doute imprégnés de sang ; deux fragments d’étoffes orientales
différentes en soie ou chaîne de fil, antérieures au douzième
siècle, de couleurs blanche, jaune doré, rouge, bleu ; — deux
morceaux de sandal vermeil, un de sandal bleu, un desandal
tanné, un autre de sandal Inde foncé ; toutes ces étoffes
roulées en guenille.
X
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— 4^2 —
2* Dans le sachet, des vêtements de sainte Claire et de le
chaire de saint François d’ Assise, une enveloppe de sandal
vermeil du treizième siècle contient un fragment as ses
important d’étoffe blanche très-fine dite chainsil et autres
fragments d’étoffe de couleur brune, plus trois petits mor-
ceaux de bois, dont deux de couleur blanche un peu jaune,
l’autre presque rouge.
3 ° Dans le sachet des Innocents, une enveloppe de damas
rouge Olosericum du quinzième siècle contient plusieurs
fragments de petites côtes et divers ossements d’enfant (ij.
4* Dans le dernier sachet, des cheveux de sainte Madeleine,
sans aucune autre enveloppe, se trouve une touffe vraiment
considérable de cheveux très-fins, de couleur tirant sur le
rouge et ne paraissant pas avoir perdu leur fraîcheur. A
propos de cette dernière relique il nous a paru intéressant de
consulter le grand ouvrage de M. l'abbé Faillon sur sainte
Madeleine. On y trouve en effet un très-long inventaire et
reconnaissance des différentes reliques du trésor de /’ église
de sainte Madeleine, fait en 1780 par le président de la
Cour des comptes et autres commissaires députés à cet
effet. Or, voici le passage relatif aux cheveux de sainte
Madeleine (2) :
« Nous avons procédé à la vérification de la châsse. Au
milieu se trouve un vase de verre, de forme longue, garni
aux deux extrémités d’un ouvrage d'argent doré et que
le P. Prieur nous a dit contenir les cheveux de sainte
Madeleine. Quoiqu’il paraisse au travers du verre et d’une
manière très-distincte que les cheveux qui y sont renfermés
n’ont souffert aucune des altérations que l’ancienneté cause
(1) Voir dans la Revue de Vart chrétien, à propos du trésor de B*n,
l’étude de M‘ r Barbier de Montault sur les reliques des saints Inno-
cents.
(2) Monuments inédits sur l’apostolat de sainte Marie-Madeleine en
Provence, édition unique, t. II, col. 1575.
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— 463 —
aux choses de cette nature, le P. Prieur et les conseils, pour
ne rien négliger de ce qui peut augmenter la confianee et la
dévotion des peuples, nous ont prié de faire rompre les
sceaux qui ferment ce vase et de montrer aux fidèles les
cheveux de cette sainte qui attirent le respect et la vénération
non-seulement de cette province, mais encore du monde
entier. Du consentement de l’avocat général, les sceaux ayant
été enlevés par l’ordre des commissaires, le vase de verre a
été remis dans les mains du P. Prieur. Celui-ci, revêtu de
son étole, a fait Touverture de ce vase en notre présence, avec
tout le respect et la dévotion qu’exige un dépôt si sacré. Les
cheveux de la sainte ont donc été montrés au peuple et le
sieur Sauveur, médecin, les ayant examinés, nous a dit qu’ils
étaient aussi naturels que s’ils avaient été coupés à l’instant
même. La dévotion du peuple a suspendu pendant une
demi-heure l’obligation où nous étions de faire sceller cette
fiole; elle est toujours restée entre les mains du P. Prieur
revêtu de son étole, et qui la montrait au peuple. Après quoi
nous avons fait fermer ce vase et y avons fait apposer deux
cachets aux armes du roi. »
Dans l’acte de reconnaissance juridique de diverses
reliques de sainte Madeleine fait après la Révolution, en
i8o3, par ordre de M gp Champion de Cicé, archevêque
d’Aix, les commissaires délégués disent aussi :
« Nous avons encore vérifié une fiole haute de deux
pouces, renfermant quelques cheveux de sainte Madeleine,
que nous avons entourée d’une soie rouge et sur laquelle
nous avons apposé notre cachet (i). »
Une très-curieuse étude de Ms r Barbier de Montault,
intitulée : Le Culte de sainte Madeleine à Rome ( 2 ) fait
plusieurs fois mention des cheveux de sainte Madeleine qui
( 1 ) Monuments inédits , t. Il, col. i6i5.
(2) Marseille, typographie Cayer, 1872.
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, — 464 —
étaient conservés à Sainte-Marie-du-Transtevère et à Saint-
Laurent-hors-les-Murs. Une inscription de l’année i3o6,
dans l’église de Sainte-Barbe, fait connaître que le maître-
autel avait reçu, dans la cérémonie de consécration, des
cheveux de sainte Madeleine :
HEC. SUNT. RELIQUIE. POSITE. IN. HOC. ALTARI.
DE. CAPILLIS. S. MARIE. MADELENE.
Un grand nombre d'églises, en France surtout, se glori-
fiaient, d’ailleurs, de posséder de ces cheveux dont la sainte
s’étaitjservi pour essuyer les pieds du Sauveur :
Citons, entre autres, la cathédrale de Chartres, dont le
trésor vient d’être publié par M. de Mély; la cathédrale
d’Amiens, qui conservait les cheveux de la sainte dans un
vase de cristal taillé en forme de poisson, etc.
Nous ne saurions non plus omettre de rechercher quel est
ce très-heureux et très-glorieux vénérable Lautoni, évêque
et confesseur , dont les reliques occupent la place d’honneur
dans notre reliquaire. Heureusement , la date de la fête
inscrite à la suite du nom lève toute difficulté. En ouvrant
le vieux martyrologe d'Usuard, non pas au X, mais au XI
des calendes d’octobre , c’est-à-dire au 21 septembre, nous
trouvons plusieurs fois mentionné saint Lo ( Lautus , Lauto,
Laudus, Lod '), le glorieux évêque de Coutances, mort vers la
fin de S6y ou 568 , après un épiscopat de plus de quarante
années, et proclamé depuis, après la sainte Vierge, le second
patron du diocèse.
Comment ces reliques de saint Lo se trouvent-elles dans un
reliquaire nivernais, avec tant d’autres également étrangères
au diocèse, il serait superflu de vouloir l’expliquer ! Cepen-
dant, un savant chanoine de Coutances, M. Eut. Pigeon,
consulté à ce sujet par notre collègue M. l’abbé Fouché, après
nous avoir observé que les églises de Rouen, de Tulle et
d’Angers, ainsi que la cathédrale de Coutances et l’église de
de Saint- Lo, .sur la Vire, possèdent encore d’importantes
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— 465 —
reliques du saint évêque, ajoute que la famille Andrault de
Langeron, étant alliée aux personnes les plus nobles du
département de la Manche, l’abbesse de ce nom avait bien pu
obtenir des reliques de saint Lo pour son abbaye de
Nevers.
§ III.
A la suite de la note si importante pour l’origine de notre
reliquaire, inscrite dans le nécrologe de l’abbaye Notre-
Dame, et que nous avons dû reproduire avant l’examen des
reliques, s'en trouve une autre également intéressante écrite
de la main du même curé Guillemeau; elle offre aujourd’hui
un véritable intérêt historique (i).
Nous pensons qu’on lira avec plaisir ce document :
€ L’an mil six cens septante, le deuxième jour du mois de
mars, par la dévotion de madame , madame Gabrielle de
Langeron, abbesse, et de sa communauté, a été posée et
bénite une croix de bois au milieu du chapitre, de même
hauteur, largeur et espaisseur que la vraie croix sur laquelle
Notre -Seigneur Jésus-Christ a esté attaché au mont de
Calvaire.
* Les mesures ont esté aportées et prises sur celle qui est
dans la sainte chapelle de Bourbon. Elle est en terre de la
même hauteur qu’elle y est au mont de Calvaire, de sorte
que ce qui parolt hors de terre est de la même hauteur que
celle en laquelle Notre-Seigneur fut eslevé y rendant son
esprit à son père.
» Dans ladite croix , sous trois divers cristaux , est de la
vraie croix envoiée par des dames religieuses, d’une partie
qu’elles gardent précieusement la tenante de personnes
très-assurées. Il y a encore de plusieurs reliques aportées des
lieux saints entre lesquelles sont de celles de saint Pontian,
(t) Voir les Archives paroissiales de Nevers, p. i6i-iô5«
T. n, 3" série. 53
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- 466 -
martyr, de saint Révérian, de saint Vincent et de plusieurs
autres saints. Fait à Nevers , les an et jour susdits, en pré-
sence de madame l’Abbesse susdite et de notre commu-
neauté. »
Les religieuses possédaient surtout de très-importantes
reliques de saint Révérien, évêque martyr, in territorio
Nivernensi, — comme il se lit dans les notes du grand marty-
rologe d’Usuard (i), — et sous les murs de Nevers, au dire
de Parmentier, d’après les plus anciennes traditions , au lieu
même où fut bâtie depuis une petite chapelle sous son
vocable, dans le jardin de l’abbaye Notre-Dame ( 2 ).
Sur le feuillet précédent du nécrologe est relaté un autre
procès-verbal antérieur de onze années, relatif au nouveau
reliquaire que la pieuse dame de Langeron avait fait faire
en l’honneur de saint Révérien.
Voici le texte de ce procès-verbal déchiffré non sans peine,
car le feuillet sur lequel il est écrit est devenu presqu’illisible,
ayant été employé à 1* un de ces usages domestiques auxquels
ont été condamnés tant de précieux manuscrits du moyen-
âge:
« L'an mille six cens cinquante- neuf , le vingt-huict
décembre, les anciennes, vénérables et sacrées reliques qui
sont dans ce couvent du glorieux saint Révérian, evesque
d’Autun et martyrisé dans la ville de Nevers, proche cette
abbaye, le premier juin l’an de Notre Seigneur deux cent
soixante et douze, ont été transportées d’une châsse de bois
où cy devant elles reposaient et mises dans une d’argent pour
plus grand respect, par l'ordre de madame l’Abbesse et de
toutes les dames de sa dévote communauté, avec grande
vénération et cérémonie. Et on a laissé celle de bois soustenue
de deux potences de fer attachées au hault d’un pillier où
elle estoit au dedans du chœur desdites dames de céans
(1) Patrologie de Migne. Marty roi. Usuardi t. II, p. 112.
(2) Archives de Nevers , t. I #r , p. 383 .
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— 467 —
avec les raesmes linges qui les enveloppent. Quant à celle
d'argent elle est dans ce mesme chœur dans les aumoises où
sont les autres reliquaires et révérence pour obtenir
quelques faveurs du ciel. »
Le Père Artus du Moutier, récollet, dans sa notice sur
saint Révérien, insérée dans la Vie des Saints du Père
Ribadéneyra, fait mention en ces termes de ces deux
reliquaires :
« Les dames de Nevers, religieuses de Tordre de Saint-
Benoist , ont dans leur abbaye le chef de saint Révérien,
presque tout entier, en un reliquaire d’argent, et dans une
caisse de bois de ladite église est conservée la pluspart de
son corps. »
Il ajoute:
« Au mesme monastère se monstre encore aujourd'huy
une pierre sur laquelle on tient par tradition que ce sainct
évesque fut décapité. Notre-Seigneur a voulu honorer ces
reliques sacrées de plusieurs grands et insignes miracles, à
l’endroict de ceux qui ont imploré les prières et les interces-
sions de son fidèle serviteur. »
D’autre part, dom Martenne, dans son Voyage littéraire
de deux religieux bénédictins , au commencement du siècle
dernier, écrivait : c J’eus beaucoup de consolation de voir à
Nevers, dans le jardin de l’abbaye Notre-Dame, une petite
chapelle dans le lieu même où Ton dit que saint Révérien,
évêque d’Autun , souffrit le martyre. La pierre sur laquelle
il eut la tête tranchée se conserve dans Téglise et ses sacrées
reliques dans le trésor, en une belle châsse d’argent, avec
plusieurs autres reliques fort considérables. »
Le souvenir du glorieux martyr et premier saint connu de
la ville de Nevers n’est plus aujourd’hui rappelé parmi nous,
en dehors de la liturgie du diocèse , que par la fontaine du
nouveau jardin de la Société d'horticulture, qui sourd pres-
qu’au pied des remparts , à quelques mètres de la gracieuse
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- 468 —
petite tour de Saint-Révérien , et par la rue Saint-Révérien
désignée autrefois , dans les anciens terriers du chapitre de
Saint-Cyr, sous le nom plus caractéristique encore de: Rue
de la Pierre- Saint-Révérien (1).
Nous ne terminerons pas sans faire connaître, puisque
s’en présente l’occasion, une inscription gravée en lettres
capitales sur une petite plaque de cuivre dont nous ignorons
la provenance, mais qui paraît avoir appartenu à un reli-
quaire de l’abbaye Notre-Dame ou de l’église Saint-Genest,
dépendante de l’abbaye, et témoigne une fois déplus, —
la date l’indique , — du zèle de l’abbesse de Langeron pour
les saintes reliques :
l’an. 1 663
LA . COSTE . DV
GLORIEVX . S* . GENES
CI . DEVANT . ESTOIT
EN . VN . CHEF . DE . BOIS
A . ESTE . MISE . EN . CE
VERRE . GARNI . D’ARGENT
ET . LA . DRASPERIE
DE . LA . DITE . FIGVRE
COVVERTE . DARGENT .
Enfin , comme dernier mot , citons ce curieux passage de
la Relation de ce qui s'est passé de plus considérable en la
ville de Nevers... pour la cérémonie de la canonisation de
saint François de Sales ..., imprimée à Nevers par Pierre
Harly, imprimeur du roy en 1668 (2) :
c Nous devons aussy, disent les religieuses , faire justice
à madame de Langeron , très-digne abbesse de l’abbaye
(1) Voir l’article de la Semaine religieuse du diocèse, au mois de
juillet 1882, publié sous ce titre: La fontaine Saint-Révérien , près
V abbaye Notre-Dame .
(2) Cette précieuse plaquette est conservée au monastère de la
Visitation de Nevers.
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— 469 —
Notre-Dame de cette ville , laquelle, dans la gratification de
plusieurs ornements de prix qu'elle nous fist, voulut bien
nous confier une pièce qui luy est aussi chère qu'elle est en
soy considérable. C’est une image de la Vierge d’argent doré
en relief, haute d’environ deux pieds, parfaitement bien
faite, enrichie de quantité de pierreries, mais surtout d’une
petite ampoule de cristal, pleine du sacré laict de cette
divine mère de Dieu. Nous la portâmes en procession faite à
son honneur, et nous luy adressâmes nos vœux dans notre
cœur avec bien de la consolation... »
Novembre i885.
L’abbé BOUTILLIER.
LE DÉLUGE BIBLIQUE
ET LES RACES ANTÉDILUVIENNES.
Les origines du monde et de l’humanité, les grands
événements qui signalèrent l’histoire du genre humain à sa
naissance, ont toujours eu le privilège de provoquer un
intérêt spécial. Les travaux d’exégèse et d’érudition qui
traitent du déluge, ce grand cataclysme qui nous est révélé
par la Bible et confirmé par la science et la tradition des
peuples, ne sauraient donc passer inaperçus. C’est à ce titre
que nous voudrions faire connaître des travaux de science et
d’exégèse récemment publiés sur une question qui n’est pas
nouvelle et qui, depuis saint Augustin , a plus d’une fois
été discutée , sinon résolue par les Pères , les docteurs et les
théologiens. Hâtons-nous de le dire cependant, l’Eglise ne
s’est jamais prononcée, et cette opinion est demeurée libre,
parce qu’elle n’intéresse à proprement parler ni la foi ni les
mœurs.
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— 47 ° —
Un savant oratorien de Rennes, dont l'orthodoxie ne
saurait être mise en doute, M. l’abbé Mottais, et plus
récemment encore un écrivain ; connu par des publications
scientifiques d’un haut intérêt, M. J. d’Estienne, viennent
de traiter cette question : l’un , dans un livre qui a eu un
grand retentissement; l’autre, dans la Revue des questions
scientifiques dirigée, comme on le sait, par de savants
religieux de la Compagnie de Jésus. Leurs publications
ont pour but d’établir cette thèse que le déluge mosaïque
n’aurait pas été universel, dans le sens absolu du mot, même
par rapport à l’humanité, et n’aurait atteint que le groupe
de races auquel appartenaient Noé et sa famille.
L’argumentation des savants auteurs reposerait avant tout
sur ce principe, que personne ne conteste, c’est que cette
destruction universelle et générale de l’humanité n'est point
un dogme qui s’impose aux croyants. On confond trop
souvent dans la Bible les vérités de l’ordre dogmatique et
religieux avec l’interprétation de faits de l’ordre matériel et
se rattachant à des sciences que l’Ecriture sainte n’a point et
n’a jamais eu pour but de nous enseigner.
En outre , il y a dans les langues orientales et dans la
langue hébraïque en particulier, des expressions poétiques ,
des formes hyperboliques , des tours et des expressions qui
n’ont rien de rigoureux , et que les interprétateurs les plus
sévères du texte sacré ne prennent point à la lettre. La
Bible , en se servant de ces locutions , comme par exemple
en disant que « le monde a été créé en six jours » , que « le
soleil s’est arrêté, » etc., n’exprimait qu’une erreur appa-
rente. Elle se servait des expressions reçues et seules intel-
ligibles au temps et dans les pays pour lesquels elle était
écrite.
D’autre fois , enfin , la traduction de l’hébreu , soit en
latin, soit en grec ou en d’autres idiomes, ne rend qu’impar-
faitement le sens hébraïque ; on l’interprète d’une façon qui
n’est pas absolument rigoureuse. C'est ainsi qu’à propos du
déluge, la phrase de la Vulgate « Onme genüs hominum super
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— 47 1 —
tjniyersam terram » , qui semblerait commander l'interpré-
tation de l’universalité de la destruction , n’est elle-même
qu’une interprétation ; elle n’existe pas dans le texte hébreu ,
où on lit seulement « Ab his (filiis Nol) dispersa est omnis
terra : « KOL KAARETS ».
Les commentateurs de ce texte, après avoir établi qu'il
porte sur un lait qui ne touche ni au dogme ni à la morale,
insistent l’un et l’autre sur ce point , c’est que la tradition
n’apparaît pas ici avec un caractère de décision nette,
unanime, suffisant, pour qu’on ait le droit de la faire
intervenir comme organe de l’Église. La situation est
analogue à ce quelle était avant Copernic, relativement au
miracle de Josué.
La conclusion et la conséquence de ces arguments intrin-
sèques tirés de l’interprétation de la Bible se formule d’elle-
même. Si l’opinion de l’universalité du déluge, et non
géographique seulement, est soutenable et plausible à
première vue du texte biblique, l’opinion contraire, celle
que le déluge décrit par Moïse aurait pu épargner d’autres
hommes que la famille de Noé , ne serait ni hétérodoxe ni
téméraire, mais rentrerait dans l’ordre des opinions libres.
Or, il se trouve que cette interprétation libre mais légitime
du récit mosaïque du déluge, d’une part, supprime les
difficultés que soulève l’universalité du cataclysme, et de
l’autre, montre les clartés, les confirmations, l’enchaînement,
j’allais dire la certitude, qu’apporterait au récit biblique la
non-universalité du déluge.
« Jamais, dit Jean d’Estienne, l’opportunité de cette
liberté exégétique n’a été plus grande que de nos jours. De
toutes parts, la science irréligieuse attaque nos livres saints,
les ridiculise. Avec une habileté parfois sincère, plus
souvent perfide, la critique rationaliste ou soi-disant libre-
penseuse exploite contre eux les opinions particulières des
commentateurs, les interprétations anciennes abandonnées
ou rendues invraisemblables par les récents progrès des
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— 47 * —
sciences d’observation, en représentant ces interprétations
et ces opinions libres comme imposées par l’Eglise à la
croyance des fidèles. »
M. Jean d’Estienne, après l'abbé Mottais, nés est pas proposé
un autre but que de montrer, d’après les plus récents travaux
de la science et de l’exégèse , qu’il ne saurait y avoir aucune
hostilité, aucune contradiction entre la religion et la science,
entre la foi et la raison.
L’étude publiée par la Revue des questions scientifiques
nous donne d’abord un aperçu historique des plus intéres-
sants. Elle fait connaître au sujet du déluge les trois systèmes
qui ont eu cours à diverses époques, ou plutôt les trois
écoles.
Le premier système, celui de I’universalité absolus,
consiste à croire que l’eau du déluge détruisit le genre
humain tout entier, et recouvrit même les plus hautes
montagnes , les parties de la terre les plus inaccessibles , où
aucune créature humaine n’avait jamais pu accéder. Cette
école ne compte plus guère de partisans sérieux. Les com-
mentateurs estiment que là surtout les expressions de la
Bible, sur les « sommets des montagnes t, la t destruction
de tout ce qui a vie , » etc., ne doivent point être prises à la
lettre.
Le second système est celui de I’universalité restreinte
ou universalité ethnographique, d'après laquelle le cata-
clysme se serait étendu seulement aux parties de la terre
habitée par l’humanité, mais aurait laissé intacts les sommets
des montagnes , les solitudes et les déserts. Avec ce système
assez généralement accepté aujourd'hui , beaucoup de diffi-
cultés s'évanouissent , mais il en subsiste un grand nombre
encore.
C’est le troisième système seul, celui de la destruction
partielle qui, selon MM. l’abbé Mottais et Jean d’Estienne,
peut résoudre les objections et faire la lumière , sur tous les
points obscurs et jusqu’ici inexpliqués. Mais nous aimons
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- 473 -
mieux suivre dans quelques-uns de ses aperçus le travail de
M. d’Estienne.
Après avoir établi la question historique, l’écrivain
signale les noms les plus autorisés parmi ceux qui ont pris
en main la défense de la thèse qu’il adopte à son tour, et les
diverses controverses auxquelles elle a donné lieu.
Il établit que beaucoup des expressions de la Bible, qui
semblent les plus formelles, peuvent et doivent être inter-
prétées dans un sens métaphorique. Ce sens lui-même ne
sort pas du domaine de l’interprétation libre. L’Eglise , loin
de se prononcer sur l’interprétation qu’il convient d’attribuer
aux mots concernant la destruction du genre humain , est
restée dans une réserve absolue sur ce point comme sur tant
d’autres. C’était, dès le seizième siècle, l’opinion du cardinal
Cajetan et ensuite du savant Mabillon lui-même et de la
Congrégation de l’Index, qui estimèrent que le texte de
Moïse ne requérait point la croyance au déluge universel. A
supposer même que les expressions du récit sacré fussent
ajussi positives que le prétendaient certains commentateurs,
on n’était point obligé de les interpréter dans un sens
littéral et obvie ; cela est démontré pour une foule de cir-
constances où le langage hébraïque entendu dans le sens
littéral et obvie est en contradiction avec des faits positifs
et réputés certains.
Bien plus, l’auteur démontre que cette liberté d’interpré-
tation sert à établir l’authenticité et la vérité de la Bible.
Quand la science irréligieuse ou hostile attaque nos livres
saints en exploitant contre nous les prétendues contradic-
tions, les non-sens et les erreurs qu’ils croient découvrir
dans la Bible, c’est à nous, au contraire, qu’il appartient
de dissiper toute contradiction apparente entre les faits
scientifiques, probants et dûment constatés, et la relation
mosaïque.
Sans entrer dans les détails, que ne comportent pas ce
rapide compte-rendu , qu’il nous soit permis d’insister sur
ce point que la thèse de Jean d’Estienne, loin de porter
t. ii, 3 * série. 54
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- 474 —
atteinte à nos croyances, réduit à néant, au contraire, toutes
les prétendues impossibilités et toutes les objections que la
libre-pensée voudrait accumuler contre le récit mosaïque.
Ainsi , dans l’hypothèse d’un déluge partiel , il n’est plus
besoin de supposer une chute d’eau immense circonscrivant
les plus hautes montagnes du globe terrestre et déversant
sur lui 4,597 millions de kilomètres de cubes d’eau, ni de
faire remonter cet amas prodigieux , que ne contiendraient
même pas tous les océans réunis, au-dessus des continents,
contrairement à toutes les lois de la pesanteur, non plus que
de faire évaporer ou disparaître en cinq mois, par un
miracle assurément possible à Dieu, mais qui ne résout pas
une foule d’autres contradictions, les cataractes déchaînées
des abîmes. Point n'est besoin non plus de s’inquiéter pour
Noé de rassembler autour de lui de tous les points du globe
l’universalité des espèces d’animaux les plus divers, pour
assurer leur conservation , ni de se demander comment la
terre avec ses plantes a pu résister à la pression des eaux
accumulées sur toute sa surface. Ce cataclysme, comme les
circonstances des phénomènes qui l’accompagnent et le
suivent, s’explique par la simple et providentielle coïnci-
dence d’une catastrophe naturelle, destinée à châtier le crime
des hommes tout en maintenant et préservant de la corrup-
tion générale la famille de Noé, d’où doit sortir le peuple de
Dieu et par lui le Messie. Mais de tous les arguments
invoqués par l’auteur à l’appui de cette non-universalité , il
n’en est pas de plus frappant que celui qui est tiré de
l’ethnographie et de la linguistique, sciences toutes modernes
à la vérité , mais dont les découvertes ont singulièrement
corroboré et éclairé les textes de l’Ecriture. M. J. d’Estienne
le met en lumière d’une façon saisissante.
Quand les peuples issus de Noé et mentionnés comme tels
dans la Bible allèrent se fixer en divers pays après la
dispersion , ils y rencontrèrent des populations déjà établies
depuis longtemps, auxquelles ils eurent à disputer le sol.
Ces populations , d’une haute antiquité, ne descendaient
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— 47 5 —
point de Noé ; elles appartenaient à des types anthropolo-
giques profondément différents, ce qui suppose une très-
longue suite de siècles, et démontre l’impossibilité de
remonter au point de départ commun , c’est-à-dire à Noé.
Ces types de races inférieures parlaient toutes des langues
« monosyllabiques* ou c agglutinantes *, celles des premiers
hommes, alors que les Noachides se servaient de langue
€ à flexion », qu’ils tenaient de leur auteur.
Comment expliquer la présence de ces hommes d’une
autre race, si le cataclysme diluvien, relativement récent,
avait détruit l’humanité tout entière? Moïse lui-même , qui
énumère avec un si grand soin, au chapitre io de la Genèse,
les divers peuples issus de Noé, ne mentionne que des
peuples de race blanche. Il ne parle point des races noires et
jaunes et de leurs dérivées; cependant il en connaissait
l’existence par l’Egypte, les plaines de Sennaar et les mon-
tagnes élamites. C’est donc que pour lui ces peuples étrangers
aux Noachides sortaient d’une origine antérieure Enfin,
argument plus formel et plus probant encore, l’historien
sacré, qui admet par son silence mêjne l’existence de peuples
non descendus de Noé, par conséquent antérieurs au déluge,
signale dans un autre endroit, au chapitre 24 du Livre des
Nombres , la présence expresse des Caïnites ou fils de Caïn
parmi les peuples qui vivaient de son temps. Comment
soutenir, après cela, que , dans la pensée de Moïse, tous les
hommes, à l’exception de la seule famille de Noé, avaient
été engloutis par le déluge ?
A lui seul cet argument nous paraît décisif; il en est
d’autres, cependant, d’une égale valeur, qui forment un
ensemble de preuves devant lesquelles , ce nous semble ,
aucune objection ne saurait prévaloir.
Si la nouvelle interprétation fait peu à peu son chemin et
conquiert aisément son droit de cité, ainsi que le pensent
déjà nombre de religieux, de théologiens, de savants, —
tous l'affirment hautement, tout en se soumettant d’avance
aux décisions possibles de l’Eglise, — cette interprétation
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— 476 —
apportera à la défense de la vérité la ressource immense de
l’accord merveilleux qu’elle établit entre nos livres saints
et les connaissances fondées sur les progrès des sciences
profanes.
E. DE TOYTOT.
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TABLE DES MATIÈRES
Pages.
Procès-verbal de la séance du 26 avril 1883 1
Une note sur la céramique, par M. L. Roubet . 3
Les jeux de paume & Nevers, par M. l'abbé BouLillier 5
Séance du 31 mai 1883. — Réélection du bureau 12
Séance du 28 juin 19
Séance du 26 juillet • 21
Notice sur M. l'abbé Labordo, par M. l’abbé Pot 24
Séance du 25 octobre 31
Une signature d'Adam Billault, le Virgile au rabot, par M. l’abbé
Boutillier * . . . • 35
Un archéologue nivernais & Alexandrie, par M. E. de Toytot. . • 40
Séance du 27 novembre. ' 46
Rapport sur le tombeau d’Yolande de Bourgogne, comtesse de
Nevers , récemment déposé au musée lapidaire de la porte du
Groux 49
Fondation de la chapelle des Sallonnier en l’église des Minimes
de Decize 55
Séance du 27 décembre 58
Analyse d’un travail de M. Gustave Marty sur la grotte de
Montlaur (Ariége), par M. le docteur Subert 59
Séance du 31 janvier 1884 62
Poésies et Fables inédites de M. de Savigny 65
Séance du 28 février 73
Note de M. Canat sur une hache & sillons trouvée & Challuy
(Nièvre) 76
Séance du 27 mars 79
Séance du 24 avril 81
Séance du 29 mai 82
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— 47 8 —
Pages.
Séance du 26 juin. — Vote de l'impression de VHisloire des
Gentilshommes verriers et de la Verrerie de Nevers 84
Notice nécrologique sur le docteur Thomas, par M. le docteur
Subert ! 87
Ouvrages offerts à la Société 88
La Verrerie d’Apremont, par M. Roubet .. . 89
Séance du 31 juillet 96
Séance du 30 octobre 98
Analyse d'un recueil manuscrit de différentes pièces curieuses
sur divers objets, par M. l’abbé Boutillier \ . 99
Histoire des Gentilshommes verriers et de la Verrerie de Nevers,
par M. l’abbé Boutillier 113
Séance du 27 novembre 281
Séance du 18 décembre 283
Séance du 29 janvier 1885. . 285
Séance du 26 février. . . 287
Séance du 26 mars 290
Séance du 30 avril 292
Séance du 28 mai 295
Séance du 25 juin 296
Inventaire de quelques chartes concernant les mines d'argent et
de plomb à Chitry, en Nivernais, par M. Teste 298
Le caveau de l’église Saint-Jacques de Cosne, par M. Léon
Gadoin 300
Le trésor de Neuzy, près Cosne , par M. Roubet 302
Perrières d’Apremont et du Veuiilin, villa des Ryaux, par
M. Roubet . 304
Le l)esfy de la mort, par Mgr Sorbin (1686), précédé d’une épistre
à Henriette de Clôves, duchesse de Nevers, analyse par M. l’abbé
Boutillier 317
Ivoire latin du musée de Nevers. Extrait de la notice de Mgr Bar-
bier de Montault dans le Bulletin monumental , par M. l'abbé
Boutillier 323
Le Faïencier nivernais. Etude monographique des ouvriers des
deux mondes suivant la méthode de M. Le Play, par M. E. de
Toytot. 333
Séance du 30 juillet 349
Séance du 29 octobre. — De la coutume du Nivernais 351
Séance du 26 novembre 355
Séance du 31 décembre 358
Nécrologie de M. l’abbé Lebrun, ancien proviseur du lycée, l’un
des membres fondateurs de la Société nivernaise, par M. l’abbé
Boutillier 360
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- 479 -
Pages.
Notice historique sur les forges et fourneaux au canton de La
Guerche, par M. Roubet. 364
La cinquième croisade et les Chevaliers Teutoniques en Nivernais,
par M. de Flamare 413
Lettres de M. l’abbé Lebeuf et du président Boubier sur l’inscrip-
tion Ande camulos 435
Une inscription de l’église de Myennes (1626), par M. Roubet. . 440
Une bulle de Honorius III relative à l’hôpital de Bethléem à
Clamecy, par M. de Flamare 442
Le reliquaire de l'abbesse de Notre-Dame de Nevers, Gabrielle
Andrault de Langeron, par M. l'abbé Boutillier 453
Le Déluge biblique et les races antédiluviennes 469
New*, imp. Fay. G. Vallière, *ucc f .
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CARTULARIUM
PRIORATUS
BEATÆ MARIÆ
DE CHARITATE SUPRA LIGERIM
ORDINIS CLUNIACENSIS.
I.
CARTA FUNDATIONIS HUJUS MONASTERII.
1059. — Auxerre.
Geoffroi, évêque d'Auxerre , donne à l'abbaye de Cluny
une église dédiée à Notre-Dame , située sur les bords
de la Loire, avec tout le territoire qui en dépend . La
présente donation consentie par Guillaume , comte de
Nevers, feudataire de l'évêque, et par les seigneurs
feudataires du comte.
In nominé Patris et Filii et Spiritus Sancti. In nomine
sanctæ et individuæ Trinitatis. Ad notitiam posterorum
notis memoriæ litteris assignamus, qualiter olim quoddam
sanctæ ecclesiæ membrum in honore gloriosæ Virginis
Theotocos dedicatum, quorumdam impietate percussum,
statum maxime dignitatis amiserit , quibus quia plurimum
lachrimæ debemus quam culpæ, minus suæ crudelitati
dabimus proloquium de quorumdam humanitate, qui sibi
compassi sunt prolixi sunt oraturi (1). Modum namque
(1) Prolixius oraturi. Gallia christiana, t. XII, col. 102.
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2
Cartulaire de La Charité .
affectus hujusmodi quemque supra in quibusdam fuisse
tetigimus, ab illo duximus inchoandum qui primus in hac
fabrica pietatis bonæ mentis manibus laboravit, generosum
artificium eligens, scilicet ut si corpus ecclesiæ restauraret,
corpus peccati pro certo destrueret ; factaque de illo narra-
tione ad quos dispositum fuerit, tum transibit in historia (i).
Igitur locus iste de quo proverbiari vei orare decrevimus,
Autissiodorensi ecclesiæ subditus ab antiquo, cum tantam ( 2 )
nescio si aut pastorum incuria , aut violentia aliquid tyran-
norum incurrisset injuriant, ut qui cibos Christi pauperibus
exhibebat, in pastum mundanæ militiæ transferretur. Heu!
proh dolor ! tanquam mundana possessio dilaceratus inter
viros hujusmodi divisus est : et quod nobis affluentiorera
lachrimam pluit cordis a nubibus, rectoribus ab ipsis con-
cessa est tant injusta divisio ; sed fortasse quod putamus
ipsorum crudelitate vel incuria tîeri, necessitate vei industria
sic esse permissum est : necessitate quidem quoniam a prio-
ribus sive potentioribus sæculi violenter invasus, aliter
retineri non poterat, in quo etiam non minus est industriam
meditari. Ergo per multas discursiones temporum, cum hoc
in exilio Dei sanctuarium memoretur (3) moramque majorent
semper major comitaretur afflictio, Ego Goffridus ( 4 ) sanctæ
Autissiodorensis ecclesiæ episcopus, cognoscens rem male-
ductam , volui magis Deo quam tirannicis petitionibus
obedire; unde ob remedium antecessorum meorum, et ob
remedium salutemque animæ meæ et corporis, dedi sancto
Petro et loco Cluniacensi, cui magis prodesse quam preesse
videtur domnus Hugo (5) abbas, hanc ecclesiam in honore
sanctæ Dei genetricis consecratam et super Ligeris fluvium
(1) Transibit historia. Gallia christiana , t. XII, col. 102.
(2) Le manuscrit porte tanta; nous rétablissons tantam d’après le
sens et le texte du Gallia christiana , t. XII, col. 102.
( 3 ) Moraretur. Gallia christiana , t. XII, col. 102.
(4) Geoffroi de Champallement, évêque d’Auxerre, 1032-1076.
( 3 ) Saint Hugues I tr , abbé de Cluny, de 1049 h 1109.
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Fondation du monastère .
3
sitam, cum omni terra quæ nunc eamdem attinet eccle-
siam, quæque ibidem acquiri poterit, annuente Willelmo
Nivernorum comité (i), hanc de me possidente, assentien-
tibusque cæteris quorum subscripta habentur nomina, ab
ipso comité eamdem tenentibus. Et ut hæc donatio et lau*-
datio firma stabilisque permaneat, manibus et nominibus
nostris eam firmavimus. Signum Goffridi præsulis. S. Gof-
fridi archidiaconi (2). S. Gerardi præceatoris ( 3 ). S. Narduini.
S. Walterii. S. Joannis. S. Goscelini. S. Lamberti. S. Waldi
archiptesbyteri. S. Hugonis præpositi et subdiaconi. S. Ro-
berti sacerdotis. S. Rainaldi sacerdotis. S. Warini sacerdotis.
S. Goffredi sacerdotis. S. Geraldi sacerdotis. S. Roberti sub-
diaconi. S. Hugonis subdiaconi. S. Arnulti subdiaconi.
S. Geraldi subdiaconi. S. Goffridi subdiaconi. S. Raimbaldi
subdiaconi. S. Goffridi subdiaconi, S. Goffridi subdiaconi.
S. Hugonis subdiaconi. S. Werini subdiaconi. S. Stephani
subdiaconi. S. Attonis subdiaconi. S. Umbaldi pueri.
S. Ingeraldi pueri. S. Umbaldi pueri. S. Henrici pueri.
S. Widonis pueri. S. Wilenci pueri. S. Henrici pueri.
S. Willelmi comitis de cujus beneficio esse videtur. S. Rai-
naldi de Castro Marchiæ (4). S. Bernardi. S. Umbaldi,
Rainaldi, fratrum de Chalent ( 5 ). S. Rainaldi. S. Rocleni de
Fraxiniaco (6). S. Gilleberti de Cresno. S. Giroli de Chalone.
Actum Autissiodoro civitate, publice, régnante Henrico
Francorum rege, Philippo ejus filio, anno ab incarnatione
Domini millesimo quinquagesimo nono (7).
(1) Guillaume I* r , comte de Nevers, de 1040 à 1084.
(2) Godefroi, archidiacre, cité par Lebeuf, Histoire d’Auxerre, t. II,
p. 429, d'après cette charte.
( 3 ) Girard, ibid., p. 439 et 440 , d’après la charte de fondation du
chapitre de Clamecy, en 1076.
(4) La Marche, près La Charité.
( 5 ) Chaillant, commune de Poiseux.
(6) Frasnay, commune de Saint-Aubin-les-Forges.
(7) Gallia christiana , t. XII, col. 102, instr. ex cart. Cluniacensi.
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4
Cartulaire de La Charité.
IL
PRÆCEPTUM DOMINI PASCHALIS PAPÆ SECUNDI
CONTRA EOS QUI VIOLAVERINT TERMINOS SEU
BANNA MONASTERII BEATÆ MARIÆ DE CHARI—
TATE.
1106 Mars i6. — Dôlc.
Bulle de Pascal II prescrivant des réglements d'ordre et
de tranquillité publique sur l'étendue des terres de La
Charité , c'est-à-dire des deux côtés de la Loire , entre
Tronsanges au sud et Mêves au nord , sous peine
d'excommunication pour les auteurs des délits et leurs
complices .
Paschalis sanctæ Romanæ sedis pontifex, notum fieri
volumus omnibus vobis , qui ad hanc dedicationem conve-
nistis et fuiuris in perpetuum generationibus , decretum hic
publiée factum , quoniam ego apostolica authoritate præcipio
et bannito(i), quatenus intra ambitum terminorum qui hic
inferius subscripti sunt, nemo alicui eunti sive redeunti
suisque rebus violentiam qualibet occasione inferre præsu-
mat, sed cum universis quæ secum tulerit sit securus. Sunt
autem termini isti : ab illo loco Ligeris , ubi sunt rametæ
Hugonis de Troncengiis, per medium vallis, usque ad
boscum, qui dicitur Brollium ( 2 ) et ab ipso Brollio, per
eamdem vallem, usque ad Petratas et callem Canvoti (3),
atque ab hac calle usque in rivum Casuti, ac sicut idem
(1) Bannitare, Banni^are , interdire et condamner à une amende.
(2) Passage extrait par Ducange au mot Rameta , barrage en claies
pour la pêche. Voyez aussi la charte 76 du Cartulaire de Saint-Cyr,
io5o circa, où il est question de ce même lieu donné au chapitre.
(3) Champvoux, canton de La Charité.
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Actes des Papes .
5
rivus cursu tenditur et pervenit in Masotum ( i) , et sicut
Masotum vadit in Ligerim ( 2 ) usque ad molendinos Ber-
tranni qui sunt in alia ripa Ligeris, et inde usque ad fontem
Arlanni per mediam ipsam vallem ante Brollium sanctæ
Mariæ, 'a quo fonte per vallem Arlanni usque in Bor, atque
ab ipso Bor usque ad crucem sancti Leodegarii (3), et inde
usque in Ligerim , ubi sunt supradictæ rametæ Hugonis.
Igitur sicut superius dictum est, volo, jubeo, atque autho-
ritate sancti Pétri in perpetuum tenendum esse decerno,
quatenus in tota terra quæ infra terminos ipsos subjacet,
vir omnis aut mulier, sive ierint, sive redierint, cunctæque
res illorum, pacem habeant et a nullo hominum molestiam
patiantur. Quod si quis hujus præcepti nostri contemptor
existens, quæ constituo servare noluerit, si ad emendationem
venire, quod absit, contempserit , non solum ego ilium
excommunico, sedetiam cæteros omnes qui terras auferunt
vel ablatas retinent, consentaneos et coadjutores eorum,
nisi resipuerint, et rectum pro illata injuria non fecerint.
(1) Le Mazou, ruisseau qui prend sa source à Murlin et se jette dans
la Loire au-dessous de Mêves ; il se divise en trois bras qui se joignent
près de Bulcy. L’autre ruisseau, affluent du Mazou, est appelé aujour-
d’hui ruisseau de Passy. Le village de Chasué est proche ; il en a peut-
être porté le nom.
(2) Le cours du Mazou englobait Méves dans les possessions de La
Charité. Or, l’abbaye de Saint-Satur avait aussi à Mêves plusieurs
propriétés, au sujet desquelles s’élevèrent de nombreuses contestations.
Un accord fut tenté en n 3 o en présence de plusieurs prélats; en
1 1 3 g, l’abbé de Cluny intervint à son tour. Après différentes tentatives
restées infructueuses, les moines de La Charité vendirent en 1208 leurs
biens de Mêves, avec réserve de quelques droits seigneuriaux. Ces
chartes se trouvent dans les archives du Cher, fonds de Saint-Satur,
liasses de Méves.
( 3 ) Saint-Léger-le-Petit (Cher), en face Tronsanges, sur la rive
gauche de la Loire. On voit quelles étaient alors les limites des pos-
sessions de La Charité. Au sud Tronsanges, puis Champvoux, les
rives du Mazou et Mêves au nord, et, du côté du Berry, une bande de
terrain le long de la Loire jusqu’à Saint-Léger.
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6
Cartulaire de La Charité.
Qui si hoc facere noluerint , archiepiscopis Bituricensi et
Senonensi , necnon et Autissiodorensi episcopo, ad cujus
diœcesim locus ipse pertinet præcipio, et cæteris nihilominus
episcopis ut, ex beati Pétri et nostra authoritate eos excom-
municent, et districte in eos omnimodis agant cuncti etiam
ad quorum aures clamor inde pervenerit.
Ego, Paschalis, catholicæ ecclesiæ episcopus.
Datum apud monasterium Dolense per manum Equitii,
agentis vices Cancellarii, XVII 0 Kal. aprilis. Indictione XV.
Incarnationis Dominicæ anno M. C. VI. Pontificatus autem
domini Paschalis secundi papæ, VIII.
III.
CONCESSIO DOMINI LUCII PAPE TERTII, RECIPIENDI
ELEEMOSYNAS DE BONIS MOBILIBUS SEU IMMOBI-
LIBUS QUE MONASTERIO CONFERRI CONTIGERINT.
ii 8 i-ii 85 Mars 6. — Velletri.
Bulle de Luce III autorisant le prieur et les moines de La
Charité à accepter et à posséder les biens , meubles et
immeubles qui leur sont donnés , à la condition de servir
aux seigneurs des lieux les revenus dont ils sont grevés.
Lucius (i) episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis,
priori et monachis de Charitate, salutem et apostolicam bene-
dictionem. Cum ab apostolica sede petuntur ea que a
rationis tramite non discordant, facilem nos convenit prebere
(i) Luce II fut pape de 1144 à 1 145 ; Luce III, de 1181 à n85. Le
texte n’indique pas l’auteur de cette bulle, la suscription seule
l’attribue à Luce III.
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Prieuré de Reuil.
/
consensum, et justa vota petentium effectu prosequente
complere, ut et devotionis sinceritas laudabiliter enitescat ut
militas postulata vires indubitanter assumât, ea propter,
dilecti in Domino filii, vestris justis postulatiQnibus grato
concurrentes assensu , presentibus literis , authoritate vobis
apostolica, indulgemus, ut si qua persona de bonis suis
mobilibus vel immobilibus voluerit rationabiliter in eleemo-
synam monasterio vestro conferre, liceat vobis eadem bona
recipere, nullius contradictione obstante, et pacifice possidere,
salvis tamen redditibus dominorum ad quos eorumdem
bonorum dominium pertinebit. Salva etiam Lateranensis
concilii sanctione. Nulli ergoomnino hominum liceat hanc
paginam nostre concessionis infringere, vel ei ausu temerario
contraire. Siquishoc attentare presumpserit, indignationem
omnipotentis Dei et beatorum Pétri et Pauli apostolorum
ejussenoverit incursurum. Datum Villetri, VIII Idus Mardi.
IV.
BULLA DOMINI LUCII PAPE TERTII DE PRIORATU
RODOLIENSI.
1184 Septembre 26. — Vérone.
Confirmation par le pape Luce III des possessions du
prieuré de Reuil en Brie; liste des localités où elles sont
situées, avec ! importance et la nature des biens , tels que:
bâtiments, terres, serfs, hôtes , redevances en deniers,
grains, vendanges, sels, gâteaux et chandelles . Nouvelle
confirmation des biens possédés en paix depuis quarante
années. Mention des droits de justice, four banal , main-
morte ; présentation aux bénéfices ecclésiastiques; auto -
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8
Cartulaire de La Charité .
risation de recevoir des novices , de célébrer en cas
d'interdit les offices à voix basse , sans cloches et les
portes fermées , d'accorder aux particuliers la sépulture
dans V église du couvent ; défense de construire \aucune
chapelle sans l'assentiment de l'évêque et du prieur.
Lucius episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis
Symoni, priori monasterii sancti Pétri de Rodolio (i) ,
ejusque fratribus, tam presentibus quam futuris, regularem
vitam professis in perpetuum. Quotiens anobis petiturquod
religioni et honestati convenire dignoscitur, animo nos
decet libenti concedere, et petentium desideriis congruum
suffragium impertiri. Quapropter dilecti in Domino filii ,
vestris justis postulationibus clementer annuimus et prefa-
tum monasterium sancti Pétri de Rodolio, quod ad Clunia-
cense monasterium spectare dignoscitur, in quo Domino
mancipati estis obsequio sub beati Pétri et nostra protectione
suscipimus , et presentis scripti privilegio communimus ,
statuentes ut quascunque possessiones, quecunque bona idem
monasterium in presenti ( 2 ) juste et canonice possidet, aut
in futurum concessione pontificum, largitione Regum
vel principum, oblatione fidelium, seu aliis justis modis,
prestante Domino poterit adipisci, firma vobis vestrisque
successoribus et illibata permaneant. In quibus hec propriis
duximus exprimenda vocabulis ;
Locum ipsum in quo prefatum monasterium situm est ,
cum tota villa Rodoliensi et pertinentiis suis, et quidquid
habetis juxta confines ejusdem ville, tam in bosco quam in
piano. Ecclesiam sancti Stephani de Condeiaco (3), cum
(1) Reuil, canton de La Ferté-sous-Jouarre, arrondissement de
Meaux (Seine-et-Marne).
(2) Le manuscrit porte la mauvaise leçon : In presentiarum.
( 3 ) Condé-Sainte-Libière, arrondissement de Meaux (Seine-et-
Marne).
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Prieuré de ReuiL
9
decimis et duabus partibus tortellorum (i) in crastino
Natalis .Domini et candellarum in Purificatione beate
Marie. Capellam sancti Martini in eadem parrochia. Novem
arpenta pratorum inter eamdem ecclesiam et pontem de
Conde. Furnum et mokndinum de* Firmitate Angulfi (2).
Ecclesiam de Chaminiaco ( 3 ) cum decimis et capellam beate
Marie Magdalene in eodem loco sitam. Tertiam partem deci-
marum de Lusenciaco (4) cum iis decimis et redditibus que
in eadem parrochia possidetis. Molendinum unum apud
Vannas cum pratello quod Brullium dicitur, cum hospitibus
etiam et illis redditibus et pratis que habetis in parrochiis de
Chaminiaco et Lusenciaco. Terras, aquas, prata, nemora et
hospites que habetis apud Gurpellerias ( 5 ), apud Charne-
cellum (6) et apud Chaminiacum. Octo sexteria avene que
reddit Ansculfus de Marno (7) pro excambio molendini.
Ecclesiam de Challiaco (8) cum decimis et oblationibus et
quidquid habetis in eadem parrochia in terris et terragiis
sive aleis (9). Ecclesiam de Boissy (10) cum decimis et duabus
partibus candellarum, in purificafione beate Marie, et obla-
tionum in pascha, nativitate Domini, festo omnium sancto-
rum et sancti Sulpitii. Ecclesiam de Dusiis(u) cum tertia
( 1) Tourteaux ou gâteaux donnés en redevances.
(2) La Ferté-Angoult ou sous-Jouarre (Seine-et-Marne).
( 3 ) Chamigny, canton de La Ferté, arrondissement de Meaux.
(4) Lusency, canton de La Ferté (Seine-et-Marne).
( 5 ) Et ci-dessous : Vurpilleriis, Verpillère , arrondissement de Bar-
sur-Seine, canton d’Essoyes (Aube).
(6) Charmesseaux, canton deMarcilly, commune deTroncauIt(Aube).
(7) Marnoue-les-Moines, canton de Lisy, commune d’Ocquerre
(Seine-et-Marne).
(8) Chailly, canton de Coulommiers (Seine-et-Marne).
(9) Les mots aléa, aldius , désignent une classe d’individus un peu
au-dessus des serfs et chargés du travail des champs. Voyez Ducange
à Aléa.
(10) Boissy, commune de Chenoise, arrondissement de Provins.
(11) D’Huisy, arrondissement de Meaux, canton de Lisy (Seine-et-
Marne).
2
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Cartulaire de La Charité.
pane tortellorum in nativitate Domini et candellarum in
purificatione sancte Marie. Terram de Chamont, nemus de
Ruget, nemus Butardi , cum nemore de Molera in parrochia
de sancta Aida (i). Dimidium molendinorum , décimas et
alios redditus, terras, hospites, prata que habetis apud
Torchant Tertiam partem décimé de Montiniaco ex ea
parte aque, que versus ecclesiam est, exceptis aquis Vipulis.
Terram et prata de Ussy (2). Tertiam partem décimé de
Mesclan in blado, cum tractu, et tertiam partem minutarum
decimarum. Apud Ingamnos terram arabilem et viginti très
denarios de censu. Sex solidos de censu in ecclesia de
Venderia ( 3 ) et undecim partes decimarum tam minutarum
quam aliarum et tortellorum in nativitate Domini et omnes
candelas in purificatione beate Marie, excepta duodecima et
exceptis minutis decimis quatuor hospitum santi Pharo-
nis (4). Terras, prata, hommes sive hospites et redditus quos
in ilia parrochia habetis. Tertiam partem decimarum de
Hugueriis cum tertia parte tortellorum. Tertiam partem
décimé de blado et totam minutarum et quartam partem
tortellorum, in nativitate Domini. Terras et hospites et
redditus alios quos habetis apud Loriacum. Medietatem
décimé de Crespoil ( 5 ) cum tractu apud Venderez. Tertiam
partem décimé sancti Juliani cum tertia parte hospitum atrii
et tortellorum et quod habetis in decimis et redditibus apud
Gandeluz (6). Dimidium modium frumenti in molendino de
Tresma (7). Capellam beate Marie de Lisiaco cum tribus
modiis frumenti que recipiuntur in molendinis ejusdem loci
fi) Saintc-Aulde, canton de La Ferté-sous-Jouafre (Seine-et-Marne).
(2) Ussy, id.
( 3 ) Vendières-sous-Chàtillon, arrondissement de Reims (Marne'.
(4) Saint-Faron, abbaye de Meaux.
( 5 ) Crepoil et Vendrest, arrondissement de Meaux, canton de Lisy.
(6) Gandelu, arrondissement de Château-Thierry (Aisne).
(7) Aujourd’hui Gesvres-le-Duc , arrondissement de Meaux , canton
de Lisy, commune de Crouy-sur-Ourcq.
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Prieuré de Reuil .
1 1
et decem solidos cum duobus modiis vinagii et duobus dena-
riis, unaquaque hebdomada in foro et ceteris ad eamdem
capellam pertinentibus. In eodem loco et apud Villerias (i)
medietatem décimé de blado cum tractu et unum sextarium
plus in singulis modiis. Decimam quam habetis apud Asne-
rias. Apud Eschaneuz quatuor solidos de censu de terra
Salviniaci ( 2 ). In ecclesia de Placeio (3) quartam partem tor-
teilorum et oblationum in nativitate Domini, in pascha, in
festo omnium sanctorum et sancti Victoris et duas partes
decimarum. Villam que dicitur Bauvarhcum cum appen-
ditiis suis et justitia, et quidquid habetis in hominibus,
pratis et censibus. Apud Congiacum ( 4 ) et apud Nimim,
sextam partem décimé de blado. Apud Stripelliacum (5) duos
sextarios avene et duos de frumento cum terragio et censu.
Apud Ortholium duas partes décimé, quatuor sextarios
frumenti qui debent recipi in grangia sancti Pharonis. Apud
Venderiam pro excambio de Pauchat. In civitate Meldensi
ecclesiam sancti Christophori cum tertia parte oblationum
in nativitate Domini, in Epiphania, in Pascha, in Pente-
coste, in festivitate omnium sanctorum, in purificatione
beate Marie , et in festo sancti Christophori tertiam partem
candelarum. Item in eadem civitate tertiam partem censuum
quam habent ex Vuiardi de Venderia ( 6 ) cum quibusdam
aliis censibus. Dimidium modium bladi quem reddunt vobis
leprosi ejusdem urbis pro terra de Chamoltz. Duas partes
décimé de Varenna cum jure presentationis quod in iisdem
ecclesiis habetis. Invillis etiam vestriset hominibus liberam
(1) Villiers-les-Rigaux, commune de Congy (Seine-et-Marne).
(2) Salvigny, canton de Provins.
( 3 ) Le Plessis-Placy, arrondissement de Meaux, canton de Lisy.
(4) Congis, arrondissement de Meaux, canton de Lisy 'Seine et-
Marne).
( 3 ) Estrepilly, id.
(6; Guyart de Vendières était mort en 1172. Longnon, Livre des
Vassaux de Champagne , p. 98.
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12
Cartulaire de La Charité .
justitiam sicut ab Ada vicecomitissa (i) et ab Hugone filio
ejus scripto et autentiquo confirmatum. Item et decimam
de Firmitate et de Conde, tam in vino quam in grano.
Villam Eleemosynarii , villarium cum justitia. Villam
de Vurpilleriis cum justitia ex dono Agathe. Decimam de
Chaminiaco. Medietatem décimé deNusimento. Molendinum
de Vannis, boscum et hospites de Chanecel, ex dono Radulfi
de Montemirabili (2). Alodium de Crutis ex dono Vuillelmi
Loseranni. Terrant et redditum de Tresma, ex dono Pétri de
Tréma ( 3 ) et Symonis fratris sui. Terram et hospites de
Torchamps (4) ex dono Reginaldi Burdonis. Item terram,
decimam, censum et casamentum Anguifi de Condeel. Apud
Lorri et Tancron medietatem terre et grangie de Dusiis
ex dono Rohes de Lisy. Terram de Dusiis , ex dono Rohes
de Lisiaco, Odonis de Gaultz et Odonis de sancta Aida.
Decimam de Montiniaco. Furnum de Gandeluco et fora-
gium ejusdem ville castri de dono predicte vicecomitisse
et Hugonis filii ejus. Usum furni et domus sicut in
authentico eorum scripto continetur. In ecclesia beate Marie
de Dusiis, quinque modios frumenti. In Meldensi granario,
\
(1) Simon d’Oisy, vicomte de La Ferté-Ancoul, marié dès n5a à
Ade, fille et héritière de Geoffroy, vicomte de La Ferté-Ancoul.
En x 1 58 , ils constatent un accord entre l’abbaye de Saint-Jean-des-
Vignes (à Troyes) et le prieuré de Reuil, au sujet de l’église de La
Ferlé, et donnent un pré au prieuré. Ils fondèrent en 1160 l’église de
Dhuisy et y installèrent trois moines de Reuil. En 1167 ils donnent
le four de La Ferté-sous-Jouarre au prieuré de Reuil; en 1170, à
l’église de Dhuisy, cinq muids de froment à prendre sur le minage de
Meaux. En n63, ils confirment une donation'à l’église de Chamigny
par Nivard , seigneur du lieu. Ade devient veuve en 1171. De ce
mariage naquirent trois garçons et deux filles, dont le second, Hugues,
fut vicomte de Meaux et châtelain de Cambrai. Longnon, Livre des
Vassaux de Champagne , p. 334.
(2) Montmirail, canton, arrondissment d’Épernay (Marne).
(3) Pierre de Gèvres, lieu déjà cité plus haut.
(4) Torchamps, canton de Grandchamps (Seine-et-Marne).
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Prieuré de Reuil.
i3
viginti solidos ; in consuetudine que salagium (i) dicitur,
duos sextarios salis, singulis annis. Jus et domum que juxta
portam sita est, ex dono predicte vicecomitisse et filii ejus.
Mortuas etiam manus et recognitiones servorum et ancillarum
quas Hugo abbas dédit apud Firmitatem Anculfi, sicut ipse
tenuit. Capellam sancte Marie de Fonte sereno (2) cum appen-
dentiis suis et quidquid habetis apud Guandelutz, Choisy et
Lory. Decem solidos de Bernardo de Churon. Duos sextarios
frumenti apud Choisy (3). Quatuor sextarios bladi in décima
d’Eschaneuz. Quidquid habitisapud Catingis. Apud Curtem,
ecclesiam ipsius loci cum presentatione presbyteri. Quidquid
habetis apud Fraisinos, Trelure, Curtagis, castrum Theo-
dorici (4), Venesmus, Pavant, Crûtes, Musterel, Cardules
villarium, Vualli, Heloutz. Medietatem magni molendini et
quidquid habetis Buserbiaul, Premaut. Medietatem décimé
de Damart (5) et quidquid habetis apud Lory, Hocoire et
apud Vuillers le Vuast. Quidquid habetis in firmitate Anculfi
et finibus ejus ex dono predicte vicecomitisse Adeet Hugonis
filii ejus, sicut in eorum scripto authentico continetur. Pos-
sessiones vero alias quas monasterium vestrum a quadraginta
annis inconcusse possedit et in presentiarum sine controversia
possidetis, vobis nihilhominus confirmamus. Sane nova-
lium (6) vestrarum que propriis manibus aut sumptibus
colitis, sivç de nutrimentis animalium vestrorum, nullus a
vobis décimas exigere autextorquere présumât. Liceat quoque
( 1 ) Ducange cite à l’appui de ce droit sur le sel plusieurs chartes de
Champagne et d’Auxerre.
( 2 ) Fontains (?), canton de Nangis, arrondissement de Provins.
( 3 ) Chessy, arrondissement de Meaux, canton de Lagny (Seine-et-
Marne).
( 4 } Fresnes, arrondissement de Meaux, canton de Claye. — Treloup,
arrondissement de Château-Thierry , canton de Condé. — Château-
Thierry.
(5) Damart, arrondissement de Château-Thierry, canton de Neuilly-
Saint-Front.
( 6 ) Terres nouvellement cultivées.
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l 4
Cartulaire de La Charité .
vobis clericos vel laïcos a seculo fugientes liberos et absolutos
ad conversionem recipere et eos absque contradictione aliqua
remanere. Prohibemus insuper ne cui fratrum nostrorum
post factam in eodem loco professionem tas sit absque Prioris
sui licentia discedere, discedentem absque communium litte*
rarum [confirmatione] nullus recipere audeat , nisi arctioris
religionis obtentu. Cum autem generale interdictum fuerit,
liceat vobis januis clausis, exclusis excommunicatis et inter-
dictis, non pulsatis campanis supina voce (i) divina officia
celebrare. Inhibemus etiam ut inira fines parrochiarum ves-
trarum nullus ecclesiam vel oratorium sine consensu dioce-
sani episcopi et vestro edificare présumât, salvis tamen privi-
legiis Romanorum pontificum. Libertates preterea et immu-
nitates vestras antiquas et rationabiles consuetudines monas-
terio vestro expressas et hactenus observatas ratas habemus,
et eas futuris temporibus illibatas sancimus. Sepulturam vero
illius loci liberam esse decernimus ut eorum devotioni et
extreme voluntati qui se illic sepeliri deliberaverint , nisi
forte excommunicati vel interdicti sint nullus obstat , salva
tamen justifia illarum ecclesiarum a quibus mortuorum
corpora assumuntur. Decernimus ergo ut nulli omnino
hominum fas sit prefatum monasterium tetnere perturbare,
aut ejus possessiones auferre, vel ablatas retinere, minuere,
seu quibuslibet vexationibus fatigare, sed omnes intégré
conserventur eorum pro quorum gubernatione ac sustenta-
tione concessa sunt usibus omnimodis profutura, salva sedis
apostolice et diocesani episcopi jure et justifia et predicti
monasterii débita reverentia. Si quis igitur in futurum eccle-
siastica secularisve persona hanc nostre constitutionis
paginam scienter contra eam temere venire attentaverit ,
secundo tertiove admonita, nisi reatum supm digna satisfac-
tione correperit, potestatis honorisve sui dignitate careat,
eamque maledictam existere de perpetrata iniquitate cognos-
(i) Pro : submissa voce.
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Prieuré de Longueville.
i5
cat, et a sacratissimo corpore et sanguine Dei et Domini
nostri Jesu Christi aliéna fiat, atque in extremo examine
divine ultioni subjaceat. Cunctis autem eidem loco sua jura
servantibus sit pax Domini nostri Jesu Christi, quatenus et
hic fructum bone actionis percipiant et apud districtum
judicem premia eterne pacis inveniant. Amen. DatumVerone
per manum Hugonis sancte Romane ecclesie notarii, sexto
calendas octobris, indictione tertia, Incarnationis Dominice
anno millesimo centesimo octuagesimo quarto, pontificatus
vero domini Lucii pape tertii anno quarto.
V.
BÜLLA ALEXANDRI PAPE TERTII AD SIMONEM .
PRIOREM DE LONGAVILLA.
1178 Mai 24. — Latran.
Confirmation far le pape Alexandre III des possessions du
prieuré de Longueville , dépendant de La Charité , en
Normandie et en Angleterre , ainsi que des droits attachés
aux nombreuses lopalités désignées dans l'acte .
Alexander, episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis
Simoni, priori monasterii sancte Fidisde Longavilla, ejusque
fratribus, tam presentibus quam futuris, regularem vitam
professis in perpetuum. Religiosam vitam eligentibus apos-
tolicum convenit conferre présidium , ne forte cujuslibet
temeritatis incursus aut eos a proposito revocet, aut robur,
quod absit, sacre Religionis infringat. Ea propter, dilecti in
Domino filii , vestris justis postulationibus clementer
annuentes, prefatum monasterium, in quo divino estis obse-
quio mancipati, sub beati Pétri et nostra protectione susci-
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i6
Cartulaire de La Charité.
pimus, et presentis scripti privilegio communimus imprimis
siquidem statuentes, ut ordo monasticus qui secundum Deum
et beati Benedicti regulam et institutionem Cluniacensium
fratrum in eodem raonasterio institutus esse dignoscitur,
perpetuis ibidem temporibus inviolabiliter observetur. Prete-
rea quascumque possessiones, quecunque bona idem monas-
terium in presentiarum juste et canonice possidet, aut in
futurum concessione pontificum, largitione regum vel prin-
cipum, oblatione fidelium, seu aliis justis modis, prestante
domino, poterit adipisci, firma vobis vestrisque successoribus
et illibata permaneant , in quibus hæc propriis duximus
exprimanda vocabulis :
Locum ipsum in quo prescriptum monasterium construc-
tum est, cum omnibus pertinentiis suis. Duas caretas in
, bosco de Abby et mortuum boscum in jacendo (i) sivestando
quod habetis de dono Henrici (2) regis Anglie. In villa de
Duno ( 3 ) duas mansuras terre et quidquid vobis rationabi-
liter datum est, scilicet ex dono Vuillelmi regis secundi (4)
duas bennas apud boscum Roardi quittas ab omni exac-
tione. Apud Longamvillam terram ad ( 5 ) ex dono
Gualterii Guiffardi et feriam unam in die conceptionis
sancte Marie. Apud sanctam fidem de Bosco (6) ecclesiam
et prebendas ad ipsam pertinentes et feriam unam
in festivitate sancte Fidis. Apud Infranvillam (7) eccle-
siam sancti Audoeni et feriam unam in festivitate ejusdera,
(1) Terrain vague et de parcours en commun.
(2) Selon toute apparence, il s’agit de Henri II, roi d’Angleterre, de
11 54 à 1189.
( 3 ; Bourg-Dun, arrondissement de Dieppe, canton d’Offran ville.
(4) Guillaume II le Roux, de 1087 à 1100.
( 3 ) Les points, ici et plus bas, indiquent un blanc dans le
manuscrit.
(6) Saint-Foi-du-Bois, arrondissement de Dieppe, canton de Longue-
ville (Seine-Inférieure).
(7) Inferville, canton d’Envermeux (Seine-Inférieure).
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Prieuré de Longueville .
*7
et quidquid idem Gualterius habebat in suo dominio, in
terris et molendinis. Apud Croteum quidquid habebat
excepto feodo W. de Bosco Burdelli. Apud Hostrevillam (i)
ecclesiam cum omnibus pertinentiis suis et unam carrucatam
terre. Apud Loram [2) ecclesiam et quatuor pondéra salis.
Apud Parvamvillam ( 3 ) ecclesiam et duos hospites. Apud
Utrisportum (4) très Burgenses cum suis consuetudinibus.
Ecclesiam sancti Pétri de Longavilla ( 5 ) cum omnibus perti-
nentiis suis. Unum molendinum infra curiam vestram et
alterum in villa. Decimam molendinorum comitis, thelonei
et totius census ejusdem ville. Modium unum vini in cellario
comitis per annum ad missas Capellanie de Colemaisnil.
Apud Longolium (6) quidquid Adam clericus habebat in
ecclesia, ex dono comitis, et decimam molendinorum comitis
apud Loram. Duas salinas et duas ambras salis. Ecclesiam
de Blomaisnil. Apud monasteriirm Villare et Spouvillam (7)
terram quam cornes Giffardus dédit Roberto filio Gilleberti,
que solebat reddere LX solidos. Ecclesiam de Brosobbrelim.
Ecclesiam de Novavilla (8) et quidquid cornes habebat ibi-
dem et apud Puteum. Ecclesiam de Alpigardis (9) et feriam
unam et quidquid ibidem habetis. Ecclesiam sancti Medardi.
Ecclesiam sancte Genovefe et homines vestros in eadem villa
et unam carrucatam terre. Ecclesiam de Ovilla (10) et duos
homines. Ecclesiam de Hebervilla (11) et terram que fuit
(1) Ouistreham, canton de Douvres, arrondissement de Caen.
(2) Probablement Leure, aujourd’hui église Saint-Nicolas, arrondis-
sement du Havre. ( Répertoire archéologique.)
( 3 ) Petitville, arrondissement du Havre, canton de Lillebonne.
(4) Le Tréport, canton d’Eu (Seine-Inférieure).
( 5 ) Saint-Pierre-de-Longueville, église encore paroisse aujourd’hui.
(6) Longueil et Colmesnil, canton d’Offranville (Seine-Inférieure).
(7) Montivilliers, Épouville, canton et arrondissement du Havre.
(8) Neuville, canton de Dieppe.
(9) Auppegard, canton de Bacqueville, arrondissement de Dieppe.
(10) Ouville-la-Rivière, canton d’Offranville, id.
(n) Heberville, canton de Fontaine-le-Dun, arrondissement d’Yvetot.
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i8
Cartulaire de La Charité.
Radulphi de Vualibus et quidquid W. Onandel et heredes
sui vobis in eadem villa dederunt. Ecclesiam de [Angeniis (i)
cum pertinentiis suis. Ecclesiam de Ozonfrevilla et quatuor
homines ibidem. Ecclesiam sancti Jovini (2) cum pertinentiis
suis. Ecclesiam sancti Germani de magna ecclesia. Ecclesiam
de Bosco Roardi ( 3 ) cum pertinentiis suis et decimam the*
lonei, et decimam molendini, et panes domini ex dono
Radulphi de Bosco Roardi. Ecclesiam de Parvo prato et très
carrucatas terre. Ecclesiam de Croteio. Ecclesiam sancti Pétri
de Valle (4) cum pertinentiis suis. Ecclesiam de Bello-
monte ( 5 ) cum pertinentiis suis. Ecclesiam de Canteleu (6).
Capellamde Berearmaisnil. Decimam rusticorum de Hotot (7}.
Decimam de terra Jozelini de Cruiol apud sanctum Crispi-
num (8). Et ibidem decimam molendini Osberti Buffli.
Decimam de sexuneto de feudo Gualterii Giffardi. Decimam
de Guorel ^9) de terra Vuillelmi Calcen, et Antelmi de Mon-
tenero. Decimam de terra Gileberti de Hotot, ex dono
Radulfi de Canteleu. Ibidem unum hominem apud sanctum
Adoenum super Elnam (10). Decimam de terra Gileberti de
Hotot et Antelmi de Risbet. Decimam rusticorum Heliezabet
apud Tilium et Dodeinvillam (1 1). Apud Geobervillam (12)
(1) Angiens, canton de Fontaine-Ie-Dun.
(2) Saint-Jouin, canton de Cnquetot, arrondissement du Havre.
(3) Bois-Robert('), arrondissement de Dieppe, canton de Longueville.
(4) Saint-Pierre-en-Val, arrondissement de Dieppe, canton d’Eu.
(5) Beaumont, arrondissement de Dieppe, canton de Bellencombre.
(6) Canteleu, arrondissement de Dieppe, canton de Bacquevilie,
commune de Luneray.
(7) Hautot, canton d’Offranville, arrondissement de Dieppe.
Hautot-KAuvray, Hautot-le-Vatois, Hautot-Saint-Sulpice, arrondisse*
ment d’Yvetot.
(8) Saint-Crespin, canton de Longueville.
(9) Le Gourel, commune de Brachy, canton de Bacquevilie, arron-
dissement de Dieppe
(10) Saint-Ouen. L’Eaulne, rivière dans le canton de Neufchâtel.
(n) Doudeville, canton, arrondissement d’Yvetot.
(12) Gouberville, quartier de Lillebonne, arrondissement du Havre.
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Prieuré de Longueville .
i9
decimam de terra de feudo Galterii de Cantelu. Apud Osber-
villam (1) duos hospites. Apud ex dono Vuillelmi
filii Stamni et Radulfi filii sui, de feodo comitis Varene
duos homines. Apud Gebervillam terram Vuillelmi Dapi-
fcri de dono Gualterii. Apud Osmondvillam (2) unum
hominem de dono Vuillelmi de sancto Audoeno. Apud
Ambervillam ( 3 ) très solidos de dono Gaufridi de Faga-
ramde. Apud Ermenevillam (4) terram et duas partes saline
de dono Roberti de Buteilt. Et ibidem de dono Arnulfi
domum suam et unam salinam. Apud Gotevillam (5)
terram quam Radulfus de Willeher (6) vobis dédit. Apud
Autenem duos homines de dono Hugonis et Eudonis et
decem acras terre et unam mansuram terre de dono Arlem de
Caneco et Henrici filii ejus. Apud Hermetvillam (7) très
acras terre de dono Bernardi de Fossato. Apud Boscum
Wielin (8) X acras terre de dono Jordani de Crilectot (9). In
molendino Aldulfi de Guerris X solidos. Apud Feletet unum
hominem de dono Vuillelmi de Canteleu. Apud monasterium
VillareXX solidos de dono Wuillelmi de Novavilla in molen-
dino et unum hominem apud Reibertet, et unum apud Estre-
villam (10) de dono Roberti de Novavilla, pro anima uxoris
sue XL solidos. Apud boscum Roardi duas acras terre de
dono Lamberti. Apud Aulesvillam unam mansuram de
dono Hermi. Et ibidem alteram terram de dono Gualterii.
(1) Ourville, canton, arrondissement d’Yvetot.
(2) Omontville, canton de Bacqueville, arrondissement de Dieppe.
( 3 ) Anfreville, canton de Doudeville, arrondissement d’Yvetot.
(4) Ermenonville , arrondissement d’Yvetot, canton de Fontaine-
le-Dun.
( 5 ) Gueutteville, canton de Saint-Valéry, arrondissement d’Yvetot.
(6) Villers, canton de Blangy, arrondissement de Neufchàtel.
(7) Hermeville, arrondissement du Havre, canton de Criquetot.
(8) Bois-Guillaume, arrondissement de Rouen, canton de Dametol.
(9) Crilectot, aujourd’hui Criquetot, canton.
1 10) Eurville, arrondissement de Dieppe, canton de Tôtes. — Robertot,
arrondissement d’Yvetot, canton d’Ourville.
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20
Cartulaire de La Charité .
Apud Brametot (i) très homines de dono Aldulfi de Broti.
Apud Q. Sommesnil quidquid Jordanus de Sansevilla ibi
babebat in terra et pratis. Apud Ricomvillam totam terram
quam ibi Vuillelmus de Maucuble. Apud Triri duos horai-
nes de dono Thome et decimam molendini Hugonis de dono
ejusdem. In molendino de Apevilla (2) unum modium fru-
menti de dono Antelini. Totam tertiam partem molendini
Stabularum ( 3 ). In molendino deNigella dimidium modium
frumenti vel decimam. Apud sanctum Audoenum super
Elnam (4) decimam Gualterii solidatam de dono ipsius.
Apud Rimvillam ( 5 ) decimam totius terre Vuillelmi
Avenel. Duas Garbas de tota terra quam Robertus filius
Hugonis tenuit de feodo Gualterii Giffardi. Apud Gunde-
villam terram quam ibi habebat Gualterius filius Baldrici.
Et ibidem decimam terre quam Gilebertus de Guinde-
villa (6) dédit. Apud Hamet quatuor minas ordei, et duos
solidos de dono Reinerii de Evermon (7) Apud Flein-
villam (8) dimidiam mansuram terre de dono Gaufredi.
Apud Crovillam (9) de décima molendini XX solidos et
quinque solidos de redditu Radulfi de Trablevilla. Apud
Bascheinvillam (10) unum hominem de dono Antelmi. Apud
Longamvillam terram Hugonis. Apud Accas (1 1) terram
(1) Brametot, arrondissement d’Yvetot, canton de Fontaine-le-Dun.
( 2 ) Appeville, arrondissement de Dieppe, canton d’Offranville, com-
mune de Hautot.
( 3 ) Saint-Germain-l’Étable, arrondissement de Dieppe, canton de
Longueville.
(4) Saint-Oueni. L’Eaulne, rivière dans le canton de Neufchàtel.
( 5 ) Ri ville, église visitée par Eudes Rigaud en 1269.
(6) Gonneville (Seine-Inférieure).
(7) Envermeu, arrondissement de Dieppe.
(8) Flainville, arrondissement de Dieppe, canton d’Oflfranville,
commune de Bourg-Dun.
(9) Crosville, arrondissement de Dieppe, canton de Longueville.
(10) Bacqueville, canton, arrondissement de Dieppe.
(11) Arques, arrondissement de Dieppe, canton d’Offranville.
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Prieuré de Longueville .
21
Apud Bermescal ( i ) unam acram terre. Apud Acar
unam mansuram. Apud Parvamvillam quatuor mansuras
de dono Radulfi. Apud Frainet[um] (2) duas. Apud
Drosei ( 3 ) mansuram de dono predicti Radulfi. Apud Bar-
villam (4) unam mansuram. Apud Estrevillam unam
mansuram. Apud Gunevillam unam mansuram. Apud
Bretvillam ( 5 ) unum hominem reddentem quatuor libras
in foresta de Hermont. Capellam sancti Remigii cum
heremitario adjacente. Apud Lesbanum comitis unum
hominem de dono Vuidonis de Beco. Apud Dunum
decimam molendini Gileberti Ridel. Apud Her quatuor
solidos et VI denarios in uno hominede dono Eustarchii. In
Anglia de dono Gualterii Giffardi Horrewoe cum omnibus
pertinentiis suis, excepto feodo Durandi. Niventruam totam
excepto feodo Odonis. Apud West..... quidquid Giffardus
habebat cum ecclesia et pertinentiis suis. Similiter quidquid
habebat in dominio apud Wichingeham excepto feodo Wuil-
lelmi et Radulfi de Leonibus et Boterici. Ita quod monachi
quieti sint de Courero quod ibidem retinuerat Gualterius
Giffardus et ecclesias de Vichingeham cum omnibus perti-
nentiis suis et terram de Roteleswage et decimam de domino
de Swanebarensi et de Merstelai et Sambesberga et Bade-
lesdon, et Brithella, et Blechelai, Molesho, Lantona,
Liteota, Buchim, Zaham, Morton, Lauport, Lilingeshim,
Acelera, Bechaintona, Bradevilla, Febreswnode, policota,
Miltona, Dorton, Vultona, Wucahendon, Lechamsda,
Kamelton, Chikesauda, Achecota, Es Rudigrana,
Bodinicham cum uno hospite quem ibi habent. Ecclesiam
(1) Probablement Berneval, arrondissement de Dieppe, canton
d’Offranville.
(2) Probablement Frainay.
( 3 ) Drosay, arrondissement d’Yvetot, canton de Saint-Valéry.
(4) Barville, arrondissement d’Yvetot, canton et commune de Cany
(Seine-Inférieure).
( 5 ) Bretteville-sous-Tôtes, arrondissement de Dieppe, commune de
Varneville. — Gonneville, id.
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22
Cartulaire de La Charité .
de Herleton et decimam dominii cum hospite. Apud Meldon
decimam de dominio cum uno hospite de dono Gualterii
Giffardi. Ecclesiam de Strederon ad opus hostellariæ. Capel-
lam sanctæ trinitatis de Norvuico. Decimam de dominio de
Hauves. Ecclesiam de Hauneia cum pertinentiis suis et
decimam de dominio et eamdem villam dimidiam. Et in
altéra Hamusia viginti solidos de dono Gualterii Guiffardi.
Terram de Reppis quæ reddit decem millia alecum (i).
Acleam cum omnibus pertinentiis suis. Decimam terra apud
Damawe de dominio Hugonis Mescrelli. Hospitale de Lon-
gavilla cum omnibus pertinentiis suis, scilicet cum una
carucata terra apud Longamviilam, molendinum de Valdre-
villa et boscum juxta hospitale a svia Gobin usque ad viam
quæ vadit de Vaudrevilla (2) in Wai. Decimam quoqae
alecum comitis et piscium de aquis suis de Brugolio ( 3 )
et de Novavilla et de Puteis. Apud Novamvillam très
modios salis. Juxta monasterium Villare (4) dimidium
molendini quod Paganus de Taufrevilla tenuit. Decimam
molendini de Hareflueta ( 5 ). In Anglia ecclesiam de Strotebi
cum omnibus pertinentiis suis. Decimam de dominio quæ
omnia pertinent ad prædictum hospitale et ecclesiam de
Valdrevilla. Terram Isabellæ apud Grincevillam (6). Deci-
mam terra de Anglekevilla (7) quam Jordanus dédit filiæ suæ.
Ecclesiam de Vuitteham cum pertinentiis ad infirmarium
monachorum et decimam de dominio et unam feriam apud
Longamvillam in die Ascensionis Domini. Sane novalium
vestrorum quæ propriis manibus aut sumptibus colitis, sive
de nutrimentis animalium vestrorum décimas a vobis nullus
(1) Anchois.
(2) Vaudreville, commune de Longueville (Seine-Inférieure).
( 3 ) Le Breuil, arrondissement de Dieppe, canton de Tôtes, commune
de Saint-Maclou-de-FoIlevîlle.
(4) Montivilliers, ut supra .
( 5 ) Harfleur, canton de Montivilliers.
(6) Grainville, commune de Brametot.
(7) Anglesqueville (Seine-Inférieure).
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Prieuré de Longueville .
23
présumât exigere. Liceat quoque vobis clericos vel laïcos e
seculo fugientes liberos et absolutos ad conversionem ves-
tram recipere, et eos sine contradictione aliqua retinere. In
parrochialibus autem ecclesiis quas habetis liceat vobis sacer-
dotes eligere et diocesano episcopo præsentare, quibus si
idonei fuerint episcopus curam animarum comittat et ei de
spiritualibus, vobis vero de temporal ibu$ debeant res pondéré.
Sepulturam quoque ipsius loci liberam esse concedimus ut
eorum devotioni et extremæ voluntati qui se illic sepeliri
deliberaverint, nisi forte excommunicati sint vel interdicti,
nullus obsistat, salva tamen justitia illarum ecclesiarum a
quibus mortuorum corpora assumuntur. Decernimus ergo
ut nullus omni no hominum liceat præfatam ecclesiam temere
perturbare, aut possessiones ejus auferre, vel ablatas reti-
nere, minuere, aut aliquibus vexationibus fatigare. Sed
omnia integra conserventur eorum pro quorum gubernatione
et sustentatione concessa sunt usibus omnibus profutura,
salva apostolicæ sedis authoritate et diocesanorum episco-
porum in supradictis ecclesiis canonica justitia. Si quaigitur
in futurum ecclesiastica sæcularisve persona hanc nostræ
constitutionis paginam sciens contra eam venire tentaverit,
secundo tertiove commonita si non satisfactione congrua
emendaverit, potestatis honorisque sui careat dignitate,
reamque se divino judicio existere de perpetrata iniquitate
cognoscat et a sacratissimo corpore Dei et Domini redemp^
toris nostri Jesu Christi aliéna in extremo examine divinæ
ultioni subjaceat. Cunctis autem eidem loco sua jura servan-
tibus sit pax Domini Nostri Jesu Christi, quatenus et hic
fructum bonæ actionis percipiant, et apud districtum judicem
præmia æternæ pacis inveniant. Amen. Amen. Amen.
Ego Alexander Catholice ecclesie episcopus S.
Ego Ubaldus (i) Hostiensis episcopus S.
(i) Hubault Allucingoli, en 1140 cardinal-prêtre du titre de Sainte-
Praxède, puis évêque d’Ostie. Élu pape, sous le nom de Luce III,
ii8i-ii85.
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24
Cartulaire de La Charité .
Ego Joannes (i) presbyter cardinalis Sanctorum Joannis
et Pauli tituli Parmachii.
Ego Boso (2), presbyter cardinalis Sancte Pudentiane
tituli pastoris S.
Ego Petrus, presbyter cardinalis titulo sancte Cecilie S.
Ego Jacintus (3), diaconus cardinalis sancte Marie in
Cosmedin S.
Ego Ardicino (4), diaconus cardinalis sancti Theodori S.
Ego Hugo (5), diaconus cardinalis sancti Angeli S.
Datum Laterani per manum Alberti (6) , sancte Romane
ecclesie presbiteri cardinalis, cancellarii, VI III Kalend. Junii
Indict. XI Incarnationis Dominice anno millesimo centesimo
septuagesimo octavo. Pontificatus vero domini Alexandri
pape III anno decimo octavo.
(1) Jean de Sutri, en 1 i 5 o cardinal, légat en Allemagne et en Orient.
(2) Boson, Anglais, en 1 1 55 cardinal- diacre, neveu du pape
Adrien IV, du titre des Saints-Côme-et-Damicn, puis prêtre du titre
de Sainte-Pudentienne, légat en Portugal.
( 3 ) Hyacinthe Orsini , en 1144 cardinal-diacre. Élu pape en 1191,
sous le nom de Célestin III, mort en 1198.
(4) Ardice Rivoltella, en u 55 cardinal-diacre, légat à Constanti-
nople, mort en 1186.
( 5 ) Hugues, cardinal jusqu’en 1178.
(6) Albert de Mora, en 1 1 55 cardinal-diacre du titre de Saint-
Adrien, cardinal-prêtre du titre de Sancta Maria in Lucina ; chance-
lier de l’Eglise sous Alexandre III ; légat en Espagne et en Angleterre.
Élu pape en 1187, sous le nom de Grégoire VIII, mort la même
année ; son règne n’a duré que du 20 octobre au 16 décembre.
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Prieuré de Sé\anne .
25
VI.
BULLA DOMINI ANASTASII PAPÆ IIII PRO SANCTO
JULLANO DE SEZANNA.
1 1 53 Mars 21 . — Latran.
Le pape Anastase IV met sous la protection apostolique et
confirme les biens possédés par le prieuré de Séqatme ,
dans les diocèses de Troyes , Reims et Soissons ; les
droits de présentation de prêtres à V évêque pour les
églises et chapelles soumises au prieuré ; V exemption de
la juridiction épiscopale , sauf dans les cas réservés .
Anastasius episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis
nostris priori sancti Juliani de Sezanna (1), ejusque fra-
tribus, tam præsentibus quam futuris, regularem vitam
professis imperpetuum. Quoniam sine veræ cultu religionis
nec charitatis unitas potest subsistere, nec Deo gratum
exhibere servitium expedit apostolica authoritate religiosas
personas diligere et earum quieti et utilitati, auxiliante
domino, salubriter providere. Ea propter, dilecti in domino
filii, vestris postulationibus clementer annuimus, et prædic-
tam ecclesiam sancti Juliani de Sezanna, in quo divino
mancipati estis obsequio, sub beati Pétri et nostra protec-
tione suscipimus, et præsentis scripti privilegio commu-
nimus, statuentes ut quascunque possessiones, quæcunque
bona eadem ecclesia impræsentiarum juste et canon ice
possidet aut in futurum concessione pontificum, largitione
( 1 ) Sézanne, canton, arrondissement d’Épernay (Marne). Voyez
ci-dessous, charte LXXXVI, la curieuse fondation de ce monastère et
la donation qui en fut faite à saint Gérard , prieur de La Charité ,
en io85.
4
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26
Cartulaire de La Charité.
regum vel principum, oblatione fidelium seu aliis jusiis
modis, Deo propitio, poterit adipisci, firma vobis vestrisque
successoribus et illibata permaneant. In quibus hæc propriis
duximus exprimenda vocabulis :
In Castro eodem, ecclesiam Sanctæ Mariæ, ecclesiam Sancti
Pétri et ecclesiam Sancti Nicolaï cum pertinentiis suis, et
decimam ipsius castri. Quidquid habetis ex dono Stephani
comitis(i) et Adilæ comitissæ uxoris ipsius. Ecclesiam de
Vualer comitis (2) cum appenditiis suis. Totam decimam
campi Guidonis ( 3 ). Ecclesiam de Sclavella (4) cum appen-
ditiis suis, et medietatem decimæ ipsius villæ et censum
Atrii. Decimam de sancto Martino de Bucenciaco ( 5 ). Deci-
mam de sancto Remigio (6). Decimam de Angleura (7) et
censum Atrii. Decimam de Soogne (8) totam et censum
Atrii (g). Medietatem decimæ de Tachis (10). Decimam de
Trefex (11). Decimam de Verseio (12). Decimam de Castel*
lione (i 3 ). Totam piscationem aquæ de Marenciaco (14)
Censum quem habetis Provini (i 5 ) et medietatem furoi.
(1) Étienne VI, comte de Blois, 1089-1102, épouse en 1081 Alix ou
Adèle, fille de Guillaume I* r , roi d’Angleterre.
(2 j Villiers-aux-Corneilles, canton d’Anglure (Marne).
(3) Champguyon, arrondissement d’Épernay (Marne).
^4) Esclavolles, canton d’Anglure (Marne).
(b) Buzency, arrondissement de Soissons, canton d’Oulchy (Aisne).
(6) Saint-Remy-Blanzy, id.
(7) Anglure, canton (Marnej.
(8) Soigny, canton de Montmirail, arrondissement d’Épernay (Marne).
(9) Ce mot atrii , qui revient plusieurs fois, est probablement un
nom de choses, une forme de cens plutôt qu’un nom de lieu.
(10) Le manuscrit porte en note : Lachy, Heu situé dans l’arron-
dissement d’Épernay, canton de Sézanne.
v ii) Trefols, arrondissement d’Épernay, canton de Montmirail.
(12) Verzy, canton, arrondissement de Reims (Marne).
(13) Châtillon-sur-Morin, arrondissement d’Épernay, canton d*E$-
ternay.
(14) Marency(?) ou Marsangis, canton d’Anglure.
(15) Provins (Seine-et-Marne).
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Prieuré de Séqçinne.
2 7
Vitlam de Saulz (i) cum appenditiis suis. Domum de
Grangiis (2) cum pertinentiis. Alodium de Maesueio(3).
Molendinum sancti Juliani. Moleudinum de Bernardo.
Molendinum de Pratp. Molendinum de Cleto (4). Molen-
dinum de Chesia. Molendina de Varciaco. Triginta sextaria
frumenti molendini Longuiardi et piscaturam. Molendinum
de Crosleriis. Præterea liceat vobis in ecclesiis quas tenetis
secundum decretum prædecessoris nostri bonæ memoriæ
Urbani papæ secundi (5), sacerdotes eligere et episcopis in
quorum parrochiis sitæsunt præsentare, qui si idonei fuerint
animarum curam ab ipsis suscipiant eisque de plebis cura
respondeant ; vobis vero pro rebus temporalibus ad ipsum
monasterium pertinentibus debitam subjectionem exhibeant.
Ad hæc adjicientes statuimus , ut ecclesiæ vestræ et cimiteria
ab omni episcoporum exactione sint libéra præter consuetam
episcopi et justitiam in presbyteros qui adversus sui
ordinis dignitatem offenderint. Decernimus ergo ut nulli
omnino hominum liceat præfatam ecclesiam temere pertur-
bare, aut ejus possessiones auferre vel ablatas retinere,
minuere, seu quibuslibet vexationibus fatigare. Sed omnia
integra conserventur eorum pro quorum gubernatione ac
sustentatione concessa sunt usibus omnimodis profutura,
salva sedis apostolicæ aucthoritate et diocesanorum episco-
porum canonica justitia. Si quæ igitur in futurum ecclesias-
tica sæcularisve persona hanc nostræ constitutionis paginam
sciens contra eam temere venire tentaverit, secundo tertiove
commonita, si non satisfactione congrua emendaverit, potes-
tatis honorisve sui dignitate careat, reamque se diyino
judicio existere de perpetrata iniquitate cognoscat, et a sacra-
tissimo corpore ac sanguine Dei et Domini redemptoris
(1) Sceu, commune de Châtillon-sur-Morin.
(2) Granges-sur-Aube, canton d’Anglure.
( 3 ) Les autres localités inconnues.
(4) Claye, canton, arrondissement de Meaux (Seine-et-Marne).
( 3 ) Urbain II, pape de 1088 à 1099.
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28
Cartulaire de La Charité .
nostri Jesu Christi aliéna fiat, atque in extremo examine
districtæ ultioni subjaceat. Cunctis autem eidem loco justa
servantibus sit pax Domini nostri Jesu Christi, quatenus et
hic fructum bonæ actionis percipiant et apud districtum
judicem præmia æternæ pacis inveniant. Amen. Datum
Laterani per manum Rolandi (i), sanctæ Romanæ eccleslæ
presbyteri, cardinalis et cancellarii. XII Kalendarum aprilis,
indictione secunda, I ncarnationis Dominicæ anno M. C. LI 1 1°
pontificatus vero domini Anastasii papæ quarti primo anno.
VIL
BULLA DOMINI PAPE ALEXANDRI III ITEM
PRO SEZANNA.
1179 Avril 24. — Latran.
Le Pape confirme les donations faites au prieuré de Saint-
Julien de Sé^anne ; entre autres les prébendes et dîmes
des églises d’Esclavolles, Busency , Saint-Rémi, ainsi que
les droits sur V église Saint-Nicolas de S énorme , suivant
l'accord passé entre les chanoines de Saint-Nicolas et le
prieur de La Charité , suzerain de Sé\anne, en présence
de Vévêque de Tropes et du comte de Champagne .
Alexander episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis
nostris, priori Sancti Juliani de Sezanna ejusque fratribus
regularem vitam professis imperpetuum. Religiosam vitam
(1) Roland Bandinelli, en 1145 cardinal-diacre du titre des Saints-
Côme-et-Damien, puis cardinal-prêtre du titre de Saint-Marc, chance-
lier de l’Église romaine. Élu pape en iiSçsousle nom d'Alexandre III,
auteur de la charte qui suit.
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Prieuré de Sé\anne.
2 9
eligentibus apostolicum convenit adesse présidium, ne forte
cujuslibet temeritatis incursus, aut eos a proposito revocet,
aut robur, quod absit, sacre religionis infringat. Ea propter,
dilecti in Domino filii, vestris justis postulation i bus clemen-
ter annuimus, et prefatum monasterium, in quo divino
mancipati estis obsequio , sub beati Pétri et nostra protec-
tione suscipimus. et presentis scripti privilegio communimus
statuentes ut quascunque possessiones, quecunque bona idem
monasterium impresentiarum juste et canonice possidet, aut
in futurum, concessione pontificum, largitione regum vel
principum, oblatione fidelium, seu aliis justis modis, pres-
tante Domino , poterit adipisci , firma vobis vestrisque
successoribus et illibata permaneant. In qui bus hec propriis
duximus exprimenda vocabulis :
Ecclesiam de Sciavelia quam Philippus Trecensis epis-
copus (i), presentibus et laudantibus ecclesie sue clericis,
eidem monasterio contulit. Ita tamen quod ipsi monachi
mediam partem offerende que offertur in ipsa ecclesia acci-
piant, tam in denariis quam in panibus, et in cera et in
candelis, et in aliis quibuslibet rebus ; et in carruca (2) sua
propria habeant monachi totam decimam. Si quando mona-
chus missam cantare voluerit, post missam presbyteri can-
tabit, et si quid ei delatum fuerit, suum erit. Ecclesiam
quoque de Gaux (3) cum appenditiis suis. Décimas quoque
quas Paganus de Aula et Bazo, milites, de Sezanna, Hatoni,
Trecensis ecclesie episcopo (4), bone memorie viro reddide-
runt, et episcopus eidem monasterio, pie devotionis titulo,
contulit et confirmavit. Quidquid Paganus de Aula in majori
décima de Bucinciaco habuerat. Similiter quidquid Bazo in
(1) Philippe ou Milon, évêque de Troyes de io83 à 1121; partageait
avec les moines les revenus de l’église d’Esclavolles.
(2) Carruca , étendue d’un domaine pour une charrue.
(3) Legault, canton de Montmirail (Marne).
(4) Haton, évêque de Troyes de 1122 à 1145.
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3o
Cartulaire de La Charité .
majori seu minori décima de Sancto Remigio detinebat
raiionabUiter monasterio vestro collatum. Preterea composi-
tionem quam cum canonicis ecclesie Sancti Nicoiaï super
querelis que inter vos et eos vertebantur, mcdiante bone
memorie Trecensi episcopo et nobili viro comité Henricoet
Odone, decano Sancti Nicoiaï, fecistis, sicut absque pravitate
de assensu utriusque partis facta est, et hinc inde suscepta,
authoritate apostolica confirmait! us , quam de verbo ad
verbum, sicut visum est, expedire duximus ad notandum :
Hato Dei gratia Trecensis ecclesie' humilis minister, et
Henricus Trecensis cornes Palatinus (i) et Odo decanus
ecclesie Sancti Nicoiaï, totusque ejusdem ecclesie conventus,
Savarico priori de Charitate ( 2 ) omnique ejusdem ecclesie
conventui, in Domino salutem. Notum fieri volumus tam
presentibus quam tuturis quod querelam que inter vos et
canonicos ecclesie Sancti Nicoiaï Sezan nie super eadem ecdesia
habebatur, hac compositione utrique parti placuit terminari :
duplicis prebende beneficium ex integro, et absque ulla
imposterum diminutione , fratres vestri in ecclesia Sancti
Juliani Deo servientes ac successorcs eorum ab ipsis cano-
nicis et successoribus eorum omni anno, quibus et ceteri
canonici temporibus, récipient. Ita tamen quod in ecclesia ,
Sancti Nicoiaï duas hebdomadas in missa tantum facientet *
computationibus intererit prior, aut cui ex parte ejus id |
jussum fuerit, et quocunque modo cujuscunque canonici
persona mutetur in prefata ecclesia Sancti Nicoiaï, ejus
prebendam per annum ex integro monachi habebunt, et pro
eo in eadem ecclesia prebendam facient in missa tantum ;
jus quoque parrochiale, exclusis ab omni parte ab eo cano-
nicis, monachis tantum et eorum parrochialibus presby-
(1) Henri t* r , comte de Champagne de n 52 à 1180 ou 1181.
(2) La liste des prieurs de La Charité ne porte Savary qu'au quator-
zième rang, de 1192 à 1198. Cette charte de 1179 permettra de recti-
fier son état.
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Prieuré de Sé\annc 3i
teris, totum ut antiquitus remanebit ; statutum en ans
quod canonici nihil de propriis monachorum vel hominum
eorum, dono vel emptione, vel liberalitate ab aliquo datum
récipient, quod damnosum monaclvis probetur. Hoc etiam
monachi erga canonicos observabunt. Nec licebit canonicts
res ecclésie Sancti Nicolaï vendere vel dilapidare absque scittt
et concilio prioris. Si autem aliquis canonicoriim, in habitu
clericali Sezannie obierit, in cimeterio sancti Juliani sepe-
lietur. Scolas quoque infra terminum parrochie nemo regere
presumet, nisi prius a priore licentia fuerit expetita. Porro
neque absque ejusdem prioris consensu aliquis parrochialium
presbyterorum in canonicum recipietur. Quod si forte aliurn
statum ordo qui nunc est canonicorum transierit, omnes
ecclesie Sancti Nicolaï possessions monachi de Charitate
gratis et absque ulla contradictione récipient, et ex integro
possidebunt (i). Decemimus ergo ut nulli omnino hominum
liceat prefatum monasterium temere perturbare, aut ejus pos-
sessiones auferre, vel ablatas retinere, minuere, seu quibus-
libet molestiis fatigare, sed omnia integra conserventur
eorum pro quorum gubernatione et sustentatione concessa
sunt usibus omnimodis profuiura, salva sedis apostolice
authoritate et diocesani episcopi justitia. Si qua igitur in
futurum ecclesiastica secularisve persona, hanc nostre consti-
tutionis paginam sciens, contra eam temere venire tentaverit,
secundo tertiove commonita, si non satisfactione congrua
emendaverit, potestatis honorisque sui dignitate careat,
reamque se divino judicio existere de perpetrata iniquitate
cognoscat, et a sacratissimo corpore et sanguine Dei et
Domini redemptoris nostri Jesu Christi aliéna fiat, atque in
extremo examine districte ultioni subjaceat ; cunctis autem
eidem loco justa servantibus, sit pax Domini nostri Jesu
(i) Ces mots sont vraisemblablement les derniers du vidimus com-
mencé un peu plus haut; la date manque, elle doit être de fort peu
antérieure à 1179.
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32
Cartulaire de La Charité .
Christi, quatenus et hic fructum bone actionis percipiant, et,
apud districtum judicem, premia eterne pacis inveniant,
amen. Datum Laterani per manum Alberti (i) Romane
ecclesie cardinalis et cancellarii, VIII kalendas maii, indic-
tione XII, Incarnationis Dominice annoM 0 C° LXX° VIIII 0
pontificatus vero Domini Alexandri (2) pape III anno XX.
VIII.
RESCRIPTUM DOMINI PAPE CŒLESTINI AD ARCHI—
EPISCOPUM SENONENSEM ET AD ABBATEM SANCTE
COLUMBE, PRO DOMO DE COLONGIIS , AD PRIO-
RATUM DE CHARITATE SPECTANTE.
1192 Août 6. — Latran.
A l'occasion de la croisade de Philippe-Auguste , le prieuré
de La Charité , pour s'acquitter envers le roi, ayant
vendu la maison de Coulanges-sur-Yonne , moyennant
treize mille sous nivemois , au comte de Nevers et à
Pierre de Courson, son chevalier, avec engagement de la
restituer plus tard contre remboursement de la somme
versée , le pape Célestin III mande à V archevêque de
Sens et à l'abbé de Sainte-Colombe de contraindre les
acquéreurs à remplir les conditions de la vente.
Cœlestinus episcopus servus servorum Dei, venerabili
fratri, Senonensi archiepiscopo et dilecto filio abbati sancte
(1) Albert de Mora. (Voyez ci-dessus, ch. V, p. 24, note 6.)
(2) Alexandre III fut élu pape en 1159 et mourut le 27 août 1x81 1
après avoir gouverné saintement l’Eglise pendant vingt-deux ans.
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Coulanges-sur - Yonne.
33
Columbe (i), in Senonensi diocesi constituto, salutem et
apostolicam benedictionem. Ex insinuationedilectorum filio-
rum abbatis et conventus Cluniacensis nos accepisse nove-
ritis, quod cum prioratus eorum de Charitate, tempore quo
carissimus in Christo filius noster Philippus, illustris Fran-
corum rex Hierosolymam profectus est (2), Dei provident ia
et peccatis habitantium exigentibus nimio fuisset debitorum,
onere aggravatus , et Petrus de Corzon (3), ser viens nobilis
viri comitis Nivernensis nimium ipsum affligeret et gravaret,
prior et fratres ejusdem loci domum de Coulongiis (4), ad
ipsum prioratum spectantem, pro tredecim mille solidorum
Nivernensium ipsi Petro venditioni exponere sunt coacti.
Unde prioratus de Charitate damnificatus est plurimum et
gravatus. Et licet ipse Petrus, ad instantiampredicti Clunia-
censis abbatis, postmodum in præsentia venerabilis fratris
nostri Wuidonis (5) Rhemensis archiepiscopi , sancte Sabine
cardinalis, apostolice sedis legati, tune curam et solicitudinem
regni Francie simul cum carissima in Christo filia nostra
illustri Regina Francorum, matre Regis (6), ipsius gerentis,
tactis sacrosanctis evangeliis, juramento firmaverit quod
(1) Guy de Noyers, archevêque de 1176 à 1193. — Radulphe, abbé
de Sainte-Colombe de 1 186 à 1193.
(2) Philippe II Auguste partit pour la croisade en juillet 1190.
(3) Pierre de Courson, un des chevaliers du comte d’Auxerre, a
signé de nombreux actes , entre autres la vente du fief de La Cha-
rité par le comte Gui, aux prieur et religieux en 1 174. On le trouve
ensuite avec le titre de vicomte d’Auxerre sous Pierre de Courtenay.
Destitué en 1199, il fut arrêté par l’évêque Hugues, chargé de fers et
traîné tête nue dans une voiture par les rues de la ville. Pendant sa
vie il avait poussé le comte au pillage des églises et à la persécution
des religieux. (Lebeuf, Histoire d'Auxerre, III, p. 1 3a.)
(4) Coulanges-sur-Yonne. (Lebeuf, Histoire d’Auxerre , I, 335.)
(5) Gui Paré, Français, cardinal-diacre en 1188, successivement
légat dans plusieurs royaumes, mort en 1206.
(6) Alix, fille de Thibaut, comte de Champagne, seconde femme de
Louis VII en 1160, donna le jour à Philippe-Auguste en 1164.
5
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H
Cartulaire de La Charité.
priori et fratribus de Charitate, recepta pecunia sua, domum
pretaxatam cum omnibus pertinentiis redderet pacifice possi-
dendam, nunquam postmodum quamvis ipsi fratres, ut dici-
tur, pecuniam illam ei vellent restituere, illudquod juraverat
noluit adimplere. Cum igitur cura et solicitudo omnium eccle-
siarum sit nobis commissa , volentes indemnitati ipsius
prioratus de Charitate , prout debemus , paterno affectu soli-
cite providere, discretioni vestre per apostolica scripta
mandamus , firmiter injungentes quatenus supradictum
comitem Nivernensem qui eamdem domum de Coionges
servientis nomine, sicut dicitur, occupavit, et in proprios
usus convertit , vel ipsum servientem , si predicta domus ei
fuerit restituta, authoritate nostra monere et induere effica-
citer laboretis, ut domum ipsam prioratui supradicto, recepta
ab ipsis pecunia pretaxata , sine difficultate qualibet resti-
tuere non omittant, et si quid in ipsa domo ab ipso comité
vel predicto serviente superedificatum est, non computetur
ipsis fratribus, sed de redditibus domus ipsius intérim
receptis illud fiat ; si vero idem cornes vel ipsius serviens
duxerint resistendum, vos nostra freti authoritate, tam ipsum
comitem quam quoslibet alios, domum ipsam tenentes ad
eamdem domum cum pertinentiis prefatis fratribus resignan-
dam, per excommunicationis et interdicti sententias, sublato
contradictionis et appellationis obstaculo compeliatis facientes
utramque sententiam usque ad condignam satisfactionem
inviolabiiiter observari, nullis litteris obstantibus, harum
tenore tacito, a#ede apostolica impetratis. Quod si ambo iis
exequendis nequiveritis interesse, tu, frater archiepiscope, ea
nihilhominus exequaris. Datum Laterani , VIII idus
augusti, pontificatus nostri (i) anno secundo.
(i) Le manuscrit porte en marge de la suscription : Probabiliter
anno i ig 3 . Clément III mourut le 25 mars 1191 etCélestin III fut élu
peu de temps après; sa seconde année de pontificat commença en avril
1192. La date de cette charte répond au 6 août 1192.
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Actes des papes .
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IX.
APPROBATIO A DOMINO INNOCENTIO PAPA III CUJUS-
DAM MORIS PRO PERSECUTORIBUS EXORANDI.
1204 Mars 3 i. — Latran.
Le Pape engage les moines de La Charité à suivre V exemple
du Sauveur dans les cas de violences et de pillage sur
leur couvent , et de se mettre en prière pour obtenir le
salut de leurs persécuteurs .
Innocentius episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis
priori et conventui de Charitate, salutem et apostolicam
benedictionem. Si justa filii hominum judicarent et animad-
verterent diligenter impensam sibi gratiam redemptoris, qui
pro nobis tradidit semetipsum, usque ad mortem factus
obediens, ut nos de inimici faucibus liberaret, sanctam eccle-
siam sponsam ejus, quam ipse proprio sanguine dedicavit,et
in ea domino famulantes studerent propensius honorare,
atque a lesione ipsorum suas retraherent penitus voluntates.
Verum quod dolentes referimus, tanta est peccatis exigen-
tibus nunc malitia hominum super terram, et in tantum
excrevit audacia malignantium , quod non solum ad res
ecclesiasticas avidas manus extendunt, et pro suo diripiunt
arbitrio voluntatis, imo etiam ecclesias et possessiones earum,
quasi signum ad sagittam ponentes, viros religiosos odio
execrabili prosequuntur, sanctum eorum otium nequiter
perturbantes. Et quoniam hujusmodi homines, licet cen-
seantur nomine Christiani, a Christi tamen operibus sunt
alieni, letantes cum malefecerint et in rebus pessimis exul-
tantes, et admoniti sepius a sua nolunt desistere pravitate,
nolentes intelligere ut bene agant, sed iniquitatem in suis
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Cartulaire de La Charité.
cubilibus méditantes, cum malefactoribus ipsis, sicut vestra
relatione didicimus per vos resistere non possitis, mos in
vestra ecclesia inolevit ut, cum aliquis malefactor resmonas-
terii vestri occupât per violentiam, vel diripit per rapinam,
et monitus vobis satisfacere non procurât, vos in missarum
solemniis, cum patri filius pro mundi reatibus immo-
latur ecclesie pavimento prosternitis, et pro persequen-
tibus exoratis, oculos levantes ad Dominum et humiliter
supplicantes ut vestri misereri dignetur, qui prope est invo-
cantibus ipsum in veritate, timentium se peragit voluntates
et orationes exaudit eorum, faciens eos salvos. Cum igitur
orare pro persequentibus, non solum precepto, verum etiam
exemplo dominico instruamur, nos premissam consuetu-
dinem piam esse credentes presentium vobis authoritate
concedimus, quatenus eam minime deseratis, sed ipsam
humiliter ac devote servetis, ita quod orationibus vestris a
malo revocentur iniqui, vosque optata pace fruamini ac
quiete. Datum Laterani II idus aprilis, pontificatus nostri
anno septimo.
X.
PRECEPTUM ALEXANDRI PAPE IIII DE NON AMO—
VENDO PRIORE CHARITATIS SINE LEGITIMA
CAUSA.
n55 Mars 18 . — Naples.
Sur la requête du prieur et des moines de La Charité , le
pape Alexandre IV, considérant comme nuisible le chan-
gement des prieurs quand ils s'acquittent bien de V admi-
nistration spirituelle et temporelle , déclare que les
prieurs de La Charité ne pourront être révoqués sans
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Droits des prieurs .
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cause légitime insérée dans les statuts de Cluny ; il les
engage y en cas d'injustice , à s'adresser directement à
Rome.
Alexander, episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis
priori et conventui monasterii de Charitate, Cluniacensis
ordinis, Autissiodorensis diocesis, salutem et apostolicam
benedictionem. Religionis vestre meretur honestas ut nos
favore apostolico prosequentes petitiones vestras, quantum
cum Deo possumus , ad exauditionis gratiam admittamus.
Sane petitio vestra nobis exhibita continebat quod felicis
recordationis Gregorius papa (1), predecessor noster, olim
diligenter considerans quod si a monasteriis Cluniacensis
ordinis passim et absque rationabili causa contingeret amoveri
priores, magnum poterat monasteriis ipsisparari dispendium.
Cum novitates interdum pariant detrimentum, duxit salu-
briter statuendum , quod quandiu priores ipsius ordinis tam
in spiritualibus quam in temporalibus bene administrare
constiterit, non nisi ex certis causis in eodem statuto expressis
possint vel debeant a suis monasteriis amoveri. Cum igitur,
sicut asseritis, prioratus vester de Charitate, inter alios pre-
dicti ordinis prioratus, unus de majoribus et honorabilio-
ribus habeatur, supplicastis nobis ut te, fili prior (2), et alios
qui tibi successerint, ab eodem prioratu, contra prefati pre-
decessoris nostri statuta, nulli liceat amovere. Nos itaque
attendentes quod ea que per predecessorem eumdem provide
statuta esse noscuntur non sunt temeritate cujuspiam infrin-
genda, vestris justis supplicationibus mclinati , authoritate
vobis presentium indulgemus ut tu , fili prior, et successores
tui non nisi ex causis in eisdem statutis contenus, coram
definitoribus generalis capituli Clurliacensis rite secundum
(1) Grégoire IX, d’Agnani, pape de 1227 à 1241, oncle d’Alexandre IV.
(2) Le prieur d’alors (le 25 *) était un religieux nommé Jean , élu en
1244, et recommandable par sa piété et son dévouement.
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Cartulaire de La Charité .
eadem statu ta lectis, proposais et probatis légitimé, ab abbate
Cluniacensi seu quocunque alio ab administratione prioratus
ipsius possitis aliquatenus amoveri. Et si forsan vos super
iis contra justitiam gravari contigerit, licitum sit vobis
propter hoc sedem apostolicam appellare, non obstante si in
eisdem statutis est cujuslibet appellationis remedium inter-
dictum. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam
nostre concessionis infringere, aut aliquo ausu temerario
contra ire. Si quis autem hoc attentare presumpserit indi-
gnationem omnipotentis Dei et beatorum Pétri et Pauli
apostolorum ejus se noverit incursurum. Datum Neapoli XV
kalendas aprilis, pontificatus nostri (ij anno primo.
XI.
CONCESSIO NOVALIUM AB ALEXANDRO PAPA QUARTO.
1255 Avril i ,r — Naples.
Le pape Alexandre IV fait abandon , au profit des moines
de La Charité , de toutes les dîmes à payer sur les novales
ou terres et forêts récemment cultivées par eux ou à
leurs frais.
Alexander episcopus , servus servorum Dei , dilectis filiis
priori (2) et conventui monasterii deCharitate, Cluniacensis
ordinis, Autissiodorensis diocesis, salutem et apostolicam
(1) Alexandre IV, des comtes de Segni, neveu de Grégoire IX et
d’innocent III, élu pape le 12 décembre 1254; la date de cette charte
doit donc être portée au 18 mars 1255.
(2) Jean, vingt-cinquième prieur de La Charité, remplaça Guillaume
de Pontoise vers 1244 et administra sagement le monastère jus-
qu’en 1262.
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Actes des papes .
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benedictionem. Solet annuere sedes apostolica piis votis et
honestis petentium precibus favorem benevolum impertiri.
Eapropter dilecti in domino filii, vestris justis postulatio-
nibus grato concurrentes assensu, ut non de terris quas
propriis laboribus excolitis aut sumptibus nulli décimas
solvere teneamini, vobis seu ordini vestro a sede apostolica
sit concessum. Ita quoque, de nemoribus vestris vel aliis,
que a tempore eu jus non extat memona culta non fuerunt
que ad cultum redigetis propriis sumptibus et coletis, sol-
vere non teneamini, authorilate vobis presentium indul-
gemus. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam
nostre concessionis infringere, vel ei ausu temerario contra
ire. Si quis autem hoc attentare presumpserit indignationem
omnipotentis Dei , et beatorum Pétri et Pauli apostolorum
ejus se noverit incursurum. Datum Neapoli V nonas
aprilis (1), pontificalus nostri anno primo.
XII.
DISPENSATIO EJUSDEM PAPE SUPER OBSE RVATIONE
STATUTORUM.
1255 Mars 18. — Naples.
Le pape Alexandre IV accorde au prieur et au sous-prieur
de La Charité le droit de dispense pour tout ce qui
concerne V observation des statuts de V ordre de Cluny .
Alexander episcopus, servus servorum Dei, dilecto filio
priori de Charitate, ordinis Cluniacensis , Autissiodo-
(1) Alexandre IV ayant été élu pape le 12 décembre 1254, cette
charte doit être datée du i ,r avril 1255 , nouveau style, comme les
chartes X et XII, du 18 mars.
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Cartulaire de La Charité .
rensis diocesis, salutem et apostolicam benedictionera. Ex
parte tua fuit nobis humiliter supplicatum, ut cum obser-
vantia tui ordinis ab ipsa sui institutione multum sit rigida,
difficilis atque gravis, fueritque postmodum per felicis
recordationis Gregorium papam, predecessorem nostrum, et
quosdam alios tam authoritate sedis apostolice quam lcga-
torum ipsis super addita instituta gravia diversarum pena-
rum adjectione vallata contingat sub tantis oneribus deficere
oneratos, providere super hoc paterna sollicitudine curatio-
nem, attendentes igitur quod expedit calamum quassatum non
conteri, et cum evasione eruginis vas non frangi devotionis
tue precibus inclinati, presentium tibi authoritate conce-
dimus, ut super observatione statutorum ipso rum que de
tue substantia régulé non existunt, tu et successores tui
monasterii tui ejusque membrorum monachis presentibus et
futuris libéré dispensare possis, his casibus dumtaxat exceptis,
super quibus in eadem régula est dispensatio interdicta, in
quibus casibus dispensandi super pœnis adjectis et irregula-
ritatibus quas tui subditi incurrerunt vel incurrent de cætero,
eosque absolvendi ab interdicto suspensionis seu excommu-
nicationis vinculoquo ipsos, ob'transgressionempremissorura
statutorum, involvi contigit vel contingit, injuncta sibi
absolutionis penitentia salutari, libéra sit tibi et eisdem
successoribus de nostra permissione facultas. Suppriori
nihilominus monasterii tui et ipsius successoribus conce-
dendi tibi tuisque successoribus hujusmodi dispensationis et
absolutionis beneficium, si fuerit opportunum, indulgentes
authoritate presentium potestatem, non obstantibus aliquibus
literis ad venerabiles fratres nostros, Senonensem archiepis-
copum et ejus suffraganeos vel ad dilectum filium magistrum
Albertum (i), notarium nostrum, apostolice sedis legatum,
seu quoscunque alios, ab apostolica sede sub quocunque
tenore directis et processibus habitis, per eosdem de quibus
(i) Albert de Mora, voyez ci-dessus charte V.
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Actes des papes .
4»
scriptam opporteat fieri mentionem. Nulli ergo omnino
hominum liccat hanc paginam nostre concessionis infringere,
vel ei ausu temerario contra ire. Si quis autem hoc attentar
presumpserit indignationem omnipotentis Dei et beatorum
Pétri et Pauli apostolorum ejus se noverit incursurume
Datum Neapoli, XV kalendas aprilis, pontificatus nostri
anno primo.
XIII.
PRECEPTUM EJUSDEM PAPE SUPER JURAMENTO A
PRIORIBUS PRESTANDO INFRA TRES DIES POST
EORUM RECEPTIONEM.
1255 Avril 6. — Naple».
Sur une demande des moines relative aux mesures à
prendre contre la négligence des prieurs , le pape
Alexandre IV ordonne que les prieurs nouvellement
institués devront prêter serment en personne dans le
chapitre du couvent, trois jours après leur réception .
Alexander episcopus , servus servorum Dei, dilectis filiis
priori et conventui monasterii de Charitate, Cluniacensis
ordinis, Autissiodorensis diocesis, salutem et apostolicam
benedictionem. Religionis vestre meretur honestas, ut que
juste petitis, ad exauditionis gratiam admittamus. Sane
porrecta nobis ex parte vestra petitio continebat , quod cum
monasterium vestrum per priorum, qui pro tempore fuerint
ibidem, incuriam in spiritualibus et temporalibus non mo-
dicam incurrerit lesionem, a nobis humiliter supplicastis
super hoc eidem monasterio salubri remedio provideri.
Vestris igitur devotis precibus inclinati, ut illi qui in eodem
monasterio priores pro tempore fuerint canonice instituti, de
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Cartulaire de La Charité .
conservandis juribus, jurisdictionibus, libertatibus et hono-
ribus ipsius monasterii, infra très dies postquam ibidem
recepti fuerint in priores, prestare corporaliter juramentum
in communi capitulo teneantur, authoritate vobis presentium
duximus concedendum, decernentes irritum et inane, si
contra concessionem hujusmodi aliquid per quemcunque
fuerit attentatum. Datum Neapoli VIII idus aprilis, pontifi-
catus nostri anno primo.
XIV.
RESCRIPTUM ALEXANDRI PAPE IIII AD ABBATES
SANCTE COLUMBE ET SANCTi SATIRI CONTRA
ARCHIEPISCOPUM SENONENSEM ET EJUS SUFFRA—
GANEOS QUI MONACHOS CHARITATENSES MOLES-
TABANT.
1255 Juillet i5. — Anagni.
A rencontre des prescriptions des papes et des statuts de
V ordre de Saint-Benoît , P archevêque de Sens et ses
suffragants ont prononcé V excommunication contre les
moines de La Charité et V interdit sur leurs églises; le
pape Alexandre IV désire les voir cesser de pareilles
poursuites et se montrer plus bienveillants ; il commande
aux abbés de Sainte-Colombe et de Saint-Satur de
vérifier si ses ordres sont exécutés .
Alexander episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis
sancte Columbe (i) Senonensis et sancti Satiri (2) Bituri-
(1 ) Sainte-Colombe de Sens, abbaye de Bénédictins. Henri l OT ,
moine de Fleury, abbé de 1233 à 1258. ( Gall . Christ ., XII, col. 1 5 1 .)
(2) Saint-Satur, canton de Sancerre. Le nom de l’abbé, de 1221 à
1264, est désigné seulement par la lettre A. (Gall. Christ., t. II, col. 188.)
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Actes des papes .
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censis diocesis abbatibus, salutem et apostolicam benedio
tionem. Olim pie memorie Innocentius papa, predecessor
noster (1), cuilibet venerabilium fratrum nostrorum archi-
episcopi Senonensis ejusque suffraganeorum sigillatim sub
certa forma suis dédit literis in preceptis, ut statuta pro
reformatione ordinis saucti Benedicti a felicis rccordationis
Gregorio papa predecessore nostro (2) édita facerent ab
universis personis ejusdem ordinis suarum diocesium exacta
diligentia observari. Quarum litterarum authoritate, quidam
ipsorum super hoc diligenter preceptum apostolicum exe-
quentes , in membra monasterii de Charitate , Cluniacensis
ordinis, Autissiodorensis diocesis, ut dicitur, processerunt,
in priores et monachos membrorum ipsius excommunica-
tionis et in eorum ecclesiis interdicti sententiis promulgatis.
Quia vero, dilecti filii, prior et conventus ipsius monasterii
super iis ad apostolice sedis providentiam recurrerunt eosdem
archiepiscopum et suffraganeos rogandos duximus et mo-
nendos eis universis et singulis nostris dantes literis in
mandalis, ut processum ipsorum super hoc contra priores et
monachos predictos eorumdem membrorum dictarum dio-
cesium habitum, revocantes per seipsos et hujusmodisenten-
tias sine difficultate qualibet relaxantes dispensent cum
prioribus et monachis predictis super irregularitate, si quam
exinde contraxerunt, ac eos predictarum literarum authori-
tate ulterius non molestent, sed eis quantum in ipsis fuerit,
exhibeant se favorabiles et benignos. Ita quod eorum devotio
possit exinde merito commendari. Quocirca discrétion i
vestre, per apostolica scripta mandamus, quatenus si dicti
archiepiscopus et suffraganei mandatum nostrum neglexerint,
(1) Innocent IV, pape de 1243 à 1264, vint en France, où il tint à
Lyon un concile général en i25o, et de là se rendit à Cluny.
(2) Il s’agit vraisemblablement de Grégoire VII, Hildebrand , pape
de 1073 à io85, qui s’occupa de réformes ecclésiastiques et monas-
tiques.
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Cartulaire de La Charité.
adimplere vos, vel alter vestrum, per vos, vel per alium, aut
alios super hoc mandatum apostolicum exequi procuretis,
contradictores authoritate nostra appellatione postposita,
compescendo, non obstante si aliquibus a sede sit indultum
eadem quod interdici, suspendi, vel excommunicari , aut
extra suam civitatem vel diocesim in causam trahi non
possint per literas ajx>stolicas, non facientes plenam et
expressam ac de verbo ad verbum de indulto hujusmodi
mentionem, et qualibet alia ipsius sedis indulgentia eis aut
alicui eorum, aut aliis quibuscumque personis , sub qua-
cumque forma verborum vel expressione concessa , per quam
non expressam nostris literis vel totalîter non insertam
adimpleri valeat vel differri et constitutione de duabus dietis
édita in concilio generali. Datum Anagnie, idibus julii pon-
tificatus nostri anno primo.
XV.
EJUSDEM PAPE DIPLOMA DE CONFIRMATIONE PRIVI
LEGIORUM LIBERTATUM ET EXEMPTIONUM.
1256 Octobre i3. — Anagni.
Confirmation par Alexandre IV des privilèges , libertés ,
exemptions et droits divers possédés jusqu'alors par les
moines de La Charité .
Alexander episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis
priori et conventui beate Marie de Charitate, Cluniacensis
ordinis, Autissiodorensis diocesis, salutem et apostolicam
benedictionem. Solet annuere sedes apostolica piis votis et
justis petentium precibus favorem benevolum impertiri.
Eapropter dilecti in Domino filii, vestris justis precibus
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La Marche.
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inclinati, omnes libertates et immunitates a predecessoribus
nostris Romanis pontificibus, sive per privilégia, sive per
indulgentias ordini seu monasterio aut loris vestris specia-
liter concessis, nec non libertates et exemptiones secularium
exactionum a regibus et principibus vel aliis Christi fidelibus
rationabiliter vobis indultas, consuetudines quoque lauda-
biles et antiquas et hactenus pacifice observatas , sicut eas
rationabiliter obtinetis, authoritate apostolica confirmamur
et presentis scripti patrocinio communimus. Nulli ergo
omnino hominum liceat hanc paginam nostre confirmationis
infringere vel ei ausu temerario contra ire. Si quis autem
hoc attentare presumpserit, indignationem omnipotentis Dei
et beatorum Pétri et Pauli apostolorum ejus se noverit
incursurum. Datum Anagnie, III idus octobris, pontificatus
nostri anno secundo.
XVI.
RESCRIPTUM DOMINI EUGENII PAPE III AD SENO-
NENSEM ARCHIEPISCOPUM ET AUTISSIODORENSEM
EPISCOPUM CONTRA ADAM DE MARCHIA.
ii 53 Mai i5. — Rome.
Le pape Eugène III mande à l'archevêque de Sens et à
l'évêque d'Auxerre de se rendre à La Marche , dépen-
dance du prieuré de La Charité , et cT interdire à Adam
de La Marche , sous les censures ecclésiastiques , la conti-
nuation des travaux d'un château-fort qu'il construisait
sans le gré des moines.
Eugenius episcopus, servus servorum Dei, venerabilibus
fratribus Hugoni Senonensi archiepiscopo et Alano Autissio-
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Cartulaire de La Charité .
dorensi episcopo (i), salutem et apostolicam benedictionem.
Rerum exitus discretus sapiensque metitur, longe ante ven-
turis malis nititur obviare, Salomonis instructus verbo, qui
ait : Sapiens videns malum déclinât, stultus autem transilit
confidenter. Dilectorum filiorum nostrorum Guillelmi
prioris (2) et fratrum de Charitate transmissa nuper ad nos
suggestione, pervenit quod Adam de Marchia (3) in burgo
ipso infra terminos a sancte recordationis Paschali , prede-
cessore nostro, statutos (4), grandem munitionem contra
voluntatem ipsorum construere nititur, de qua ipsi monas-
terio maximum damnum potest processu temporis provenire.
Quoniam igitur, cum ad jus monasterii locus ille pertinet,
equitatis vigor, suspectam ibi munitionem ab aliquo
construi, ipsis fratribus inhibentibus non permittit, et quod
ad damnum ecclcsie Dei et superbiam vite pertinere videtur,
pontificali debetur studio inhiberi. Per presentia vobis scripta
mandamus, quatenus quam citius in unum convenientes,
ad locum ipsum pari ter accedatis, et antedictum Adam ne
munitionem aut castellum ibi faciat districtius moneatis. Si
summo superbie vento inflatus, aut aliqua, quam forte in
animo suo concepit, malitia instigatus, in suo cæpto duxerit
persistendum , ita eum censura ecclesiastica compescatis, ut
saltem invitus ab eo quod superbe molitur abstinere cogatur.
Datum Rome , apud sanctum Petrum (5), idibus maii.
(1) Hugues de Toucy, archevêque de Sens, 1142-1168. — Alain,
évêque d’Auxerre, 1152-1167.
(2) Gui ou Guillaume, sixième prieur de La Charité, porté dan»* la
liste des prieurs de 1143 à ii 5 o . Sa vie doit être prolongée jusqu’en
11 53 ; il fut remplacé par Théodart pendant quelques mois, puis par
Raynaud.
( 3 ) Parmi les seigneurs de La Marche, nous voyons Rainaud .
en 1059 (ci-dessus, charte n*I); Adam, en 1127, 1 1 36 et 1148;
Regnaud, en 1173. (Cart. de V Yonne, I, 3 13-440; II, 50-245.)
('4/ Privilège de Pascal II ; voyez ci-dessus, charte n* II.
?5j Eugène lll fut pape de 1 145 au 8 juillet 1 1 53 . date d sa mort.
JVautrc part, Alain, élu évêque d’Auxerre, ne fut promu définit! ve-
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Prieuré de Biches.
47
XVII.
BULLA CLE MENTIS PAPE VI DE UNIONE PRIORATUS
DE BISCHIIS CUM OFFICIO CLAUSTRAU CAME-
RARIE CHARITATENSIS.
i 35 o Juin 26. — Avignon.
Confirmation en forme de vidimus , par le pape
Clément Vf d'un accord passé en mars i33g entre le
prieur et les moines de La Charité , aux termes duquel il
est décidé que , en raison de V insuffisance de ressources
pour assurer les divers services de la chambrerie , les
revenus du prieuré de Bisches , sans toutefois réduire le
nombre des moines , seront réunis à l'office de chambrier
de La Charité .
Clemens episcopus servus servorum Dei, ad perpetuam rei
memoriam. Ex suscepto servitutis officio quo sumus universis
ecclesiis et beneficiis ecclesiasticis obligati , ipsorum tenemur
invigilare, profectibus et dispendiisobviare, acea, proincum-
bentibus eis oneribus levius supportandis matura délibéra-
tione suât facta, presidii apostolici munimine roborare. Sane
pro parte dilecti filii Hugonis Polosardi, camerarii prioratus
conventualis de Charitate, Cluniacensis ordinis, Autissio-
dorensis diœcesis, supplicatio nobis nuper exhibita conti-
nebat quod dudum dilectus filius Guillelmus de Pictavia (1),
ment qu'à la fin de l’année ii 52 . (Lebeuf, Hist. d’Auxerre, 1 , p. 3 18.)
Il faut donc porter cette charte au i 5 mai 1253 . Adam de La Marche
paraît en 1127 et 1148; il est remplacé en 1173 par Régna ud de La
Marche. Les événements rapportés ici s’accordent bien avec l’époque
de sa vie.
(1) Guillaume de Poitiers, trentième prieur, de 1 336 à 1341.
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4 8
Cartulaire de La Charité.
prior ipsius prioratus, attendens quod fructus redditus et
proventus officii camerarie dicti prioratus ad supportanda
onera incumbentia eidem officio sufficere non valebant, cum
dilectis filiis conventu ipsius prioratus, deliberatione matura
et diligenti tractatu super hoc sepius habitis, de consensu
dicti conventus et ad eorum supplicationem, prioratum de
Bischiis (i), dicti ordinis, Nivernensis diœcesis , predicto
prioratui de Charitate immédiate subjectum et per ipsos
monachos solitum gubernari, cum omnibus juribus et perti-
nentiis suis prefato officio authoritate ord inaria in perpe-
tuum univit et decrevit adjunctum, fructusque ipsius prio-
ratus de Bischiis et exitus in utilitatum opus et revelationem
officii memorati existere convertendos , ita quod quam
primum dictum prioratum de Bischiis vacare contingeret,
liceret eidem camerario per se vel per alium seu alios corpo-
ralem possessionem ejusdem prioratus de Bischiis ac jurium
etpertinentiarum ipsius, authoritate propria intrareet retinere
ejusdem prioris seu cujuslibet alterius licentia vel assensu
minime requisitis, prout in quibusdam patentibus litteris
eorumdem prioris et conventus, sigillis munitis, quorum
tenorem de verbo ad verbum presentibus inseri fecimus
plenius continetur. Quare pro parte dicti camerarii fuit nobis
humiliter supplicatum, ut unioni hujusmodi confirmationis
nostre robur adjicere de spécial i gratia dignaremur. Nos
igitur hujusmodi ipsius camerarii supplicationibus inclinati,
unionem predictam ratam et gratam habentes , illam autho-
ritate apostolica ex certa scientia contirmamus et presentis
scripti patrocinio communimus, supplentes omnem defectum,
si quis forsan intervenerit in premissis de Apostolice pleni-
tudine potestatis, proviso quod prioratus ipse debitis non
fraudetur obsequiis, et solitus numerus monachorum in eo
nullatenus minuatur.
(i) Biches, canton de Châtillon-en-Bazois (Nièvre).
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Prieuré de Biches .
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Ténor vero dictarum literarum talis est :
Universis présentes litteras inspecturis, nos frater Guil-
lelmus de Pictavia, humiiis prior beate Marie de Charitate,
ad quem de consensu et assensu venerabilis conventus nostri
Charitatensis spectat potestas uniendi ac dividendi bénéficia
nobis subjecta, causa légitima existente, salutem in Domino
sempiternam. 'Ad supplicationem conventus nostri Charita-
tensis asserentis minus bene seu tenue in vestibus et aliis ad
officium camerarie Charitatensis exti tisse provisum, propter
que multas miserias infirmitates et débilitâtes sustinuerunt
et sustinent incessantes et exinde subsecuta sunt, ac etiam
subsequi possunt inconvenientia quam plurima, dictumque
officium quoad supportationem solitorum onerum non
sufficit, ut experientia magistra rerum efficax manifestât.
Nosque volentes huic morbo adhibere medelam, et in hoc
negotio mature procedere, deliberavimus diligenter pluribus
et interpaulatis diebus nobiscum et cum aliis probis et reli-
giosis viris, tam de gremio ecclesie nostre Charitatensis
predicte quam de membris prioratui Charitatensi subjectis,
in capitulo nostro generali Charitatensi existentibus, capitu-
lantibus, ac generale capitulum facientibus, super jnveniendo
ac adhibendo remedio seu ope ipsi officio camerarie ac
conventus necessitatibus supradictis ; et ob hoc plures reli-
giosos, magneque discretionis viros, de conventu nostro
Charitatensi predicto, ac de prioratibus nobis subjectis et de
membris ejusdem prioratus nostri de Charitate fecimus ad
nostram presentiam personaliter evocari. Qui jurati , ad
sancta Dei evangelia corporaliter manu tacta, deposuerunt
quod redditus officii camerarie predicti non sufficiant ad
onera consueta supportanda, licet ilia consueta onera non
sufficiant pro conventu, quodque dictus conventus, videlicet
singulares persone ipsius multa incommoda, penurias et
infirmitates, ob tenuitatem et exilitatem reddituum officii
camerarie supradicti non valentis consueta onera supportare,
sustinent ac sustinuerunt temporibus retroactis. Requisiti
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Cartulaire de La Charité.
etiam per nos si redditus camerarie noscebant, et per quant
viam posset subveniri commodius inopie officii ac necessi-
tati conventus nostri predicti, deposuerunt per juramenta sua
data, ut prefertur, quod ipsi habebant notitiam reddituum
officii camerarie et onerum eidem incumbentium, ac quasi
omnium membrorum vicinorum ipsiusprioratusdeCharitate,
non vidcbant nec sciebant aliquod remedium ita competens
seu utile, nisi quod fieret aliqua unio de aliquo prioratu
vicino officio camerarie supradicto, asserentes quod de
communi contributione solvenda per caput et singula
membra prioratus nostri de Charitate non posset commodo
predictis defectibus subveniri, cum plurimi dictorum mem-
brorum vix sufficiant ad eorumdem consueta onera suppor-
tanda. Requisiti etiam de quo prioratu seu membro magis
expediret fieri unio. Responderunt quod de prioratu de
Bischiis, Nivernensis diœcesis, membro predicti prioratus
nostri de Charitate, et per cujus unionem sufficeret et sine
superfluitate poterit medere commodius necessitatibus supra-
dictis. Nos igitur predicta attendentes per inquisitionem
solertem, ut premittitur, per nos judiciali ter factam, prout
etiam in instrumentis super hoc confectis plenius continetur,
premissaque dicuntur de tenuitate reddituum officii ac
necessitatibus conventus nostri memorati fore vera. Volentes
nihilominus rem perspicacius perscrutari accessimus ad
conventum nostrum de Charitate, in capitulo nostro, ad
sonum campane congregatum, ut moris est, cum quo tracta-
vimus diligentius super predictis, et tandem charissimi
fratres nostri , Gerardus supprior, Guillermus secundus,
Ludovicus tertius, Theobaldus quartus domini in ordine,
Joannes prior de Narenthona, Hugo cellerarius, Robertus
eleemosynarius, Petrus infirmarius, Guillermus bursarius,
Dionysius sacrista, Hugo prior de Mon teboy (i), Joannes
(i) L’auteur du Cartulaire mentionne ces deux localités « Narcnton
et Monthumben > comme situées en Angleterre. ( Prieuré de La
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Prieuré de Biches.
5
Granetarius, Stepbanus Coquinarius, Stephanus magister
novitiorum, Guillermus subsacrista, Philippus de Longa-
villa et plures alii, ea que superius premittuntur de exigui-
tate reddituum offieii ac tenuitate vestiarii fore vera ; ac
tandem totus conventus et singuli ibidem présentes suppli-
caverunt et consenserunt quod per unionem dicti prioratus
de Bischiis, Nivernensis diœcesis, dictorum camerarie officio
ac conventus necessitatibus medeatur. Attendentes insuper
non superesse aliquod membrum prioratus nostri Charita-
tensis per cujus unionem possint ita commode relevari
defectus predicti, sicut per unionem prioratus sepedicti, tum
propter vicinitatem ejusdem ipsi prioratui de Charitatd, et
sic utrumque, scilicet officium camerarie et ipsius prioratus
per unum ministrum poterunt gubernari, tum quia ceteri
prioratus vicini ecclesie de Charitate sunt nobiliores, ex
quorum unione posset forte aliquod scandalum generari ;
alii autem sunt adeo tenues et exiles quod duo vel très vix
sufficerent ad predicta incommoda relevanda. Attendentes
insuper dictum beati Benedicti, monachorum armificis
preceptoris, et in sua régula statuentisquod necessaria mona-
chis ministrentur ne, quod absit, in detrimentum animarum
suarum occasione habeant proprium congregandi. Quam
sententiam prudenter attendens sanctissimus pater et dominus
noster, Dominus Benedictus papa duodecimus, in suis sacris
constitutionibus super Teformatione ordinis monachorum
nigrorum sancti Benedicti editis, eamdem sententiam posuit,
statuendo ut per unionem beneficiorum aut alias viis licitis
monachis necessaria ministrentur. Insuper ob plurimas
justas alias causas que ad hoc nostrum animum induxerunt
propter nécessita tem ecclesie evidentem et utilitatem, pro-
nunciavimuset decrevimus, de consensu et assensu venerabilis
conventus nostri de Çharitate, dictum prioratum de Bischiis,
Charité j histoire, folio 166.) Elles ne sont pas citées dans la charte du
prieuré de Longueville en Normandie. Voyez ci-dessus, charte V.
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Cartulaire de La Charité.
Nivernensis diœcesis, dicto officio camerarie uniendum,
ipsumque prioratum eidem officio unimus, decernimus
unitum et adjunctum, fructusque ipsius prioratus et exitus
decernimus convertendos in utilitatem , opus ac relevatio-
nem officii camerarie supradicti ac emendationem vestiarii
conventus de Charitate sepedicti, quamprimum ipsum prio-
ratum de Bischiis vacare contigerit quovis modo, salvo jure
prioris moderni, quantum ad perceptionem fructuum prio-
ratus de Bischiis supradicti. Ordinamus insuper ut came-
rario, qui est vel fuerit pro tempore, damus litteris presentibus
licentiam et mandatum spéciale ut ipse camerarius per se vel
per alium, quotiescunque deinceps prioratum vacare conti-
gerit, possessionem ipsius prioratus reddituumque ac emolu-
mentorum ipsius intrare et retinere valeat, nulla alialicentia
seu jussione a nobis habita, seu alia quomodolibet expectata,
inducentes charissimum fratrem nostrum Hugonem (i),
camerarium charitatensem pro se ac suis successoribus in
possessionem dicti prioratus de Bischiis per traditionem sex
denariorum qui nobis priori Charitatensi pretato debebantur
annuatim a dicto priore. Firmiter statuentes ea que in dictis
litteris continentur inviolabiliter futuris perpetuis tempo-
ribus observanda ; omnibus autem subditis nostris preci-
pimus et mandamus ut ipsi et eorum quilibet prefato came-
rario in premissis débité pareant et ^tendant. In cujus rei
testimonium sigillum nostrum presentibus litteris duximus
apponendum et ad majorem roborationcm omnium prenais-
sorum conventus noster Charitatensis sigillum suum iis
presentibus literis duxit apponendum in testimonium pre-
missorum. Acta fuerunt supradicta in capitulo nostro
Charitatensi, hora consueta, ad sonum campane, ut moris
est, congregato conventu, die martis post dominicain qua
(i) Hugues Polosard, désigné en tôte de cette charte comme cham-
brier de La Charité.
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Confrérie du saint Nom de Jésus.
53
cantatur Lætare in ecclesia, anno Domini millesimo trecen-
tesimo tngesimo nono.
Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam nostre
confirmationis et suppletionis infringere, vel ei ausu teme-
rario contra ire. Si quis autem hoc attentare presumpserit
indignationem omnipotentis Dei et beatorum apostolorum
ejus se noverit incursurum. Datum Avenioni , decimo sexto
kalendas julii (r), pontificatus nostri anno octavo.
Firminus Joannes de Angicuria.
XVIII.
BULLA PAULI PAPÆ QUINTI PRO ERECTIONE CONFRA-
TERNITATIS SANCTISSIMI NOMINIS JESU IN ECCLESIA
BEATÆ MARIÆ DE CHARITATE.
1607 Décembre i3. — Rome.
Bulle du pape Paul V pour Vérection d'une confrérie du
saint Nom de Jésus , accordant des indulgences : i° plé-
nière aux membres qui prieront , dans l'église du prieuré ,
aux intentions de la sainte Église et de la concorde des
princes chrétiens , le jour de la fête du saint Nom de
Jésus , le 14 janvier de chaque année ; 2 0 de sept ans
et sept quarantaines pour les fêtes de l'Assomption,
Nativité , Conception et Annonciation de la sainte
Vierge ; 3* de soixante jours pour assister aux offices et
(1) 16 juin i35o. Pierre Roger, archevêque de Sens, puis cardinal ,
fut élu pape à Avignon, sous le nom de Clément VI, le 7 mai 1342,
et mourut le 6 décembre i 352.
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Cartulaire de La Charité .
enterrements , accompagner le bon Dieu porté aux
malades , convertir ou enseigner les ignorants.
Paulus episcopus ( i) servus servorum Dei, universis Christi
fidelibus présentes literas inspecturis, salutem et apostolicam
benedictionem. Salvatoris æterni qui pro humano redimendo
generc in ara crucis immolari non abnuit vices licet immeriti
gerentes in terris, ad id nostri vota cordis desideranter expo-
nimus, ut quos ipse pretiosissimi sanguinis aspersione recon-
ciliare Deo curavit, quorumquc regimen et gubernationem
nobis commisit ad pietatis, charitatis et misericordiæ continuo
exercenda, aliaque salubria et meritoria opéra quibus de
terrenis immarcessibiles thesauros recondere, nec non patriæ
cœlestis possessores effici possint fréquenter excitemus. Cum
itaque sicut accepimus in Ecclesia prioratus conventualis et
vere electivi Beatæ Mariæde Charitate supra Ligerim, ordinis
sancti Benedicti, Autissiodorensis diœcesis, una pia utrius-
que sexus Christi fidelium confratemitas, sub invocatione
sanctissimi nominis Jesu, ad Dei omnipotentis laudem et
animarum salutem proximique subventionem, non tamen
pro hominibus unius specialis artis canonice instituta
existât, cujus dilecti filii confratres quam plurima pietatis,
charitatis et misericordiæ opéra exercere consueverunt. Nos
cupientes ut prædicti ac pro tempore existentes ejusdem
confraternitatis confratres in hujusmodi piorum operura
exercitio confoveantur ac magis ad ea imposterum exercenda,
nec non alii Christi fideles ad dictam confraternitatem ingre-
diendam per amplius invitentur, dictaque ecclesia et in ea
situm altare ipsius confraternitatis in débita veneratione
habeantur et ab ipsis Christi fidelibus congruis frequen-
tentur honoribus, illique vero libentius ad ecclesiam et altare
hujusmodi devotionis causa confluant, quo ex hoc dono
(i) Camille Borghèse, élu pape sous le nom de Paul V, de iôo 5
à 1621.
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Confrérie du saint Nom de Jésus.
55
cœlestis gratiæ uberius conspexerint se esse refectos de omni-
potentis Dei misericordia , ac beatorum Pétri et Pauli apos-
tolorum ejus authoritate confisi , omnibus et singulis
utriusque sexus Christi fidelibus vere pœnitentibus et
confessis qui dictam confraternitatem decætero ingredientur,
die primi illorum ingressus, si sanctissimum Eucharistiæ
sacramenlum sumpserint, nec non tam ipsis quam ad
presens et pro tempore existentibus dictæ confraternitatis
confratribus et vere pœnitentibus et si fieri poterit confessis,
ac sacra communione refectis, alias saltem contritis incorum
mortis articulo nomen Jesu, corde si ore nequiverint, invo-
cantibus, indulgentiam plenariam, ipsisque confratribus
similiter vere pœnitentibus et confessis, sacraque commu-
nione refectis, qui ecclesiam predictam in die festo ejusdem
sanctissimi nominis Jesu die quarta décima januarii(i) a
primis vesperis usque ad occasum solis diei hujusmodi sin-
gulis annis devote visitaverint et inibi pro hæresium
extirpatione et salute Romani pontificis, ac hæreticorum
conversione sanctæque matris Ecclesiæ exaltatione et inter
principes Christianos servanda pace, concordia et unione,
(i) Le premier promoteur de la fôte du saint Nom de Jésus fut, au
quinzième siècle, saint Bernardin de Sienne, qui propagea l’usage de
représenter, entouré de rayons, le saint Nom de Jésus réduit à ses
trois premières lettres IHS, en forme de monogramme. Cette dévo-
tion se répandit rapidement en Italie et fut soutenue par l’illustre
saint Jean de Capistran, également de l’ordre des Frères-Mineurs. Le
Siège apostolique approuva solennellement cet hommage au nom du
Sauveur des hommes, et dans les premières années du seizième siècle
Clément VII, après de longues instances, accorda à tout l’ordre de
Saint-François le privilège de célébrer une fête spéciale en l’honneur
du très-saint Nom de Jésus. Rome étendit successivement cette faveur
à diverses églises. Ce fut en 1721, sur la demande de Charles VI,
empereur d’Allemagne, que le pape Innocent XIII décréta que la fête
du très-saint Nom de Jésus serait célébrée dans l’Église entière, et il
la fixa au deuxième dimanche après l’Épiphanie. (Dom Guéranger,
Année liturgique, tome II, page 290.)
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Cartulaire de La Charité .
pias ad Deum preces effuderint, quo die prædicto id fecerint
et plenariam indulgentiam et omnium peccatorum suorum
remissionem apostolica authoritate tenore presentium miseri-
corditer in Domino concedimus et elargimur. Præterea
eisdem confratribus qui similiter vere pœnitentes et confessi,
ac sumpto eodem sanctissimo Eucharistiæ sacramento eccle-
siam predictam in Assumptionis Nativitatis ac conceptions
et Annunciationis Beatæ Mariæ virginis festivitatibus etiam
a primis vesperis usque ad occasum solis singularium festivi-
tatum hujusmodi visitaverint septem annos et totidem
quadragenas. Quoties vero divinis officiis in eadem ecclesia
celebrandis aut congregationibus publicis vel secretis pro
quocumque pio opéré exercendo, aut procession ibus ordina-
riis et extraordinariis tam predictæ confraternitatis quam
aliis quibuscumque de licentia ordinarii celebrandis aut
sepeliendis mortuis officiose interfuerint, vel dictum sanc-
tissimum Eucharistiæ sacramentum dum ad aliquem
infirmum defertur associaverint , aut qui facere impediti
campanæ ad id signo dato genibus flexis semel orationem
dominicam et salutationem angelicam pro dicto infirmo
recitaverint; seu devium aliquem ad viam salutis reduxerint,
et ignorantes Dei præcepta et alia quæ ad salutem suât
docuerint, et ex hujusmodi piis operibus aliquod egerint,
toties sexaginta dies de injunctis eis aut alias quomodolibet
debitis pœnitentiis authoritate et tenore præsentium etiam
misericorditer in Domino relaxamus, præsentibus perpetuis
futuris temporibus duraturis. Volumus autem quod si dicta
confraternitas alicui archiconfraternitati aggregata sit, vel in
futurum aggregetur seu quavis ratione pro illius indul-
gentiis consequendis aut de illis participandis uniatur vel
alias quomodolibet instituatur, priores seu quævis aliæ liters
præter præsentes nullatenus suffragentur, sed ex tune prorsus
nullæ sint eo ipso. Quod si supradictæ ecclesiæ aliqua alia
indulgentia perpetuo, vel ad tempus nondum elapsum dura-
tura per nos concessa fuerit , eædem présentes nullius sint
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Le prieur Godefroi.
57
roboris vel momenti. Datum Romæ apad sanctum Petrum
anno Incarnationis Dominicæ millésime sexcentesimo sep-
timo, idibus decembris, ponttficatus nos tri anno tertio.
XIX.
ÈPISTOLA IÔ2 INNOCENTII PAPE TERTII (i).
EXCOMMUNICATIONIS ET PRIVATIONIS SENTENTIÀM
LATAM IN GAUFRIDUM PRIOREM MONASTERII DE
CHARITATE OB EJUS IN ABBATEM CLUNIACENSEM
PROTERVTAM, RAT AM ESSE JUBET. TRECENSI ET
MELDENSI EPISCOPIS ET ABBATI LATINIACENSI
PARISIENSIS DIŒCESIS ( 2 ).
1212 Juin 28. — Segni.
Lettre du pape Innocent III prescrivant aux évêques de
Troyes et de Meaux et à Vabbé de Lagny de faire
exécuter la sentence <T excommunication lancée contre le
prieur Godefroi , à r occasion des nombreux crimes qui
lui étaient imputés : révolte contre les ordres de Vabbé
de Cluny ; refus de lui ouvrir les portes de son monas-
tère; résistance offensive dans V enceinte du couvent ;
blessures, vols et pillages de la part des partisans du
prieur contre Vabbé lui-même et les gens de sa suite;
usurpation de pouvoirs au civil et au religieux . Le
(1) Les trois pièces XIX, XX et XXI ont été imprimées par Baluze,
Innocenta III epistolœ , 2 vol. in-folio, 1682. La conformité complète
des deux textes nous donnerait à croire que Fauteur du Cartulaire ,
qui a d’ailleurs fait des emprunts à diverses publications, a copié les
lettres d’innocent III sur l’édition de Baluze et non sur des pièces
conservées au trésor des chartes de La Charité.
(2) Baluze, Lettres cTInnocent III , tome II, p. 665 (ep. 144, lib. XV;.
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58
Car tul aire de La Charité.
chapitre^ général de Cluny se réunit extraordinairement
à La Marche , près La Charité , dépose Gode/roi et
nomme à sa place Guillaume , prieur de Cluny.
Ex parte dilecti filii Guillelmi, Cluniacensis abbatis, fuit
propositum coram nobis quod cum ipse ad probandam
coram dilectis filiis abbate sancte Genovefe Parisiensis ac
conjudicibus suis monasterii de Charitate lesionem enormem
quam in alienatione possession um suarum incurrerat, et
inveniendam pecuniam Templariis refundendam diligenter
ac sollicite laboraret, jamque magnam partem pecunie sine
ipsius monasterii gravamine invenisset, ac spem concepisset
de inveniendo residuo meliorem. Gaufridus tune prior
ejusdem monasterii, Autissiodorensis diœcesis, ne ipsius
abbatis studium supra hoc sortiretur effectum nequiter stu-
duit impedire. Nam cum abbas precepisset eidem ut de his
et aliis que ad ordinem pertinent tractaturus ad capitulum
generale accederet, quod instabat, ipse quemdam clericum
alienigenum et ignotum post eumdem abbatem apud Sezan-
niam ad appellandum transmisit, sicut idem clericus
asserebat. Tune abbas predictus, per hujusmodi machina-
tiones et studia, videns super probatione lesionis enormis et
solutione Templariis facienda, neenon et aliis utilibus
procurandis impediri processum, disciplinamque monasticam
dissolvi penitus et elidi, versus idem monasterium, licet
jam instaret dies celebrandi capituli generalis, duxit celerius
festinandum, volens supra hoc cum ejusdem loci conventu
habere tractatum, ac de mandato nostro corrigenda corri-
gere, ac statuere statuenda, presertim cum de novo nostris
fuisset literis redargutus, quod se in corrigendis excessibus
subditorum in abbatiis et prioratibus sibi subjectis exhiberet
tepidum et remissum ac nos mandassent us eidem ut, appella-
tione remota, corrigeret et reformaret in illis que correctionis
et reformationis officio cerneret indigere. Verum Gaulridus
predictus, captato favore servientium nobilis viri Comitis
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Le prieur Godefroi.
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Nivernensis (1), prevenit abbatcm, et conventum suis
mendaciis circumvenit, in capitulo [asserens quod abbas de
monasterio ipso omnes proponebat ejicere, et de Ciuniaco
inducere alios numéro pauciores. Cum ergo abbas predictus
per servientem, quem premiserat, suum ipsis annunciasset
adventum, iidem servientem ipsum cum injuria expellentes,
ville et claustri portas fîrmiter obserarunt. Et cum illic abbas
postmodum advenisset ipsis et aliis viris religiosis qui comi-
tabantur eumdem, ville impudenter et claustri denegarunt
ingressum. Verumtamen quidam de monachis monasterii
antedicti, zelo dévotion is accensus, quamdam portam ville,
postquam abbas et socii ipsum et alios circumierant, reve-
renter reseravit eidem, quam iidem ingressi primam portam
claustri quam quidam monachi eodem zelo ducti aperire
curarunt, secundumconsuetudinem ordinis intraverunt. Hoc
comperto Gaufridus et monachi ac servientes armati, quos
idem Gaufridus ad hanc preparaverat victimam, de campa-
nilibus et eminentioribus locis in abbatem et socios lapides
grandes et densos crudeliter projecerunt. Verumtamen mise-
ricors dominus miraculose abbatem servavit illesum, licet in
equum ejusdem plures magni ponderis projecti lapides exti-
tissent adeo quod idem equus in quatuor locis apparuit
vulneratus. Tune abbas tam atrocibus affectus injuriis, cum
illi projicere lapides non cessarent censuit furori cedendum,
et equo laxato fugam petiit et se recepit in villam. Quem
quidam burgensis errantem inveniens, et quasi de mortis
periculoerutum, trementem totis artubus et pallentem, mise-
ricordia motus, duxit in domum suam et curam ejus egit
filialiter et devote. In illo autem conflictu, quando abbatem
(1) Hervé de Donzy, comte de Nevers (1199-1222), frère aîné de
Godefroi, prieur de La Charité. Il le soutint très-longtemps de ses
conseils et de son appui dans cette lutte contre l’abbé de Cluny. —
Voyez notre notice sur Hervé de Donzy. (Bulletin de la Société
nivemaise, a 4 série, t. III, p. i 3 a.)
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6q Cartulaire de La Charité .
çtsocios lapidi^us voluerunt obrucre, quidam servientes et
monachi majorera portam cura gladiis et fustibus exeuntes
sarcinulis oneratos retinuere très equos , uno de abbatis
servientibus vulnerato. Sed et eis Gaufridus et ej us complices:
non contenti, quinimo raalis adjicientes pçjora, baiivos
comitis memorati in grave prejudiciura raonasterii atque
ville ad suorum defensionem facinorum et juris oppres-
sa pnem necnon abbatis et ordinis advocarunt, quorum
prçsentia et favore, carapanilia et alia loca editiora armis,
arcubus, balistis et lapidibus munierunt de nocte, ita célé-
brantes excubias cornibus, cautelenis, fistulis et clamore, ac
si castrum obsessum ab bostibus custodirent, quanquam
abbas per violentiam irrumpere claustrum, etsi posset, nulia-
tenus voluisset, sed nobis vindictam potius reservare. Atten-
dens igitur idem abbas y quod Gaufridus et, sui nullam
admonitionem admitterent, seraper claustri, curie ac majoris
eçclesie necnon omnibus aditibus observatk per quos ad eos,
atiiri posset accessus, habito religiosorum virorura concilio
ipsius Gaufridi et complicura ejus culpis claresceatibus
evidenter, ipsum, tanquam inobedientera , rebellera contu-
raaçem et dilapidaiorem sententialiter araovit a regimine
prioratus et tara ipsum quam omnes sibi taliter adhérentes,
vjnculo excommun ica tionis ianodans, ecclesiam supposuit
interdicto, donec redeuntes ad cor, undique satisfacerent de
tam enormibus excessibus et offensis, Ipsi vero seraper
proniores ad pejus sententias in eos siç lafas rationabiliter
non servantes, pulsatis campanis divina presumunt solem-
njter celebrare. Coeterum, cura equi abbatis ducerentur ad
aquanx, ab hominibus comitis antedicti, quos introduxerum
in villam contra ipsius et monasterii libertatem, septem ex
eis capti fuerunt, reliquis effugatis; iidem etiara ceperunt
servientes abbatis in villa, in qua cornes prefatus nullam
habet justitiam, licet in nullo prefati excesserint servientes
opines; preterea ville portas et aditus per quos intratur ineara
postmodum obstruxerunt, non patientes, intrare qoempianv
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Le prieur Godefroi :
6t
peditem vel equitem ad abbatem, quos si quisquam portam
ingrederetur ignotus, custodes perquirebant ipsum, ne ferret
Hteras vel mandatum. Abbas igitur taliter impeditus et
affectus tedio et langore, quoniam Cluniaci capitulum
annuum non poterat celebrare in quo de sepedicti monas-
terii reformatione potissimum et pecunia Templariis refun-
denda tractare ac ordinare cum abbatibus et prioribus dispo-
suerat. Ne tune abbates et priores inaniter laborassent, ne ve
propositura ejus circa relevationem ejusdem monasterii suo
privaretur effectu, vocatis ad se abbatibus et prioribus, idem
capitulum apud Charitatem celebrare decrevit, credens
authoritate et presentia tantorum virorum posse prefatôs
rebelles a sua pertinacia revocari. Venerabilis quoque frater
noster Gebennensis episcopus, et H. Rhemensis archidia-
conus, sicut suis nobis literis intimarunt, accesserunt
Giuniacum ad capitulum generale, sed cum abbas se per
suas literas excusasset quod illuc ire nequiverat, a priore ac
monachis de Charitate quos inobedientes et rebelles invenerat
graviter impeditus, et diffinitores capituli ad Caritatem cum
congregatis ibidem prioribus evocasset, ut ibi tam de rebel*
lione prioris et monachorum quam de aliis agendis commu-
niter tracteretur, iidem diffinitores cum prioribus ad
mandatum abbatis, et episcopus et archidiaconus ad preces
ipsorum, cum ipsis usque ad castrum quod Marchia dicitur
accesserunt, ibidem diffinitoribus et prioribus remanentibus,
iidem episcopus et archidiaconus ad prefaiam villam iverunt
de pace cum sepedicto abbate et priore ac monachis ipsius
monasterii locuturi, sed inyenerunt januas obseratas, roga-
verunt autem eos quos viderant supra muros, ut ipsos
permitterent introire; qui responderuQt eisdem quod sine
prioris mandato, nullatenus ipsis pateret ingressus. Cum
ergo quidam serviens comitis memorati interrogasset qui
essent, et ipsis respondentibus didicisset , rogatus ab eis ad
priorem accessit, ut ipsis ingrediendi licentiam impetratet,
quo moram diutiu& protrahente, idem archidiaconus- divertit
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62
Cartulaire de La Charité.
ad aliam ville portam, tentans si alium ingressum possent
habere, sed nihil omnino profecit. Ad ultimum vero , post
expectationem non modicam, serviens comitis responsum
hujusmodi reporta vit, quod non ingrederentur ullo modo,
eo quod ad capitulum accesserant generale; sic ergo passi
repulsam ad Marchiam redierunt. Die vero sequenti prefatus
episcopus magistrum Philippum, officialem Nivernensem,
rogavit ut priorem adiret et sibi et archidiacono impetraret
ingressum quia loqui de pace cum eo et suis fratribus affec-
tabant. Ipse vero cum priore locutus sic respondit eisdem
quod prior ipsos nullo modo intrare permitteret, nec ipse ad
episcopum iret, neque loqueretur cum eo. Tertia quoque die
cum diffinitores et priores ad sepedictam villam simul
proposuissent accedere, tentaturi si cum priore ac monachis
possent loqui et habere ad abbatem accessum, servientes
sepedicti comitis advenerunt inhibentes eisdem ne ad villam
accederent sepedictam in personis et equis eorum gravia
pericula in tentando, adjecerunt etiam quod si possent eosdem
episcopum et archidiaconum introducerent, sed si cum ditfi-
nitoribus et prioribus irent nullo modo permitterentur
introire. Ipsis igitur illuc venientibus occurrit thesaurarius
Turonensis et ad quamdam portam duxit eosdem, ad quam
post expectationem non modicam cum difficultate maxiraa
stipatus militibus et servientibus equis armatis et monachis
magnos ferentibus baculos venit prior, cui proposuerunt
presentibus thesaurario supradicto , Bituricensi cantore ,
Autissiodorensi archidiacono et aliis pluribus verbum pacis
ostendentes, damna que poterant ex hac discordia provenire,
et quam gravis infamia occasione dissentionis ipsius, non
solum eis, sed et religiosis aliis imminebat. Ad hec obtu-
lerunt eidem ex parte diffinitorum ipsorum quod parati
erant corrigere si qua essent tam circa ipsum abbatem,
quam eosdem priorem et monachos corrigenda cum autho-
ritate capituli generalis per sedem apostolicam approbati
potestatem haberent corrigendi excessus, tam in capite quam
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Le prieur Godefroi.
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in membris. Ipse vero respondit quod de diffinitorum cor-
rectione vel generalis capituli non curabat, cum non nisi
coram nobis ad quem appellaverat, ut dicebat de spiritua-
libus responderet , et de temporalibus non nisi coram comité
memorato in cujus erat custodia constitutus, nec aliquod
verbum pacis aut compositionis alicujus admitteret, quamdiu
abbas in eadem villa maneret. Asseruit enim quod monas-
terium Cluniacense aliquando gravarat eosdém et ipsi priori
extiterat nunciatum quod abbas ilium a prioratu propo-
suerat amovere et monachos in domibus aliis collocare,
propter quod ipsum illic noluerunt recipere venientem. Ad
hec autem rogaverunt eumdem ut ipsos loqui permitteret
cum abbate qui post multa concilia dixit eis quod ipsum
episcopum solum loqui cum eo presentibus suis et comitis
servientibus pateretur, ita quod quandocunque ipsi vellent
exiret. Porro extra villam prefato archidiacono rémanente
ad abbatem episcopus solus accessit, proponens eidem que
sibi videbantur in facto hujusmodi expedire; abbas vero
respondit quod monachos ejusdem monasterii tanquam
bonus pater in spiritu mansuetudinis paratus erat recipere,
si tanquam boni filii venirent ad ipsum, et cum eis quantum
secundum Deum posset cum religiosorum virorum concilio
dispensait, atroces injurias quas eidem intulerant remis-
surus, cum enim pro ipsorum utilitate ad eorum accessisset
monasterium, portas ville sibi clauserunt, quibus per
quosdam ex fratribus reseratis, cum monasterium sicut
pastor ecclesie ac ville dominus ingredi voluisset, violenter
a monachis est repulsus qui equos capientes ipsius et a
turribus monasterii in eum ingentes lapides jacientes equum
suum graviter vulnerarunt, ipsum divina misericordia pro-
tegente, ac très servientes capti a servientibus comitis villam
cum monachis observantibus extiterunt ; unde ad domum
cujusdam burgensis in qua manebat déclina verat necessitate
compulsus. Preterea asseruit plurimum se dolere quod
executio mandati apostolici de alienatis possessionibus revo-
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6 4
Cartulaire de La Charité .
candis extiterat impfedita , cum propter hoc ad delibenndimi
et tractandum cum ipsis specialiter accessisset, proponensse
jam magnam partem pecunie, nisi staret per tas, sine damoo
monasterii et difficultate invenisse. Audito igitur responso
ad priorem et monachos rediit in curia monachorum, et
verbum pacis illis proposuit diligenter dicens quod béni-
gnum responsum receperat ab abbate ac ex parte général»
capituli dixit eis quod libenter corrigèrent circa eumdem
abbatem, vel ipsos si esset aliquid corrigendum. Monachi
vero dixerunt quod de abbate vel difünitoribus seu generali
capitulo non curabant, nec pacem ipsorum vel per eos etiam
requirebant. Prior vero addidit sicut prius, quod quandhi
abbas esset in villa, sive in prioratus officio remaneret, sivt
removeretur ab illo, nullum admitteret verbum pacis. Cum
igitur aüud a priore ac monachis responsum habere dlctns
episcopus nequivisset, priorem interrogavit eumdem, si ib
ipso et suis essent securi ad suum abbatem monachi
venientes. Ipse vero responditquod guerram nemini faciebat ;
et cum idem episcopus institisset ut sibi plenius responderet,
sic ait quod securitatem alicui non prestabat. Et statim
Lethericus, serviens Comitis antedicti , ipso priore présente
nec contradicente subjunxit, quod si Cluniacenses monachi
de cetero tangerent ville portas et eqnos amitterint et per-
sonis periculum immineret, prohibens nihilominus oe
amplius apud Marchiam, ejusdem comitis castrum, in quo
prius hospitati fuerant, remanerent. Egressus igitur villim
episcopus antedictus ad diffinitores et priores rediit cum
archidiacono memorato, a quibus intèrrogati si boni aliquid
invenissent aut profecissent in aliquo commonendo expo-
suerunt eisdem quod fecerant diligenter. Ipsi vero juxti
muros ville sedentes suum capitulum ordinarunt et habite
diligenti tractatu suam sententiam formaverunt, quam diffi-
nitores redactam in scriptis, prefatis episcopo et archidiacono
cOnvocatis et audientibus, promulgarunt Gaufridum priorem
ejusdem monasterii quia vocatus ad generale capitulum
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Le prieur Gode/roi.
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venire contempsit et abbatem suum accedentem ad idem
monasterium non admisit, sed eum armis violenter rejecit et
eosdem illuc correctionis gratia properantes, portis turpiter
repulit obseratis, authoritate Dei et sua, necnon et generalis
capituli propter inobedientiam, rebellionem et contumaciam
manifestam, ac causas alias, excommunicationis vinculo
innodantes, et déponentes a regimine prioratus, sigilla
ejusdem Gaufridi pariter et conventus ejusdem monasterii,
condemnando et omnes complices suos pari excommunica-
tionis sententia involvendo, nisi infra septem dies a
presumptione hujusmodi resipiscerent et regulariter emen-
darent ; et ne ipsius monasterii negotia deperirent, dilectum
filium W. Gluniacensem priorem (i) prefecerunt eidem,
ipsius sibi administratione concessa. Ne igitur tante pre-
sumptionis excessus remaneant incorrecti, discretioni vestre
per apostolica scripta precipiendo mandamus, quatenus ad
locum ipsum personaliter accedentes, et inquisita super iis
plenius et cognita veritate, si rem inveneritis ita esse prola-
tam in sepedictum Gaufridum depositionis sententiam a
regimine prioratus authoritate apostolica confirmantes et
approbantes nihilominus quod de substitutione prioris , et
sigillorum damnatione per prefatos diffinitores est factum,
excommunicationis sententiam in prefatum Gaufridum ac
ejus complices promulgatam faciatis, appellatione postposita
usque ad satisfactionem condignam firmiter observari contra-
dictores quoslibet aut rebelles, sive monachi vel clerici
fùerint sive laïci , per censuram ecclesiasticam , sublato
cujusiibet contradictionis et appellationis obstaculo, compes-
cendo et quoniam audivimus prefatum Gaufridum multas
sibi pecunias congregasse, volumus nihilominus et manda-
mus quatenus ad resignationem earum, per districtionem
ecclesiasticam , appellatione remota compellatis eumdem ,
facientes ipsas pecunias in solutionem debitorum converti ,
(i) Guillaume, prieur de Cluny.
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66
Cartulaire de La Charité .
vel in aliam utilitatem monasterii memorati. Eos vero quos
excommunicatos constiterit temere célébrasse divina, pœna
canonica percellatis. Testes autetn qui fuerint nominati etc...
usque substraxerint per censuram eamdem appellatione
cessante cogatis veritati testimonium perhibere, nullis literis
veritati et justitie prejudicantibus a sede apostolica impe-
tratis. Quod si omnes etc. duo vestrum etc. Datum Signiæ,
quarto kalendas julii, pontificatus nostri anno decimo
quinto.
XX.
EPISTOLA I93 INNOCENTII PAPE III (i).
SENTENTIAM SUPER LITE INTER CLUNIACENSEM
ABBATEM ET MONACHOS DE CHARITATE EXE-
QUENDAM COMMITTIT INNOCENTIUS TERTIUS
PRULIACENSI ( 2 ) CISTERCIENSIS ORDINIS ET
SANCTE COLUMBE ET SANCTI SATYRI ABBATIBUS
SENONENSIS ET BITURICENSIS DIŒCESUM.
1212 Décembre 19. — Latran.
Autre lettre d'innocent III relatant la suite des troubles
survenus à La Charité à ! instigation du comte de Nevers
et du prieur Godefroi , V intervention armée du roi de
France , les procès instruits à la suite entre les parties,
la confirmation apostolique de la déposition de Godefroi
et de son remplacement par le prieur de Cluny . Enfin le
(1) Baluze, Lettres d’innocent III , tome II, page 697.
(2) Preuilly, arrondissement de Provins, canton de Donnemarie,
commune d’Égligny, abbaye cistercienne.
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Le prieur Gode/roi.
67
Pape enjoint formellement à Vabbé de Cluny de réprimer
les désordres et les violences qui viendraient à se
commettre.
Cum olim grandes et graves, déformés et énormes injurie
quas Gaufridus, tune prior, et conventus monasterii de
Caritate dilecto filio Cluniacensi abbati dicebantur temere
irrogasse, seriatim fuissent exposite coram nobis, nos eisdem
in apostolicis literis per ordinem comprehensis, venerabilibus
fratribus nostris Trecensi et Meldensi episcopis ac dilecto
filio Latiniacensi abbati, per ipsas dedimus literas in pre-
ceptis, ut ad locum ipsum personaliter accedentes et inqui-
rentes super iis plenius veritatem, si rem invenire taliter se
habere, latam propter hoc in dictum Gaufridum depositionis
a regimine prioratus sententiam, authoritate apostolica
confirmantes, et approbantes nihilhominus substitutionem
de Vuillelmo in ipsius loci priorem et damnationem sigil-
lorum eorumdem Gaufridi ac conventus per diffinitores
generalis capituli factam excommunicationis sententiam, in
jamdictum Gaufridum ac ejus complices promulgatam ab
ipsis, facerent usque ad satisfactionem condignam firmiier
observari. Contradictores quoslibet aut rebelles, sivemonachi
sive clerici, seu laici essent, per censuram ecclesiasticam
appellatione post posita compescendo. Cum igitur iidem
judices ad predictum monasterium accessissent, mandatum
apostolicum impleturi, monachi loci ejusdem, sicut nuper
Elias monachus et magister Guido, procuratores Clunia-
censes, in nostro auditorio citarunt, ipsis januas monas-
terii, quemadmodum abbati Cluniacensi fecerant, obserantes,
eosdem ingredi nullatenus permiserunt. I psi vero mandatum
nostrum exequi cupientes, in villa ipsius loci curaverunt
super propositis inquirere solicite veritatem ; et cum piene
constitisset eisdem prefatos monachos ea, que de ipsis nobis
insinuata fuerant, et graviora etiam commisisse, dictam
depositionis sententiam ac substitutionem prioris, damna-
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Cartulaire de La Charité.
tionem etiam sigillorum, appellatione cujusdam qui se pro
conventus procuratore gerebat reputata frivola, confirmarunt,
excommunicationis sententiam in sepedictum Gaufridum
ac ejus complices promulgatam precipientes firmiter obser-
vari. Sed ipsis divina nihilominus officia celebrantibus,
iidem judices attendentes quod per districtionem canonicam
eorum emollire duritiam non valebant, carissimum in
Christo filium nostrum Philippum, regem Francorum
illustrem, per suas literas rogaverunt ut nobilem virum
comitem Nivernensem, qui dictos monachos in hujusmodi
fovere malitia videbatur, ab ipsorum injusto favore com-
pescens regali potentia insolentiam comprimeret eorumdem.
Cum ergo idem rex prefato comiti precepisset ut substituto
priori temporalia faciens assignari dictos monachos in sua
ulterius malitia non foveret, ac idem mandatum differret
regium adimplere, Rex, zelo justitie ac fervore nostre devo-
tionis accensus, contra dictum comitem cujus fulti potentia
monachi memorati latis authoritate nostra sententiis temerc
obviabant, precepit exercitum congregari, cujus metu licet
temporalia dicto priori per prefatum comitem fuerint assi-
gnata, monachi tamen in sua nihilominus contumacia
persistentes , tam ipsi priori quam Cluniacensi abbati
debitam exhibere obedientiam contradicunt ; unde nobis
humiliter est supplicatum, ut ad rebellionem hujusmodi
edomandam, apostolicam manum apponere dignaremur.
Pro monachis vero de Caritate fuit a Joanne et Nicolao
monachis, procuratoribus eorumdem, ex adverso responsum
quod jamdictis sententiis in eorum priorem et ipsos post
appellationem ad nos légitimé interpositam promulgatis
Cluniacenses nuntii prevenientes terminum, qui fuerat ad
persequendam appellationem prefixus, nostras ad prefatos
judices literas impetrarunt multis expressis mendaciis, et
suppresso quod ipsi episcopi nostro non expectato mandato
quod in literis continebatur, eisdem jamdudum authoritate
propria fuerant executif licet autem dicti prior et monachi
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Le prieur Gode/roi .
69
non solum suspectos haberent judices memoratos, verum
ctiam manifestos adversarios reputarent ; pro reverentia
taraen apostolice scdis ipsos in monasterio cum moderato
numéro sociorum benigne ac devote recipere voluerunt. Sed
quia ipsis et piuribus fuerat nuntiatum quod abbas et
monachi Cluniacenses, qui non parva multitudine stipati
advenerant, monasterium per vioientiam decreverant occu-
pare, iidem volentes hujusmodi obviare periculo, prefatis
judicibus humiliter supplicarunt et obtinuerunt ab eis t ut in
eorum ecclesia sancti Pétri (1) sita juxta idem monasterium
convenirent. Partibus igitur ibidem in eorum presentia
constitutis, monachorum proposuit procurator quod dicti
judices literarum nostrarum authoritate procedere non
debebant, quia si nobis reseratum fuisset, eosdem quod
mandabamus in ipsis authoritate jam esse propria executos,
causam nuilatenus commisissemus eisdem. Unde cum
impetratores ipsarum talem suppresserint veritatem , qua
expressa jamdictas literas ad ipsos minime impetrassent , eis
non erat authoritate illarum ullatenus procedendum ,
presertim cum ejusdem monasterii nuntii propter hoc dudum
ad apostolicam sedem accessissent, opponens nihilominus
alias exceptiones légitimas et multiplices contra eos causas
suspicionis allegans, ad quas probandas arbitros postulavit
instanter, quibus contempto jure canonico, pariter et civili,
sibi penitus denegatis, nostram audientiam appellavit,
personas et bona monasterii sepedicti apostolice protectioni
supponens. Sed iidem, nihilominus uno eodemque die, ad
receptionem et publicationem testium, deliberationem concilii
et decisionem negocii temere properantes, quod per abbatem
et diffinitores predictos factum extiterat pro sue voluntatis
libito confirmarunt, ad hec apostolici mandati finibus non
(1) L'église Saint-Pierre, située dans le haut de la ville, était une
paroisse. On en voit encore la façade et la voûte engagées dans les
maisons.
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7 o
Cartulaire de La Charité .
contenti cum comitem supradictum ad oppressionem monas-
terii, utpote qui processus iniquitatem noverat, inculcatis
precibus et preceptis inducere nequivissenl, ad regem se
convertere predictum et regiam puritatem circunvenire
multipliciter presumpserunt , suggerentes eidem veritati
contraria, et ipsum quasi ex parte nostra precibus onerantes,
qui credens eosdem accensus zelo justitie sic instare, comiti
memorato precepit, ut substituto Vuillelmo predicta tempo-
ralia faceret assignari. Sed viris peritis, quorum concilium
idem cornes accedens Parisius solicite requisivit , processum
judicum predictorum extitisse iniquum concorditer respon-
dentibus, eodemque comité propter hoc mandatum regium
exequi differente, Rex ipsorum judicum et Cluniacensis
abbatis suggestion i bus item circunventus, contra comitem
sepedictum precepit exercitum congregari ; et sic cornes, vi
metuque compulsus, ad monasterium accessit cum regio
marescallo, circa mandatum Regis quam propriam volun-
tatem et conscientiam expleturus. Monachi vero, visa multi-
tudine armatorum, conterriti , se vestibus ecclesiasticis
induerunt et, sic induti, occurerunt ad monasterii portas,
opponentes armatis imagines crucifixi et reverendas sanc-
torum reliquias ac ipsum Christi corpus sanctissimum
obtendentes ; ac ex parte Dei et nostra prohibentes eisdem
ne monasterium apostolice protectioni suppositum présu-
mèrent violare. Qui licet primo facinus abhorruerint, postea
tamen per alium competiorem aditum, cecata reverentia,
irruentes, sacras ecclesie valvas ausu nefario confregerunt et
insano tumultu singula perscrutantes, prefato Vuillelmo
assignaverunt granarium, cellarium, dormitorium et offi-
cinas monasterii universas, fratres loci ejusdem vix in
oratorio claustri, quo stupefacti confugerant, relinquentes,
ubi necessariis nova eis inhumanitate substractis et prohibito
ne quisquam ipsis audeat aliquid ministrare , in tante sunt
necessitatis articulo constituti , ut ad vite sustentamenium
non habeant, nisi quod quidam viri boni eisdem miseri-
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Le prieur . Gode/roi.
7 1
cordia moti furtim porrigunt per fenestras ; unde nobis fuit
ex parte ipsorum humiliter supplicatum, ut tam gravi cala-
mitati et calamitoso gravamini secundum apostolice sedis
clementiam succurrere dignaremur. Nos igitur iis et aliis
que a partibus fuere proposita plenius intellectis, quia
manifeste cognovimus predictos judices perperam processisse,
cum ut exceptiones alias faciamus , causam nullatenus
commisissemuç eisdem, si nobis revelatum fuisset, quod ea
que per ipsos exequenda mandavimus , authoritate propria
publiée denuntiaverant per diocèses suas, et districte manda-
verant observari. Unde occasione rescripti, per talem subrep-
tionemobtenti, nequaquam procedere debuissent, quia etiam
fines nostri excedentes mandati , brachii secularis auxilium
invocarunt, dum eorum ad nos, appellatione pendente, partes
super ipsorum processu in nostro auditorio litigabant. Cum
etiam graviter posset impediri ecclesiastica utilitas et libertas,
si quolibet judice imperito forsan , aut etiam malitioso
temere jaculante sententiam, Rex seu quicunque alius prin-
ceps ad ecclesiastica bona manum extenderet, quasi eorumdem
executioni sententiam mandaturus ac etiam et hoc grave
inter sacerdotium atque regium scandalum generari. Quid-
quid ab eisdem judicibus taliter factum est, vel ab aliis
per studium eorumdem, de fratrum nostrorum consilio
irritum decrevimus et inane, verum quia, per expressam
confessionem monachorum de Charitate nobis constitit
evidenter Cluniacensem abbatem possessionem instituendi
ac destituendi pro sue libito voluntatis in monasterio de
Charitate priores, et corrigendi ac ordinandi que corrigenda
vel ordinanda vidisset per viginti annos, licet ipsi monachi
de Charitate eamdem usurpatam asserant, habuisse, nos
exigente justitia sibi ejusdem possession^ commodum
conservantes, tam destitutionem dicti Gaùfridi a regimine
prioratus, quam substitutionem prefati Vuillelmi et sigil-
lorum damnationem jamdictam, excommunicationis quoque
sententiam, quam in eumdem Gaufridum et ejus complices
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72
Cartulaire de La Charité.
idem abbas, propter rebellionem hujusmodi , promulgavit,
authoritate apostolica duximus confirmandas ; ideoque
monemus quatenus destitutionis et institutionis ac damna-
tionis sigillorum sententias, facientes per censuram eccle-
sjasticam, sublato appellationis obstaculo, firmiter observari
ac thesaurum, privilégia, libros, chartas, et universa eccle-
siastica ornamenta, a quibuscunque alienata fuerant vel
substracta, monasterio restitui memorato ; dicto abbati
ex parte nostra firmiter injungatis ut possession i bus et aliis
quibus monachi memorati predictos comitem et mares-
callum, seu quoscunque alios spoliati fuerint eorum priori
ac ipsis plenarie restitutis, eisdem beneficium absolutionis
impendat, et paterna ipsos benignitate pertractet, ac posses-
siones alienatas in enormem ejusdem monasterii lesionem ad
jus et proprietatem ipsius secundum formam in nostris literis
comprehensam, juxta quod in nostra presentia ejus monachi
anno preterito promiserunt studeat revocare. Ceterum si
dicti prior et monachi de Charitate omnes, vel major aut
sanior pars eorum, super libertate monasterii sui de jura
voluerint experiri, nos eos benigne cum requisiti fuerimus,
audiemus, sicut videbimus expedire. Taliter autem satagat
ipse abbas pacificare ac reformare statum monasterii memo-
rati, conservando rationes et . immunitates ipsius, ne nos
propter ejus negligentiam aut insolentiam compellamus de
ipso monasterio aliud ordinare. Quod si non omnes etc...
Duo vestrum, etc. Vos denique filii abbates, etc. Datum
Laterani XIV kalendas januarii, pontificatus nostri anno
quinto decimo.
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Actes des papes.
7 3
XXI.
EPISTOLA INNOCENTII PAPE TERTII, UT AD MELIO-
REM FRUGEM ET DECESSORUM SUORUM EXEMPLA
REVERTANTUR (i).
i2i3 Mars i5. — Latran.
Lettre du pape Innocent III exhortant les membres du
chapitre général de Cluny à veiller à la bonne adminis-
tration de leurs couvents , et principalement de celui de
La Charité , où la règle religieuse et la situation maté-
rielle ont subi de graves atteintes.
Universis abbatibus et prioribus Cluniacensis ordinis ad
generale capitulum convenientibus. Si diligenter meditatione
pensabitis qualiter vita monastica sub primis ordinis patri-
bus pullulavit, et palmites longe lateque producens ad
mortifera circumquaque venena pellenda flores bonorum
operum protulit, et boni nominis effudit odores, pervigili
cura studebitis eorum inherere vestigiis, per quos in deserto
mundi hujus plantata est et fructificavit in pluribus vitis
monastice honestatis. Si nimirum frugalitate monastica
contenti et optimum ponentes in paupertate principium
assecuti sunt in dominio totius sufficientie complementum
ecclesiarum prelati accepti ante reges et présidés, vita et
merito gloriosi. Nunc autem quod mœrentes dicimus, et si
non a cunctis in omnibus a plerisque tamen ex vobis in
pluribus dicitur declinatum, in tantum quod contra vestri
ordinis regulam manu nimis avida colligentes, ubi forsitan
(i) Baluze , Innocenta III epistola? , t. II, p. 738, epistola vi,
liber XVI.
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74
Cartulaire de La Charité.
non sparsistis, dum loculos proprios replere nitimini vacua-
tis, sic ambitioni vacantes quod in locis quibus preestis
terrene paupertatis opes queritis , non opem impenditis
consilii salutaris. Ecce inter alia loca vestra presidentium
culpa depressa, prioratus de Caritate, qui olim in spiritua-
libus florens, in temporalibus abundabat, tanta corruptela
marcescit, et tam arida deprimitur paupertate quod nisi
aliorum relevetur auxilio , vix adjicere poterit ut resurgat.
Alias autem, sicut accepimus, tam in vobis quam aliis cure
vestre commissis, adeo perniciosi facti estis exemplo, quod
antiquis patribus loco tantum et habitu, non prerogativa
virtutum videmini successisse. Sed eo plures contagio corrup-
tionis inficitis quo pluribus illi quorum loca tenetis corrup-
tionis exemplo, vite magisterio exhibeant. Ne vero indeque
illorum privilegiis gaudeatis, quorum non servatis in
moribus disciplinant, per apostolica vobis scripta mandamus
quatenus incipientes facere quod possitis liberius edocere in
vobis et subditis, hec et iis similia corrigatis, tantoque plus
luceant opéra vestra bona coram hominibus ut glorificent
patrem vestrum qui est in celis, quanto magis mala preterita
facti evidentia publicavit, et ubi major ruina precessit, ibi
majoris reparationis sollicitudo sequatur, et damnum quod
divulgata malitia intulit manifeste bonitatis suffragio restau-
retur. Quia vero integrum consuevit esse judicium quod
plurimorum sententiis confirmatur, et quod profectum com-
munem respiciunt , tractari soient melius in communi
annuatim interesse capitulo generali omni occasione postpo-
sita studeatis, que ibidem secundum Deumet beati Benedicti
regulam fuerint instituta firmiter servaturi. Et tam in iis
quam aliis dilecto filio abbati Cluniacensi tanquam devoti
lilii patri et membra convenientia capiti obedientiam et
reverentiam debitam impendentes, circa reformationem prio-
ratus de Charitate manum auxilii et consilii apponatis,
tantaque in premissis diligentia vigiletis, quod nec in vobis
per culpam , nec in subjectis per negligentiam oftendentes
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Actes des papes .
75
corrigatis in posterum quod in preterito commisistis. Vos
denique fiiii abbates super vobis ipsis, etc. Datum Laterani
idibus martii pontiticatus nostri anno sexto decimo.
XXII.
PRECEPTUM DOMINI INNOCENTII PAPE III QUOD
PRIORATUS ET ALIA BENEFICIA, AD COLLATIONEM
PRIORIS DE CHARITATE, NON POSSUNT CONFERRI
ALICUI PER LITERAS APOSTOLICAS VEL LEGATUM
APOSTOLICE SE DIS.
1206 Mars 3 o. — Latran.
Le pape Innocent III déclare que les nominations aux
divers bénéfices du prieuré de La Charité ne pourront
être modifiées par lettres apostoliques et que toute déci-
sion ou sentence rendue en ce sens ne sera pas valable.
Innocentius episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis
priori et conventui monasterii de Charitate, Cluniacensis
ordinis, Autissiodorensis diœcesis, salutem et apostolicam
benedictionem. Paci et tranquillitati vestre ac monasterii
vestri, obtentu precum dilecti fiiii, magistri Pauli de Sancto
Helia, canonici Baiocencis , nostri et vestri devoti, paterna
volentes solicitudine providere, authoritate vobis presentium
indulgemus , ut per literas apostolicas vel legatum apostolice
sedis, prioratus, domus, maneria, bénéficia etalia ad vestram
collationem seu patronatum spectantia, conferri non possint
alicui ; vosque ad receptionem vel provisionem alicujus
compelli minime valeatis, etiamsi contineatur in eisdem
literis ut aliqua indulgentia non obsistat. Nos enim decer-
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76
Cartulaire de La Charité.
nimus irritum et inane , quidquid contra hujusmodi indul-
gentie nostre tenorem factum fuerit per quemcunque, ac
excommunicationis, suspensionis et interdicti sententias,
si quas in vos, vel monasterium vestrum aut aliquos vobis
subditos fieri, nostra vel quavis authoritate contigerit penitus
non tenere. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc pagi-
nam nostre concessionis et constitution is infringere, vel ei
ausu temerario contra ire ; si quis autem hoc attcntare pre-
sumpserit, indignationem omnipotentis Dei et beatorum
Pétri et Pauli apostolorum, ejus se noverit incursurum.
Datum Laterani, secundo kalendas aprilis, pontificatus
nostri anno undecimo.
XXIII.
CARTA ROBERTI COMITIS NIVERNENSIS ET EPISCOPI
AUTISSIODORENSIS PRO CARITATE (i).
1094. — La Marche.
Robert , comte de Nevers et évêque d’Auxerre , ratifie les
donations de tout genre faites à La Charité , dans l’étendue
de ses deux juridictions , et particulièrement la donation
de Charly par Hugues de Lurcy; il reçoit en présent un
beau cheval .
In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Noverit fide-
lium sacra poster i tas quod domnus Robertus, Vuillertni
Nivernorum comitis (2) filius, cum utroque e$set, presulatus
(1) Imprimé dans le Gallia Christiana, t. XII, col. io 3 instr.
(2) Guillaume I #r , comte de Nevers et d’Auxerre en 1040.
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Évêques d'Auxerre.
77
videlicet atque comitatus, honore sublimatus (i), pro animæ
suæ remedio antecessorumque suorum perpétua salute , Deo
et Sanctæ Mariæ de Charitate ad usus et stipendia degentium
ibidem monachorum, quidquid a fidelibus datum eisdem, de
rebus tain ecclesiasticis quam etiam militaribus vel mun-
danis, fuerat in episcopatus comitatusque sui honore, et
quidquid deinceps dabitur, concessit, annuit atque laudavit,
ac proinde equum unum optimum a priore domno
Vilenco ( 2 ) accepit. Concessit autem predictæ ecclesiæ mona-
chis mansum Charliaci quem Hugo Luperciensis (3) dona-
verat, et caetera, ut prelibatum est, quecunque de feodo vel
honore suo, tam episcopali quam comitali, collata et confe-
renda sunt, ut ea perenni dominio et jure irrefragabili possi-
deant. Actum publice ad Marchiam castrum , sub presentia
domni Vilenci prioris, Ludovici quoque et Geraldi monacho-
rum. Testibus Seguino, milite Nivernensi, Lethericode Cha-
lento, Vuidone de Chaslone, Rodulfo Martino, et quam plu-
ribus aliis, anno ab incarnatione Domini M* LXXXX 0 1 1 1 1°
Philippi autem Francorum septra gerentis tricesimo quarto.
(1) Robert, deuxième fils de Guillaume I #r , fut évêque d’Auxerre de
1076 à 1084; il administra le comté de Nevers de concert avec son
frère aîné, Renaud II, après l’abdication de leur père.
(2) Vilencus, deuxième prieur, environ io85 à 1107.
(3) Voyez ci-dessous, charte XXXIV, la donation de Charly (le
Petit-Charly, commune de Chaulgnes) aux moines de La Charité par
Hugues, seigneur de Lurcy, en 1088, à l’occasion de son départ
pour la croisade.
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78
Cartulaire de La Charité.
XXIV.
CONCESSIO HUGONIS DE SINEMURO AUTISSIODO-
RENSIS EPISCOPI.
hi5-ii3o. — Auxerre.
L'évêque Hugues de Montaigu , en présence des chanoines
de Saint-Étienne et du prieur Eudes Arpin , confirme
tous les biens possédés par le prieuré de La Charité dans
le diocèse d'Auxerre.
Ex antiqua sanctorum patrum institutione processisse
dignoscitur ut cum a fidelibus aliquid dignum memoria
geritur, literarum apicibus annotetur. Per has namque
gestorum veritas inconcussa custoditur et quæ per fraudem
seu per oblivionem obrepere poterat falsitas repeliitur. Nos
itaque religiosorum virorum instituta servantes, eorumque
vestigia hac in parte imitantes, scribendo ad posteros trans-
mittimus quod nostro in tempore fecimus. Sciât igitur
universa fidelium multitudo, quod ego Hugo, Dei gratia
Autissiodorensis episcopus (i), Sanctæ Mariæ de Charitate et
fratribus ibidem Domino servientibus, omnia quæ nunc in
episcopatu Autissiodorensi, vel quæ in eodem usque in 6nem
sæculi poterunt adipisci jure perpetuo possidenda, laudo
atque concedo et hujus sigilli mei munitione confirmo. Hæc
autem confirmatio atque laudatio facta est Autissiodori , in
capitulo Sancti Stephani , consensu atque voluntate omnium
canonicorum ibi assistentium , ad ipsum volentium atque
laudantium, quorum aliqua hic subscribuntur nomina
(i) Hugues de Montaigu ou de Semur, évêque d’Auxerre, de 1 1 1 5
à ii 36 . {Lebeuf, I, p. 287.} Son avènement fixe la date extrême de
cette charte.
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Évêques d'Auxerre .
79
scilicet Benedicti decani, Ulgerii præpositi (i), Attonis,
Raffardi, Jonæ cancellarii ; fuerunt etiam plures alii quorum
hic non scribimus nomina. Prior vero de Charitate, domnus
videlicet Odo ( 2 ), fuit in illo capitulo et cum eo plures
monachi atque laïci, in quo confirmatio atque laudatio facta
est, Christianus scilicet monachus, Stephanus Morinus
monachus, Petrus Morandus monachus, Morinus capellanus
de Domnopetro, Hugo de Bonneia, Anfridus et multi alii
quos memorare non est necesse
XXV.
CARTA ALANI , AUTISSIODORENSIS EPISCOPI , DE
ECCLESIIS AD PRIORATUM DE CHARITATE SPEC-
TANTIBUS.
1 1 55 ^ circa.
Alain , évêque d'Auxerre , confirme au prieuré de La
Charité la possession des églises situées dans son
diocèse .
Alanus , Dei gratia Autissiodorensis episcopus , venerabili
fratri Rainaldo (3), priori de Charitate et fratribus ibidem
sub patrocinio sanctæ Dei genitricis Mariæ degentibus,
(1) Ulger, aujourd’hui Fulger, neveu de l’évêque Humbaud et prévôt
du chapitre, de 1 1 1 3 à environ ii 3 o. — Benoît, doyen, manque à la
liste donnée par Lebeuf, t. II, p. 413.
(2) Eudes Arpin, vicomte de Bourges, puis prieur de La Charité, de
1107 à ii 3 o, suivant la charte datée de 1107 (ci-dessous charte
n* XLVII). Ici son surnom laïque, Arpin, a disparu parce qu’il était
prieur depuis huit ans.
(3) Alain, 55* évêque d’Auxerre, de ii 32 à 1167. — Raynaud,
huitième prieur, depuis environ 1164 jusqu’en 1 179. Cette confirmation
a dû avoir lieu dans leurs premières années.
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8o
Cartulaire de La Charité .
salutem in domino et benedictionem. Omni studio tranquil-
litatis vestræ et pacis curam gerentes, nec minus futuris
quam presentibus providentes opportune in nulloque dilec-
tionem vestram cujusquam violenta exactio perturbare et
inquietare présumât, in quantum (domino miserante) vale-
mus, tam vos quam vestros presentis decreti authoritate
munire curamus. Confirmamus igitur vobis quæcunque de
beneficio nostro, hoc est, ecclesia Sancti Stephani Autissiodo-
rensis, temporibus predecessorum nostrorum, ecclesiam ves-
tram adeptam fuisse et possidere tempus nostræ ordinationis
invenit. Ecclesias videlicet cum appenditiis suis quæ in
nostra parrochia existunt, seu terras, seu décimas ecclesiarum,
ut omnia firma et intemerata vobis vestrisque successoribus
in ætemum permaneant. Similiter et illas ecclesias quas
nostro tempore, Domino inspirante, vobis per nos dari conti-
git ; et quoniam tam gloriosæ virginis amore rapimur, cui
vos attentius deservire vovistis, superaddimus ut ecclesiarum
décimas, de jure similiter Sancti Stephani, quas licet injuste
laïci tenent, ab ipsis vobis relinqui contigerit, nostræ dona-
tionis assensus vobis non desit , quatenus cum reliquis quas
possidetis, liceat vobis in pace possidere (i). Ecclesiarum
vero nomina quibus vos investitos reperimus, hæc sunt :
apud Bonniacum (2), Sancti Pétri et Sancti Aniani. Apud
donnam Mariam (3), Sanctæ Mariæ et Sancti Amatoris. Apud
Balbiniacum (4), Sancti Stephani. Apud Septem Fontes (5),
( 1 ) Lebeuf ( Hisi . d'Auxerre , I, p. 32 1 ) dit au sujet de cette charte:
« Alain confirma aux religieux de ce prieuré le don d'un grand nombre
d’églises du diocèse , et il consentit qu’ils jouissent des dîmes que les
laïcs leur laisseroient des églises soustraites autrefois à celle de Saint-
Étienne d'Auxerre, n
( 2 ) Bonny, canton de Briare (Loiret).
(3) Dammemarie, canton de Briare (Loiret).
(4) Peut-être Bouy-le-Tertre, près Entrains.
(3) Septfons, arrondissement de Joigny, canton de Saint-Fargeau
(Yonne).
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Évêques d’ Auxerre. 81
Sancti Pétri. Apud Conam, Sancti Aniani. Apud Poliacum,
Sancti Pétri. Apud Mevam, Sancti Juliani. Apud Belucia-
cum (i) Sancti Martini. Apud Narciacum Sancti Marcelli.
Apud Varennam (2) Sancti Martini. Juxta Varennam Sancti
Sylvani. Apud Domnumpetrum ( 3 ), Sancti Pétri. Apud
Murliacum (4) Sancti Martini. In bosco Britanniæ, Sancti
Vincentii (5). Apud Castrum novum (6) Sancti Sympho-
riani. Apud Suliacum (7) Sancti Symphoriani. Juxta
Suliacum apud Virgultam (8) Sancti Germani et Sancti
Aniani. Apud Manniacum(9) Sancti Pétri. ApudAonam(io)
Sanctæ Mariæ. Apud Colongias super Ioniam(n) Sanctæ
Mariæ. Apud Parrer(i2) Sanctæ Mariæ. Apud Nanvinam (1 3 )
Sancti Symeonis. Apud Aliniacum {14) Sancti Saturnini.
Apud Festiniacum (15), Sancti Cyrici. Apud Cren (16),
Sancti Stephani. Ecclesiam de Vi (17) Sancti Stephani. Apud
(1) Bulcy, Mêves, Pouilly, arrondissement de Cosne.
(2) Varenne-lez-Narcy, arrondissement de Cosne.
(3) Dompierre-sur-Nièvre, canton de Prémery.
(4) Murlin, canton de La Charité.
(b) Saint-Vincent-dans-Ia-Bertrange, commune de Murlin.
(6) Châteauneuf-val-de-Bargis.
(7) Sully-la-Tour, canton de Pouilly.
(8) Vergers, commune de Sully.
(9) Vielmanay, canton de Pouilly.
(10) Aonam pour Oanam , Ouanne, canton de Courson, arrondisse-
ment d’Auxerre. On trouve un Guillaume d’Oanne en 1 1 53 . (Quantin,
Cart. de V Yonne , II, p. 71.) Le Nécrologe de La Charité et V Histoire
du Prieuré (f* 5o du ms.) portent que le prieuré de Ouanne , près
Auxerre, fut donné au prieur Gérard par Geoffroi de Ouanne, et cette
donation confirmée par Henri Vuasteblé. U ne s’agit pas ici de Ouagne,
canton de Clamecy.
(11) Coulanges-sur-Yonne (Yonne).
(12) Parrer, Perroy, canton de Donzy.
( 1 3) Nanvigne, aujourd’hui Menou, canton de Varzy.
(14) Alligny, canton de Cosne.
(15) Festigny, canton de Coulanges-sur-Yonne.
(16) Crain, canton de Coulanges-sur-Yonne.
f 1 7) Peut-être Neuvy-sur-Loire , canton de Cosne.
1 1
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82
Cartulaire de La Charité.
Megnas (i) Sancti Martini. Apud Cellam (2) Sancti Juliani.
Apud Rocam fortem ( 3 ). Item decimam de Lorento (4)
quæ tempore episcopatus nostri vobis, me concedente, donata
est, jure perpetuo vobis confirme) possidendam ( 5 ).
XXVI.
DECLARATIO PETRI, AUTISSIODORENSI EPISCOPI
DE EXEMPTIONE NOSTRE ECCLESIE.
i 325 Juillet i3. — La Charité.
L'évêque d'Auxerre s'étant rendu à La Charité pour faire
la réconciliation de l'église souillée par un meurtre (6),
reconnaît que cette démarche ne peut en aucune façon
porter atteinte aux privilèges et immunités apostoliques
du couvent de La Charité.
Petrus, miseratione divina Autissiodorensis episcopus (7),
(1) Myennes, canton de Cosne.
(2) La Celle-sur-Nièvre , canton de La Charité.
(3) Rochefort, commune de Narcy; le vocable de Téglise manque.
(4) Saint-Laurent , ancienne abbaye , canton de Pouilly, et Saint-
Laurent, chapelle détruite, commune de Vielmanay.
(5) Cette charte se termine ainsi ; les formules et la date font
défaut. A cette liste on doit ajouter l-église de Sainte-Croix ou grande
église, qui n’en fait pas partie, comme étant dans l’enceinte du cou-
vent indépendant de La Charité. Les paroisses de Saint-Jacques et
Saint-Pierre furent établies dans la ville postérieurement à cette charte.
Quant aux églises de Garchy, Chasnay, Nannay, Sainte-Colombe
d’Arbourse et Raveau , elles sont omises vraisemblablement à cause
d’une acquisition ou d’une érection postérieure. (Note de V Histoire
du Prieuré, P 91.)
(6) Réconcilier se dit d’une église quand on la rebénit pour quelque
pollution ou effusion de sang, ou quand elle est reconquise sur les
hérétiques. ( Dictionnaire de Trévoux.)
(7) Pierre de Grez, i3o8 à i325.
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Évêques d'Auxerre.
83
universis presentibus et futuris présentes litteras inspecturis,
salutem in domino seropiternam. Cum parrochialis ecclesia
beate Marie de Charitate, nostre diœcesis, polluta propter
violentam sanguinis effusionem factam a Joanna, uxore
Joannis dicti Borbon, in persona Benevente uxoris Hugonis
dicti Le Gras, reconciliatione indigeret, et ad requisitionem
curati dicte ecclesie et amicorum delinquentis predicte, per-
mittentibus religiosis dicti loci, nosque ad hoc specialiter
invitantibus, et nobis aditum ipsius ecclesie prestantibus
graciose et accessum ad dictant ecclesiam causa reconcilia-
tionis predicte declinavimus. Notum vobis facimus quod
propter actum hujusmodi reconciliationis non intendimus,
sicut nec debemus, privilegiis, immunitatibus, libertatibus et
exemptionibus dictorum religiosorum in aliquo derogare,
nec aliquod jus possessoriupi vel petitorium in ipsos reü-
giosos seu ecclesiam predictam propter hoc acquirere, nec
intendimus apostolicis privilegiis eorumdem in aliquo contra
ire. Immo quantum in nobis est privilégia, immunitates,
libertates et exemptiones eorumdem inviolata, illibata et
incorrupta perpetuo volumus remanere. Et hec omnibus
quorum interest vel intererit quomodolibet in futurum,
tenore presentium literarum , nostro communitarum sigillo,
intimamus ( i ). Datum et actum in villa de Charitate pre-
dicta, die décima tertia mensis julii, anno Domini millesimo
trecentesimo vicesimo quinto.
(i) Un de ses derniers actes, dit Lebeuf, d’après dom Viole ( Histoire
d'Auxerre , 1, p. 498), est la réconciliation qu’il fit de l’église de Notre-
Dame de La Charité-sur-Loire, le i3 juillet i 325. On en a eu
connaissance par l’acte qu’il donna aux religieux du prieuré comme
il n’avait point entendu préjudicier aux droits de cette maison.
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8 4
Cartulaire de La Charité.
XXVII.
INSTRUMENTUM PHILIPPI, EPISCOPI AUTISSIODORENSIS,
DE IMMUNITATIBUS ECCLESIÆ BEATÆ MARIÆ DE
CHARITATE.
1426 Mai 10. — La Charité.
L'évêque (TAuxerre reconnaît les privilèges du couvent,
dans les mêmes circonstances , à la suite <Tun meurtre
commis à V intérieur de l'église .
Philippus, miseratione divina Autissiodorensis episco-
pus (1), universis presentibus et futuris présentes litteras
inspecturis, salutem in Domino sempiternam. Cum parro-
chialis ecclesia beate Marie de Charitate, nostre dioecesis,
polluta propter violentam sanguiniS effusionem factam et
perpetratam a Guillermo Loyseau et Joanne deNovo-Castro,
in persona Pétri Guibellini, in dicta parrochiaii ecclesia,
reconciliatione indigeret, et ad supplicationem procuratorum
et parrochianorum dicte parrochialis ecclesie, necnon pre-
dictorum delinquentium, permittentibus religiosis dicti loci,
nosque ad hoc specialiter invitantibus et nobis aditum ipsius
ecclesie prestantibus gratiose et accessum , ad dictam ecclesiam
causa réconciliation^ predicte declinavimus (2). Datum
et actum in villa de Charitate predicta, die décima mensis
mai, anno Domini millesimo quadringentesimo vicesimo
sexto. Sic signatum : G. Biteau.
(1) Philippe des Essarts, 1410-1426. Ce fait est rapporté par Lebeuf
(t. II, p. 46), d’après notre Cartulaire de La Charité , folio 59, qui est
celui de cette charte.
(2) Le reste comme à la charte précédente , pour les formules
d’immunité de l’église.
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Évêques d' Auxerre.
85
XXVIII.
ALIUD INSTRUMENTUM QUALITE R LAURENTIUS , AU-
TISSIODORENSIS EPISCOPUS, CONFITETUR NULLAM
HABERE JURISDICTIONEM INTRA MONASTERIUM
CHARITATIS.
1439 Janvier 27.
L'évêque d'Auxerre , assisté de deux chanoines , notaires
publics, fait , en présence du prieur et des religieux , une
déclaration solennelle des droits et immunités du prieuré
de La Charité , qu'il considère comme indépendant de son
autorité diocésaine.
In nomine Domini amen. Per hoc presens instrumentum
publicum cunctis pateat evidenter et sit manifestum , quod
anno ejusdem Domini millesimo quadringentesimo tricesimo
octavo, more gallicano sumpto (1), die vero mensis januarii
vicesima septima, hora nona , vel quasi ante meridiem , in
ecclesia beate Marie de Charitate supra Ligerim, Autissio-
dorensis diœcesis, juxta altare rétro magnum altare dicte
ecclesie existens , et super quo missa matutinalis consuevit
ab antiquo celebrari , in nostrorum notariorum a c testium
infrascriptorum presentia constitutus, reverendus in Christo
pater et dominus Laurentius (2), divina permittente clemen-
(1) Ducange cite quelques chartes où Ton fait, comme ici, allusion
à la manière française de commencer Tannée à Pâques, contrairement
à Pu sage adopté à Rome par les papes de dater des calendes de janvier.
Notre charte du 27 janvier 1438 doit donc être remise au 27 janvier
1439. On se rappelle que ce fut seulement dans l’édit de 1564 que
Charles IX ordonna de dater du i* r janvier, et non de Pâques, tous
les actes publics et privés passés en France.
(2) Laurent Pi non, 1433-1449. (Lebbuf, t. II, p. 35.)
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86
Cartulaire de La Charité.
tia Autissiodorensis episcopus, quiquis sua merasponteet
voluniate, religioso viroet honesto domno Petro Ducis, dicte
ecclesie et dicti monasterii suppriori, vicarioque generali
reverendi in Christo patris, domni Theobaldi Doeti dicti (i),
de Charitate prioris, ac pluribus aliis personis, tam religiosis
quam non religiosis hue assistentibus, loquendo et verba sua
dirigendo dixit, protulit, cognovit et veraciter affirmavit in
hune modum : Domini et amici mei, ecce ego presentialiter
ibidem^, ac in isto loco de sacris equa ordinibus celebravi,
veluti equos tam religiosos istius monasterii quam alios in
accolytatu ordine ordinando, et quia monasterium istud et
ecclesia ista sunt exempte a lege nostra diocesana et juris-
dictione, non possimus nec debemus in ipsa sacros ordines
celebrare, nisi de voluntate et assensu religiosorum ipsius
monasterii et ecclesie ; nos vobis intimamus et certificamus
quod nos omnia et singula que nunc in ipsa ecclesia in iis et
cetera, hec fecimus et egimus , nos ipsa fecimus de libertate,
voluntate et licentia vicarii prioris ante dicti monasterii
istius, qui ad hoc faciendum, favore antiquorum ipsius monas-
terii religiosorum qui ad dictum ordinem sunt promoti, istud
altare et locum istum pro vice ista solummodo et dumtaxat
nobis concessit, nec est nostre intentionis propter istud ali-
quod jus, vel aliquam possessionem contra religiosos istius
antedicti monasterii , nec contra eorum privilégia, jura et
libertates aliquid acquirere, sed volumus et concedimus dictos
religiosos in suis privilegiis, juribus et exemptionibus pre-
dictis non obstante illibatos remanere, ac si dictos ordines in
hoc loco nullatenus fecissemus et ordinassemus. De quibus
omnibus et singuüs supradictis dictus vicarius, pro dicta
ecclesia et ipsius prioris nomine, petiit a nobis notariis ins-
trumentum sibi super hec fieri et confici , quod sibi conces-
(i) Pierre le Duc ou Ducis, sous-prieur ou prieur claustral. Thibaut
Doet, trente-septième prieur commendataire, mourut peu de temps
après ; sa donation pour anniversaire est datée de 1439.
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Evêques d'Auxerre.
87
sum fuit sub hac forma , presentibus ibidem et assistantibus
venerabilibus et circumspectis viris et magistris Jocelino
Couriarret, in legibus licenciato, Joanne Araby, Joanne
Charieu presbyteris, Joanne de Dijon, Joanne Douvanne,
Joanne Gileti et pluribus aliis testibus, ad hoc specialiter
convocatis et rogatis.
Et ego Nicolaus Thome, presbÿter, Trecensis diœcesis,
canonicusque beate Marie in civitate Autissiodorensi, publi-
cus apostolica ipsiusque reverendi authoritate notarius
juratus , quia premissis omnibus et singulis dum sicut pre-
mittitur, agerentur, dicerentur et fièrent una cum notario
infrascripto et testibus superius nominatis, presens fui, eaque
sic fieri vidi, dici et audivi, et in publicam formam redegi, ex
qua hoc presens publicum instrumentum manu mea fideliter
scriptum extraxi, in fidem et testimonium omnium et singu-
lorum premissorum. Sic signatum Thome.
Et ego pariter, Joannes Guinardi , Autissiodorensis cano-
nicus, publicusque imperiali authoritate notarius, quia
premissis omnibus et singulis dum sic, ut premittitur, fièrent,
dicerentur et agerentur una cum notario suprascripto et tes-
tibus prenominatis, presens fui, eaque sic fieri vidi et audivi,
ideo hoc presens instrumentum manu aliéna fideliter scrip-
tum signavi, signumque meum solitum , in talibus fieri
consuetum , posui in testimonium premissorum , requisitus
et rogatus. Sic signatum J. Guinardi.
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88
Cartulaire de La Charité.
XXIX.
ACQUISITIO TERRÆ DE POLLIACO SUPRA LIGERIM
ET DE CHARENTO.
iog 5 circa.
Humbaud Le Blanc y à son départ pour Jérusalem , aban-
donne au prieuré de La Charité ses terres de Pouilly et
de Charant, avec faculté pour lui de les racheter , s* il
revient de la croisade . Les moines lui ont versé treize
cents sous et un marc d'argent (i).
In nomine sanctæet individuæ Trinitatis. Noverint et præ-
sentes et posteri quod ego, Humbaldus Blancus, pro mea et
antecessorum meorum patrisque mei salute, dedi sanctæ
Mariæ et sibi servientibus monachis , terram de Polliaco et
terram de Charento , et planam et nemorosam , et servos et
ancillas et liberos , aquas et piscarias, et quidquid omnino
habeo in eadem terra absque retentione ulla , excepto filio
Guidonis Bernardo ; tali conventione ut si morerer in via
Hierusalem, monachi ex toto omnia possiderent, si vero
redirem, si voluntas mea esset, redimerem. Quod si non redi-
merem, monachi imperpetuum possiderent; quamdiu autem
quicquam reddendum esset de censu, reciperent monachi
omnes exitus qui de supradicta prodirent terra. Et hoc in
eleemosynam dedi , pro salute animæ meæ et antecessorum
meorum. Hoc laudavit Matheus, filius meus, et Rainaldus et
Hugo et filia mea Elisabeth. Hujus rei testes sunt, ex parte
(i) Cette charte non datée est postérieure de quelques années à la
charte suivante; nous la plaçons en 1096, date de la première croi-
sade qu’elle indique. Les auteurs de ces deux documents sont les
quatre fils de Hugues Bonvassal. Humbauld , qui paraît seul, était
sans doute resté le dernier des quatre.
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Pouilly.
89
mea, Bernardus Bonus- vassald us, patruus meus, Humbertus
Burellus, Narduinus Chasera, Bernardus de Luisiaco, Hugo
prepositus Duben(i), Clemens prepositus de sancto Boneto(2).
Ex parte monachorum Letericus de Chalento, Rodulphus de
Bosco, Bordinus de Castello Novo, Adelelmus prepositus de
Charitate, Archimbaldus , Rodulfus de Sulliaco, Boynus
Aimericus, Rainaldus prepositus de Nivernis, Rodulphus
Martinus. Sciendum vero est quod inde accepit a monachis
idem Humbaldus Blancus mille trecentos solidos et unam
marcham argenti quam uxor ejus habuitde laudc. Acta sunt
hæc régnante Philippo Francorum rege.
XXX.
CONCESSIO JUSTITIÆ DE POLLIACO.
1084. — La Charité.
Ancel donne aux religieux de La Charité , avec le consente-
ment de sa mère et de ses frères, la moitié qui lui revenait
sur les droits divers de Pouilly et sur plusieurs hommes.
In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Noverit fide-
lium universitas quoniam ego Ancelius, Hugonis cogno-
mento Bon vassal de Hubento filius, pro anima mea ejus-
demque patris mei et antecessorum nostrorum salute, Deo et
sanctæ Mariæ de Charitate, sibique servientibus monachis,
dimidium potestatis de Polliaco, jure perenni, trado et
concedo, assentientibus génitrice mea Elisabeth, fratribusque
(1) Duben, Huben, aujourd’hui Huban, hameau, commune de Gre-
nois, canton de Brinon.
(2) Saint-Bonnot, canton de Prémery.
12
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90
Cartulaire de La Charité .
meis Hugone, Humbaldo, Aganone , sicut hactenus in
dominio nobis pertinere et adesse videbatur, simulque Valte-
rium præpositum et Arnulfum, cæterosque omnes, tam viros
quam mulieres ubicumque habeantur, ut eos per medietatem
possideant. Concedo quoque eisdem monachis in majoria (i)
granciam unara cum curte et campartem carrucæ suæ;
simulque Rainaldum de Nivernis (2) cum iiliis suis, servum
meum Gaufredum ejusque uxorem, atque uxorem Constantii
qui est de villa Brocheni cum filiis suis, Gaudebertum etiam
vasletum, Gosbergiam sororem uxoris Constantii de villa
Brocheni ; et hæc omnia in dominio extra partem fratrutn
meorum possideant, laudantibus et assentientibus fratribus
meis. Hujus rei testes sunt Hugo de Luperciaco ( 3 ), Ber-
nardus Bonvassal, Adelelmus serviens, Archimbaudus ,
Regondus, Ulricus, Robertus Minvellus, aliique quam
plures. Actum publice, apud Sanctam Mariam de Charitate,
anno ab Incarnatione Domini millesimo octuagesimo quarto,
régnante Francorum rege Philippo (4).
(1) Majoria, feudum majoris , part de l’aîné. (Voyez Ducangb , à
Majoria .) Les trois frères qui ont donné leur consentement devaient
être les cadets de celui-ci.
(2) Ce même Rainaud, suivant la charte précédente de 1095, serait
devenu prévôt de Nevers.
( 3 ) Hugues de Lurcy part pour Jérusalem en 1088 (ci-dessous,
ch. XXXIV). Sa donation à La Charité est confirmée par l’évêque
d’Auxerre, en 1094 (ci-dessus, ch. XXIII).
(4) Les indications de lieu ne sont pas très-précises, mais l’origine
des donations étant la même, on doit les appliquer au Pouilly niver-
nais. Quant à la donation de Dalmace de Semur, la proximité des
diverses localités signalées , leur situation dans l’arrondissement
d’Autun, le voisinage des montagnes indiquaient sans aucun doute
un autre endroit du même nom. (Voyez ch. XXXIII.)
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Pouilly.
9 1
XXXI.
ITEM DE POLLIACO VADIMONIUM.
1060, ci rca.
Geoffroi de Talay et ses parents donnent en gage tout ce
qu'ils possèdent à Pouilly, en hommes , en terres et en
revenus , aux moines de La Charité , pour la somme de
soixante-sept livres monnaie d'Orléans.
In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Notum fieri
volumus tam presentibus quam futuris quod Gaufridus de
Talaio (1) et Atobarengerius et Ascelina uxor ejus, mater su-
pradicti Gaufridi, miserunt in vadimonio conventui Sanctæ
Mariæ de Charitate quidquid habebant Polliaco, hommes
suos scilicet et fœminas, prata et campos, et quidquid in
ipsa villa et in ejus appenditiis ab eis movet, bona fide et
absque aliqua retentione, tam in justitia quam etiam in
cæteris ipsius villæ redditibus. Pro vageria autem ista rece-
perunt ipse supranominatus Gaufridus de Talaio et Atoba-
rengerius et Acelina uxor ejus, mater Gaufridi, ab ipsis
monachis de Charitate, sexaginta et septem libras Aurelia-
nensis monetæ. Et ut hoc firmius staret, filiis suis, tam
fœminis quam masculis, laudare et corroborare fecerunt. Ita
ut si quis supra hanc memoratam vageriam quoquomodo
aliquid reclamare vellet, ipsi pro posse suo reclamantibus
obviarent et monachis de hoc absque aliqua fraude totis
conatibus adjutorium præberent.
(1) Ce Geoffroi de Talai paraît plusieurs fois comme témoin dans
des chartes non datées. En 1090, on trouve Hubert; en 1106, Guil-
laume (chartes XXXVIII et XLII). En 1296, Geoffroi de Talaye rend
hommage au comte de Nevers {Inv. de Marolles , p. 5 io).
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92
Cartulaire de La Charité .
XXXII.
CONVENTIO INTER HUMBALDUM BLANCUM ET MONA-
CHOS DE CHARITATE SUPRA POLLIACO.
1089. — Dompierre-sur-N ièvre.
Convention aux termes de laquelle les frères Humhaud
et Aganon, d'une part , et les moines de La Charité ,
de Vautre , partageront réciproquement par moitié les
acquisitions de tout genre qu'ils feront sur le territoire
de Pouilly . S'il y a à payer , chacun payera moitié
de la somme. A cette occasion Humbaud cède aux
moines deux familles de serfs. A la mort d' Aganon sa
part retournera aux moines.
In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Patris, Filii et
Spiritus Sancti , amen. Noverit fidelium sacra posteritas
quoniam conventio hæc ab Humbaldo Blanco ejusque fratre
Aganone, cum monachis Sanctæ Mariæ de Charitate facta
est, ut quidquid deinceps in potestate Polliaci acquisierint
eisdem monachis per medium, tam in casatis quam in terris
sive redditibus diversis, partiantur. Similiter iidem monachi,
præter eam partem quam ibidem, retroactis temporibus, ea
tenus possedisse absque calumnia dignoscuntur, medietatem
predictis fratribus, Umbaldo scilicet et Aganoni, quidquid
in eadem potestate acquirere poterunt, divident. Si quid inde
pecunia comparandum fuerit dimidium illi, dimidium per-
solvent et monachi. In hujus autem conventionis placito,
Umbaidus idem, Constantium de villa Brocheni præsentia-
liter, præfatis sanctæ Mariæ monachis, ipsiusque Constantii
uxorem cum filiis tradidit et post sui obitum Rainaldum de
Nivernis cum uxore et filiis, possidendum jure perenni,
concessit. Ut vero Aganonem Humbaldi fratrem obire conti-
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Pouilljr.
93
gerit, possessionis dimidium quam in eadem potestate Agano
idem habere videtur, monachorum juri et dominio perenni
accedere, laudavit Umbaldus atque concessit. Unde testes
habentur qui affuerunt, Bernardus Bonvassal, Hugo de
Suliaco, Abo de Domnopetro , Burdinus prepositus Castri-
novi ejusque frater Gosbertus. Actum publiée apud Domnum
petrum super Nebram, sub præsentia domni Vuilenci (1),
prioris de Charitate et Ludovici monachi, anno ab Incarna-
tione Domini millesimo octuagesimo nono, régnante Phi-
lippo, anno vicesimo nono. Quod etiam postmodum confir-
matum est apud Sanctam Mariam de Charitate presentibus
Artaldo de Moncellis, Herveo Leterici pagani filio, Vual-
terio Rabustel, Adelelmo et Archimbaldo famulis, Vualterio
de Poliiaco atque Gaufredo cum aliis.
XXXIII.
DALMATIUS DE SINEMURO DAT DOMUM SUAM DE
POLLIACO, CUM SUIS PERTINENTIIS.
1168 ci rca.
Dalmace de Semur donne aux religieux de La Charité une
maison située à Pouilly [Saône-et-Loire), avec les terres
qui en dépendent . Il autorise à faire pacager les bestiaux
sur toutes ses terres non closes , à passer, vendre et acheter
sans aucune redevance ni réserve , à la condition de dire
des prières pour lui et ses parents.
In nomme Patris et Filii et Spiritus Sancti, amen. Notum
sit omnibus tam presentibus quam futuris quod ego, Dalma-
(1) Vilencus, deuxième prieur, de io85 à 1107. Les auteurs et les
témoins sont déjà cités pour la plupart dans les chartes précédentes.
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94
Cartulaire de La Charité .
tius de Sinemuro (i), intelligens, sicut ex scripturis sanctis
docemur, eleemosinarutn largitione peccata dimitti, pro mea,
parentum meorum, viventium simul et defunctorum absolu-
tione, domino Deo et beatissime Dei genitrici semperque
virgini Marie, et monachis ei apud Charitatem servientibus,
perpetuis temporibus , cutn omni libertate possidendam ,
domum que Poli ( 2 ) vocatur tribuo, ut videlicet nihil mihi,
sive heredibus meis, vel cuiquam hominum, propter eam vei
ex ea se prêter orationes habere cognoscant. Dono siquidem
cam eis, cum omnibus que inibi Petro olim episcopo sociis-
que ejus assignavi , et quorum ipsi investituram habuisse
noscuntur, terram videlicet de Magobris (3), que terramJoannis
Vuaterii , sicut eam montes ab eorum summitatibus conclu-
dunt, et venientibus de Huchon ( 4 ) semita, que in summo
colle occurrit, unde et locus ipse primo videtur, distcrminat.
Terram quoque de Valmarti (5) ex altéra parte vallis magne et
vie que venit de Montcenis ( 6 ), totum scilicet montem , sicut
(1) Dalmace de Semur. Son père, Geoffroy de Semur, descendait de
Geoffroy et Mahaud de Chalon ; cettp famille eut en partage les sei-
gneuries de Châtel-Censoir et Donzy, dont sa postérité porta le nom.
(2) Poli. Sur la carte du département de Saône-et-Loire dressée en
1875 par M. Fournier, ingénieur en chef, à l’ouest du Creusot , entre
cette localité, celles de Marmagne et de Montcenis, se trouve un hameau
appelé Pouilly, qui n’est pas mentionné dans le Dictionnaire des Postes.
D’après les délimitations de cette carte, Pouilly serait de la commune
de Marmagne, arrondissement d’Autun, canton de Montcenis.
(3) Mesvres (Saône-et-Loire), arrondissement d’Autun, chef-lieu de
canton.
(4) Uchon (Saône-et-Loire), arrondissement d’Autun, canton de
Mesvres.
(5) Valmarti. Sur la carte de M. Fournier, entre Pouilly et le Creusot.
de l’autre côté de la vallée, par rapport à Pouilly, est une petite localité
nommée Vaumartin qui, d’après la carte, serait de la commune de
Marmagne, canton de Montcenis. Le Dictionnaire des Postes ne porte
pas le nom de Vaumartin.
(6) Montcenis (Saône-et-Loire), arrondissement d’Autun , chef-lieu
de canton.
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Pouilly.
95
vergunt latera ejus in rivulos circumfluentes extenditur in
superiori parte, usque ad viam que venit ex certa corrigia
que a dextra parte ejusdem montis juxta rivulum venientibus
a predicto loco esse dicitur militum qui Urgioli cognominan-
tur. Campum quoque Jeromi ad villam que Toisneria (1)
vulgodicitur. Quicquidetiam in predictisdisterminationibus,
nemorum, pratorum, fontium, pascuarum, seu quarumlibet
rerum est, vel in futuro fore potest. Omne etiam quod ego
vel posteritas mea vel quicumque mihi successuri sunt usque
in finem, predicto loco dare, Deo inspirante, voluerint, pre-
dicte ligibus (2) liberalitatis includo. Addo insuper ut bestie
eorum qui in Polliaco Deo servituri sunt vel serviunt, libéré
pascantur in nemoribus sive planis et pascuis meis et homi-
num meorum, in tota terra mea, exceptis pratis clausis. Ven-
dere etiam et emere eis et eorum hominibus, per totam
terram meam , absque quacumque consuetudinis , peagii vel
telonii, sive ut melius intelligatur tonleu ( 3 ), exactione. Ire
etiam et redire libéré ubi voluerint concedo. Et ut brevi
cuncta concludaita , eis quecumque potest excogitari liberta-
tem indulgeo. Et hec omnia sigilli mei munimine roboro ;
soium mihi posterisque meis illud retineo quod et in capi-
tulo suo Radulphus (4) prior et totus conventus , quando
donationem hanc feci et in eorum fraternitate receptus sum,
concesserunt. Quod si prior, quod absit, se de crimine vel de
domus dilapidatione notabilem exhibuerit , postquam tertio
(1) La Tanière (Saône-et-Loire), arrondissement d’Autun, canton de
de Mesvres. Cette commune, marquée sur la carte de M. Fournier, ne
se trouve pas dans le Dictionnaire des Postes.
(2) Ligibus pour le gibus , lois, conventions.
(3) Dans le principe, le tonlieu signifie un droit de douane sur les
marchandises transportées par terre ou par eau ; plus tard, on appela
tonlieu un droit de marché levé sur les bestiaux et autres objets ven-
dus dans les foires. (Guérard, Saint-Père de Chartes, n° 119). On voit
que dans nos chartes nivernaises ce mot a bien conservé son sens
d’impôt de vente.
(4) Rodolphe de Sully, dixième prieur, de n65 à 1176.
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9 6
Cartulaire de La Charité.
priorem aut conventum ut eum amoveant commonuero,si
auditus non fuero, ego illo absque injuria remoto, aiiumab
eis idoneum expectabo. Si quis autem de meo vel aliène
genere hujus scripti paginam quassare tentaverit , et Dei in
se commotionem sentiat, et conventui de Charitate ceotum
auri marchas persolvat. Concedo siquidem prefatis monachis,
ut si aliquis militum meorum, vel hominum meorum terram
de teodo meo prefato loco dederit, libéré et sine calumnia
possideant. Testes vero , coram quibus prefatis Petro (t),
sociisque ejus Vidone et Roberto monachis de Charitate
donationem hanc confirmavi, presensque scriptum per eos
ecclesie de Charitate contradidi , sunt hi : Anselmus Urgeo-
lus, Gaufridus de Talaio, Valterius prepositus, Bernardusa
Maugis et multi alii.
XXXIV.
DONATIO MANSI DE CHARLIACO AB HUGONE
LUPERCIACENSI.
1088 Mars.
Hugues de Lurçjr , à son départ pour Jérusalem , oyait
fait donation après sa mort aux religieux de La
Charité , de ses biens situés à Charly . Il consent à
leur céder de suite la jouissauce de la moitié , tout en
leur laissant Vautre moitié après sa mort.
In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Noverit fide-
lium sacra posteritas quoniam ego Hugo Luperciacensis (2),
( 1 ; Le cinquième prieur de La Charité s’appelait Pierre de Paule
(11 38 -i 143). C’est peut-être de lui qu’il s'agit ici, bien que plus haut
il soit qualifié évêque.
(2) Hugues, seigneur de Lurcy.
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Charly .
97
iturus Hierosolymam, Deo et Sanctæ Mariæ de Charitate
sibique servientibus monachis pro animæ meæ, meæque
conjugis simulque parentum et antecessorum meorum per-
pétua salutis obtinenda felicitate, perpetuo jure, sicut post
obitus mei diem, totum ex integro eisdem monachis, longe
ante, mansum de Charliaco (i) contuleram. Sic ad præsens
et deinceps præter domum eis me defuncto totius ejusdem
prædii affuturum, mansi hujus dimidium in vita mea possi-
dendum concedo, cum cunctis appenditiis suis absque ulla
retentione, ut etiam post mei decessum ab hac luce aliud
dimidium mansi ejusdem irrefragabiliter possideant. Actum
publice in capitulo Sanctæ Mariæ de Charitate, præsentibus
Iterio de Saxiaco (2) et Adam de Cresno(3), positumque
super altare ejusdem ecclesiæ, coram istis qui affuerunt, ab
eodem Hugone, Andrea piscatore, Roberto Minvello,
Ebrardo de Duno, Constantio Su tore, cum conventu et
populo. Confirmatum quoque Ni vernis civitate, laudante et
concedente hoc donum tam vitæ quam obitus, sicut et in hac
et in alia prions doni carta continetur, ejusdem uxore
Adelaïsa, in caméra Rainaldi de Saugeto, Nivernensi cano-
nico, presentibus Gaufredo de Galiaco (4) Galnerio et Rogerio
de Luperciaci-castro, Abone quoque de Botugla et Rodolfo
de Bosco aliisque pluribus, tempore sanctæ quadragesimæ
anno ab IncarnationeDomini millesimooctuagesimooctavo,
régnante Philippo Francorum rege.
( 1 ) Cette première donation de Charly n'est pas dans le Cartulaire ;
elle a pu être faite longtemps auparavant et renouvelée, comme on
faisait presque toujours, en cette année 1088. Hugues était mort
en 1094. (Ci-dessus ch. XXIII.)
(2) Saxy, canton de Saint-Saulge.
( 3 ) Donations par Adam et Gilbert de Cresne et Rainaud de Druye,
sous Vilencus, deuxième prieur, c'est-à-dire de io 85 à 1107. (La Cha-
rité, histoire, folio 56 .) Gilbert de Cresne signa l'acte de fondation du
prieuré en 1059.
(4) Jailly, canton de Saint-Saulge, prieuré dépendant de La Charité.
i 3
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Cartulaire de La Charité .
XXXV.
CARTA LANDRICI DE POISSONS, DE CHARUACO.
1 196.
Landry de Poisson, avec le consentement de Guiburge , son
épouse , et de ses quatre fis, accorde aux religieux de
La Charité le plein usage d'une forêt , pour chauffage et
construction , pour entretien des vignes et autres objets ,
sans toutefois vendre le bois ni le donner.
Notum sit omnibus presentibus et futuris quod ego,
Landricus de Poissinis (1), pro salute anime mee recognovi
eleemosynam quam antecessores mei donaverant Deo et
Beate Marie et monachis de Charitate, in puram et perpe-
tuam eleemosynam, scilicet medietatem quam habebant in
camparto et in bosco de Cyesny (?). Insuper donavi eis
mediam relique medietatis, quod meum erat, in eleemosynam
perpetuam. Tum domui de Charly plénum usagium in
eodem bosco recognovi et concessi, ita quod in illo possiai
libéré capere quecumque sibi necessaria erunt ad focum, ad
edificia, ad vineas et omnia negotia sua, nihil tamen inde
poterunt vendere vel donare. Habebit etiam predicta domus
in bosco prefato dimidiam partem panagii (2). Hoc donum
meum et recognitionem, ego Landricus, feci laudare per
uxorem meam Guiburgam, et filios meos Ascelinum , Rai-
naldum, Gaulterinum, Clarembaudum et Hugonem. Et ut
hoc ratum sit et firmum, et a nullo in posterum possit infir-
(1) Il y a en Nivernais plusieurs localités du nom de Poissons.
Celle-ci peut s'appliquer aux deux endroits situés dans les communes
de Poiseux et de Parigny-les-Vaux.
( 2 ) Droit de pacage pour les porcs. Voyez charte suivante, note 3 .
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Charly .
99
mari, presentem cartam sigillo domini Gualcherii, Niver-
nensis episcopi (i), feci confîrmari. Actum anno Domini
millesimo centesimo nonagesimo sexto.
XXXVI.
USAGIUM PRO DOMO DE CHARLIACO.
1225 Mars.
Accord passé par •devant la comtesse Mahaut , où il est
exposé que le prieuré de La Charité ayant reçu des
ancêtres des frères de Poisson le droit d'usage, la moitié
sur le panage et le tiers sur le cens de la forêt de Crisot,
le doyen de Charly , représentant La Charité , conservera
Vusage sur le tout et les autres droits sur un cinquième
seulement , et que si ïune des parties demande le partage ,
il sera attribué en toute propriété un cinquième au doyen
de Charly et quatre cinquièmes aux quatre frères de
Poisson. Il a été établi un garde commun, et le doyen a
versé dix livres, monnaie de Nevers.
EgoMatildis, comitissa Nivernensis, notum facio universis
quod cum domus de Charliaco, que specialiter spectat ad
ecclesiam de Charitate, haberet usagium suum plenarium ad
omnia necessaria dicte domus, tam intra quam extra genera-
liter ministraada, et haberet medietatem in panagio, et
haberet tertiam partem in censu nemoris de Crisot (2), prout
(1) Gauthier, évêque de Nevers en 1196 et suspendu de ses fonc-
tions en 1201.
(2) Le bois indiqué ici sous le nom de Crisot est le même que celui
de la charte précédente. Nous n’avons pas encore pu le retrouver.
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100
Cartulaire de La Charité .
nobis constat ex confessione utriusque partis et super iis
multoties emersa fuisset questio, inter decanum dicte domus
de Charliaco ex una parte, et Gualterium de Piscibus , mili-
tent, et Guidonem et Radulfum, fratres ejus, et Mariant
relictam Hugonisde Piscibus, militis (i), quondam fratris
eorumdem et Vuillelmum filium dicti Hugonis ex altéra.
Tandem mediante bonorum virorum consilio, pro bono
pacis et pro utilitate utriusque partis, compositio intercessit
in hune modum : Decanus predicte domus de Charliaco et
quicumque dictant domum tenuerit, non mutato predicto
usagio, habebit absque ulla contradictione quintam partent
totius predicti nemoris in panagio, in censu, in forestagio (2),
in forifactis et in omnibus aliis expletis cum particibus ante-
dictis, ita quod ibidem de communi assensu custos appo-
netur et quod nullus predictorum in dicto memore cum
dicto decano participantium aliquid vendere sive dare vel
accensare poterit de ipso nemore, sine assensu prioris de
Charitate. Et quandocunque prior de Charitate voluerit,
dicti participes vel eorum heredes tenentur et tenebuntur
partiri nemus antedictum in quinque partes, et dictus prior
vel ejus mandatum [quintam partem] acceptabit et illam
quintam partem dicta domus de Charliaco libéré, quiete et
pacifice et absque omnimoda contradictione in hereditatem
perpetuam possidebit. Dictus vero prior de Charitate vel
decanus de Charliaco in aliis quatuor partibus nemoris pre-
dicti, nihil omnino poterunt reclamare, sicut nec dicti parti-
cipes in quinta parte. Hanc etiam partitionem facere poterunt
(1) Ces quatre personnages étaient vraisemblablement les fils survi-
vants de Landry de Poisson, auteur de la charte précédente.
(2) Pasnagium , pastio , droit de panage ou glandée réservé spécia-
lement pour le pacage des porcs dans les bois. Le cens est un droit
en argent. Quant au forestage, il paraît avoir la même signification
que le droit d’usage et consiste à prendre le bois pour chauffage,
construction et clôtures. (GuémutD, Cart. de Saint-Père de Chartes.
n* 147.)
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Lamenay .
ioi
dicti participes vel heredes eorum, quandocunque voluerint,
et dicti prior aut decanus non poterunt partitionem impedire,
sed percipient iliam de quinque partibus quam optabunt.
Hanc autem compositionem firmiter et inviolabiliter tenen"
dam et servandam dicti Galterius, Guido, Radulfus, Maria et
Vuillelmus, juramento, tactis sacrosantis Evangeliis, coram
nobis corporaliter prestito firmaverunt. Pro hac autem corn-
positione decanus dicte domus de Charliaco dédit predictis
participibus decem libras Nivernensis monete quas eis per-
solvit. Et sciendum quod domus de Charliaco omnia supra-
dicta ex dono et eleemosyna antecessorum predictorum parti-
cipumest assecuta. Nos autem ad petitionem utriusque partis
presentem paginam sigilli nostri fecimus munimineroborari.
Anno grade millesimo ducentesimo vicesimo quinto, mense
mardi.
XXXVII.
CARTA DE LAMENIACO.
1089.
Archembaud de Lamenay fait don perpétuel au prieuré de
La Charité : de l'église de Iuimenay, avec les offrandes,
baptistère , dîmes diverses et sépulture dans le cimetière ;
d'un champ pour bâtir l'église ; de V usage de pâture,
d'eau et de bois pour les moines ou leurs gens ; de plu-
sieurs pièces de terre et vignes et de tout l'espace qu'ils
pourront mettre en pré ; d'un moulin situé à Mirbault ;
de la pêche du saumon et autres poissons à son écluse de
la Loire .
In nominesanctæ, summæ, et individuæ Trinitatis. Noverit
fidelium sacra posteritas quoniam miles quidam Archimbal-
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02
Cartulaire de La Charité.
dus nomine, de Laminiaco, ob suæ animæ antecessorumque
suorum atque progenitorum saiuiem, Deo et SanctæMariæde
Charitate sibique famulantibus monachis, ecclesiam de Lame-
niaco ( i) jure perennitatis possidendam tradidit, cum offerendis
et baptisterio, rerumque diversarum decimationibus et sepul-
turam cimiterii eidem ecclesiæ pertinentis, quaquaversum
adjacentis. Campum etiam, qui de Foresto dicitur, his
addidit, quemadmodum ad ecclesiam extra idem castrum
construendam, in presentia domni Hugonis, Cluniacensium
abbatis (2), métis determinari fecit, absque ullius retentione
consuetudinis, excepto quod hujus conclusionis incolæ
campi scilicet de Foresto, consuetudinem silvæ, quæ dicitur
calumnia ( 3 ), sicut et ejus villani sibi persolverint. Isu
autem absque servitio ejus vel heredum suorum, id est
usuarium pasturæ, aquæ et boscorum, ipso concedente acci-
pient. Monachi autem qui inibi habitaverint idem usuarium
ad omnes propriæ necessitatis usus absque servitio. Insuper
et quos in dominio habuerint porcis pastionem, quantum
parti suæ attinet, gratis concessit. His etiam addidit olchiam
et vineam quam Anscisus ejus frater apud Lameniacum,
antequam fieret monachus, possidebat absque retentione.
Campum quoque ad horreum monachis construendum ,
absque consuetudine , qui dicitur de fonte Goosiæ. Insuper
et dimidium piscariæ quæ Ogia dicitur, excepto ramedarum
casamento (4). Ramedas tamen quas ibidem Gaufredus pres-
byter in dominio habuisse dignoscitur eisdem contulit, unum
(1) Lamcnay, sur la Loire, canton de Oornes, commune limitrophe
de l'Ailier. Siège d'un prieuré depuis 1089.
(2) Saint Hugues, fils de Dalmace de Semur et d'Aremberge de
Vergi, né en 1024, abbé de Cluny pendant près de soixante ans, de
1049 à 1 108.
( 3 ) Impôt pour frais de justice; il en est encore question ci-après
dans cette même charte.
(4) Une installation de barrages et claies de branchages pour retenir
le poisson. Ils étaient très-fréquents sur les bords de la Loire.
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Lamenay.
io3
quoque in Ligeris fluvio molendinum et pro anima avi sui
Attonis dimidium alterius molendini qui dicitur de Mira-
bel (i). Campum etiam de Chancerano, sicut eum in præ-
sentia monachorum de Charitate, domni scilicet Vuillelmi
atque Roberti percalcari fecit , absque servitio et consuetu-
dine, sicut etiam supradicta, præfatis monachis donavit.
Concessit etiam ibidem mansuris ruricolis usuarium aquæ,
pasturæ et sylvæ , absque servitio , excepto calumniæ debito.
Pratum nihilominus de Montegenou, sicut habebat illud in
dominio. Necnon et terræ spatium a planta Chartiney usque
ad pratum de Montegenou situm. Quidquid inde monachi
sæpefati et omnes, quos ibidem hospitaverint, villani appra-
tare potuerint, eisdem monachis absque retentione tradidit.
Vineam quoque Gaufredi presbyteri de Castaneto ( 2 ), simul-
que reliquas ejusdem territorii vineas, sicut sibi divisas
tenent, et super additas accipient, cum alodio quam ejus
frater Anseisus a quibusdam Castaneti villanis sibi pretio
comparaverat, prædictis monachis contulit, et absque reten-
tione perpetuo jure possidenda emancipavit. Postremo idem
Archimbaldus, exceptis fratrum inibi mansurorum beneficiis
votivis quæ sanctæ Mariæ de Charitate conventui impenderint
quotannis , plenarium generale piscium (3) jure consuetudi-
nario , faciendum constituit. Ad quod etiam copiose persol-
vendum , fratribus ibidem Lameniaci videlicet degentibus
aquas suas ad piscandum et decimationes salmonum alio-
rumve piscium vescalium , in exclusa sua de Ligeris fluvio,
capiendorum perpetuo attribuit. Actum publice anno ab
incartione Domini millesimo octuagesimo nono, apud sanctam
Mariam de Charitate, régnante Philippo, anno regni sui
(1) Mirebeau, commune de Decize, hameau situé près des flaques
d'eau de la Loire, en amont de Lamenay, où passe aujourd'hui le
canal du Nivernais.
(2) Hameau et ancienne paroisse, près Lamenay, aujourd’hui réuni
à Saint-Gcrmain-Chassenay.
( 3 ) Phrase incomplète. Il faut ajouter usagium.
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io4
Cartulaire de La Charité .
vigesimo nono. Cujus rei testes habentur : Hugo de Bena.
Archimbaldus, Bardinus, Ebrardus de Sesma, aliiquequam*
plures.
XXXVIII.
CARTA LETERICI DE CASTELLIONE PRO CHARITATE.
i ioo ci rca.
Leteric de Chdtillon ayant donné à La Charité ce qu'il
possédait 9 lors de son départ pour Jérusalem , et y étant
mort , il est convenu entre Aremburge sa veuve et lu
moines , qu'elle jouira par moitié , sa vie durant y du
revenus des constructions faites par les moines , et du
siennes en entier , pour le tout revenir aux moines après
sa mort , Elle concède encore une famille de serjs et
reçoit quatre marcs d'argent .
In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Notum sii
omnibus fidelibus quod dominus Letericus , Hierusaleni
pergens , dédit Deo et sanctæ Mariæ deCharitate terramik
potestate Charitatis , quidquid habebat in dominio a via de
Poschiis et rétro. Quando autem mortuus fuit, facta est hnc
conventio inter monachos et uxorem illius Aremburgim, ut
in vita ejus quidquid monachi vel hommes eorum in ipw
terra ædificarent, dimidiam partent reddituum redderent ipsi
dominæ, alteram ipsi haberent. Ipsa autem domina quidquid
per se ædificaret sola haberet in vita sua , post mortem vero
ejus haberent omnia monachi et quidquid ipsa ædificaret et
quidquid monachi , et omnem supradictam undique terrain
Dédit etiam idem Letericus uxorem Rainaldi, cognomento
Godet et infantes ejus. Et inde habuit de Charitate monacbo-
rum quatuor marcas argenti ; et hoc totum uxor ejus Arem-
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Bulcjr .
105
burgis concessit. Unde sunt testes ex parte eorum, Hieremias
miles, Rodulfus de Bosco, Hubertus de Talai, Hugo de
Chasnai, Stephanus de Narcy, Cliens, Robertus de Sancto
Benito et Raynaldus frater ejus. Ex parte monachorum,
Adelermus (1) præpositus, Archimbaldus præpositus, Ayme-
ricus Cliens, Gaufridus filius Rainaudi Gaudet.
XXXIX.
CARTA SEGUINI DE OLCHIA, DE BELUCIACO ET
MOLENDINO MARTINI.
Onzième siècle.
Séguin , fils de Humbert d*Ouche, donne aux religieux de
La Charité un alleu sis à Bulcy et au moulin Martin ,
après jugement rendu par experts contre son cousin
Séguin de Prye , lequel reçut des moines trente sols pour
renoncer définitivement à sa réclamation .
In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Ego Seguinus
filius Umberti de Olchia (2), Deo et sanctæ Mariæ de Chari-
tate, sibiqueservientibus monachis, alodium de Beluciaco( 3 )
atque de molendino Martini , quod ex parte consanguinei
mei Seguini de Pruiaco (4) quasi hæreditario jure reclama-
(1) Parmi les témoins de cette charte on rencontre Adelermus en
1084, en 1089 et iog 5 , chartes 29, 3 o et 32 ; Rodulphus de Bosco, en
1088 et 1107, chartes 34 et 47 ; Hubertus de Talai , en 1 12 1, charte 49;
ce qui autorise à dater de la fin du onzième siècle.
(2} Ouche, commune de La Marche.
( 3 ) Bulcy, canton de Pouilly, fief de la châtellenie de La Marche.
(4) Prye, commune de La Fermeté.
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Cartulaire de La Charité .
veram, diutiusque calumniaveram, trado, vulpio et perpetuo
jure, cum omnibus suis appenditiisabsqueretentione, eisdem
monachis irrefragabiliter possidendum concedo. Factum
publice apud Ugeium inter Fraxiniacum et Luperciacura (il,
devicto eodem Seguino per placitum et judicium quorumdam
jurisperitorum, ex utraque parte assistentium, et eodem culpæ
suæ reatum rccognoscente de calumnia, ea tenus propredicto
alodio monachis de Charitate illata , indeque directum in
manu Harduini monachi faciente. Et ut firma pax de præ-
dicto alodio inter eumdem Seguinum et monachos sanctæ
Mariæ permaneret, accepit idem Seguinus a monachis de
Charitate , per manum Ludovici Cellerarii, qui præsens inter
erat, trigenta solidos denariorum. Cujus rei testes subnotati
habentur qui præsentes affuerunt, Landricus. Rainaldus,
Gilbertus frater Rainaldi monachi.
XL.
CARTA HENRICI, PORTUGALIÆ COMITIS, DE PRIORATt*
SANCTI PETRI DE RATIS.
iioo Mars. — Coïmbre.
Henri y comte de Portugal, et Thérèse , son épouse , fille du
roi Alphonse VI de Castille, font donation testamentaire
au prieuré de La Charité de l'église de Saint-Pierre de
Rat\ , fondée par eux , avec pleins pouvoirs sur toutes ses
dépendances . Ils y ajoutent les dîmes du pain , du vin et
(i) Ugeium } entre Frasnay et Lurcy, peut-être Eugncs . commune
de Chaulgnes, ou Usseau, commune de Parigny-les-Vaux.
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Charte du Portugal .
107
du lin sur le territoire situé entre les fleuves du Douro et
du Mondego (1).
In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti , amen. Ego
cornes, Domnus Henricus et uxor mea Domna Theresia,
Domini Regis Alfonsi filia (2), facimus cartam per hujus
scripture paginam vobis, priori de Sancta Maria deCharitate
et vestro conventui, de ilia ecclesia quæ vocitatur Sancti Pétri
de Ratis( 3 ); in qua ecclesia una cum uxore mea Donna
Theresia primitus misimus fundamentum, cum a longis
rétro temporibus esset heremita et derelicta. Nos vero eam
fecimus populari et sano animo et integra voluntate, pro
remedio animarum nostrarum et parentum nostrorum offe-
rimus illam heremitam Sanctæ Mariæ de Charitaje, cum
omnibus suis terminis, et cum quantum ad jus nostrum
(1) On remarquera le style et les formules de ces chartes portugaises,
les expressions de foi religieuse plus accentuées qu’en France, la me-
nace pénale contre les infracteurs, la date de Verra espagnole et la
mention de la signature autographe des donateurs.
(2) Henri, quatrième fils de Henri, duc de Bourgogne, petit-fils de
Robert-le-Pieux, roi de France, passa en Espagne, vers l’an 1090, et
conquit sur les Maures le territoire qui forma plus tard le nord du
royaume de Portugal. Il épousa Thérèse, fille naturelle d’Alphonse VI,
roi de Castille, gouverna ce pays avec le titre de comte de Portugal et
mourut vers 1112. Son fils Alphonse I ,r , surnommé Henriquez, fut
couronné roi de Portugal le 27 juillet n 3 g, après avoir défait cinq
chefs maures à Ourique, près du fleuve du Tage. Ces princes, issus
de la maison de France, se sont souvenus de leur origine, par leur
donation au prieuré de La Charité.
( 3 ) La situation de celte localité n’a pu être établie exactement; elle
était comprise dans le diocèse de Braga, province nord d’entre Douro
et Minho. Dans la liste des prieurés dépendant de La Charité il est
inscrit : Prioratus bealæ Mariæ de Raiis in Portugalia , Bracharensis
diœcesis. Notre manuscrit mentionne encore (f° 53 ) la donation de ce
prieuré, sans transcrire le nom moderne, et il ajoute à ce sujet :
t Celuy de Portugal s’est soustrait de l’obéissance de sa mère, ou à
cause des guerres ou bien de l’esloignement. •
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Cartulaire de La Charité.
pertinet, ita ut prior de Charitate et conventus ejusdem
habeant plenam potestatem faciendi in ea quidquid voluerint.
Verum quia in orationibus religiosorum virorum ibidem
habitantium nos plurimum confidimus, et in eorum collegio
cum omnibus sanctis in die judicii ante tribunal Domini
cupimus apparere. Idcirco hoc parvulum munusculum Sanctæ
Mariæ offerimus, quatenus in diem judicii ipsa offerat nos et
genus nostrum Jesu Christo filio suo, ut ab ipso postmodum
recipiamus mercedem æternam. Damus siquidem et offerimus
ecclesiæ Sanctæ Mariæ de Charitate omnes décimas de pane et
vino et lino omnium regalium quæ habemus et quæ habere
debemus, ego et uxor mea, donna Theresia, a flumine Dorii
ad flumen Mundeci (i) quia nunquam eas ante persolveba-
mus, similiter pro animabus nostris et parentum nostrorum.
Omnibus autem tam ex progenie nostra quam extranea qui
hoc nostrum testamentum illæsum conservaverint sit pax et
veritas, et animæ eorum postmodum a Deo omnipotente
recipiantur in æterna tabernacula, amen. Si forte aliquis ex
progenie nostra vel extranea contra hoc nostrum testamentum
venire voluerit et donationem nostram infringere contingat,
Deus omnipotens dentes eorum in ore ipsorum et molas
eorum confringat, et insuper a communione sanguinis et
corporis Domini imposterum alienus existât, et in infemo
cum Juda, Domini traditore, perpétuas sustineatpœnas, amen.
Facta carta testamenti et eleemosynæ hujus, mense martii
(i) Le Douro prend sa source en Espagne, dans la province de Soria,
arrose celle de Burgos, Ségovie, Valladolid et Zamora, forme la fron-
tière entre l’Espagne et le Portugal jusqu'à sa réunion avec l'Agueda,
traverse le Portugal de l’est à l’ouest et se jette dans l’Océan un peu
au-dessus d’Oporto, après un cours de 710 kilomètres, très-rapide et
plein de tourbillons. Le Mondego, rivière du Portugal, sort de la sierra
d’Estrello, arrose Coïmbre et sc jette dans l’Océan, après un cours de
180 kilomètres. Elle charrie des paillettes d’or. (Bouillet, Dict. d’hist.
et de géographie.) La distance entre ces deux fleuves est d'environ
5 o kilomètres.
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Charte du Portugal .
109
apud Colimbriam (1), erra M a C 1 XXX* VIII* (2). Ego, cornes
Donnus Henricus cum uxoremea, Donna Theresia, hanc
cartam manibus nostris propriis roboravimus. Qui præsentes
fuerunt et viderunt, Regnerius presbyter notavit, Fromarigus
Goteris testis, Arias judex testis , Artaldus testis, Anno filius
suus testis.
XLI.
CONFIRMAT! O DONATIONIS PER ALFONSUM
PORTUGALIÆ REGEM.
1145 Juillet.
Alphonse I* T , roi de Portugal , et Mahaud , son épouse ,
confirment la donation des biens et dîmes faite au
prieuré de La Charité par leur père le comte Henri
de Portugal.
In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti , amen.
Quoniam regum est necnon et cujuscunque viri ingenuitatis
titulo decorati, sicut in legibus votorum invenitur de propriis
possessionibus, propriam implere voluntatem, ego Alfonsus,
Portugaliæ rex, comitis Henrici et reginæ Theresiæ filius,
magni quoque regis Alfonsi nepos, una cum uxore mea
(1) Coimbre, chef-lieu de la province du Béira (Portugal).
(2) La manière de compter les années en Espagne , appelée erra t
commence trente-huit ans avant Père de Jésus-Christ adoptée dans
les autres nations catholiques, l'erra prit fin en Espagne dès i 35 o,
sous Pierre IV, roi d’Aragon, et en Portugal sous le règne de Jean l* r ,
en 1415. Nous avons rectifié, suivant notre style, les dates des deux
chartes portugaises: 1100 au lieu de 1 1 38 , 1145 au lieu de ii 83 .
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i ro
Cartulaire de La Charité .
regina donna Malfada, filia comitis Amedei de Moriana(f ;
considérantes obitum nostrum et diem districti judicu.
quando retribuetur unicuique secundum quod gesscrit
pauperibus Christi, decrevimus de propriis facultatibus et
redditibus non solum locupletare ecclesiam sancti Pétri de
Ratis et fratres qui ibi habitant, tam præsentes quam future*,
in qua ecclesia pater meus Henricus una cum matre mea,
uxore sua, Donna Theresia, primitus miserunt funda-
mentum. Verum etiam ut cum tranquillitate et quiete sine
aliqua perturbatione preces suas Deo fundant, pro nobis et
pro omni posteritate nostra et omni populo Christiano,
concedimus et confirmamus ecclesiæ beatæ Mariæ de Cbari-
tatæ ac priori et monachis ibidem Deo servientibus, omnes
décimas de pane et vino et lino omnium regalium quæ
habemus, et quæ debemus habere, ego et uxor mea donna
Malfada regina, a flumine Dorii usque ad flumen Mundeci,
prout felicis memoriæ Henricus cornes, pater meus, una cum
uxore sua, matre mea, nobili muliere Theresia, illustris regis
Alfonsi filia, eisdem primitus dederunt et concesserunt, ita
quod si quis imposterum, quod fieri non credimus, de
nostris propinquis aut de extraneis, hoedonum et beneficium
quod firmum et roboratum omni tempore esse volumus, ad
irrupendum seu in aliquo temeraria presumptione contra-
bandum venerit, quisquis fuerit, quingentos solidos bon*
monetæ priori Sancti Pétri de Ratis reddere cogatur regia
potestate, et quart tum damni fecerit quadruplicitercomponat
et insuper a sanctæ matris ecclesiæ sinu separetur et cum
(i) Alphonse I #r , roi de Portugal le 27 juillet 1139, fils de Henri de
Bourgogne, comte de Portugal, et de Thérèse, fille d'Alphonse VI.
roi de Castille, épousa en 1146, selon Moréri, Malfade ou Mahaud.
fille d’Amédée III, comte de Maurienne, de la famille de Savoie.
Alphonse mourut en ii 85 , dans sa 76* année, après avoir régne
quarante-six ans. D'après la date de cette charte, et en admettant
que la donation ait été faite à l’occasion de son mariage, on doit le
reculer d’un an et en porter la célébration à l'année 1143.
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Argenvières.
1 1 1
Juda traditore in inferno perpetuo ardeat et, si fuerit de
nostra progenie, maledictionem nostram et omnium avorum
suorum habeat. Facta hujus doni et benefkii firmitudine,
mense julii, Vuimarensis (i), erra M* O LXXX* III*. Ego
Alfonsus, Portugalensis rex, una cum uxore mea donna
Malfada regina, in præsentia testium idoneorum, hocdonum
et beneficium manibus nostris propriis roboravimus. Ego
Joannes, archiepiscopus Bracare(2), consignavi, Menendus...
Burguncia Alterei, Arnaudus Pétri, curiæ dapiter, consi-
gnavit, R[aimun]dus Monii, cons., Aubertus, cancellarius
regis, cons. Rondulus Zolennæ cons., Rodericus Platigii,
alcaïdæ Colimbriæ. testis. Petrus Menondi, economus regis.
testis.
XLII.
CARTA SEGUINI NIVERNENSIS DE ARGENTI-VILLA
ET CAPELLA MONTIS LEONARDI. *
1 106.
Seguin de Nevers donne à Notre-Dame de La Charité sa
part des dîmes d' Argenvières et de La Chapelle-Montli-
nard et tout ce qui sera établi en pré. Josbert , son fils ,
donne aussi la moitié de ce qu f il a au-delà de la Loire s 9 il
meurt sans postérité légitime.
In nomine Sanctæ Trinitatis. Noverint præsentes et pos-
teri quod Seguinus Nivernensis dédit Deo et Sanctæ Mariæ
(1) Guimaraès, petite ville entre Braga et Porto, au nord du Portugal.
(2) Braga. archevêché dès l’an 92. Joannes Peculiaris, arch. ii 38-
1173. (Gams, sériés episcoporum, p. 94.)
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I 12
Cartulaire de La Charité.
de Charitate decimam Argenti-villæ (i), partem suam terra-
gium (2) etiam et decimam Montis Linardi de Capella ( 3 ),
partemque suam appratamenti quod homines nostri et alii
fecerunt. Si autem priori de Charitate placuerit ut inde
appratamentum plus fiat, similiter dédit partem suam.
Filius autem ejus habebat censum de altéra parte; quod si
filius ejus Josbertus absque hærede légitimas uxoris more-
retur, medietatem omnium quæ trans Ligerim habet
perpetuo habendam jure concessit. H inc testes sunt Vuido
de Chaslone, Vuillelmus de Talaio, Raimbaldus de Porta,
Giraldus Chasen, Giraldus de Narciaco. Facta est hæc
donatio publice anno ab Incarnatione Domini millesimo
centesimo sexto, indictione décima quinta, régnante Philippo
Francorum rege, Vuillelmo Nivernensi (4) comité. Ex pane
nostra testes sunt Girbertus de Beluciaco, Stephanus,
Aldricus, Bernardus, Petrus.
(1) Argenvières, canton de Sancergues, arrondissement de Sancerre
(Cher).
(2) Une des significations données par Ducange au mot terragium
est le droit de mutation dû au seigneur pour vente ou acquisition
de terres ou d’immeubles. Voici un autre texte qui se rapporte très-
bien à celui de notre charte : « Habebit herbergagium , [cum grangia
» et omnibus terris ad grangiam pertinentibus, nec solvet inde capi-
1 tulo seu canonicis decimam vel terragium vel aliquid aliud. » [Cart.
de N.-D. de Paris, 1 , 392,)
( 3 ) La Chapelle-MontLinard, canton de Sancergues (Cher;.
(4) Guillaume II, comte de Nevers, 1101-1148.
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Argenvières.
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XLIII.
CARTA SADONIS DE PATINGIIS ITEM DE ARGENVERIIS.
1198 Avril i* r .
Convention d'après laquelle Sadon de Patinges et Agnès,
son épouse : i° accordent au prieur Guillaume le fief
d* Argenvières, sur lequel Jean Lepie a emprunté aux
religieux de La Charité la somme de cinq cents livres ;
2 Ê cèdent au même , pour cinq ans , leur fief situé dans la
ville de La Charité , à la condition de le reprendre pen-
dant cinq autres années s'il est libéré de ses deux cents
livres de gage et sans pouvoir rengager à d'autres qu'aux
moines , le tout moyennant cinq mille sous de Gien et
quinze livres pour son épouse .
Notum sit omnibus tam presentibus quam futuris quod
dominus Sado de Patingiis (1) et Agnes, uxor ejus, lauda-
verunt Vuillelmo priori (2) et conventui de Charitate feodum
de Argenveriis ( 3 ) quod predicti monachi habent in vadi-
monio a Joanne Pio (4) pro quingentis libris Giemensibus,
(1) Sado de Patingiis. Patinges, aujourd’hui hameau près Cours-
les-Barres (Cher), fief dont plusieurs seigneurs ont porté le nom.
Ce Sado, avec Agnès, sa femme, fait donation, en 1200 et 12 1 5 , au
chapitre de Nevers d’une dîme située à Germigny. ( Inventaire de
Marolles, p. 7 66.)
(2) Guillaume II, prieur de Saint-Julien de Sézanne, puis quinzième
prieur de La Charité, de 1197 à 1209.
( 3 ) Argenveriis et Argenti-villa , dans la charte précédente, dési-
gnent évidemment la même localité d’Argenvières , aujourd’hui com-
mune du canton de Sancergues.
(4) Joannes Pius , Jean Lepie, passa d’autres actes avec La Charité
pour ses biens de La Charnaie, commune de Tronsanges, en 1188 et
1192. (Ci-dessous chartes LXXVII et LXXVIII.) L’auteur du Cartulaire
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Cartulaire de La Charité .
m 4
usque redimatur ab eo vel ab heredibus suis. Feodum autem
suum proprium quod situm in villa de Charitate tenet
dominus Sado, de prefatis monachis, quod ipsi habent in
vadimonio pro ducentis libris Giemensibus tenebunt supra-
dicti monachi per quinque annos, ita quod in illis quinque
annis redimi non poterit a prelibato Sadone vel ab alio
aliquo. Expleto quinquennio dominus Sado si voluerit
feodum illud redimere poterit, et per aliud quinquennium
in manu sua illud tenebit, si fuerit ab eo redemptum, et
invadiare vel vendere nulli poterit, nisi tantum dictis mona-
chis. Hanc conventionem et laudationem a se fideliter tenen-
dam juravit memoratus Sado super veram Crucem, in pleno
capitulo monachorum. Et pro hoc toto faciendo donaverunt
monachi ipsi Sadoni quinque mille solidos Giemenses et
uxori sue quindecim libras Giemenses. Huic laudationi et
conventioni interfuerunt dominus Odo de Montefalconis (i)
et dominus Gaufridus (2), senescallus Nivernensis, qui ad
petitionem domini Sadonis et monachorum in hujus facti
testimonium et securitatem presenti carte sigilla sua appo-
suerunt et bona fide promiserunt quod hanc conventionem
et laudationem fideliter tenendam et garantisandam pro posse
suo fideles erunt coadjutores et consultons. Actum est hoc
anno verbi incarnati millesimo centesimo nonagesimo
septimo, kalendas aprilis ( 3 ), in pleno capitulo, videntibus
et audientibus Hugone de Borbonio suppriore (4), Vuilleimo
ajoute : < Il y a encore à présent des gentilshommes en Nivernois de
ce nom de Lepie. » ( Histoire manuscrite du prieuré , folio io 3 .)
(1) Montfaucon, fief en Berry, près Sancerre, vendu en 1212 par
Raoul d’Issoudun à Hervé, comte de Nevers ; après Eudes, on trouve
le fief tenu, lors de cette vente, par Renaud de Montfaucon. ( Notice
sur Hervé de Don^y, p. 33 .)
(2) Gcoffroi de Pougues, qui paraîtra à la charte suivante.
( 3 ) Pâques se trouvant le 6 avril en 1197, cette charte, datée du
i' r avril, avant Pâques, doit être portée à 1198.
(4) Hugues de Bourbon, alors sous-prieur, devint, vers 1216, le
dix-huitième prieur de La Charité.
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Argenvières.
1 15
Besordo, Vuillelmo, Hugone eleemosinario , Radulfo de
Pogues, Renaudo de Galles, Guidone Garaut, Hugone
Suavi, preposito de Charitate, Garino et Oberto Marot et
Gaufridoet Herveo de Lorrioet multis aliis.
XLIV.
QUOMODO SADO DE PATINGIIS DEDIT GAUFRIDO DE
POGIS FEODUM DE ARGENVERIIS.
1208.
Sadon de Patinges cède son droit sur le même fief d* Argen-
vières à Geoffroi de Pougues et à ses héritiers .
Ego, Sado de Patingiis, notum facio universis presentibus
et futuris quod terra ilia de Argenveriis et terra ilia, juxta
Argenverias sita, quam Joannes Pius et heredes sui titulo
pignoris obligaverunt monachis de Charitate, essent de meo
feodo. Ego autem feodum terrarum illarum dedi et concessi
Gaufrido de Pogis, senescallo Nivernensi, et suis heredibus
imperpetuum possidendum ; et hoc laudavit et concessit
Agnes uxor mea , et ego et heredes mei predicto Gaufrido et
suis heredibus donum istud tenemur contra omnes imperpe-
tuum garantire , sigillo meo teste. Actum anno gratie mille-
simo ducentesimo octavo.
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Cartulaire de La Charité.
1 16
XLV.
QUOMODO GAUFRIDUS DE POGIS DEDIT MONACHIS
DE CHARITATE FEODUM SUPRADICTUM DE ARGEN-
VERIIS.
1209.
Geoffroi de Fougues , sénéchal de Nevers , à son départ
pour la croisade des Albigeois , abandonne aux religieux
de La Charité , moyennant quatre cents livres de Gien .
son droit sur le fief d’Argenvières.
Notum sit presentibus et futuris quod ego Gaufridus de
Polga, senescallus Nivernensis, pro salute patris et matris
meeetmeo, dedi in perpetuam eleemosynam monachisdc
Charitate, totum feodum de Argenveriis et de rebus illis que
fuerunt Joannis Pii. Et hoc feci donum laude et assensu
Elisabeth, uxoris mee, et Radulfi filii mei ; et ego et heredes
mei tenemur garantire feodum illud ipsis monachis imper-
petuum erga omnes. Propter istud feodum Gaufridus, prior
de Charitate (1), et ipsa ecclesia, dederunt mihi crucesignato
contra provinciales hereticos (2), quadringentas libras gie-
menses, teste sigillo meo. Actum anno gratie millesimo
ducentesimo nono.
(1) Geoffroi II, frère du comte de Nevers, seizième prieur en 1209.
déposé en 1212. (Voyez ci-dessus ch. XIX et XX.)
(2) Le comte et l’évêque de Nevers, suivis de nombreux chevaliers,
se rendirent à Lyon le 24 juin 1209, réunion des seigneurs croisés
contre les Albigeois. ( Hervé de Don^y, p. 28.) Cette charte doit être,
comme la suivante, au plus tard des premiers jours de juin. L’auteur
du Cartulaire ajoute au sujet de la terre d’Argenvières : « Elle est
encore à présent dépendante du prieuré de La Charité, avec haute,
moyenne et basse justice. » ( Histoire manuscrite du prieuré , folio J 00.'
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Argenvières.
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XLYI.
CARTA GUILLELMI EPISCOPI NIVERNENSIS DE EODEM
FEODO DE ARGENVERIIS.
1209 Juin. — » Nevers.
L'évêque de Nevers reconnaît la donation irrévocable du
fief d' Argenvières par Geoffroi de Pougues aux religieux
de La Charité .
Guillelmus Dei patientia Nivernensis episcopus (1) omni-
bus présentes litteras inspecturis in Domino salutem.
Noverint omnes quod Gaufridus de Pogua, senescallus
Nivernensis, in nostra presentia constitutus, recognovit se
dedisse in perpetuam eleemosynam monachis de Charitate
totum feodum de Argenveriis et de rebus illis que fuerunt
Joannis Pii. Protestatus est etiam coram nobis quod hoc
donum fecit, laude et assensu Elisabeth uxoris sue et Radulfi
filii sui , et quod ipse Gaufridus et heredes ipsius tenentur
garantire ipsum feodum dictis monachis imperpetuum erga
omnes ; ad petitionem autem dicti Gaufridi has sigillo nostro
litteras confirmamus. Actum apud Nivernenses anno gratie
millesimo ducentesimo nono, mense junio.
(1) Guillaume de Saint-Lazare, évéque de Nevers, 1201-1221.
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Cartulaire de Là Charité .
1 18
XLVII.
CARTA DE QUARTALAGIO SALIS ET ANNONÆ ET
RERUM OMNIUM QUÆ IN RIVAGIUM CHARITATIS
ADVENERINT (i).
1 107.
Accord entre le prieur Eudes Arpin et Adam Le Meschin ;
celui-ci renonce à son droit de rivage pour toutes mar-
chandises et de cartelage pour le blé et le sel ; il approuve
également les donations diverses faites autrefois par son
père .
In nomine sanctæ et individu» Trinitatis. Ad posterorum
memoriam literarum apicibus dignum est annotari, qualiter
Adam Meschinus, filius Adam de Cresno, de omnibus que-
relis quas adversus monachos Sanctæ Mariæ de Charitate
habebat, inconcordiam et perdonationem venerit. Statucrunt
igitur diem domnus Odo Arpinus prior et ipse Adam, quode
eisdem querelis in unam venirent concordiam. Concessit
igitur ut de quibuscumque rebus quæ in rivagium hujus
villæ, in terra nostra venerint, nihil accipiat ; totumque
monachis habendum dereliquit quartalagium salis, per
totam terram monachorum ; quartalagium (2) vero annonæ
ubique cujuscunque sit terra, sive sua, sive aliorum de toto
(1) Cette charte est publiée partiellement en note par Raynal ( His-
toire du Berry t I, 405 ) à propos de Eudes Arpin, ancien vicomte de
Bourges et troisième prieur de La Charité, de 1107 à n 3 o. Cette
donation dut avoir lieu dès le commencement de son administration.
(2) L’explication de ce mot est empruntée à notre charte :
< Quartalagium idem quod Cartalagium seu jus percipiendi quartas
vel certas mensuras ex rebus siccis venalibus vel transeuntibus.
Chart. an. 1107 ex archivo B. M. de Charitate. Quartalagium salis et
annonæ in rivagio Charitatis. » (Ducange.)
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Champfraud , près Bourges.
U9
burgo Charitatis. Concessit etiam prædictus Adam terram
communem mediæ plantationis , furnum scilicet et cætera
ædificia post obitum suum, sive hæredem habeat, sive non
habeat, sicut hoc quoque pater ejus vivens concesserat ;
medietatem etiam exclusæ in quamcunque partem cursus
Ligeris fluat , sed et omne quod pater ejus vel antecessores
monachis contulerunt, ipse quoque concessit et laudavit.
Huic ex parte ejus testes sunt Hugo de Castellione, Gibaudus
de Sancto Verano, Rainaldus Normannus, Rodolfus de
Bosco, Hugo de Tronceangiis; ex parte monachorum, Théo-
doricus de Montefalconis, Hugo de Tüio, Gaufredus Dado,
Galterius de Pino, Vualterius, Fruinus, Arnulfus Juvenis,
Odo de Albiniaco et Aicardus Bertrannus, Mainardus Ade-
linus præpositus, Archimbaldus, Valterius Brito et Letericus
frater ejus et multi alii. Factum publice apud Sanctam
Mariam de Charitate, in manu domini Odonisprioris, cogno-
mento Arpini, anno ab incarnatione Domini millesimo cente-
simoseptimo, indictione décima quinta, régnante Philippo
Francorum rege, Vuillelmo (i) Nivernorum comité.
XLVIII.
CARTA BARTHOLOMEI DE MURO, DE CAMPO-
FROALDI ( 2 ).
un. — La Charité , puis Bourges.
Barthélemy du Mur fait don à La Charité d'une vigne et
d'une ouche à Saint-Ou trille, près Bourges , d'un pré
de deux arpents , de droits en deniers et en avoine sur les
(1) Guillaume II, de 1101 à 1x48.
(a) Quelque» extraits de cette charte ont été imprimé» par Raynal.
(Histoire du Berry , I, p. 409.)
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120
Cartulaire de La Charité .
colons , de l'usage dans le bois de Champfraud. Il y
ajoute des tonnes et cuves pour contenir environ trois
cents muids de vin et des coffres pour vingt muids de
grain , plus, à sa mort, la moitié de ses hardes et de ses
bestiaux . Peu après , à Bourges , dans le cloître de Mon -
termoyen , il donne encore , du consentement de ses
enfants , tout ce qu'il s'était réservé à Champfraud et une
grande maison à Bourges .
Barthélemy avait donné ses biens à l'instigation de son fils
Robert, religieux à La Charité ; il avait espéré faire ses
vœux lui-même avec Eudes, son plus jeune fils, mais
celui-ci ne se décidant pas à renoncer au monde , il sup-
plia le prieur Eudes Arpin de réduire les donations ,
pour ne pas lui faire déshériter entièrement son fils. Le
prieur garda tout Champfraud et deux arpents de pré à
Marmagne ; il rendit la maison et la vigne , en réservant
pour le couvent le droit de retour à défaut de postérité,
une redevance annuelle d'une charretée de vin , en signe
d'hommage, et enfin la préférence pour un gage de cent
livres à verser dans les conditions ordinaires de garantie.
In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Noverint
præscntes et posteri quod ego, Bartholomeus deMuro(i),
pro remedio patris ac matris atque uxoris, omniumque ante-
cessorum meorum, simulque pro amore filii mei Roberti
monachi, atque pro remissione peccatorum meorum, trado
et concedo Deo et Sanctæ Mariæ et monachis de Charitate,
clausum vineæ meæ, quod extra murum Bituricæ civitatis,
inter ecclesiam Sancti Austregisili et flumen Aurionis (2), ita
(1) On trouve un Pierre du Mur rendant hommage au comte de
Nevers en i 3 io. (Inventaire de Marolles , p. 496 .)
(2) Saint Outrille, ancienne chapelle, siège d’un chapitre, située au
bas du château, aujourd’hui la préfecture, et près de la rivière
d’Auron. (A. de Kersers, Statistique du département du Cher ,
Bourges, p. 206.)
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Champfraud, près Bourges .
I 2 I
videlicet ut idem clausum, quoad vixero, de monachis
teneam ; post meum vero ab hac luce decessum, erit prorsus
illorum jure possidendum perpetuo. Olchiam quoque do eis
quæ est inter clausum et flumen Aurionis, simili modo, et
aliam planam terram quæ est ultra molendinum Sancti
Stephani et pertingit usque ad vadum Petræ. Duos etiam
arpennos pratorum trado illis præsentialiter qui fuerunt
Stephani Galabide consanguinei mei. Do illis etiam duos
denarios salvamenti (i) de unoquoque villano et totam
avenam de habitantibus villanis, quam etiam de habitaturis
qui eam hoc modo reddunt, ut ii qui cum bobus terram
colunt unum sextarium avenæ reddant, alii vero dimidium,
tantumque de bosco Campi-Froaldi ( 2 ) quantum eissufficiat
ad domos et vineas faciendas, vel ad quæcumque voluerint
in suo dominio. Trado illis et domum Arberti, archipres-
byteri de Brierio ( 3 ), in eo in quo nunc est sita loco, aut in
quo eam postmodum removebo. Tonnas quoque trecentos
vini modios continentes et cupas quæ ad eamdem mensuram
vinum continere sufficiant, nec non et areas (4) viginti
annonæ modios capientes. Præter hoc universorum panno-
rum meorum omnis generis dimidium eis do, non quidem
præsentialiter, sed vel ante mortem meam vel in morte.
Boum quoque ac vaccarum atque porcorum meorum dimi-
dium. Hujus rei testes sunt Rodulfus Cocus, Arnulfus de
Monastello-medio , Arnaldus Berillus, Petrus Dalphinus,
Adelinus præpositus, Archimbaldus, Aymericus servientes.
(1) Salvamentum , redevance due par les tenanciers à leur seigneur
pour la protection de leurs personnes et de leurs choses.
(2) Champfraud, domaine, commune de Saint-Capraix, près Bourges.
On y voit encore l’écu aux trois bourses , armes du prieuré.
( 3 ) Bruère et La Celle-Bruère , archiprêtré, puis simple église, près
Dun-le-Roi.
(4) Area , arche ou coffre de grande dimension pour contenir des
grains. Ducange cite à ce mot la phrase de notre charte empruntée
aux archives de La Charité : Ex archivo B. M . de Charitate. Tonna
et cupa désignent des futailles pour les vins.
16
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122
Cartulaire de La Charité .
Vuido de Chaslone, Rodulfus de Bosco, Rodulfus Bodo.
Actum publice in capitulo beatæ Mariæ de Charitate.
Post hoc etiam donum, quod apud Sanctam Mariam de
Charitate factum est, fecit ipse Bartholomeus aliud donum
apud Bituricas, in claustro beatæ Mariæ de Monastello
medio (i), totum videlicet quod in eadem terra Campi-
Froaldi retinuerat, sine ulla retentione post obitum suum
monachis donavit atque concessit. Hoc donum laudavit
filius ejus Odo, et Aremgardis filia ejus et maritus i psi us
Gaufridus, et Robertus eorum filius , et Thomas de cujus
feodo erat, videntibus Raymundo Bechet, Sulpitio de Con-
corcialo, Stephano Guissa curta, Odone de Muro, Odone
Dapifero, Roberto Meschino. Deinde crescente devotione
donavit dominus Bartholomeus Deo et Sanctæ Mariæ de
Charitate suam m:^nam domum quæ est intra murum
Bituricæ civitatis, et totum casale iu quo sita est, cum
omnibus quæ ad casale pertinent ; quam scilicet donationem
per manum filii sui domni Roberti monachi misit priori et
conventui de Charitate. Proposuerat quippe ut, si fieri posset.
et se et filium suum parvulum Odonem, quem habebat, cum
omnibus rebus suis Deo et Sanctæ Mariæ de Charitate tra-
deret. Postea vero videns supradictum filium suum Odonem
nolle sæculum relinquere, et quod proposuerat non posse
adimplere, expetiit domnum Odonem (2) , priorem de
Charitate, et omnia supradicta dona quæ ante donaverat
recognoscens, omnium donationem iterum ipse et Odo filius
ejus in manum prioris miserunt. Ac inde pater obnixe pro
(1) Notre-Dame de Montermoyen ou Montermain , ancien monas-
tère de femmes, puis chapitre de chanoines réguliers. La chapelle,
dont il ne reste que quelques vestiges, était située au nord-ouest
de la caserne , rue du Vieux-Poirier. ( Statistique du Cher , Bourges,
p. 216.)
(2) On se rappelle le prieur Eudes Arpin, vicomte de Bourges aupa-
ravant. Sa haute situation avait dû provoquer cette donation et
explique le rôle délicat qui lui fut donné en cette circonstance.
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Champfraud , près Bourges .
123
filio suo, ne ilium exhæredaret, priorem rogavit. Prior vero
locutus est cum consilio et Bartholomeus similiter cum suo.
Hanc concordiam et conventionem inter se fecerunt ut
dominus Bartholomeus totam villam, quæ Campus-Froaldus
vocatur, cum omnibus quæ inibi habebat Deo et Sanctæ
Mariæ de Charitate imperpetuum possidendam in præsenti
traderet; partem scilicet quam antea monachis dederat et
partem quam in vita sua retinuerat. Addidit etiam huic
dono quatuor arpennos pratorum apud Marmanniam (i),
laudante hoc ipsum donum filio suo Odone. Prior vero
concessit supradicto Odoni filio Bartholomæi suam magnam
domum et magnum clausum vinearum , tali conditione ut si
sine legitimo hærede filiorum aut filiarum obierit, simi-
liter si filii filiorum aut filiarum sine legitimis filiis aut filia-
bus obierint, et ut totum breviter dicatur, ubicunque légitima
posteritas filiorum aut filiarum defecerit , omnia quæ
supra diximus ad locum de Charitate revertantur; nullus
enim alius hæres hæreditare valebit. Quicunque vero ex
supradictis hæredibus hoc clausum habuerit, ad cognos-
cendum quod de monachis illud teneat, per singulos annos
quoddam plaustrum (2) vino mero onustum illis dabit.
Sciendum vero quoniam si filius domini Bartholomæi,
aliqua necessitate compulsus, pecuniam mutuo accipere
voluerit, usque ad centum libras denariorum medietanæ
monetæ (3), super prædictam domum et clausum, a mona-
chis de Charitate accipiet, ita tamen ut securos illos faciat,
quod nec per se nec per alium quemlibet de isto vadimonio
aliquam violentiam vel injuriam illis inférât, donec tantam
pecuniam reddat. Actum publice inter Bituricas et Ayas (4),
anno ab Incarnatione Domini millesimo centesimo unde-
(1) Marmagne, canton de Mehun-sur-Yèvre, près Bourges.
(2) Plaustrum est pris dans le sens de char, charretée. A titre de
reconnaissance il devait une voiture chargée de vin.
( 3 ) Probablement monnaie de moyenne valeur.
(4) Les Aix-d’Angillon, canton à vingt kilomètres de Bourges.
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124
Cartulaire de La Charité.
cimo, indictione quarta, régnante Ludovico rege Franco-
rum, præsente domno Odone, priore de Charitate, cum
monachis suis, Henrico filio comitis Stephani (i), Roberto
monacho filio domini Bartholomei, Stephano capellano
prioris. Fuerunt et laïci testes, ex parte monachorum, Wal-
terius, Fruinus, milites, et famuli eorum Stephanus,
Rodulfus, Bernardus, Alvredus, Hugo. Ex parte domini
Bartholomei et ejus filii Odonis fuerunt testes : Rainaldus
Guissa curta, Rainaldus Bechet, Arnulfus de Monastello
medio, Paganus, Hyreus, Hugo, Senerillus.
XLIX.
CARTA HUGONIS DE TILIO PRO EJUS UXORE
ERMENGARDE, DE NARCIACO.
1121 Août i 5 .
Ermengarde, à ses derniers moments , ayant chargé
Hugues de TU, son mari , d'obtenir sa sépulture dans
Véglise de La Charité et de faire don aux religieux de
ce qu'elle possédait à Narcy, celui-ci, après P enterre-
ment , en présence des évêques de Nevers et d'Auxerre ,
du prieur Eudes et de son chapitre , donne tous ses biens
de Narcy et de la Bertrange , à l'exception des hommes
et des tenanciers. A cette occasion , Hugues et sa femme
sont inscrits pour un anniversaire.
In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Notum sit
omnibus quod Ermengardis, uxor Hugonis de Tilio (2),
(1) Henri, évêque de Vinchester, mort en 1171 , 3 # fils d’Etienne,
comte de Blois.
(2) Ce personnage paraît fréquemment dans nos ‘chartes et dans
celles d’Auxerre. Ce fut sans doute lui qui rendit, de concert avec saint
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Narcy .
125
infirmitate qua et obiit prægravata, rogavit eumdem virum
suum , ut se ad Sanctam Mariam de Charitate deferri et ibi
sepeliri faceret, donaret etiam eidem ecclesiæ pro salute
animæ suæ aliquid de terra sua , videlicet quidquid habebat
apud Narciacum (1), et in tota potestate Narciaci, quod sci-
licet de capite ipsius erat. Hanc ejus petitionem viderunt et
audierunt Hubertus de Talaia, Robertus de Bosco, Rainaldus
Voce, Rainaldus Morellus. Itaque postquam corpus ejus illuc
delatum est ibidem sepultum, introiens præfatus Hugo capi-
tulum monachorum , præsentibus episcopis Hugone Autis-
siodorensi et Fromundo Nivernensi (2), præsente etiam
domno Odone totoque conventu, donavit eis pro anima
uxoris suæ Ermengardis, sicut illam adhuc viventem ab ipso
petiisse et denominasse supradixit, quidquid omnino in
dominio suo habebat apud Narciacum et in tota potestate
Narciaci et in Lasteioet in Britannia ( 3 ). Excepit vero casatos
suos et homines quosdam, scilicet Rainaldum de Burgonovo
et Andream fratrem ejus, Josbertum quoque mercatorem, et
fratrem ejus Paganum et hoc quod in uxore Stephani de
Narciaco habebat. Hoc viderunt et audierunt, ex parte ejus,
Vuillelmus, cornes Nivernensis (4), Hugo Mansellus, Vuil-
lelmus de Monte Nesione (5), Hubertus de Talaia, Robertus
de Bosco, Rainaldus Voce. Ex parte monachorum, Hugo
præpositus, Ebrardus, Baraldus, Archimbaldus, Normannus,
Bernard, une sentence sur le testament de Guillaume II, comte de
Ncvers, en u5o. (Lebeuf, t. III, p. 83.)
(1) Narcy, canton de La Charité, fief de la châtellenie de Nevers.
(2) Fromond, évéque de Nevers, 1 121-1143. Hugues de Montaigu,
évéque d’Auxerre, 1 1 14-1136.
(3) La forêt de la Bertrange, entre La Charité et Beaumont-la-Fer-
rière. Lasteium désigne vraisemblablement Lâché, commune de Vitry-
Laché, canton de Brinon. Lascheium , Lachay était un fief de la châ-
tellenie de Montenoison.
(4) Guillaume II comparaît comme suzerain direct.
(3) Montenoison, canton de Prémery. Importante châtellenie du
comté de Nevers, qui comprenait cent trente fiefs dans son ressort.
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I2Ô
Cartulaire de La Charité .
Thomas de Hospitio, Landricus, Petrus films Aymerici, alii-
que perplures. Factum est hocanno ab Incarnatione Domini
millesimo centesimo vicesimo primo, indictione décima,
régnante Ludovico Francorum rege, die Assumptionis beatæ
Mariæ.
Præceptum igitur et constitutum est adomno priore Odone
totoque conventu ut anniversarium ejusdem Ermengardis,
necnon et Hugonis viri ejus, postquam et ipse obierit, in
ecclesia beatæ Mariæ de Charitate perpetuo fiat et die eodem
de redditibus terræ supradictæ con ventus reficiatur ( i ). Igitur
de omnibus jussit Hugo de Tilio cartam fieri, et ut apud
posteros rata et firma permaneant, domni Hugonis Autissio-
dorensis episcopi, qui præsens affuit, sigillo muniri.
L.
CARTA ALIA HUGONIS ITEM DE NARCIACO.
1 146 circa.
Hugues de Narcy donne aux religieux de La Charité un
alleu , une maison , la moitié des revenus du four et tous
ses biens de Narcjr. Itier, son suzerain, reçoit une somme
de mille sous et sa femme un présent , pour approuver cet
acte . Quelque temps après Hugues de Narcjr, ayant pris
la croix, renouvelle sa donation en présence du comte de
Nevers , et les moines consentent à fournir , à titre de
secours , trois cents sous à lui et une prébende à sa
femme, sa vie durant .
In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Patris , Filii et
Spiritus Sancti. Noverint præsentes et futuri quod Hugo de
(1) Leur anniversaire est inscrit dans Tobituaire du prieuré de La
Charité à Tannée 1121.
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Narçy.
127
Narciaco vuerpivit, Deo et Sanctæ Mariæ de Charitate, me-
dietatem furni de Narciaco, quam de ipsis monachis de Cha-
ritate tenebat, et alodium illius et domum et quidquid in
furno habebat. Hoc autem donum laudavit Iterius, dominus
ejus, Nivernis, coram domino Vuillelmo, Nivernensi comité.
Fuerunt hujus rei testes dominus Vuillelmus , Nivernensis
cornes, et Vuillelmus filius ejus, et Hugo de Tilio, et Adam
deMarchia, et Robertus-de Bosco, Vuillelmus Garaldus,
Hubertus de Talai, Hugo de Boannai, et alii plures. Uxor
autem Iterii similiter hoc donum laudavit et filius ejus et filia
et omnes infantes illius concesserunt et laudaverunt. Mona-
chi vero propter hoc Iterio mille solidos dederunt , uxor
quoque ipsius, similiter a monachis quo et ipsa hoc donum
laudaret, munus habuit. Post hæc autem, aliquanto transacto
tempore, sæpedictus Hugo de Narciaco, Hierosolymam adiré
disponens (1), venit Charitatem et coram domno Petro.
priore, cognomento de Polo (2) et senioribus Charitatis ,
coram etiam Vuillelmo Nivernensi comité et aliis multis qui
tune præsentes aderant, iterum sicut ante jam fecerat, vuer-
pivit Deo et Sanctæ Mariæ de Charitate cum bona voluntate
sua quidquid in furno de Narciaco habebat in perpetuum.
Pro hac itaque re monachi dederunt ei , charitatis intuitu,
trecentos solidos et uxori ejus, quoniam et ipsa hoc bene
laudavit, unam prebendam quamdiu viveret. Sunt autem
hujus rei testes dominus Vuillermus, cornes Nivernensis, in
cujus conspectu hæc omnia gesta sunt, et Adam de Marchia,
Robertus de Bosco, Vuillelmus Garaldus, Humbertus de
Talai, Vulgrinus prepositus, Hugo de Boannai, et alii multi
qui hæc omnia viderunt et audierunt.
(1) La deuxième croisade, où fut le roi Louis VU, se prépara de
1145 à 1147, époque du départ du roi. La mention de cet événement
et la présence des témoins cités permettent de fixer approximative-
ment la date de cette charte à 1146.
(2) Pierre de Paule, cinquième prieur de La Charité, 1138-1x47.
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128
Cartulaire de La Charité.
LL
CARTA LUDOVTCI VII, FRANCORUM REGIS, DE QUA-
TUORDECIM MODIIS FRUMENTI SINGULIS ANNIS
SUPER MOLENDINA SUA PERCIPIENDIS APUD BITU-
RICAS.
ii 38. « Bourges.
Louis Vil , roi de France , donne aux religieux de La Cha-
rité quatorze muids de froment , à prendre sur les profits
de ses moulins de Bourges , à la condition de célébrer à
perpétuité et avant tout autre , un anniversaire le jour de
son décès et du décès de son père le roi Louis VI.
In nomine Domini, ego Ludovicus, Dei gratia Francorum
rex et dux Aquitaniæ, notum facimus universis fidelibus,
tam futuris quam præsentibus, quod nos pro remedio animæ
patris nostri piissimi Ludovici et antecessorum nostrorum et
nostræ, sanctissimæ ecclesiæ de tf Charitate nobis charissimæ
donavimus et in æternum concessimus, de frumento nostro
apud Bituricas, singulis annis, ad supplendum victum mo-
nachorum modios quatuordecim. Nos vero ab eisdem mona-
chis postulavimus et ipsi nobis concesserunt per manum
domni Pétri prioris (i) ut anniversarium diem obitus patris
nostri et nostrum (2) similiter in æternum in eadem ecclesia
faciant, et pro nulla occupatione prætermittant. Quod ut
perpetuæ stabilitatis obtineat munimentum scripto commen-
davimus et sigilli nostri authoritate et nominis nostri carac-
there subter firmamus. Actum publiée apud Bituricas in
( 1 ) Pierre de Paule, cinquième prieur, environ ii 38 à 1143.
(2) Louis VI, le Gros, mourut à Paris le i* r août 1137; Louis VII,
le 18 septembre 1180. Leurs deux anniversaires sont marqués à
Tannée ii 38 dans le nécrologe de La Charité.
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Moulins de Bourges .
12g
palatio nostro anno Incarnationis Dominicæ millesimo cen-
tesimo tricesimo octavo, regni nostri secundo, astantibus in
palatio nostro quorum nomina subtitulata sunt et signa,
dapifero nullo. Signum Vuillelmi Buticularii (1), signum
Mathæi constabularii (2), signum Mathæi camerarii ( 3 ). Data
per manum Algrini (4) cancellarii.
(Monogramme.)
LU.
CARTA ALLA EJUSDEM REGIS, PRO SEXDECIM MODIIS
FRUMENTI , SUPRA DICTA MOLENDINA PERCI-
PIENDIS.
1146. — Nevers.
Autre charte de Louis VII exposant que les quatorze muids
de blé donnés par Louis VI à La Charité , sans désigna-
tion exacte , avaient bien été attribués , sur la demande du
prieur Pierre de Paule , aux moulins de Bourges ; mais
comme on les livrait moitié ras , moitié avec faite , le roi ,
pour éviter toute contestation , prescrit le don de sei$e
muids ras , mesure de Bourges , à V époque du Carême.
In nomine sanctæ et individu» Trinitatis, Ludovicus, Dei
gratia, rex Francorum etdux Aquitanorum. Omnino conve-
(1) Guillaume de Senlis, surnommé le Loup, fut bouteiller de France
jusqu’en 1149 environ et mourut en 1187.
(2) Mathieu I #r de Montmorency venait d’être nommé connétable en
cette année ii 38 et occupa cette fonction jusqu’à sa mort, en 1160.
(P. Anselme, Grands officiers de la couronne.)
(3) Mathieu 1 er , comte de Beaumont-sur-Oise.
(4) Aigri n, chanoine d’Étampes et chapelain du roi, chancelier,
d’environ xi35 à 1140.
»7
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i3o
Cartulaire de La Charité.
niens est ut eleemosynas quas facimus certo alicubi loco
designemus , ne bat instabile aut vagum , quod expedit esse
sempiternum , notum proinde facimus universis, et præsen-
tibus pariter et futuris, quod quatuordecim modios trumenti,
quos ecclesiæ Sanctæ Mariæ de Charitate felicis memoriæ
Ludovicus, rex Francorum, genitor noster, apud Bituricas
in eleemosynam absque tamen certa designatione donaverat,
in molendinis nostris Bituricensibus, precatu Pétri de Paulo,
tune temporis ejusdem ecclesiæ prioris dilectissimi nostri,
rata nimirum et immobili diffinitione imposterum assigna-
vimus. Etquoniam prænumeratorum medietas erat, ut vulgo
dicitur, ad rasum, medietas autem ad cumulum (i), pro qua-
tuordecim modiis frumenti sexdecim modios frumenti ad
mensuram Bituricensem et ad rasum suppleri statuimus, qui
ad victum monachorum, singulis in perpetuum annis, de
molendinis nostris in quadragesimo persolvantur. Quod ut
stabile semper inconcussum permaneat, scripto commendari,
sigilli nostri authoritate muniri, nostrique nominis trans-
cripto caracthere corroborari præcepimus. Actum publice
Nivernis, anno ab Incarnatione Domini millesimo centesimo
quadragentesimo sexto, regni vero nostri decimo, astantibus
in palatio nostro quorum nomina subtitulata sunt et signa.
Signum Radulfi, Viromandorum comitis, dapiferi nostri ( 2 ),
signum Vuillelmi Buticularii, signum Mathei camerarii,
signum Mathei constabularii. Data per manum Cadurci (3)
cancellarii.
(Monogramme.)
(1) Le boisseau était rez, ad rasum, ou bien grande mesure avec un
sommet, ad cumulum , enfaîté.
(2) Raoul, comte de Vermandois, sénéchal, de ii 3 i à 1147.
( 3 ) Cadurc, chancelier de 1140 à 1147. Pour le connétable et cham-
brier, voyez charte précédente.
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Moulins de Bourges.
3 i
LUI.
MANDATUM LUDOVICI VIII REGIS PRO SOLVENDIS
PREFATIS SEXDECIM MODIIS FRUMENTI.
1223 Septembre. — Bourges.
Louis VIII commande à ses officiers d'installer à ses mou -
lins de Bourges , au Carême , un sergent du prieur de La
Charité , pour recevoir les sei\e muids de froment. ,
Ludovicus, Dei gratia Francorum rex, omnibus meis
Bituresii salutem. Mandantes vobis, prccipimus quatenus
priorem Charitatis, singulis annis in quadragesima, permit-
tatis ponere unum de servitoribus suis, ad sumptus suos, qui
recipiet sexdecim modios frumenti , quos percipere debet in
molendinis nostris Bituricarum , sicut in literis felicis me-
morie avi nostri Ludovici , quondam regis Francorum
plenius continetur. Actum Bituricis, anno Domini millesimo
ducentesimo vicesimo tertio, mense septembri.
LIV.
MANDEMENT DU DUC DE BERRY A SON BAILLY DE
BOURGES POUR LE PAYEMENT DES 'SEIZE MUIDS
SUSDICTS.
1 365 Mars 10. — Paris.
D'ap'ès la requête des religieux de La Charité au duc de
Berry , ils avaient de temps immémorial le droit de
mettre , en Carême , un de leurs gens aux moulins le Roi ,
avec une clef du coffre des recettes , jusqu'à parfait paye -
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i32
Cartulaire de La Charité.
ment de sei\e muids de blé. Les profits des moulins venant
à être perçus directement par le domaine du duché , et les
officiers s'opposant à 1* accomplissement de cet usage , sans
mandat spécial , le duc Jean ordonne de laisser les reli-
gieux jouir de leur rente comme par le passé.
Jean, filz de Roy de France, duc de Berry et d’Au-
vergne (i), à nos bailly et receveur de Bourges et à tous nos
autres officiers ou à leurs lieutenans, salut. Ouye la suppli-
cacion de nos bien amez les religieux, prieur et couvent de
La Charité sur Loyre, contenant comme ils ayent accoustumé
de prendre et avoir chascun an sur les moulins que l’on dit
les moulins le Roy, à Bourges, seize muids de froumentàla
mesure du lieu et de mettre, de par eulx , esdiz moulins, le
premier jour de Caresme, un de leurs gens ou officiers, qui
aye une des clefs de la huche où l'en met le froument que
iceux moulins gaignent ( 2 ) , et ne s'en part jusques à ce que
lesdiz religieux soient payez entièrement desdiz seize muids
froument ; et de ces choses ayent esté et soient en possession
et saisine, et en ont joui et usé paisiblement de tel et si long
temps qu’il n’est mémoire du contraire, et il soit ainsy que
lesdiz moulins qui d'ancienneté ont esté et sont du domaine
de nostre duché, lesquelz souloient tenir en sa main le
Borgne de Levis (3), soient de nouvel venus en nostre main,
(1) Jean de France, troisième fils du roi Jean, né le 3o novem-
bre 1340, duc de Berry en i36o, mort à Paris le i5 juin 1416.
(2) Les meuniers se payaient ordinairement en nature. Le Uvrt
des métiers et l’ordonnance du roi Jean, de 1 35 1 , disent à ce sujet :
c Les meusniers prendront, à Paris, de mouldre ung sextierdeblé
douze deniers parisis et non plus, ou ung boissel rez du blé quilx
mouldront. > Ces grains constituaient des profits en nature, sur
lesquels les religieux prélevaient leur compte.
(3) Les moulins des Quatre-Pclles, construits sur l’Yèvre, près Saint-
Privé, formaient une censive dont la propriété s’éteignit à défaut
de mâle dans la famille. Ils furent détruits par les Anglais au
quinzième siècle.
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Moulins de Bourges .
1 33
ex en ayons à présent les proffitz et emolumens, et pour ce
soyons tenus de payer ce en quoi ils sont chargez envers
lesdiz religieux ; et combien que par certain temps que lesdiz
moulins ont esté en nostre main, par deffault d'homme, et
en ayant reçeu les proffiz, lesdiz religieux ayent joui et usé
paisiblement de leur droit, possession et saizine dessusdicte,
au veu et au sceu de nos gens et officiers et non contredisans,
neantmoins vous ou aucun de vous, en ceste présente année,
avez contredit et refusé de laisser lesdiz religieux jouir et
user de leur droit, possession et saizine, en la maniéré qu’ils
ont accoustumée , et de leur payer ladicte rente , disans que
sans avoir mandement de nous sur ce, ne l'ausiez bonne-
ment faire, si comme lesdiz religieux disent, en nous sup-
plians comme ladicte rente ils ayent jouy paisiblement par
le temps dessusdict jusques a ceste année, et ayent moult
perdu par le faict des guerres, que sur ce leur voulions pour-
voir de gracieux remede. Nous, considéré ce que dit est, qui
ne voulons les droicts des églises estre diminués, mais iceulx
accroistre, vous mandons et a chascun de vous, si comme a
luy appartiendra estroittement enjoignons, en commettant,
si mestier est, que s’il vous appert deuement des choses
dessusdictes, lesdiz religieux et leurs gens vous faites, souf-
frez et laissez jouir et user paisiblement de leur rente,
saizine et possession dessusdicte, en leur souffrant et laissant
prendre et estre payez de leur dicte rente doresnavant, en la
maniéré et selon qu'il vous apparoistra avoir faict lesdiz
religieux, avant que lesdiz moulins feussent dernièrement mis
en nostre main, en ostant tout empeschement qui par vous
ou aucun de vous y auroit sur ce esté mis, se aucun y en
avoit, lequel en ce cas nous ostons par ces présentes, nonobs-
tant nos ordonnances, mandemens ou deffenses faictes ou a
faire au contraire. Donné à Paris le dixiesme jour de mars,
l’an de grâce mil trois cent soixante et cinq, sous le scel de
nostre secret, en l’absence de nostre grand.
Par monsieur le duc et à la relacion de l’evesque de
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i34
Cartulaire de La Charité .
Nevers (i), signé de Chery, et scellé en cire rouge, aux
armes du duché de Berry, qui sont semé de France (2).
LV.
QUOMODO VUILLELMUS, NIVERNENSIS COMES, OMNES
POSSESSIONES CHARITATIS IN SUO FEODO SITAS
CONFIRMA VIT (3).
1143 et 1223 Février.
Vidimus par V évêque d'Auxerre d'une charte de Guillaume ,
comte de Nevers , dans laquelle , sur le point d'entrer à la
Chartreuse , il donne son consentement à toutes les acqui-
sitions que les religieux de La Charité pourront faire
dans le comté. Il renonce à tout droit de péage et d'hô-
tellerie dans leurs habitations et à toute suzeraineté sur
le monastère et la ville de La Charité.
Henricus, Dei gratia, Autissiodorensis episcopus (4). uni-
versis présentes litteras inspecturis, salutem in Domino.
Noveritis nos verbo ad verbum legisse et inspexisse chartam
' 1 ) Pierre Aicelin de Montaigu, évêque de Nevers en i36i, avait été
chancelier du duc de Berry et resta toujours du conseil de ce prince.
(L. de Saintemarie, Recherches sur Nevers , p. 292.)
(2) Note du manuscrit. — Il y a deux autres mandemens du susdit
duc de Berry, dans le trésor de monsieur le prieur de La Charité, dans
le logis prioral, portant ordre à son grenetier de Bourges de payer la
susdicte rente auxdits religieux de La Charité, pour les années z 367
et 1371.
( 3 ) Cette charte est imprimée dans le Gallia Christiana , t XII,
col. 114, instrumenta.
(4) Henri de Villeneuve , cinquante-neuvième évêque d’Auxerre,
1220-1234.
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Le comte Guillaume.
1 3 5
domini Guillelmi, comitis Nivernensis, spectantem ad eccle-
siam de Charitate, sub hac forma :
In nomine sancte et individue Trinitatis, amen. Notum
sit presentibus et futuris quod ego Vuillermus, Nivernensis
cornes, ecclesiam beate Marie de Charitate, honestate et reli-
gione pollentem, ab omni perturbatione quietam meis et
successorum meorum temporibus desiderans, et particeps
beneficiorum servorum Dei fieri volens, eo tempore quo
vitam meam mutarc et Carthusiam pro agenda penitentia
adiré disponebam, cum duobus filiis meis, Vuillelmo et
Rainaldo (i) apud dictam Charitatem veni, ibique assisten-
tibus ipsis filiis meis, clericis quoque, militibus et aliis
multis, venerabili viro Petro ( 2 ) priori et sacro conventui de
Charitate supplicavi ut me facere participem beneficiorum
que fiunt ab eis dignarentur. Quod cum mihi concessissent,
ego, pro salute tam mea quam parentum meorum, laudavi et
concessi dictis monachis quidquid de feodo meo, casamento-
que, quocumque modo acquisierant, vel poterunt acquirere
imperpetuum, et totum pedagium per totam terram meam.
Significavi etiam omnibus qui aderant, me seu successores
meos non habere aliquam herbergariam consuetudinem in
his villis de Beluciaco, Poliaco, Charentone, Vevra, Mai-
gniaco, Patingiis, Domnopetro aut in grangia de Roca-
forti (3), sive in aliqua villa aut grangia ad monachos de
Charitate spectante. Significavi preterea me seu successores
meos in ipso monasterio vel in villa de Charitate aut in
pertinentiis nihil juris habere omnino. Hoc viderunt et lau-
daverunt nominati filii mei. Hujus rei testes sunt Hugo de
( 1 ) Guillaume II, comte de Nevers et d’Auxerre en iioi, se fit char-
treux vers 1143 et fut remplacé par son fils Guillaume III. Son autre
fils Rainaud fut comte de Tonnerre.
( 2 ) Pierre de Paule, cinquième prieur, ii38-ii43.
( 3 ) Bulcy, près Mêves, Pouilly, Charent, Vêvre (?), Magny, com-
mune .de La Celle; Patinges, commune de Cours-lea-Barres (Cher) ;
Dompierre-sur-Nièvre; Rochefort, commune de Narcy.
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1 36
Cartulaire de La Charité.
Tilio , Adam de Marchia, Hugo de Patingiis , Seguinus de
Tornella, Durannus de Fovent, Hugo de Roony et alii.
Actum publiée anno Dominice Incar nationis millesimo cen-
tesimo quadragesimo tertio, indictione quinta, Ludovico
piissimo regni Francorum et Aquitanici primatus habenas
féliciter gubernante.
In cujus inspectionis testimonium, ad petitionem B...
prioris et conventus de Charitate, presenti transcripto, sigil-
lum nostrum duximus apponendum. Datum apud Charitatem
anno Domini millesimo ducentesimo vigesimo tertio, mense
februario.
LVI.
VADIMONIUM TERRÆ DE COLLONGIIS MONACHIS DE
CHARITATE POSITUM A PONTIO DE MONTE PODIO.
1 148.
Pons de Montenpuis, ayant pris la croix , engage tous ses
biens situés à Coulonge pour go livres nivernaises que
lui payent les religieux de Coulonge et de La Charité.
Il leur en donne les revenus pour la durée de l'engage-
ment. Ses quatre frères approuvent sur serment cette
convention et la font reconnaître par V évêque et le comte
de Nevers.
In nomine sanctæ Trinitatis. Notis mémorisé literis poste-
ritati fidelium assignare decrevimus quod Pontius de Monte
podio (1) Hierosolymam pergens (2), posuit in vadimonium
(1) Montenpuis, commune de Saint-Parize-en-Viry.
(2) La deuxième croisade , commandée par Louis VII , eut lieu
en 1 147.
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Coulonge.
i3j
monachis de Charitate et monachis de Collongiis (i), pro
octoginta et decem libris Nivernensis monetæ, partem quam
in eisdem Colongiis et in omnibus suis appenditiis habebat,
videlicet in hominibus, in pratis, in vineis, in aquis, in
bosco et piano et cæteris omnibus quæ in prædictis Colongiis
sui juris erant. Dédit autem idem Pontius supradictis
monachis, pro remedio animæ suæ, omnes redditus et exitus
predictæ villæ quamdiu monachi eam in vadimonio habe-
rent. Quod ut ratum et inconcussum permaneret, prædictus
Pontius et fratres ejus, videlicet Guido, Hugo et Gaufridus,
hoc coram multis in capitulo de Charitate jurejurando con-
firmaverunt. Guillelmus vero, quia absens erat, egritudine
cogente, postea apud Colungias, multis videntibus, super
sacrosanctum altare Dei genitricis eodem pacto jurejurando
hoc confirmavit. Præfatus autem Pontius et très ejus fratres,
scilicet Guido, Hugo et Gaufridus, de Charitate revertentes,
hoc idem in prœsentia domni Gaufridi, Nivernensis episcopi
et Vuillermi Nivernensium comitis (2) prœdicto pacto con-
firmaverunt. Hoc laudaverunt et concesserunt uxor supra-
dicti Pontii et fratres ejus Guido, Vuillelmus, Hugo et
Gaufridus. Hujus rei testes sunt Drogo, cantor Nivernensis
ecclesiæ, Eudo sacrista, Hugo de Buxeria et frater ejus
Guido, Vuillelmus de Pero, Vuillelmus de Marriaco,
Ulgrinus præpositus, Petrus, Emericus Pino,
(1) Coulonge, commune de Cercy-la-Tour.
(2) Geoffroi, évéque de Nevers, de 1146 à 1160; Guillaume III,
comte de Nevers, 1 147-1161.
18
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1 38
Cartulaire de La Charité.
LVII.
CARTA ALLA DE COLONGIIS.
1148.
A la suite de l'acte de gage qui précède , et en présence des
mêmes témoins , Pons de Montenpuis donne au prieuré de
Coulonge ses droits dans le cimetière de l'église, les deux
foires se tenant à Pâques et à l'exaltation de la sainte
Croix , avec les droits de place et de justice dans ces
foires , le four de Coulonge avec ses usages . Les moines
célébreront à perpétuité un anniversaire pour lui et ses
père et mère.
In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Univcrsis
sanctæ ecclesiæ fidelibus notum sit quod Pontius, filius
Theodorici de Montepodio pro sua suorumque salute,
Hierosolymam pergens, donavit Deo et Sanctæ Mariæ de
Colongiis, monachisque ibidem Deo servientibus quidquid
clamabat incimiterio ejusdem ecclesiæ, duasetiam nundinas
quæ vulgo feriæ dicuntur, unam in octavis Paschæ in vigilia
et in die, alteram in exaltatione sanctæ Crucis (1), in vigilia
et in die. Donavit insuper idem Pontius prædictis
monachis logias feriarum et justitiam earum in omnibus
locis supradictæ villæ, et quidquid ad ferias pertinet, sine
ulla retentione, exceptis domibus suis. Dédit quoque præfatis
monachis furnum supradictæ villæ, et omnes usuarias ejus
(1) Ces foires devaient se tenir en mars ou avril et en septembre,
l'exaltation de la sainte Croix tombant le 14 septembre. II sera inté-
ressant pour l'histoire locale d’en connaître l'existence à une époque
aussi reculée. L'ancien prieuré de Coulonge n'est plus aujourd'hui
qu’une maison de campagne près Cercy-la-Tour.
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Coulonge.
1 39
tam in bosco quam in hominibus. Pro hac donatione pepi-
gerunt ei monachi quod anniversarium illius patris etiam et
matris ejus singulis annis honorifice facerent. Ut autem hoc
donum stabile et inconcussum éxisteret, præ:iictus Pontius
et fratres ejus, videlicet Guido, Hugo et Gaufridus coram
multis in capitulo de Charitate jurejurando confirmaverunt.
Vuillelmus vero qui pro infirmitaie corporis absens erat,
postea apud Colongias multis videntibus super sacrosanctum
altare Dei genitricis, eodem pacto quo fratres ejus hoc
donum confirma verant , jurejurando confirmavit. Post-
modum præfatus Pontius et très fratres ejus, scilicet Guido,
Hugo et Gaufridus, de Charitate revertentes, hoc idem in
præsentia domni Gaufridi, Nivernensis episcopiet Vuillermi
Nivernensium comitis confirmaverunt. Si autem huicdona-
tioni aliquis resistere vel eam calumniare in futuro voluerit
Pontius et fratres ejus se, pro viribus suis, monachorum fore
defensores jurejurando confirmaverunt. Hoc donum lauda-
verunt et concesserunt uxor supradicti Pontii, et fratres ejus
Guido videlicet, Vuillelmus, Hugo, Gaufridus. Hujus rei
testes sunt Drogo, præcentor Nivernensis ecclesiæ, Eudo
sacrista, Hugo de Buxeria et Guido frater ejus, Vuillelmus
de Pero, Vuillelmus de Marriaco, Vuillelmus Garaldus,
Gaufridus de Rumiliaco, Vulgrinus, Petrus, Emericus.
Actum publice anno ab Incarnatione Domini millesimo
centesimo quadragesimo octavo, tempore Ludovici Regis
Francorum et Vuillelmi Nivernensium comitis, et Gaufridi
Nivernensis episcopi. Drogo præcentor et cancellarius
Nivernensis ecclesiæ jussit fieri.
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X
140 Cartulaire de La Charité.
LVIII.
CARTA HUGONIS DE LA FERTÉ QUI DEDIT QUADRA-
GINTA SOLIDOS ANNUALES PRO ANNIVERSARIO SUO
SUPER CASTRUM DE UCHIA PERCIPIENDOS.
1 1 5 x .
Hugues de La Ferté donne aux religieux de La Charité
pour son anniversaire une rente de 40 sous établie sur le
château d’Ouche , appartenant à Geoffroi de Don\y,
petit-fils par sa mère de Hugues de La Ferté . Geo fi roi
de Don\y, suivi de ses deux fils Hervé et Geoffroi ,
approuve la donation et revêt la charte de son sceau .
In nomine sanctœet individuæ Trinitatis. Posteritati fide-
iium, ne qualibet possit oblivione deleri, præsenti scripto
commendari decrevimus, quod Hugo de La Ferté cogno-
mento Blancus, qui, ex parte matris, domini Gaufridi de
Donziaco avus extitit, donavit Deo et Sanctæ Mariæ de Cha-
ritate et monachis ibidem Deo servientibus, quadraginta
solidos apud castrum quod Uchia (1) vocatur annis singulis
pro anniversario suo. Hanc itaque donationem in communi
capitulo de Charitate concessit atque laudavit præfatus
dominus Gaufridus de Donziaco, cui terra ipsa donata est,
cum duobus fiiiis Herveo et Gaufrido (2) qui similiter hoc lau-
daverunt et coram multis idem concesserunt. Præsens autem
(1) On a vu dans la charte XXXIX Humbertus de Oschia. Cette
localité doit être aujourd'hui le hameau d'Ouche, commune de La
Marche.
(2) Geoffroi, quatrième baron de Donzy, 1 120*11 38 . 11 paraît ainsi
que ses deux mêmes fils Hervé et Geoffroi dans un accord avec l'abbé
de Saint-Germain d'Auxerre au sujet de Diges, en cette même année
ii5i. (Quantin, Cart, de V Yonne, l, p. 481.)
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Châteaurenard.
141
hæc carta ob hoc, sigillo sæpedicti Gaufridi de Donziaco
sigillata est , ne quislibet in futurum huic donationi valeat
contra ire et ut in perpetuum stabilis ac firma permaneat.
Hujus rei ex parte domini Gaufridi testes suntVuido de
Arcuin et Gimo famillus, cæterique quam plures. Ex parte
autem monachorum Gilo Meschinus de Sancerra (1), Geral-
dus de Castro Lucio (2), Joannes Pius, Bertolous filius
Humberti Bertoloi, Varnerius de Boniaco , Alveriaz filius
Joscelini Jardelli et multi alii qui hoc viderunt et audierunt.
Hoc autem factum est in commuai capitulo de Charitate
anno ab incarnatione Domini nostri Jesu Christi, miilesimo
centesimo quinquagesimo primo.
LIX.
COMPOSITIO HABITA INTER MONACHOS DE CHARITATE
ET CANONICOS DE CASTRO RAINARDI SUPER QUA-
DAM PREBENDA A MONACHIS PRETENSA IN ECCLE-
SIA CANONICALI.
1154.
Des deux églises de Châteaurenard , l'une , Saint-Étienne,
dépendait de Vabbaye de Saint-Jean de Sens et était
tenue par des chanoines , Vautre, Saint-Nicolas, desservie
par des moines , relevait du prieuré de La Charité . Ces
derniers réclamaient le revenu (Tune prébende dans
V église des chanoines ; Vabbé de Saint-Jean et le prieur
(1) Adam Le Meschin fit en 1107 une donation au prieur Eudes
Arpin. (Ci-dessus, ch. XLVII.)
(2) Chatellux (Yonne), canton de Quarré-les-Tombés. La forme
Castri-lucii ne se rencontre qu’une fois dans le Cartulaire de V Yonne.
Au douzième siècle apparaît déjà Castelud et Castellux.
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142
Cartulaire de La Charité.
de La Charité soutenaient chacun la cause de leurs tenan-
ciers. On en vint enfin à l'accord suivant , convenu en
présence de nombreux témoins , de V archevêque de Sens
et de V évêque d'Auxerre : les chanoines payeront cent
sous chaque année et renonceront à toutes les dîmes sur
les terres des moines , d'autre part les moines abandon-
neront toute prétention sur ladite prébende et sur
l'église.
In nomine sancte et individue Trinitatis, amen. Quoniam
generatio advenit et generatio prétérit, omnisque Humana
actio authoris privilegio profitetur defectum , ne in eis que
militer geruntur sibi locum vindicet mortis cognata oblivio,
literarum suffragio solet provideri ; nos itaque hanc sequentes
authoritatem , presenti decrevimus annotare pagina, quod
facile posse labi timuimus a memoria humana. Noverint
igitur tam présentes quam posteri quod monachi de Charitate
habebant quandam prebendam in ecclesia de Castro-Rai-
nardi (1) et per illam investituram totam querelabant eccle-
siam. Canonici e contra qui eam tenebant, pro viribus illam
defendebant ; unde tandem , facta compositione pacis , statu-
tum est ut canonici annuatim solverent centum solidos ejus-
dem castri monete, monachis Sancti Nicolaï, quadraginta
solidos in natale Domini, triginta in nativitate sancti Johan-
nis et ultimos triginta in festo sancti Remigii ; insuperque
relinquerent predicti canonici monachis omnem decimatn
liberam et quietam, quam solebant accipere in vineis et in
terra monachorum, quas in die compositionis in propria
dominicatura tenebant. Si quid vero deinceps monachi
acquisierint in canonicorum decimatione consuetam decimam
canonicis reddent. Monachi autem et prebendam et totam
(1) ChÂteaurenard (Loiret), arrondissement de Montargis. L’église
de Saint-Étienne de ChÂteaurenard dépendait de l’abbaye de Saint-
Jean de Sens, occupée par des chanoines de l’ordre de Saint-A.ugustin.
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Châteaurenard.
ï43
ecclesie querelam pro pretaxatis centum solidis et acquisitione
décimé canonicis in perpetuum reliquerunt. Facta est hec
pacis compositio Senonis, in presentia Hugonis archipre-
sulis (i) anno ab incarnatione Domini millesimo centesimo
quinquagesimo quarto. Hujus rei testes extiterunt Herveus
prepositus, Odo decanus, Vuillelmus archidiaconus, Symon
thesaurarius, Symon cellerarius, Girardus abbas Sancti Pétri
vivi, Garnerius abbas Sancti Severini (2). Hanc conventio-
nem laudavit Fulco abbas totusque conventus, in capitulo
beati Johannis (3), ibidem assistente Rainaldo priore de
Charitate et Joël suppriore (4), atque Simone camerario. Hoc
idem laudaverunt in suo capitulo monachi de Charitate pré-
sente Vuillelmo priore Sancti Joannis et Rainardo priore de
Castro Rainardi, atque Radulfo Normanno canonico. Et ut
hec carta inconcussa perseveret, munivit eam suo sigillo
Hugo, Senonensis archiepiscopus, Alanus etiam episcopus
Autissiodorensis (3) per eu jus manum ex precepto apostolico
prefata causa tractanda erat, sigilli sui authoritate roboravit.
Monachi denique sigillo suo confirmaverunt cartam canoni-
corum, et canonici similiter suo sigillo cartam monachorum.
(1) Hugues de Toucy, archevêque de Sens en 1142.
( 2 ) Parmi ces témoins, Hervé, prévôt du chapitre de Sens, u 5 o-
1137; — Eudes, doyen, 1150-1176; — Guillaume, archidiacre, 1149-
1164; — Simon, trésorier, 1 143-1 163; — Simon, cellerier, 1143-1159;
— Girard, abbé de Saint-Pierre-le-Vif de Sens, 1148-1161; — Garnier
abbé de Saint-Séverin de Château-Landon, 1150-1169.
( 3 ) Foulques, abbé de Saint-Jean de Sens en 11 52 .
(4) Raynaud, huitième prieur de La Charité; il paraît dans une
charte précédente, où l’évêque Alain confirme les églises du prieuré
dans son diocèse. (Ci-dessus, p. 79.)
( 5 ) Alain, évêque d’Auxerre, 1152-1169.
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! 44
Cartulaire de La Charité.
L X.
ALIA COMPOSITIO INTER PREFATOS CANONICOS
ET MONACHOS.
1220 Avril.
Autre convention au sujet des biens des mêmes églises de
Châteaurenard , arrêtée par plusieurs arbitres et acceptée
d'avance par les parties , sous la peine de 40 livres. Le
prieur de La Charité renoncera à la rente de cent sous
due par Véglise de Saint-Étienne. En retour l’abbé de
Saint -Jean abandonnera les droits qu’il avait à la
Bourgognerie, les dîmes sur les vignes de Châteaure-
nard et sur les terres cultivées par les hommes de Saint-
Nicolas. Les acquisitions à venir ne seront pas soumises
à ces conditions.
Omnibus présentes litteras inspecturis , Henricus de
Inferneto, canonicus, magister Hugo de Mantarvilla, cano-
nicus, altaris Sancti Joannis in majori ecclesia Senonensi, et
magister Thecelinus, presbyter Preneti ( 1 ), salutem in
Domino. Noverint universi quod cum querela verteretur
inter venerabiles viros B... ( 2 ) priorem et conventum de
Charitate, ex una parte, pro ecclesia Sancti Nicolal de
Castro- Rainaldi, et venerabiles viros abbatem Vuillelmum
videlicet et conventum Sancti Joannis Senonensis, ex altéra,
pro ecclesia Sancti Stepbani de Castro-Rainardi (3), super
(1) Preneti ou Pruneti , Prunoy (Yonne), arrondissement de Joigny.
(2) Le vingtième prieur ; son nom n'est connu que par cette ini-
tiale.
(3) Un privilège d'Eugène III, du 21 juin xi 52, énumère les églises
dépendant de l'abbaye Saint-Jean de Sens, où figure l'église Saint-
Etienne de Châteaurenard. (Cartulaire de V Yonne, 1, p. 5o3.)
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Châteaurenard.
145
decimis tam majoribus quam minutis, tam veteribus quam
novis, tam terrarum quam vinearum, et super centum solidis
annui redditus quos prior et conventus de Charitate petebant
proecclesia beati Nicolaï de Castro Rainardi, ab ecclesia
beati Stephani de eodem Castro, coram abbate et priore
Castri-Lanthonis (1) a sede apostolica judicibus delegatis.
Tandem partes in nos sub pœna quadraginta librarum com-
promiserunt, promittentes firmiter, quod quidquid de predictis
querelis pace vel judicio statueremus, firmiter observarent.
Tandem nos inter partes pacem retormare cupientes, de
assensu et voluntate Hervei, prioris Sancti Nicolaï, et Ber-
nardi, prioris Sancti Stephani, qui spéciale mandatum in hac
causa habent agendi, defendendi, transigendi, componendi,
sicut per literas venerabilium virorum Vuillelmi abbatis et
conventus Sancti Joannis Senonensis et B... prioris et con-
ventus de Charitate, nobis constitit manifeste; statuimus
quod prior et conventus de Charitate quittarent ecclesie beati
Stephani de Castro-RainarJi dictos centum solidos ; et pro
illis centum solidis, venerabiles Abbas et conventus Sancti
Joannis Senonensis quittarent ecclesie beati Nicolaï de
Castro- Rainardi, quidquid juris habebant, pro ecclesia Sancti
Stephani de Castro- Rainardi, in decimatione Burgundarie (2)
et adhuc solverent eis annuatim, in octavis Sancti Andree,
très sextarios siliginis et très frumenti, de meliori quod
haberent in grangia sua de Castro- Rainardi, dum tamen
bladum esset laudabile et de ipso non deteriorando, priori
Sancti Nicolaï, fidem facient excussores. Quittaverunt etiam
decimationem vinearum quas in temporecompositionis hujus
habebant in perpetuo dominio, in parrochia Castri-Rainardi,
videlicet vinee de Campo-Petroso et de deserto et de Sancto
(1) Abbaye Saint-Sèverin de Château-Landon (Seine-et-Marne) ,
arrondissement de Fontainebleau.
(2} Là Bourgognerie , commune de Tournan, arrondissement de
Melun.
18
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146
Cartulaire de La Charité .
Homono, et de Chaleram et de Barra et planta Bernardi
Largot, quondam prioris Sancti Nicolaï, et vinee defuncti
Hervei. De vinea vero Doine et Renardi de Seau, de quibus
canonici solebant décimas percipere, monachi dictis cano-
nicis decimam fideliter persolvent. Si quas vero dicti mona-
chi vineas in decimatione dictorum canonicorum deinceps
acquisierint, décimas de illis dictis canonicis, sicut cæteri
parrochiani, persolvere tenebuntur. Quittaverunt etiam dicti
canonici eisdem monachis quidquid juris habebant in deci-
matione , tam veteri quam nova, tam majori quam minuta,
terrarum quas homines Sancti Nicolaï tenent ab ipsis mona-
chis ad talliam, salvo tamen jure utriusqueecclesie in vineis,
tam plantandis quam de novo plantatis, et etiam totam
decimam Garnerii Theonis, tam majorem quam minutam,
quantum ad terrarn quam tenet a dictis monachis. In alia
vero minuta décima, infra fines parrochie Castri-Rainardi,
extra predictam terram beati Nicolaï, prior et conventus de
Charitate nihil de cætero reclamabunt. Quod ut ratum et
inconcussum permaneat, présentes litteras sigillorum nps-
trorum munimine fecimus roborari. Actum anno grade
millesimo ducentesimo vicesimo, mense aprili.
LXI.
COMPOSITIO INTER RODULFUM DE BOSCO ET MONA-
CHOS DE CHARITATE RATIONE MOLENDINORUM
CHARITATIS ET DE MUNETO.
1161. — La Charité.
Rodolphe du Bois et ses parents portaient plainte du dom-
mage causé à leur moulin de Munot par les moulins que
les moines venaient de construire à La Marche . Il fut
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Munot.
1 47
accepté de part et d'autre qu'ils auraient réciproquement
la moitié du produit de chaque moulin. En cas d'amélio-
ration ou de grosses réparations , ils entreront aussi par
moitié dans les profits comme dans les dépenses. Rodolphe
devra supporter les travaux d'écluses et de curage. Si
l'un ou l'autre des moulins cesse de marcher , celui qui
restera reprendra sa propriété entière.
In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, amen. Notum
sit omnibus, tam presentibus quam futuris, quod quedam
discordia erat inter monachos de Charitate et Rodulfum de
Bosco (i), et patrem et matrem et fratres ejus, pro eo quod
molendini quos monachi ad porlam de Marchia edifica-
verant ( 2 ), molendinum Rodulfi de Munot pejorabant. Ad
hanc ergo pacificandam discordiam ita inter se convenerunt
quod ex utriusque partis assensu concorditer et monachi
medietatem molendini Rodulfi per omnia habebunt, et
Rodulfus in ea parte quam monachi habent in molendinis
ad portam de Marchia medietatem similiter recipiet ; quod sj
ipsi monachi vel in molendino Rodulfi vel in suis molen-
dinis aliquid melioraverint in ipsa melioratione Rodulfus
similiter medietatem recipiet; quidquid autem inexpensis et
edificiis molendinorum , sive in superiori, sive in inferio-
ribus necessarium fuerit, Rodulfus in his que ad corpora
molendinorum pertinent medietatem mittet. Si quid vero in
levandis exclusis, vel curando besio (3) qui dicitur cursus
aque , vel in stagno, vel si forte evenerit in terra emenda
meliorandum fuerit, hoc monachi absque Rodulfi consilio
fi) Plusieurs Rodolphe du Bois ont comparu comme témoins,
entre autres, en 1088 (charte XXXIV), un ancêtre de celui-ci. Il est
cité (charte LXXXIII) comme vassal de Sadon de Patinges, en 1199.
(2) Ces moulins ont dû être construits sur le ruisseau qui coule à
Munot ; ils n’existent plus aujourd’hui.
( 3 ) On dit aujourd’hui un biez pour désigner le canal qui tient
Peau en amont de la chute.
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148
Cartulaire de La Charité .
facient, medietatem autem ut diximus in aqua et piscibus,
vel quacunque melioratione, per totam aquam de Muneto,
usque ad portam de Marchia, Rodulfus accipiet. Quod si
cujaslibet rei negligentia monachi moiendinos suos cadere
vel deteriorari permiserint, Rodulfus molendinum suum
cum melioratione accipiet; similiter etiam si Rodulfus suum
molendinum cadere vel deteriorari permiserit, monachi suos
moiendinos cum melioratione accipient. Hoc itaque publiée
apud Charitatem factum et a domno Abbate Cluniacensi, a
domino Alano Autissiodorensi episcopo et Bernardo Niver-
nensi episcopo et domno Rainaldo priore (1) et universo
conventu de Charitate laudatum et confirmatum est, cornes
quoque Nivernensis Vuillelmus et Vuillelmus filiusejus(2„
Gaufridus de Donziaco , Rainaldus de Montefalconis,
Ebraudus de Charentonio, Odo Fraxiniaco et Humbaldus
Caprellus in manu acceperunt. Quod sicut prescriptum est,
et monachi erga Rodulfum et heredes ejus, et Rodulfus et
heredes ejus erga monachos et domum de Charitate tenebunt
et firmiter observabunt. Testes vero qui hec viderunt et
audierunt, hi sunt, ex parte monachorum : Hugo de Patingiis,
Auveriah, prepositus de Charitate, Robertus Normannus,
Osbertus Chauchemanent, Vuido Chaillo, Hugo Raterius.
Hugo Caroporci, Gaufridus de Castro-Lucio, Adam Sinapis.
Robertus Furnerius, Rainaldus de Sancto Ægidio, Robertus
Chabert, Thomas chambellanus prioris, Bernardus Bricol-
dus, Joannes Varetus, Odo Aimericus, Thcbaldus Chopin
et multi alii. Ex parte Rodulfi : Humbertus archidiaconus
Nivernensis, Rainaldus de Talaio, Humbertus de Talaio,
Humbertus Bertalais et tilii ejus Bertalais et Chalderonus,
(1) Alain, évêque d’Auxerre, de ii 5 a à 1167; Bernard de Saint-
Saulge, évêque de Nevers, de 1160 à 1177; Raynaud, prieur de La
Charité, 1154-1162.
(2) Guillaume III, qui mourut cette année même, et son 61 s
Guillaume IV. Les autres chevaliers comparaissent fréquemman
dans les chartes ; on les retrouvera dans la table onomastique.
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Charte d'Angleterre .
149
Amelius de Charentonio , Sado Toussebois, I ter i us de Bon -
villo, Geraldus Brachet, Joannes Pius et alii plures. Anno
ab incarnatione Domini, millesitno centesimo sexagesimo
primo, indictione nona, régnante Ludovico piissimo Fran-
corum rege.
LXII.
EPISTOLA PRIORIS ET CONVENTUS SANCTE MILBURGIS
DE VENELOT IN ANGLIA (i).
ii 63 circa.
Le prieur et les frères de Sainte-Milburge de Venlock
exposent au prieur de La Charité , leur suzerain, les
détails d'une révolte des serfs suivie de violences contre
eux et leur couvent .
Honorabili domino et patri in Christo, charissimo domno
Humbaldo ( 2 ), priori de Charitate et ejusdem loci sacro
conventui, frater Humbertus, humilis fratrum de Venelot (3)
minister, et ejusdem loci humilis conventus, et tam devotam
quam debitam sancte obedientie reverentiam. Distantia loco-
rum invidente vobis, sanctissimi patres et domini, loqui
presentialiter prohibemur ; necesse est tamen ecclesie nostre
gravamen, dedecus nostrum commune, paulatim vobis plan-
gere. Justum est quidem ut membrorum infirmitati condoleat
sanitas. Quod si aliquod verbum minus cautum abundantia
cordis et vehementia doloris eliciat, dolor enim non multum
(1) Cette charte a été publiée : i* Annuaire de la Nièvre , 1846,
p. 101 ; 2* Lebeuf, HisL d * Auxerre, t. IV, p. 49, preuves.
(2) Humbaud, 9* prieur de La Charité, 1162-1 1 65 .
( 3 ) Venlock.
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i5o
Cartùlaire de La Charité.
differt ab insania , durn est in impetu sue accessionis , vestrc
charitatis, si placet, ignoscat devotio. Vestre igitur sanctitatis
paginam débita qua decuit reverentia suscipientes, ex ejus
tenore vera et falsa vobis esse intimata perpendimus. Et quid
mirum si vera falsis misceaniur, in omni ( 1 ) sed vestra
novit discretio triticum in horrea congregare, zisannium
vero igni tradere comburendum. Meminimus, sancti patres
etdomini, nos in natali Domini literas, vestre voluntatis
interprètes . ex omni consilio capituli nostri , domno priore
nostro tune temporis in capitulo non residente , nec aliquo,
novit Dominus, ad literas impetrandas properante, vobis
destinasse. Hoc ideo ad memoriam reducimus que in literis
nobis transmissis admiramini, quod , cum tune de domno
priore nostro , et de melioratione domus nostre per indus-
triam ejus et de ordinis integritate laudabile et fidele perbi-
bebamus testimonium, cur de tam predicabili gaudio ad tam
repentinam subversionem utscribitis perventi, vos testificare
distulimus. Quamobrem sanctitatem vestram latere nolumus,
quod erga nos sancte reiigionis florent instituta, pax summa
et paries integer sine dubietate scientes quod, minus quam
meruerit, laudes ipsius et fidelitatem erga ecclesiam Charita-
tensem, et piam ejus ecclesiam Venlocensem solicitudinem
extulimus. Immo in tantum erga eumdem crevit devotio
nostra, videntes eum modis omnibus utilitati nostre ecclesie
intendentem, nec in adversis deprimi, nec in prosperis
extolli , quod pro eo in carcerem et in mortem ire parati
sumus. Nocent tamen quedam adversa , quod rustici nostri,
minus consulte contra nos levaverunt calcanéum suum .
volentes ad arbitrium suum priorem deponere et alium subro-
gare, quod avertat Deus. Nos siquidem omnia opéra nostra
in lapide adjutorii fundamus in quo obstruetur os loquentium
iniqua. Orta igitur tali dissentione in confusionem ecclesie
nostre, curiam Regis adierunt, sed a curialibus immisericor-
(i) Ligne coupée au bas du £ 97.
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Charte d’Angleterre.
diter salutati, sine honore ut justum fuit, recesserunt ; literas
tamen , ut moris est, in curia Regis secum ad vicecomitem
de Salopeschir portantes, ad vos tandem récurrentes et falsa
suggerentes, literas quales voluerunt sanctitati vestre premi-
serunt. Dum vero hec agerentur, dies quam plureseis statui-
mus, mandantes ut apud Venelot venirent , et si quid fore t
emendandum, per visum baronum vicecomitisde Salopeschir
et proborum hominum de nobis libéré tenentium emenda-
retur. Tandem de errore suo compuncti, super corpus sancte
Milburge ( i), sacramentum prestiterunt quod de cetero nobis
et ecclesie nostre fideles in omnibus existèrent. Sed hec omnia
in crastino in irritum revocantes, erat eis novissimus error
pejor priore , unde cultros et carrucarum ferramenta nobis
projecerunt. Ad hec horribile quid et a seculo inauditum,
unde vestra inconsolabiliter debent concuti corda, sanctitati
vestre intimabimus. Die martis infra Pentecosten, que dies
nobis vere erat dies martis, immo fere mortis, egrediente
conventu cum feretro, comitante innumerabili multitudine
hominum utriusque sexus ad processionem faciendam, ut
moris est ecclesie nostre, et, completo jam sermone, ad popu-
lum proposueramus malefactores ecclesie sententia excommu-
nicationis innodare. Quo audito, insurrexerunt in nos rustici
nostri qui preeuntes Venelochiam venerunt, et valvas ecclesie
nostre in tribus locis obsederunt. Tandem, nobis venientibus,
viam occupaverunt clamantes : comprehendite virum injus-
tum et occidite. Sed gratia Dei et militum auxilio defensi,
illesi evasimus. Sed post nos lapides et baculos indevote
jaciebant, ita quod aliqui monachorum et servientium ictus
graves susceperint: Post talem et tam enormem excessum
miserunt se rustici super sex monachos et quatuor milites ut
ipsi gravamen eorum et excusationem priores audirent , et
auditis hinc inde propositis, ipsi assessores quod justum fore
(i) Sainte Milburge, vierge, fille du roi des Merciens, était honorée
en Angleterre le 2 3 février.
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*52
Cartulaire de I*a Charité .
statuèrent, ut prior et rustici sine aliqua reclamatione judi-
cium subirent. Quod, annuente Domino, eodie factum est et
se in misericordiam domni prioris obligaverunt , et in cras-
tino terris suis colendis intenderunt. Porro venientes nuntii
eorum a vestre sanctitatis amplexu , a pace formata resilie-
runt, sibi per literas eisdem transmissas addentes cornua.
Quod salva reverentia vestra minus caute actum fuit quia in
absente non est ferenda sententia. Si que ergo in vobis mise-
ratio, si que virtus charitatis, si que compassionis viscera,
luporum rabiem tempestivius si placet coerceatis , et potesta-
tiva authoritate vestra presumptionem malignantium cohi-
beatis. Unum siquidem noveritis, quod nisi huic pesti
occurratur, opprimet honorem charitatis presumptio laicalis
Nos siquidem in hac causa facilius possumus mori quam
vinci.
LXIII.
EPISTOLA LUDOVICI REGIS AD DOMINUM STEPHANUM
EDUENSIUM EPISCOPUM.
1170 circa.
Louis VII prie V évêque d'Autun de mettre à exécution
Vordre du Pape qui lui commande de restituer Véglise
de Lormes au prieur de La Charité .
Ludovicus, Deigratia Francorum rex, Stephano (1) vene-
rabili eadem gratia, Eduensium episcopo, amico et fideli
nostro, et universi ecclesie capitulo, salutem et gratiam
nostram. Scitote quoniam ecclesia de Charitate de predeces-
(1) Étienne II, évêque d’Autun, de 1170 à 1188. ( Gallia Christian * .
t. IV, col. 396.)
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Le comte de Sancerre.
1 53
sorum nostrorum beneficiis est fundata, et a nobis precipue
debet esse sustentata, unde discretionem vestram rogamus in
Domino, ut et vos eam diligere studeatis et honorare, neque
in aliquo detrimentum pati permittatis, neque minuere.
Preterea vobis mandamus et obnixe rogamus, ut quod etiam
dominus Papa dignatus est vobis injungere, ipsius et nostri
gratia minime differatis ad effectum perducere, videlicet
quod eam de ecclesia de Ulmo (i) investiatis, de qua sine
judicio spoliata est, sicut etiam nos et vos ipsi cognoscitis et
ejusdem ecclesie scripta testificantur et confirmant testimonia.
Valete.
LXIV.
CONCESSIO STEPHANI SACRI-CESARIS DOMINI, DE
CHARITATE MUNITIONIBUS FIRMANDA.
1164. — Paris.
Étienne de Sancerre autorise les religieux du prieuré à
établir des fortifications autour de la ville de La Charité
quand et comment ils le voudront .
Approbate consuetudinis est ea que inter ecclesiasticos
secularesque personas solemniter acta sunt, ne prolixitate
temporis in oblivionem deveniant , fidei committere litera-
rum. Ea propter ego Stephanus, Sacro-Cesaris dominus (2),
(1) Lormes, 'arrondissement de Clamecy. Gillet (1808, p. 55 ) cite
cette lettre relative à l'église de Lormes. V Album du Nivernais (II,
p. ig 5 ) et M. Baudiau (Le Morvand , II, p. 186), s*y reportent, mais
en la confondant avec une autre charte de Louis-le-Gros, de ii 25 .
Celle-ci doit être datée de 1170, époque où Louis VII unit ses armes
à celles de Guy, comte de Nevers, pour châtier le seigneur de Donzy
et s’emparer de son château.
(2) Étienne de Champagne, premier comte de Sancerre, 1 153-1191.
20
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ï5 4
Cartulaire de La Charité .
existentium presentie et futurorum posteritati notum facio me
ecclesie de Charitate in perpetuum concessisse, quod villam
de Charitate monachis ibidem commorantibus , quantis
voluerint munitionibus pro sue voluntatis arbitrio firmare
liceat. Quod ut memoriter et ratum teneatur sigilii mei
authoritate con firmare curavi, sub testibus istis quorum
apposita sunt nomina. Ex parte monachorum: Vuillelmus
cornes Nivernensis, Garnerus de Triangulo, Ebraudus de
Charentone, Hugo de Patingiis, Umbertus Bertelais, Rai-
naldus Burchardus. Ex parte mea : Hugo deVevra(i),
Sœtanus de Feins (2), Arnulfus de Roche, Joannes Bûchai,
Hugo Primus et quam plures alii. Actum est publiée in
capitulo de Charitate, anno incarnati Verbi millesimo cente-
simo sexagesimo quarto. Data Parisius per manum Odonis
clerici mei.
LXV.
CARTA GUILLELMI IV NIVERNENSIS COMITIS DE MILLE
SOLIDIS ANNUI REDDITUS SUPER QUASDAM DOMOS
SITAS IN MERCATO NIVERNENSI.
1166. — Nevers.
Le comte de Nevers Guillaume IV donne aux religieux de
La Charité , pour V office de la chambrer ie et des vête-
ments , plusieurs maisons situées sur le marché de la
ville de Nevers , d'un rapport moyen de mille sous par
(1) Hugues II, seigneur de Vèvre et de Menetou-Salon (Cher), feu-
dataire du comte de Sancerre, 1 162-1191. (Boyer, Monographie de la
tour de Vévre y p. 8 et suiv.)
(2) Feins, arrondissement de Gien, canton de Briare, et aussi Fins,
commune de Vinon, près Sancerre, aujourd’hui le domaine de la Fin.
(Ibid., p. 49-)
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Les halles de Nevers .
1 55
an , dans lesquelles les merciers sont tenus de dresser
leurs étaux avant de s'établir ailleurs . Si la place de
foire est changée , les maisons y seront reconstruites .
Pour les réparations d'incendie ou de vétusté , on prendra
le bois dans la forêt de Paye. Les religieux s'engagent
à célébrer une messe d'anniversaire pour le comte et pour
son père .
/
In nomme sancte et individue Trinitatis. Notum sit
omnibus tam presentibus quam futuris sancte matris ecclesie
filiis, quod ego Guillelmus, cornes Nivernensis, pro remedio
anime patris mei et antecessorum meorum, monachis de
Charitate, Deo et Sancte Marie in perpetuum servituris, dedi
pro eleemosyna, domos meas que in mercato Nivernensi
inter tabulas nummulariorum et cordubanariorum opertoria
site sunt, ad agenda commercia. Ita scilicet ut mille solidos
singulis annis accipiant in predictis domibus, etsi quod
amplius fuerit ; si vero minus exiret de domibus istis, ego
totum eis supplerem, et post obitum meum heres meus.
Quod si aliquo casu in posterum, nundinis inde remotis,
eedem domus villificate ad hune redditum minus su fficerent,
ego sine dilatione prefatis monachis in loco nundinarum
statuerem, unde singulis annis hec summa plene exiret, hoc
ipsum faceret et heres meus. Si vero predicte domus combu-
rerentur, vel vetustate décidèrent, ego quantum reedificandis
opus esset, de nemoribus meis, Faia (i) scilicet et Illebertam,
gratis accipiendum concessi. Hec itaque prefatis monachis
ad eorum vestiarii supplementum donavi perpetuo tenenda,
cum omni libdrtate et ea consuetudine qua pater meus
primum tenuerat, et ego postmodum hue usque tenui,
scilicet ut quamdiu venditores illarum mercium (2) que ibi
(1) Plusieurs bois dans les environs de Nevers s’appellent Faye,
entre autres dans les communes de Sauvigny et de Sermoise.
(2) Marchands de mercerie ou de divers objets de toilette.
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1 56
Cartulaire de La Charité .
vendi soient locum liberum illic invenire potuerint ad ven-
dendum, alibi venditoria non conducant. Hoc donum Ida,
comilissa mater mea et Aanor uxor mea et Vuido (i) frater
meus laudaverunt. Pro hoc ergo beneficio religiosi fratres de
Charitate, pie devotionis intuitu statueront, pro patris mei et
antecessorum meorum animabus et pro salute mea, unam
missam defunctorum in ecclesia beate Marie singulis diebus
in perpetuum celebrari ; insuper etiam fieri anniversarium
patris mei, ita quod eorum camerarius ipso die conventum
procuret, et post obitum meum similiter anniversarium
meum facient. Quapropter volo et precipio ut hanc eleemo-
synam, pro antecessorum meorum et mea salute pie consti-
tutam, heres meus, eo quo predictum est tenore, ratam
habeat ac perpetuo illibatam conserve! ( 2 ). Actum est hoc
Ni vernis anno ab incamatione Domini millesimo centesimo
sexagesimo sexto, régnante Ludovico rege Francorum , Ber-
nardo Nivernensium episcopo (3), his testibus magistro
Stephano cantore Autissiodorensi , Garnerio de Triagnello
Stephano de Petra-pertusia, Odone de Monte-Ruillon , ex
parte mea. Ex parte vero monachorum : Rodulfo tune priore
Charitatis, Roberto sacrista, Henrico suppriore, Vuillelmo
socio ejus, Gaufrido cellerario, Joanne camerario. Et hoc
donum postea apud Charitatem, in capitulo présente con-
ventu, a me confirmatum est.
(1) Guillaume IV avait épousé Éléonore, comtesse de Saint-Quentin ;
il partit pour la croisade en 1168 et laissa le comté à son frère Guy,
1168-1176.
(2) Dans V Histoire manuscrite du Prieuré , folio i 33 , on trouve la
mention d'une pièce de i 25 o relative à la propriété des halles de Nevers.
C'est un arbitrage pour régler la dimension de ces maisons, à la suite
d'une contestation survenue entre les religieux et la comtesse Mahaut.
Il fut décidé que les étaux pourraient dépasser les piliers des halles
de trois pieds du côté de la draperie et d’un pied seulement des trois
autres côtés.
( 3 ) Bernard de Saint-Saulge, 1160-1177.
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Henri , roi d'Angleterre.
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LXVI.
CARTA HENRICI II, ANGLIE REGIS PRO MONASTERIIS
A CHARITATE DEPENDENTIBUS.
1170 circa.
Henri II , roi d Angleterre , confirme la possession des
églises et prieurés tenus en Angleterre et en Normandie
par les religieux de La Charité.
Hearicus , rex Anglie et dux Nôrmannie et Aquitanie et
cornes Andegavensis (1), archiepiscopis et episcopis, abbati-
bus et comitibus et baronibus et justiciariis viris et omnibus
ministris et fidelibus suis, per terram suam ubique consti-
tutis, salutem. Sciatis me concessisse et presenti carta confir-
masse, quod Radulfus (2), prior Charitalis et successores
ejus, et conventus ejusdem loci habeant et possideant ecclesias
etprioratus, ubique in terra mea, cum pertinentiis suis ,
scilicet in Anglia, prioratus isiosde Bremundesia, de Venelot,
de Pontefracto, de Narantone, de Davintreia ; in Normannia,
de Longavilla, bene et in pace, et libéré et quiete, et in ea
dispositione et consuetudine qua tenuerunt tempore regis
Henrici, avi mei etaliorum antecessorum meorum. Testibus
R. ( 3 ), archiepiscopo Rothomagensi et Egidio Ebroicensi (4),
apud Burum.
(1) Henri II, roi d’Angleterre, 1154-1189. Il était fils de Geoffroi V,
dit Plantagenet, comte d’Anjou, et de Mathilde, fille de Henri I* f , roi
d’Angleterre, cité plus bas dans cette charte, dont il eut la couronne
d’Angleterre et le duché de Normandie.
(2) Rodolphe de Sully, dixième prieur de La Charité , environ en
1 165, puis abbé de Cluny pendant trois ans ; il revint à La Charité et
y mourut en 1176. Voyez la mention de ce fait dans la charte LXXII.
(3) Rotrodus ou Rotrocus, de Beaumont-le-Roger , 1168 à n83.
[Gall. Christ ., t. XI, col. 49.)
(4) Egidiusdu Perche, évéque d’Évreux, 1170 à 1180. (Ibid., t. XI,
col. 579.)
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1 58
Cartulaire de La Charité .
LXVII.
SALVA GARDA HENR1CI II, ANGLIE REGIS.
1 161 circa.
Lettre de Henri II confirmant la dispense des tonlieux et
autres impôts de circulation sur les terres appartenant
aux religieux de La Charité.
Henricus, rex Anglie et dux Normannie et Aquitanie et
cornes Andegavensis, omnibus ballivis et fidelibus suis,
salutem. Sciatis quod ego do et imperpetuum confirmo rao*
nachis Sancte Marie de Charitate, omnem theloneaream
consuetudinem, de his que sibi concessa fuerunt in universis
terre mee finibus, ut eundi ac redeundi iiberum habeant
arbitrium, precipioque ut hommes mei eos absque consuetu-
dine liberos custodiant, suosque et sua liberos abire permu-
tant, et nequis eos disturbet, pro re aliqua que ad monachos
pertineat nec pro alieno forisfacto calumniam et molestiam
aliquam patiantur. Teslibus Theobaldo archiepiscopo Can-
tuariensi (i), Philippo episcopo Baiocensi (2), Ward. fit.
ger. camer. apud Westmonasterium.
(1) Théobald, archevêque de Cantorbéry, 1 139-1161. (Gams, Sériés
episcoporum, p. i 83 .)
(2) Philippe de Harcourt, chancelier du roi d'Angleterre, puis évêque
de Bayeux, 1143-1164. [Gall. Christ ., t. XI, col. 363 .) D’après la vie
des témoins, cette charte doit être datée au plus tard de 1 161 ; il sem-
blerait cependant qu’elle a été rendue après la précédente, qui confirme
les biens de toute nature. Les confirmations avaient souvent lieu à des
époques très-variables et quand il se présentait des contestations. Les
mots abrégés sont transcrits textuellement.
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Ebbon de Champallement.
i5g
LXVIII.
EBBO DE CAMPO-ALLEMANI CONCESSIT VIGINTI SOU-
DOS IN CENSU DE MILETO PRO DUABUS LAMPA-
DIBUS JUGITER ARDENDIS ANTE DUO ALTARIA.
I I7O.
Ebbon de Champallement donne vingt sous de cens sur sa
terre de Millet aux religieux de La Charité , qui s'enga-
gent à entretenir deux lampes dans leur église . Le comte
de Sancerre , suzerain, approuve la donation .
Ego Stephanus, Sacro-Cesaris cornes (1), universis notum
facio quod dominus Eubo de Campo-Allemanni (2) dédit
monachis de Charitate viginti solidos annuales in censu de
Mileto, et quittate fuerunt universe querele que inter ipsum
et monachos vertebantur ; Symonem quoque de Lavenderiâ
cum uxore et omnibus jheredibus ejus quittavit idem Eubo
Deo et ecclesie beate Marie de Charitate imperpetuum.
Monachi vero, pro viginti solidis, concesserunt domino
Euboni duas lampades jugiter ardere ante duo altaria, vide-
licet sancti Joannis Baptiste etsancti Stephani protomartyris,
in corona ecclesie, in perpetuum. Si vero terra in qua
(1) Étienne de Champagne, premier comte de Sancerre, 11 53-1191,
avait épousé en premières noces Mahaut de Donzy, fille de
GeofFroi FV, dont il tenait Champallement.
(2) Champallement et Challement, canton de Brinon-les-AUemands,
fiefs qui tiraient leurs noms de seigneurs appelés Alemans aux onzième
et douzième siècles. Le 5o* évêque d’Auxerre, Geoffroy de Champalle-
ment, fondateur du monastère de La Charité, est considéré par Lebeuf
comme originaire de cette localité. (Hist. d* Auxerre, t. I, p. 263). Le
nom de Ebbon est assez rare dans nos chartes; on le retrouve à
Gharenton et Sancoins, ci-dessous ch. XCV.
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i6o
Cartulaire de La Charité.
statutus est census aliquando vendi contigerit , monacbi
laudationes et venditiones habebunt cum censu. At si des-
tructa vel vastata fuerit, monachi illam tenebunt, vel quibus
voluerint accensibunt. Ego siquidem de cujus feodo prefata
terra est, hanc eleemosynam bona fide laudavi, unde et pre-
sentem paginam sigillo meo roborari precepi. Anno incar-
nationis Dominice, millesimo centesimo septuagesimo. Nota
Galterii cancellarii.
LXIX.
CARTA GUIDONIS COMITIS NIVERNENSIS DE FEODO
DE CHARITATE.
1174. — Nevera.
Gui, comte de Nevers , était premier suzerain d'un fief
situé à La Charité ; Renaud de Druye le tenait du comte
et céda son droit à Pierre de Courson ; Raoul de Patinges
en jouissait directement et en rendait hommage. Ces
divers seigneurs, avec l'approbation de leurs épouses et
de leurs enfants , consentent à transmettre leur fief aux
religieux de La Charité moyennant : le comte Gui, cinq
cents marcs d'argent ; la comtesse Mahaut, dix vases
d'argent et un cheval ; Renaud de Druye , mille sous, son
épouse dix livres ; Raoul de Patinges y cent livres. Il fut
convenu que ce dernier rendrait hommage désormais au
prieur Geoffroi et à ses successeurs. Chacun des dona-
teurs produit séparément des témoins pour affirmer la
validité de l'acte.
Quoniam ea que temporaliter aguntur facile a raemoria
delabuntur, provisum est quod ea que memoriter retinere
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Gui, comte de Nevers.
6 1
volumus literarum memoria commendamus, quapropter ego,
Guido (i), cornes Nivernensis, notum facio per presens
scriptum, tam futuris quam presentibus, quod feodum de
Charitate, quod Regnaudus de Droi (2) habebat a me,
predictus Regnaudus dédit et concessit Petro de Curchum ( 3 ),
et Radulfus de Patingiis accepit illud in hominagium, sicut
prius idem Radulfus habebat a Regnaudo. Hoc autem casa-
mentum (4) tum pro remissione peccatorum meorum, tum
pro pecunia quam inde habui, scilicet quingentas marchas,
ego Guido, cornes Nivernensis, concessi et dedi et quittavi
imperpetuum, et contra omnes garentire promisi Gau-
frido (5), tune priori de Charitate et capitulo ejusdem
ecclesie, Regnaudus quoque de Droia similiter concessit et
dédit et quittavit imperpetuum feodum supradicte ecclesie.
Et similiter Petrus de Curchum concessit et dédit et quittavit
eidem ecclesie feodum et hominagium de eodem feodo quod
Rodulius de Patingiis fecerat Petro. Idem Radulfus in
instanti fecit Gaufrido, priori predicto de Charitate, me pré-
sente, dictum quoque fuit et a Radulfo laudatum , quod
quotiens in ecclesia de Charitate prior mutaretur, totiens
Radulfus et ejus successores qui feodum tenerent, novo
priori hominagium facerent (6). Hoc itaque feodum sepedic-
(1) Gui, comte de Nevers, 1168-1176, et son épouse Mahaut de
Bourgogne, dont il est question plus loin.
(а) Druyes-les-Belles-Fontaines, canton de Courson (Yonne).
( 3 ) Au sujet de Pierre de Courson, voyez ci-dessus, p. 33 , note.
(4) Le casamentum , selon Brussel (Usage des fiefs , liv. III, chap. 8),
est dans le principe une demeure, une maison donnée en loyer, puis
convertie en fief, suivant la qualité du locataire, d’où vint l’expres-
sion : feodum casamenti.
( 5 ) Geoffroi I #r , onzième prieur de La Charité, 1173-1175.
(б) Le successeur de ce Raoul, tenancier direct, un certain Sadon
de Patinges, engagea et vendit ce même fief, en 1198, pour deux cents
livres (voyez ci-dessus, charte XLIII, p. 1 1 3 ) ; et de la sorte le prieuré
de La Charité fut seul et libre propriétaire. On remarquera la clarté
et la précision de cette charte pour assurer la transmission régulière
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IÔ2
Cartulaire de La Charité .
tum , ego Guido, cornes Nivernensis et Regnaudus de Droia
et Petrus de Curchum , ecclesie totiens nominate intégré et
sine ulla retentione laudando quittavimus , laudante Ma-
tilde (i) uxore mea comitissa que etiam pro laudatione suai
monachis habuit decem cyphos argcnti et unum palefredum.
Et laudante Aremburgi uxore Regnaudi de Droia et liberis
ejus, et laudante uxore Pétri de Curchum et liberis ej us,
laudante etiam Radulfo de Patingiis qui pro laudatione soa
habuit C. libras. Renaudus quoque de Droia habuit pro
laudatione sua M. solidos et uxor ejus decem libras. Ut
autem hec donatio et quittatio sepedicti feodi a me et a supra
nominatis ecclesie de Charitate facta et concessa imperpetuum
rata habeatur et inconcussa, presentis scripti patrocinio
munivi et sigilli mei impressione roborari feci , de mandate
etiam et consensu Regnaudi de Droia et Pétri de Curchum
et Radulti de Patingiis. Et ne quis heres perditionisde cetero
hanc nostre donationis et attestationis paginam infringere aut
calumniam inferre audeat, eorum testimonio quorum subs-
cribuntur nomina convincatur de donatione et acquitatione
mea. Testes sunt domnus Bernardus, Nivernensis episoo-
pus ( 2 ), quo mediante utrobique res acta est, Theobaldus
decanus Nivernensis, Garinus senescallus meus (3), Narjotus
de Tuciaco, Gibaudus de Sancto Verano, Ode de Fraineto,
Renaudus de Marchia , Radulfus d’Autri, Andréas de Fias,
du fief. Les divers seigneurs au profit desquels était constituée U
même propriété féodale disparaissent tous devant le prieur de La
Charité, unique acquéreur de tous les droits établis sur cette terre.
(i ; Mahaut, fille de Hugues II, duc de Bourgogne, dit le Pacifique,
comtesse de Grignon, épousa : 1* Eudes, seigneur d’Issoudun ; 2* Guj,
comte de Nevers ; 3 ° Pierre d’Alsace, dit de Flandre ; 4* Robert, comte
de Dreux. Le présent de dix vases d’argent et d’un cheval est intéres-
sant à noter pour l’histoire des mœurs.
(2) Bernard de Saint-Saulge, évêque de 1160 à 1177.
( 3 ) Ce Garin fut remplacé dans la charge de sénéchal de Nevers par
Geoffroi de Pougues, qu’on trouve en 1197.
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Gui , comte de Nevers.
63
Bernardus prepositus Marchie , Stephanus Pépins , Osbertus
Chauchemanam, Stephanus Baudins, Giraudus Vulgrini,
Tebertus de Sala. Testes de laudatione comitisse uxoris mee,
Theobaldus decanus, Narjotus de Tuciaco, Renaudus de
Marchia, Odo filius comitisse (i), PetrusdeCurchum, Hugo
Dailant. Testes Radulfide Patingiis sunt, domnus Bernardus
Nivernensis episcopus, Theobaldus decanus, et ceteri qui
interfuerunt laudationi comitis. Testes laudationis Regnaudi
de Droia sunt, dominus Bernardus, Nivernensis episcopus,
Theobaldus decanus, Robertus capellanus , Thomas clericus
meus, Renaudus de Marchia, Josbertus fraterejus, Achardus
de Chalon, Gautherus Bernardi, Damianus de Malliaco,
Bastardus de Cona , Hugo Darcuin, Guido frater ejus. Ter-
ricus de Boschet, Enjobertus Lirestis, Archimbaudus de
Boschet, Hugo Cornut, Gibelinus, Erardus de Varennis,
David cambellarius, Renaudus clericus fraterejus, Bernardus
prepositus Marchie. Testes Pétri de Curchum sunt, domnus
Bernardus, Nivernensis episcopus, Theobaldus decanus et
ceteri qui interfuerunt laudationi comitis. Testes laudationis
uxoris Regnaudi de Droia sunt, Gaufridus capellanus epis-
copi Nivernensis, Renaudus de Marchia 1 , Bernardus prepo-
situs Marchie, Radulfus Brecardi, Terricus de Boschet, Hugo
Cornut, Gaufridus Anglicus. Actum est hoc publice Nivernis
annodominice incarnationis, millesimo centesimo septuage-
simo quarto, régnante Ludovico, Guillelmo Senonensi
archiepiscopo, Vuillelmo (2) Autissiodorensi episcopo.
(1) Eudes d’Issoudun, fils du premier lit de Mahaut de Bourgogne.
(2) Guillaume de Toucy, évéque d’Auxerre, 1 167-1181. Gui, comte
de Nevers, avait déclaré la guerre à son beau-père, Hugues, duc de
Bourgogne; il fut battu et fait prisonnier le 21 avril 1174. On croit,
dit Lebeuf [Hist. d* Auxerre y t. III, p. ni), que ce fut pour payer sa
rançon qu'il vendit son fief de La Charité à Gcoffroi prieur et aux
religieux , pour 5 oo marcs d’argent. Le traité de paix, signé à Beau ne
en cette même année par les deux seigneurs , est donné par Pérard
(Pièces de Bourgogne , p. 247).
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164
Cartulaire de La Charité.
LXX.
CARTA STEPHANI SACRI-CESARIS COMITIS DE MOLEN-
DÏNIS AD PONTEM SUPRA UGERIM SITIS.
1 176.
Étienne , comte de Sancerre , donne aux religieux ses
moulins établis à La Charité , sur le pont de Loire , en se
réservant d'y faire moudre les boulangers de Sancerre .
Ego Stephanus, Sacri-Cesaris cornes , tam posteris quam
presentibus significo quod divine pietatis instinctu , Deo et
ecclesie Sancte Marie de Charitate donavi molendina mea
super Ligerim ad pontem sita (1), ea conditione quod thaleme-
larii (2) de Castro Sacri-Cesaris usu et consuetudine in molen-
dinis molent, cum justitia que ad moiendinum pertinet, ut
ex ipsis molendinis procuretur conventus in quadragesima.
Testibus OdonedeMontefalconis, Arnulfo de Livron, Symone
(1) Au sujet de ce moulin, il est dit dans V Histoire du Prieuré
(folio 199 du manuscrit de M. Girerd) : « L'an i 52 o commencèrent à
faire bastir un pont de pierre, n'y en ayant auparavant qu'un de bois,
qui avoit esté ruiné et rompu en plusieurs endrois; et comme les
religieux avoient un moulin sous une des voyes dudit pont de bois,
lesditz habitans supplièrent lesdits religieux de vouloir s'accommoder
de leur moulin, puisque c'estoit un obstacle pour pouvoir achever
leur pont , ce qu’ils firent. Et en eschange , les habitants leur donnè-
rent les isles de Parzy, contenant vingt arpens de terre, lesquelles ils
tenoient desditz religieux, à la charge de 60 sols de rente. Ils leur
donnèrent encore les gours de Parzy, depuis la planche par où l’on
passe pour aller à Parzy, en montant jusques à la souche blanche .
avec plusieurs terres contiguës. 1 (Ex carta transactions anno i>2o
die 26 octobris.)
(2) La copie porte la mauvaise leçon : thalemotarii. — Le mot taie -
melariij talemeliers, désigne les boulangers jusqu'à la fin du treizième
siècle. En latin on disait aussi pistores , comme à la charte suivante.
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Moulins du pont de Loire.
^5
Traperio, Rainaldo Gaio, concedente uxore mea Béatrice (i);
testibus Joanne Bucca, Gaudrico Goaudi, Roberto Malovi-
cino, et multis aliis. Hanc vero donationem sigillo meo
coafirmavi. Actum anno ab incarnatione Domini millesimo
centesimo septuagesimo sexto, indictione nona.
LXXI.
CARTA GARINI BITURICENSIS ARCHIEPISCOPI DE
IISDEM MOLENDINIS.
1 176.
Confirmation de la donation précédente par l'archevêque de
Bourges.
EgoGarinus, Dei gratia Bituricensis archiepiscopus (2),
notum fieri volo tam presentibus quam futuris quod ex
literis Stephani, comitis Sacri-Cesaris, cognovimus ipsum
dedisse ecclesie beate Marie de Charitate molendina sua que
super Ligerim ad pontem habebat , ea conditione quod pis-
tores de Castro Sacri-Cesaris usu et consuetudine in molen-
dinis molent, cum justicia que ad molendinum pertinet, ut
ex ipsis molendinis procuretur in quadragesima conventus.
Nos itaque ad preces prefati Stephani hoc donum confirma-
vimus, quod vel cujus confirmationem si quis infringens,
tertia expectata commonitione, non resipuerit subjaceat
excommunicationi. Anno incarnati Verbi millesimo cente-
simo septuagesimo sextô, pontificatus nostri secundo.
(1) Béatrix est une deuxième femme du comte de Sancerre, dont
l'es historiens de Sancerre ne parlent pas. Voyez charte LXVIII, p. 159.
(2) Garin, archevêque de Bourges, 1174-1180. ( Gall . Christ ., t. II,
col. 55 .)
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i66
Cartulaire de La Charité.
LXXII.
LAUDATIO PER PRIOREM ET CONVENTUM DE CHARI-
TATE CUJUSDAM COMPOSITIONS FACTE INTER
FRATRES DE JOVINIACO ET MONACOS ABBATŒ
DE ESCHARLIS.
1177 Février 2.
Les comtes de Sancerre et de Joigny , appelés comme
arbitres , décident que les moines des Escharlis donne-
ront , au lieu de la dîme , une rente de trois muids de vin
aux moines de Joigny , dépendant de La Charité. Appro-
bation de cet accord par le prieur de La Charité , leur
suzerain.
Ego Radulfus, prior de Charitate (1), et universusejusdem
ecclesie convenais, fidelibus universis presentibus paritcr et
tuturis imperpetuum. LJniversitati vestre notum facimus
controversiam fuisse aliquando inter fratres nostros mona-
chos de Joviniaco (2) et monachos de Escarlis (3) qui vincas
apud Joviniacum possidebant de quibus , apostolicis inni-
tentes privilegiis, décimas solvere non volebant. Tandem
predicti vero fratres nostri et Escharlienses monachi, per
manum charissimi nobilis Stephani Sacri-Cesaris comitis,et
Vuillelmi Joviniaci comitis (4) futuri hujusmodi paciscom-
( 1 Rodolphe de Sully, 1 i65-i 177. Voyez ci-dessus charte LXVI.
(2) Joigny (Yonne), diocèse ancien de Sens. Les religieux de U
Charité y possédaient deux prieurés, Pun dédié à Notre-Dame, l’autre
à saint Sidroine.
( 3 ) Les Escharlis, commune de Villefranche-Saint-Phalle, arrondis-
sement de Joigny, canton de Charny, ancienne abbaye de l’ordre de
Cîteaux.
(4) Guillaume 1 ", comte de Joigny, circa u5o-i20o. — Étienne I",
comte de.Sancerre, 1 1 53 -i 191 .
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Dreux de Mello.
167
positionerft concorditer inierunt. Statutum est utriusque
partis assensu quod monachi de Escharliis, pro decitnatione
earum dumtaxat vinearum que tune temporis (hoc est primo
anno quo Rodulfus de Soliaco de Cluniaco rediit) apud Jovi-
niacum possidebant, très modios vini tantum laudabilis, ad
mensuram Joviniaci singulis annis persolverent. Quod si
deinceps, hoc est a Purificatione sancte Marie anni millesimi
centesimi septuagesimi sexti(i), aliquid vinearum quoquo
modo acquisierint,decimam persolvent, sicutalii. Quam pacis
compositionem, in capitulo nostro recitatam, nos laudavimus
et ratam habuimus , et ut stabilis et inconvulsa permaneat
sigilli nostri impressione confirmavimus.
LXXIII.
CARTA DROGONIS DE MERLOTO DE CENTUM SOLIDIS
ANNUATIM PERCIPIENDIS APUD MINTRIACUM.
1177.
Dreux de Mello fait don aux religieux de La Charité
d*une rente annuelle de cent sous de Provins , sur ses
revenus de Nitry .
Noverint universi présentes pariter et futuri quod ego,
Drogo de Merloto (2), centum solidos monete Proviniensis in
eleemosynam, singulis annis, monachis de Gharitateconcessi,
pro animabus fratris mei Roberti et Vuillelmi nepotis ibidem
(1) D’après la tournure de cette phrase, il semble que Pacte fût
passé le jour de la Purification, le 2 février, ce qui porte à 1177 la
date de cette charte et la mort du prieur Rodolphe de Sully.
(2) Dreux de Mello et son épouse Ermengarde fondent en 1172 le
prieuré de Vieuxpou. ( Cart . de V Yonne, II, p. 242.) Il est très-fré-
quemment question des membres de cette famille dans les chartes des
douzième et treizième siècles.
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1 68
Cartuîaire de La Charité .
sepultorum et antecessorum meorum, annuatim àt roga mea
Mintriaci (i) percipiendos , jure perpetuo, dato termino,die
solemnitatis sancti Remigii, horum jure reddituum mona-
chos de Charitate saisi vi, domino Rege ( 2 ) présente et lau-
dante, idemque sigilli sui authoritate communiente, assisten*
tibus etiam et assensum prebentibus domino Vuillelmode
Merloto, de cujus feodo redditus ipse movebat, et uxoremea
Ermengardi. Quod ratum volens observari, sigilli meitestifi-
catione feci communiri.
LXXIV.
CARTA LUDOVTCI VII FRANCORUM REGIS, DE ELEE*
MOSYNA VUILLERMI DE GARLANDA ET DROGONIS
DE MERLOTO.
1177. — Paris.
Louis VII ratifie les deux donations faites par Guillaume
de Garlande et Dreux de Mello au prieuré de Ia
Charité .
In nomine sancte et individue Trinitatis, amen. Ludo-
vicus, Dei gratia Francorum rex. Noverint univcrsi présentes
pariter et futuri, Vuillermum de Garlanda (3) monasterio
(1) Roga, exaction ou redevance destinée aux aumônes. Ducangt
cite la phrase de cette charte d’après les archives de La Charité. Min-
triacum ou peut-être Nintriacum, Nitry (Yonne), canton de Noyers
arrondissement de Tonnerre.
(2) Louis VII, que Dreux de Mello accompagnait souvent, ratifie
cette donation dans la charte suivante.
( 3 ) Famille illustre de la Brie, qui donna plusieurs sénéchaux à h
cour. Guillaume IV de Garlande eut pour frère Robert, selon i<
P. Anselme. Quant à Dreux de Mello, il était peut-être son frère de
mère. Leurs anniversaires sont portés au n° 10 du nécrologe de L>
Charité.
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Louis VII et Philippe- Auguste.
69
Sancte Marie de Charitate pro remedio anime fratris sui
Roberti ibidem sepulti et antecessorum suorum in eleemo-
synam contulisse centum solidos annuatim in pedagio de
Bunziis recipiendos. Noverit etiam presentium futurorumque
universitas Drogonem de Merloto, predicti Roberti fra-
trem, pro eodem Roberto, Mintriaci de rogatione sua,
présente et consentiente Vuillermo de Merloto, de cujus
feodo redditus iste movebat, prefato monasterio centum
similiter solidos assignasse, singulisannis, ibidem reddendos,
quod et nos concedentes , ratumque perpetuo volentes obser-
vari , idem scripto commendari et sigilli nostri authoritate
fecimus communiri. Actum Parisiis, anno ab incarnatione
Domini millesimo centesimo septuagesimo septimo , astan-
tibus in palatio nostro quorum nomina stibposita sunt et
signa, S. comitis Theobaldi, dapiferi nostri, S. Guidonis
Buticularii, S. Rainaldi camerarii (1), S. Radulfi consta-
bularii.
LXXV.
QUOMODO PHILIPPUS FRANCORUM REX CONFIRMAT
MONACHIS ET BURGENSIBUS DE CHARITATE OMNES
EORUM LIBERAS CONSUETUDINES ET ACCIPIT OMNIA
BONA EORUM IN PROTECTIONE SUA ET CUSTODIA.
1182. — Paris.
Philippe-Auguste confirme les privilèges du prieuré et de
la ville de La Charité et prend leurs biens sous sa
sauvegarde.
Philippus, Dei gratia Francorum rex; noverint universi
présentes pariter et futuri, quoniam nos monachis et burgen-
(1) Renaud, chambrier de 1175 à 1180. Pour les autres officiers,
voyez la charte suivante.
22
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170
Cartulaire de La Charité.
sibus de Charitate concessimus omnes. libéras consuetudines
quas tenuerunt tempore patris nostri, et concessimus ut
monachi et burgenses et omnia sua, in omni loco, in nostra
sint protectione et custodia, salvo alieno jure. Actum Parisius
anno incarnati Verbi miJlesimo centesimo octogesimo
secundo, regni nostri anno quarto (1), astantibus in palatio,
nostro quorum nomina supposila sunt et signa. S. comitis
Theobaudi dapiferi (2) nostri, S. Guidonis buticularii,
S. Mathei camerarii, S. Radulfi constabularii. Data per
manum Hugonis cancellarii.
(1) Cette charte est datée selon la manière de Philippe-Auguste, non
de son avènement au trône et de la mort du roi Louis VII, son père,
arrivée le 18 septembre 1180, mais de son sacre, qui eut lieu à Reims
le i* r novembre 1179, du vivant de son père. M. Delisle {Catalogue
des actes de Philippe-Auguste) porte les chartes datées de la quatrième
année du règne comme étant faites du i* r novembre 1182 au 16 avril
1 1 83, date de Pâques, et du 17 avril au 3i octobre n83. Notre charte,
datée de 1182 et de la quatrième année du règne, répond donc à cette
première période du 2 novembre 1182 au 16 avril 1 1 83. M. Delisle
(p. 27, n* iro) mentionne cette charte à l’année 1184, d’après Née de
La Rochelle ( Mémoire sur le Nivernais , I, p. 267), qui l’avait emprunté
à Poupart ( Histoire de Sancerre, p. 47), lequel avait puisé ce rensei-
gnement dans une histoire manuscrite de La Charité, qui doit être
celle du manuscrit du Cartulaire. Or, au folio 10 1 du manuscrit de
M. Girerd, on lit : « Le roi Philippe-Auguste, par ses autres lettres de
l’an 1184, a pris le prieuré de La Charité en sa protection. » Les
auteurs ont recueilli la phrase sans recourir à la charte, et l’erreur de
date s’est continuée ; elle n’a d’importance que pour la rectification
des actes de Philippe-Auguste, dont le catalogue a été fait avec tant
de soin.
(2) Thibaud, comte de Blois, mort en 1191 ; la charge de sénéchal
fut supprimée après lui. Gui II de Senlis, bouteiller de 1149 à 1187;
Mathieu III, comte de Beaumont-sur-Oise, chambrier de 1180 à 1208;
Raoul, comte de Clermont-en-Beauvoisis, connétable de 1164 à 1191 ;
Hugues de Bethisi, chancelier de 1180 à n85.
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Hervé de Donçy.
171
LXXVI.
CARTA HERVEI DE DONZIACO, DE QUODAM PRATO
APUD ROCHEFORT.
1187.
Hervé de Don\y fait don aux religieux de La Charité d'un
pré situé à Rochefort et des autres biens qu'ils y possé-
daient du temps de son père . Geoffroi de Vêvre et ses
frères , qui en contestaient la propriété , renoncent à leur
réclamation sur tout ce qui reviendra aux moines . Eudes
de Frasnay , tenancier supérieur , consent aussi à la
donation.
Notum sit omnibus tam presentibus quam futuris quod
ego, Herveus de Donziaco (1), concedo monachis de Charitate
quoddam pratum ante Rochefort (2), quod Gaufridus de
Vevra ( 3 ) et fratres sui et heredes eorum clamabant de jure
se habere , et ipsi ante me apud Charitatem quidquid in eo
juris habebant quittaverunt, juraverunt quod nihil in eo nec
in furno de Narciaco (4), nec in aliqua teneura monachorum
(1) La charte LVIII, datée de 1 1 5 1 , mentionne Geoffroi de Donzy
avec ses deux fils Hervé et Geoffroi ; c’est Geoffroi, quatrième du nom
de Donzy, mort vers 1161. L'auteur de cette charte de 1187 est le fils
aîné de Geoffroi IV, Hervé III, baron de Donzy, de 1 161 à 1187. Il dut
mourir lui-même quelque temps après sa donation. Ses deux fils
nommés plus bas dans la charte lui succédèrent : Guillaume Goet en
1 187, Philippe en 1 191 ; deux autres fils, dont il n’est pas fait mention
ici, furent Hervé IV, baron de Donzy en 1194 et comte de Nevers en
1199, et Godefroi, le trop célèbre prieur de La Charité.
(2) Rochefort, actuellement ferme de la commune de Narcy.
(3) Un grand nombre de localités portaient ce nom dans le comté de
Nevers, et il serait difficile de déterminer celle-ci. On trouve un Vêvre
près Rochefort , ci-dessus charte LV. Peut-être ce personnage était-il
de la famille de Hugues de Vêvre (charte LXIV, p. 154).
(4) Narcy, canton de La Charité. Ce droit sur le four avait été donné
par Hugues de Narcy, vers 1140. Voyez ci-dessus, charte L.
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172
Cartulaire de La Charité .
nihil ulterius requirent, et hoc laudavit Odo de Fraxi-
niaco (i) de quo terra ilia movebat, et ego laudavi de cujus
feodo erat. Concessi etiam monachis quidquid temporibus
patris mei in eo tenuerant de feodo meo ubicumque fuerit,
usque ad diem quo iter Hierosolimitanum arripui et oratio-
nibus eorum me commendavi in capitulode Charitate, in die
nativitatis beati Joannis Baptiste. Et hec omnia laudaverum
Guillelmus Goet et Philippus, filii mei. Viderunt hoc et
audierunt Odo de Fraxiniaco, Humbaldus Capriolus et Giio
frater ejus, Grosbos, Herveus Burgundio, Chotardus. Ex
parte monachorura, Raynaldus de Galis, Chauderum, Odo
Burfaut, prepositus de Charitate, Hugo Suavis, Gaufridus
de Chastellux et multi alii. Actum anno incarnati Verbi
millesimo centesimo octogesimo septimo.
LXXVII.
CARTA DE CHARNEIA.
ii 88.
En présence de V évêque de Nevers , Jean Lepie cède en
censive , avec tous ses droits , au prieuré de La Charité ,
pour le service de V aumônerie , un champ situé à L&
Chamqye , moyennant 3,ooo sous comptant , 1 3 livres,
deux muids de seigle , plus un cens annuel de 6 sous
payable à la Saint-Germain.
Ego Theobaldus , Dei patientia Nivemensis ecdesie
minister humilis (2), notum facimus presentibus et futuris,
(t) Frasnay-les-Chanoines, aujourd’hui commune de Saint-Aubin-
les-Forges. Un ancêtre ou prédécesseur de Eudes de Frasnay, Roclènc.
signa la charte de fondation de La Charité en 1059.
(2) Thibaut, évêque de Nevers, 1177-1188.
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La Charnajre.
173
quod Joannes Pius accensivit monachis et ecclesie de Chari-
tate, ad ôpus eleemosynarie, campum de Charneia ( 1 ) in
integrum, cum juratis suis omnibus que sunt subtus campum
ipsum, pro sex solidis annuatim sibi reddendis in festo
sancti Germani, in octobri ( 2 ), et pro accensione ipsa habuit
de monachis, in presenti, tria millia solidorum et XIII libras
et duos modios siliginis. Hoc laudaverunt et concesserunt
uxor ejus Aureaet filii, Robertus/Hugo, Renaud us, Grossus
hopio, Gimo et uxor Roberti filii ejus Amelina ; et Petrus de
Troncenges, de cujus casamento erat, et fratres ejus Girbertus
et Girardus, et Maura, soror eorum. Ad majorem vero firmi-
tatem, ad petitionem monachorum et Joannis Pii (3) et alio-
rum, presenti pagine sigillum nostrum fecimus apponi.
Actum anno incarnati Verbi millesimo centesimo octogesimo
octavo. Hujus rei testes fuerunt, conventûs de Charitate,
Renaudus de Galis, Gamerus Moranni, Gaufredus de Chas-
tellux, Robertus Chabert, Guillelmus Savenet, et Guido
frater ejus, Guillelmus et Thomas Moranni , Odo prepositus
de Charitate, Thibaudus famulus eleemosynarii, Auveriat.
(1) Il y a deux localités du nom de La Charnaye, l’une sur la rive
droite de la Loire, entre Tronsanges et La Marche, l’autre en face, sur
la rive gauche, près Argenvières ; elles semblent s’appliquer successi-
vement à nos deux chartes.
(2) Saint Germain, évêque d’Auxerre. Sa fête fut d’abord célébrée le
i* r octobre, puis transférée au 3i juillet et au 6 janvier. (Lebeuf,
Hist. d'Auxerre , I, p. 106.) C’était un terme de payement souvent
désigné dans les chartes nivernaises.
(3) Pour Jean Lepie, voyez ci-dessus p. ii3, note.
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*74
Cartulaire de La Charité.
LXXVIII.
ALIA CARTA DE CHARNEIA.
I IQ2.
Nouvelle affirmation de la vente d'un terrain situé à La
Charnaye, faite à Gui, alors prieur et aujourd'hui aum-
nier du prieuré , par Jean Lepie , avec approbation de sa
femme et de ses enfants , et .) condition qu'en cas de
dommage l'acquéreur s'indemniserait sur la ferme JAr-
genvières . L'évêque de Nevers ratifie cet acte et lance
l'anathème contre ceux qui oseraient l'attaquer .
Sciant omnes qui présentes litteras viderint vel audicrinr
quod Joannes Lepie et Aurea uxor sua vendiderunt Guidoni
de Charitate eleemosynario, qui tune temporis erat prior (rj,
quoddam frustrum de terra quod habebant in campo de
Charneia et omnem censum quem habebant in teneura de
Charneia predicta. Joannes vero predictus et Aurea uxor ejus
et Reginaudus et Guillelmus, filii eorum, juraverunt istam 1
venditionem tenendam et laudaverunt. Amelina vero uxor
Roberti Lepie hoc laudavit et concessit. Tali etiam modo
quod si eleemosynarius de Charitate recipiet aliquod damnum
de terra vel de censu ab aliquo, restaurabit illud damnum |
in guageria de Argenveriis ( 2 ), quam ipse tenet de Joanne
predicto. Ut hoc autem ratum et firmum teneatur, ego
Joannes, Nivernensis episcopus (3), sigillum raeum impono
et anathematis sententie subjiciam Joannem Lepie et omnes I
(1) Gui, surnommé Gui l’Aumônier, treizième prieur de U
Charité, de 1179 à 1192. I
(2) Guageria ou prædium , terre bâtie et garnie pour une exploita-
tion agricole. (Oucange.) ,
( 3 ) Jean, évéque de Nevers, 1188-1196.
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Cuffr.
175
heredes ejus, si de cetero venditioni predicte male oriuntur et
omnes alios qui ex parte Joannis sepedicti ipsi venditioni
aliquo modo résistent, donec veniant ad satisfactionem.
Hujus venditionis sunt testes, scilicet Reginaudus de Galis,
Vuido Garant, Chaldero Bartelais, Hugo Suavis, qui tune
erat prepositus de Charitate, Giraldus Blanchet, Stephanus
de Averiat, Odo Burfaut, Thomas Morant, Garnerius
Mareschallus, Stephanus Mathue et plures alii, anno incar-
nati Verbi millesimo centesimo nonagesimo secundo.
JLXXIX.
CARTA RAINALDI DE NIVERNIS DE SEX MODIIS ANNONE
APUD CUFIACUM REDDENDIS.
1 190.
Rainaud de Nevers fait don aux religieux de La Charité
de six muids de grain à prendre à son grenier de
Cuffÿ. En retour les religieux s'engagent à dire une
messe chaque jour à perpétuité , pour lui , pendant sa vie,
puis pour les défunts ; à garder une lampe allumée nuit
et jour et à donner un repas à deux pauvres chaque
samedi.
In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, amen. Notum
sit omnibus, tam futuris quam presentibus, quod ego,
Rainaldus de Ni vernis (1), volens satisfacere ecclesie beate
Marie et conventui de Charitate, ab eisdem veniam de
omnibus in quibus eos offenderam accipiens, pro Dei amore
(1) Plusieurs personnages ont porté le nom de Rainaud de Nevers;
nous donnerons dans la table onomastique leurs diverses situations.
Celui-ci mourut au siège d’Acre en 1191; il fut enterré à Saint-
Germain d’Auxerre ; sa femme se fit religieuse à Fontevrault.
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176
Cartulaire de La Charité.
et anime mee antecessorumque meorum salute, dedi et
concessi predicte ecclesie et monachis, sex modiosannone
annuatim reddendos et perenniter in meo granario Cutiaa ti,,
in octavis omnium sanctorum , duos modios videlicet firu-
menti et quatuor annone. Ipsi vero monachi ad honorem
Dei et utilitatem corporis et anime mee assignaverunt mihi
unum altare cum universo ornamento, ubi missa quoddie
celebrabitur de Spiritu Sancto, quamdiu vita mihi supcrsts
fuerit, et post obitum meum pro fidelibus defunctis, unim-
que lampadem die ac nocte accensam, duosque pauperes
unoquoque sabbato semel reficiendos. Hoc idem laudavit
et concessit Alix uxor mea. Hujus rei testes sunt Robertus
de Clameciaco, Constantinus eleeraosynarius, Vuillelmus
de Sancto Sepulchro, GuidodeTarenceio, Gaufridus Urtaldi,
Guido Garaudi, Robertus Trossebois prepositus Germiniaci,
Gerardus Baudins, Guillelmus Rex de Charitate, Seguinus
Grivels, Renaudus Imbaud, Petrus Imbaud, Guillelmus de
Jarria, Hugo Suavis, Garnerius Marescallus, HugodeJarria
qui hanc cartam scripsit. Et ut hoc ratum et tirmum et
inconcussum in posterum teneretur, sigilli mei et sigilü
uxoris mee impressione muniri feci. Actum anno Vcrbi
incarnati millesimo centesimo nonagesimo.
LXXX.
CARTA PETRI, COMITIS NIVERNENSIS, DE REMISSION!
CUJUSDAM MALE TOLTE SUPER VINEAS PERCEPTE
APUD CHARITATEM.
1193.
La comtesse Agnès, à ses derniers moments, et en l'absence
de son mari, déclare en manière de testament , devant
( 1 ) Cuffÿ, canton de La Guerche (Cher), châtellenie du comté de Nevers.
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J
Pierre de Courtenay.
1 77
témoins , quelle s'en rapportait à lui pour le choix d'une
donation à faire pour le repos de son âme. Pierre de
Courtenay , entre autres bénéfices , renonce à son droit
de maletote sur les vignes , depuis la Bertrange jusqu'à
La Charité , laissant désormais les vignerons libres de
cultiver et vendanger à leur gré sans être astreints à
autre chose que le cens et la dtme . L'évêque de Nevers
frappera d'interdit ceux qui manqueraient à cette con-
vention.
Notum sit omnibus tam futuris quam presentibus quod
Agnes, comitissa Nivernensis (i), laborans in extrema sua
infirmitate unde obiit, cum sibi mors instaret , nec Petrus
maritus suus, cornes Nivernensis, presens adesset, de testa-
mento suo faciendo et ordinando, per manum Pétri mariti
sui et Pétri de Curchum et ad eorum dispositionem dispo-
suit penitus et confidenter reliquit, in his duobus pre ceteris
confidebatur quod remedio anime sue affectuosa voluntate
pre aliis essent provisuri, hoc quidem tecit, presentibus et
audientibus ipso Petro de Curchum, Stephano de Champi-
gnellis, Clavello capellano, domina Joanna Aupacia, domina
Joanna, Isabel et Alaïca (2), Gaufredo Marescallo.
Ego Petrus, cornes Nivernensis, volens satistacere honeste
voluntati Agnetis dilecte uxoris mee defuncte quam in testa-
menti sui negotio, sicut prescriptum est, habuerat ad conci-
lium honestorum virorum tamen ideo prius habitum, inter
alia bénéficia que pro remedjo anime Agnetis uxoris mee
(1) Agnès, fille du comte Gui et de Mahaut de Bourgogne (voyez
ci-dessus, ch. LXIX), héritière du comté de Nevers après le décès de
son frère Guillaume V, mort en bas âge ; mariée par Philippe-
Auguste à son cousin Pierre de Courtenay, en 1184. On porte sa
mort à l’année 1192, quelque temps avant cette charte.
(2) Les dernières volontés de la comtesse Agnès furent certifiées par
des hommes et par des femmes comme témoins; c’est une circons-
tance qui se présente rarement.
23
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i 7 8
Cartulaire de La Charité .
feci, quitavi penitus et in perpetuum condonavi quamdax
pravam consuetudinem que vulgo dicitur mala tolia quam
habui in vineis que sunt a Castro Marchie et a villa Canuot:
et a bosco qui dicitur Bertrangia (i), totaliter usque ad
Charitatem ; ut ilia prava consuetudo que in illis vineis
prius exercebatur, pro remedio anime Agnetis sepedictecesset
penitus et imperpetuum deleatur, ita scilicet quod hommes
quorum sunt vel erunt vinee, ille in pace teneant et habeant
sine calumnia sicut suas, et quando voluerint fructus colli-
gent, et vindemiabunt sine mandato et sine licencia a m t
vel a meis expetita, reddendo pro illis vineis annuatim census
et décimas solum dominis quibus debentur, et salvo jure
dominorum in quorum dominio site sunt vinee ille. Nec
deinceps ego, vel alii pro me, vel pro successore meo, habe
bimus in vineis illis custodes, nec vineatores, neque aliquas
pravas consuetudines imperpetuum. Istud dono et concedo
pro Agnete uxore mea ad remedium anime sue sempiternuŒ
Quod ut ratum sil et inconcussum, sigillo meo et sigillo
domini Joannis, Nivernensis episcopi, et sigillo Gaufredi [2
senescalli mei est confirmatum. Et si quis venire contra hoc,
vel facere presumpserit, volo et peto a Nivernensi episcopo
ut terram Niverncnsem supponat interdicto, donec fueri:
emendatum quod contra hoc fieri presumetur. Hujus rei
testes sunt : Hebraudus, prepositus de Ni vernis, in cujus
tempore fuit hoc factum, Hugo de Poisolio, Chaudero
Bertelais, Guido Guairaudo, Bernardus filius Vualonis
Letericus de Castro-novo, Stephanus de Alvernia, Obertus
Morandi, Petrus de Boney, Robertus de Brieria, Seguinus
Porcherius, Michael de Marchia. Actum anno incarnau
Verbi millesimo centesimo nonagesimo tertio, Philippo rege
Francorum féliciter régnante.
(i; La Marche, Champvoux, La Bertrange ; ces localités limitent k
plateau qui s'étend au sud-est de La Charité.
(2) Geoffroi de Pougues et Jean, évéque de Nevers, U8&-1196.
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Menetou-Ratel.
17 9
LXXXI.
CONVENTIO INTER ODONEM DE SOLIACO ET MONA-
CHOS CHARITATIS, DE MONASTELLO.
1194.
Convention au sujet des réclamations , abus et contestations
entre les hommes des religieux et ceux d'Eudes de
Sully, à Menetou-Ratel et dans les environs. Les parties
s'entendront pour le choix des arbitres dans les cas de
vol et sur les circonstances où la justice leur appartien-
dra, à l'un ou à l'autre . Les religieux ne prendront aucun
avoué pour leurs terres et les héritiers de Eudes de Sully
devront jurer les conventions dans leur première année.
En terminant , Eudes reconnaît les donations faites par
son père et son aïeul.
Quoniam que provide et rationabiliter iiunt, ad posterorum
notitiam scripto committere jus et ratio exigit, ego Savaricus
prior (1) et conventus de Charitate, tam presentibus quam
futuris notum facimus, quod pactiones que inter dominum
Gilonem de Soliaco (2) et nos, tempore Humbaldi et
Radulfi ( 3 ) antecessorum nostrorum facte sunt, nos similiter
erga Odonem , filium predicti Gilonis, subsequenti scripto
(1) Savaric, quatorzième prieur de La Charité, 1192- 1194.
(2) Aujourd’hui Sully-sur-Loire, canton de l’arrondissement de Gien,
berceau de l’illustre famille des Sully. Ces seigneurs, descendant de la
maison de Champagne, avaient reçu leur fief des comtes de Sancerre.
Ils paraissent fréquemment dans cette partie nord du Cher, où ils ont
donné leur nom de Gilon aux Aix et à La Chapelle. (Boyer, La Tour
de Vivre, passim.)
( 3 ) Humbaud, neuvième prieur, 1162-1164, et Rodolphe de Sully
ou Seuly, 1163-1176, vraisemblablement de la famille des Sully, ce
qui lui facilita cette convention.
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i8o
Cartulaire de La Charité .
replicamus, et posterorum memorie conservandas mandamus.
Odo igitur spopondit et juramento firraavit , quod a die pac-
tionis istius et in reliqua tota vita sua pacem monachis de
Charitate et rebus eorum, nominatim apud Monastellum (i)
et apud Sanctum Celsum ( 2 ), et Sanctam Montanam (3) aut
ubicumque possessorium suum extendere contigerit, bona
fide tenebit. Si de iis que monachi tenuerunt, pro tempore
patris sui domini Gilonis, vel avi sui domini Archimbaldi,
in aliquo jus se habere crediderit , ad monachos clamabit et
in curia eorum jus suum, si quid fuerit, recipiet. De iis
autem que dominus Archimbaldus, avus suus, suo tempore,
vel pater suus sine reclamatione monachorum suo tempore
possederat investitus remanebit. Porro si monachi in rebus
ipsius jus se habere cognoverint, in curia domini Odonis vel
modo vel quando ad terre totius universum perveniente jus
suum récipient. Quod si forte aliquando ipse vel sui aliquid
de rebus monachorum ceperit, infra quindecim dies quod
requisitus fuerit, absque dilatione restituet, vel etiam si aliquo
modo cognoverit. Si autem inde contentio emerserit, vel illi
qui ceperint hoc negavcrint, quidquid monachi per duos
legitimos homines probare potuerint, reddint absque ulla
contentione et duello, % salvo jure et sacramento domini
Odonis et militum et servientium ejus. Si quos homines
post mortem domini Archimbaldi in commendatione rece-
perat, quitabit et deinceps nec ipse, nec sui, aliquos hominum
monachorum eos negaverit, vel ab eis aulugerit dominus
Odo per totam potestatem suam pro posse suo , absque aliis
sumptibus eos ad subjectionem et domini um monachorum
redire faciet. Si homines monachorum de baronia domini
Odonis alium dominum fecerint prêter monachos , dominus
( 1 ) Menetou-Salon ou Menetou-Ratel, près Sancerre; plutôt Menetou-
Ratel , où le prieuré dépendait de La Charité. Le prieuré de Menetou-
Salon relevait de Pabbaye de Saint-Sulpice-lez-Bourges.
(a) Saint-Céols, canton des Aix, arrondissement de Bourges.
(3) Sainte-Montaine, canton d’Aubigny, arrondissement de Sancerre.
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Mënetou-RateL
1 8 1
Odo monachos inde requiret. Quod si monachi de eis facere
justitiam ei non potuerint, justitia corporum eorum et pecu-
nie domni Odonis erit. Hommes vero quoquomodo reman-
serint, monachorum erunt. De hominibus monachorum
dominus Odo in curia unde fuerint jus suum recipiet, scili-
cet de Monastello apud Monastelium, et similiterde reliquis.
Laudavit etiam domnus Odo donum illud quod dédit
domnus Archimbaldus, frater suus, pro animabus anteces-
sorum suorum et sua , et pro quibusdam excessibus quos
contra monachos irrogaverat, quidquid habebat apud Malum
boscum (i), scilicet sex familial hôminum cum oschiis et
terra plana et nemoribus, et quidquid deinceps ex eis exierit,
et censum et justitiam, sicut domnus Archimbaldus avus
ejus et domnus Gilo, pater ejus, quoquomodo apud Malum
boscum possédèrent, quiete laudavit dominus Odo, utomnia
monachi in pace possideant, sicut antecessores quiete et libéré
tenuerant. Hec omnia, que superscripta sunt, dominus Odo
juravit quod omnia bona fide servabit et firmiter tenebit, nec
cartam hanc infringet. Monachi vero ei concesserunt quod in
nullo loco quem in potestate domini Odonis habeant, aliquem
advocatum vel dominum (2) admittent, neque ad Ororium
super Ligerim ( 3 ), neque ad Argentum (4), neque ad
Sanctum Celsum vel ad Monastelium, sed neque ut diximus
(1) Ma u bois. Il y a dans le département du Cher trois hameaux qui
portent ce nom dans les communes de Villequiers, Dampierre-en-Crot
et Menetou-Ratel. C’est une présomption de plus en faveur de Menetou-
Ratel comme désignation du lieu qui concerne notre charte. Nous
devons ces renseignements et beaucoup d’autres à l’obligeance de
M. Boyer, le laborieux archiviste du Cher, qui possède, malheureu-
sement encore en manuscrit, un dictionnaire des plus complets sur
la topographie de son département.
(2) Les établissements religieux avaient presque toujours des avoués
ou vidâmes, défenseurs et administrateurs de leurs intérêts temporels.
Ici le seigneur qui traitait se réservait d’agir directement avec eux.
( 3 ) Ouxouer-sur-Loire , canton et arrondissement de Gien.
(4) Argent, arrondissement de Sancerre.
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182
Cartulaire de La Charité.
in aliquo totius baron ie ejus. Heredcs autem ejus, dumsibi
invicem successerint, si infra annum quo terram receperint.
istas conventiones sacramento juraverint, monachi eiscon-
ventiones supradictas tenebunt. Si vero infra annum non
fecerint juramentum, monachi nullam convcntionem eis
tenebunt. Et ut firmius teneatur, ex u traque parte, sigillo
domini Odonis et sigillis prions et conventus de Charitate
presens chirographum confirmatum est. Hujus rei testes
sunt dominus Archimbaudus de Soliaco, Robertus de Asccio
et Gaufredus frater ejus, Henricus de Bello-Joco, Joannes
Tardis, Gaufredus de Cruce, Gaufredus Marescallus, Bellus
frater et alii quam multipliées. Actum anno Verbi incarnati
millesimo centesimo nonagesimo quarto, régnante Philippe
in Francia féliciter.
LXXXII.
DE CONCORDIA QUE FACTA EST INTER RADULFUM
ABBATEM ET MONACHOS DE CARITATE , PRO
NEMORE QUOD DICITUR ISLA.
113 g ci rca.
Accord entre les religieux de La Charité et les chanoines
de Saint-Satur pour la forêt d'isle et les pâtures envi-
ronnantes , pour V église de Mêves et pour les dûmes ie
Ménétréol et de Thauvenay.
Inter P. ( i) priorem et monachos de Karitate et Radulfum.
abbatem et canonicos Sancti Satyri (2), talis est facta concordia.
(1) Pierre de Paule, cinquième prieur, d’environ n 38 à 114$ î N*®
est déjà question ci-dessus, charte LI.
(2) Saint-Satur, abbaye de chanoines de Saint-Augustin, aujourd hui
commune du canton de Sancerre. Les archives du Cher possèdent un
fonds très-important sur cette abbaye.
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Saint-Satur .
1 83
in presentia multorum ab utraque parte laudata : calumpniam
quam faciebant monachi canonicis, supra novalibus(i) de toto
nemore ipsorum, quod Isla dicitur, que ipsi canonici fecerant
propter usus pascuales et refugium, quod homines monacho-
rum amiserant, penitus dimiserunt, salvis decimis illius
terre que ad monachos jure parrochiali pertinent et consueto
usuario in residuo nemoris donec nemus fuerit. Canonici
vero clamorem ilium quem adversus monachos faciebant, pro
pratis que in communibus compascuis hominum monacho-
rum et canonicorum monachi fecerant, omnino dimiserunt,
eo pacto ut canonici in eisdem compascuis ipsis congruum
visum fuerit, videlicet juxta prata monachorum vel juxta
terram canonicorum , octo arpennos prati canonici sibi
faciant. Deinceps vero nulli liceat , videlicet nec ipsis mona-
chis, nec ipsis canonicis, de ipsis compascuis aliquid minuere
vel in aliquos alios usus redigere. Item clamorem, quem de
ecclesia de Meva canonici monachis faciebant, ex toto dimi-
serunt ; monachi vero questionem quam de abbatia Sancti
Satyri moverant, quamvis nulla esset, in perpetuum dimise-
runt. Décimas vinearum suarum, quas monachi in parrochiis
canonicorum habent, in ea videlicet de Monasterello et in ea
de Talvenniaco ( 2 ), quarum monachi ex parte eas retinere
consueverant, ammodo se ex integro, sicut alii parrochiani,
se reddituros canonicis promiserunt, finitis utriusque partis
omnibus querelis et controversiis. Concessum est autem ut
hujus concordie carta ab utriusque ecclesie capitulis laudetur,
et sub cyrographo partita ab utraque ecclesia (3), utrique
(1) Novales , rompeis , essarts , désignent des terres nouvellement
dé frichées.
(2) Ménétréol-sous-Sancerre , Thauvenay, communes du canton de
Sancerre.
( 3 ) La pièce porte en effet au bas du parchemin le mot cyrogra -
phum, dont les caractères ont été, selon l’usage, coupés par la moitié,
dans le sens de la hauteur, pour témoigner de l’authenticité des deux
copies.
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i8 4
Cartulaire de La Charité .
ecclesie sigillo munira habeatur. Facta autem ut predictum
est concordia ista, per manus venerabilium virorum Himari
Tuschulani episcopi, G. videlicet Burdegalensis archiepiscopi
et Gui Cenomanensis episcopi et R. Petragoricensis episco-
porum et multorum aliorum sapieniium et discretorum
virorum (i).
LXXXIII.
DE CONCORDIA QUE FACTA EST DE NEMORE DE
MEVA QUOD VOCATUR ILLA, IN QUO HOMINES
DE POLIACO PETEBANT USUS PASCUALES.
ii 39 Avril 10.
En présence de Vabbé de Cluny et sur ravis de cinq
arbitres y au sujet de la même forêt d'Isle, il est convenu
que Vabbé de Saint - Satur donnera aux hommes de
Pouilly et Charenton, appartenant à La Charité , l'auto-
risation de pacage pour tous bestiaux , depuis Pâques
jusqu'au / er octobre , et de panage , cest-à-dire de gland
et de fêne , pour les porcs seulement , dans le courant de
l'hiver. Il se réserve pour la chasse quinze jours avant
Noël et avant Pâques . En cas de guerre ou de danger
quelconque y les hommes de Pouilly pourront chercher un
refuge dans la forêt pour eux et leurs bestiaux.
Quoniam quicquid tempori subicitur cum tempore varia-
tur et oblivione deletur, ne hujus rei communiter diffinite
auctoribus pereuntibus, memoria deperiret, dignum duximus
litteris adsignare pacem et concordiam que per manum
(1) Cette charte et les suivantes existent en original aux archives du
Cher, fonds de Saint-Satur, liasses de Mêves , n* 4.
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Pouilly et Charenton.
1 85
domni Pétri abbatis Cluniacensis et illustrium virorum
laude diffinita, facta est inter monachos de Karitate et cano-
nicos de Sancto Satyro , quoniam inter eos orta erat mutue
concertationis altercatio, propter consuetndines cujusdam
nemoris Sancti Satyri, quod Isla dicitur, cujus usus pas-
cuales homines sancte Marie de Polliaco et Charentonio sibi
forte plus justo volebant vendicare, econtra homines Sancti
Satyri de Meva (i), plus justo sibi conabantur defendere, ut
posteris. innotescat quid monachi de Karitate et eorum ho-
mines in predicto nemore querere debeant et habere, et quid
illis non liceat usurpare. Notum ergo sit omnibus quod
monachi de Karitate et canonici de Sancto Satyro, eorumque
homines, diu sub hoc mutue altercationis genere contenden-
tes, tandem ante conspectum domni Pétri Cluniacensis
abbatis convenerunt, cujus consilio et assensu Radulli,
abbatis Sancti Satyri , in manu quinque virorum sapientium
causa mutue concentionis et totius concertationis controversia
data est componenda : hoc videlicet pacto ut quicquid ab
ipsis supra hoc , pacis intuitu et concordie , laudaretur ab
utraque parte sine refragatione concederetur. Hi igitur quibus
hujus rei agende negotium impositum fuerat, statuta die
convenientes et res rebus comparantes, pacis intuitu commu-
niter laudaverunt ut in annoquo in predicto nemore tantum
pastus fuerit glandis et fagine, quo secundum usum terre
propter pasnagium defendi debeat , a kalendis octobris usque
in pascha defendatur, et sit in arbitrio abbatis Sancti Satyri
quando ipsum nemus aperire velit ad pasnagium in predicto
tempore; et tune hominibus Sancte Marie nec capras, nec
boves, nec oves pascendi gratia immittere licebit, prout
solummodo porcos propter pasnagium (2). Si vero infra ter-
(1) Pouilly appartenait à La Charité, Mêves à Saint-Satur; la forêt
d’Isle, objet de cette convention, se trouvait vraisemblablement entre
ces deux localités.
(2) Ces mots établissent très-clairement la différence entre les deux
droits de pacage ou de panage.
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1 86
Cartulaire de La Charité .
minum pasche porci, qui ad pascendam glandem sivefaginem
immissi fuerant, a nemore pascendi necessitate recesserint,
ex tune usque ad sequens festum sancti Germani, kalendas
octobris (i), omnibus bestiis nemus ingredi et quod invene-
rint pascere licebit. De cetero, laudatum est quindecim
diebus ante Natale Domini et quindecim diebus ante Pascha
solummodo idem nemus, causa venationis, defendi , hoc
autem prius in eccclesia apud Polliacum annunciari. Additur
etiam ut si timor hostium, vel incursio per domnum, vel
imminens exercitus,ad nemus bestias quocumque tempore
fugere compulerit, illud equum esse ut, quandiu talis néces-
sitas exegerit, illic debeant habere refugium et ut vicini
vicinis saltim in articulo prebeant necessitatis effugium.
Laus ista facta et concessa est anno ab incamatione Domini
millesimo centesimo tricesimo nono, regni vero Ludovici
junioris, regis Francorum et ducis Aquitaniorum , anno
secundo. Data die quinta iduum aprilium (2) indictione
secunda.
LXXXIV.
DE CONCORDIA MONACHORUM DE CARITATE, EPISCOPI
ALANI PRIVILEGIUM.
11 58.
Alain , évêque d’Auxerre, termine un différend entre les
religieux de La Charité et V abbé de Saint-Satur. Chacun
jouira des dîmes de ses églises . Les dîmes des vignes de
(1) Saint Germain, évêque d’Auxerre, le i M octobre.
(2) Cyrographe. Il reste la place de deul sceaux ; Tun manque en
entier , l’autre, dont l’exergue a disparu, représente un abbé à cheval.
Cire jaune, lacs de parchemin.
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Mêves.
187
Saint-Romble , les droits dans la forêt d’Isle resteront
aux religieux , qui donnent deux « aires » à Mêves. Les
terres indivises seront partagées , wwe famille de serfs le
sera également. Les moulins à blé et à foulon travaille-
ront de concert pour les deux parties.
In nomine summe et individue Trinitatis, Patris et Filii
et Spiritus Sancti, amen. Quoniam ad nostrum spectat offi-
cium paci ecclesiarum, et earum maxime que ad diocesim
nostram pertinent, providere ; ideo notum fieri volo presen-
tibus et futuris, quia ego, Alanus, Dei gratia Autissiodo-
rensis episcopus, et plerique viri religiosi mecum, controver-
siam quandam que inter monacos de Karitate et abbatem
Sancti Satiri, pro jure alterutrarum possessionum emerserat,
tali inter eos facta compositione, decidimus : décimas que ad
jus parrochialium ecclesiarum abbatis Sancti Satiri pertinen-
tium ad proprietatem domus Sancti Satiri ulterius, monachi
non présument accipere et quas hactenus tenuerant prefato
abbati dimittent. Simili modo décimas que ad jus parrochia-
lium ecclesiarum de Caritate pertinentium ad proprietatem
domus de Karitate, ulterius abbas vel canonici Sancti Satiri
non présument accipere, et si quas hactenus acceperant in pace
dimittent. Décimas tamen cujusdam vinee que dicitur clausus
de Chissiaco, que est in parrochia monialium Sancti Romuli ( 1 )
que communisest per medium canonicorum Sancti Satiri,
abbas monachis concessit, ea conditione ut ulterius monachi
nichil adquirant in prefata parrochia, unde minuatur ilia
medietas décimé que canonicorum propria esse dinoscitur.
Item in pratis et novalibusdetotonemore Sancti Satiri, quod
Isla dicitur, nichil ulterius monachi requirent, neque cano-
nici in pratis et novalibus de Ulmeria, exceptis usuariis
utriusque partis, sine detrimento pratorum et satorum.
Monachi quoque concederunt ecclesie Sancti Satiri duas
(1) Saint-Romble, près Sancerre.
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i88
Cartulaire de La Charité .
areas (i) quas habent Meve, unam sine censu, aheram cum
censu octo denariorum, sine laude et venditione, justicievel
exactionis retentione. Terre communes, concessum est ut
dividantur. Ubi compertum fuerit quod molendini, quo>
abbas de novo edificavit, nocere habeant molendinis et pratis
monacorum, abbas hanc eis querelam laude et consilio
magistrorum qui id probare habuerint emendabit. Incapella
de Pressorio (2) concedit abbas divinum officium celebrari
secundum tenorem litterarum domini pape. De Ebrardo
quodam, cognomento Vadit-petra, qui adhuc vivit, statu-
ai m est ut statutum (sic), servitium utrisque, abbativide-
licet et monachis, in vita sua annis singulis, in commune
reddat. Post decessum ipsius Ebrardi, utrique, abbas scilicet
et monachi, eos qui de Ebrardo geniti fuerint, equaliter per
medium divident et substantiam. Prohibitionem vero quam
monachi hominibus suis fecerant ne ad molendinos de Meva
irent molerc vel pannos fullere [non] remanere facient, et
ulterius talem prohibitionem non facient, nisi forte conti-
gerit molendinos monachos habere proprios ad quoshomines
suos ire faciant. In pressorio Sancte Marie juxta Sancerum
decimam quam canonici in vino solebant accipere in botris
accipient. Hanc compositionis paginam, in utroque capitulo
scilicet beate Marie de Karitate et Sancti Satin lectamet
sigillo utriusque capituli roboratam fecimus et nos sigilli
nostri, impressione muniri, ut deinceps magisratum habeatur,
in quo taliter convenisse utrorumque videtur assensus.
Actum hoc, episcopatus domini Alani, Autissiodorensisepis-
copi, anno sexto, Rainaldo venerabili viro existente priore
(1) Le mot area , selon Ducange, désigne un champ non cultivé, une
place de foire, un espace destiné au battage des grains, quelquefois
même un droit de pacage dans les prairies. Dans la circonstance, il
semble qu’il s’agit ici d’une place de foire.
(2) Cette chapelle du Pressoir et le pressoir de Notre-Dame, près
Sancerre, cité quelques lignes plus bas, doivent désigner le même
endroit. Nous ignorons à quelle localité il se rapporte aujourd’hui.
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Mêves.
189
Karitatis (1) ac Rainaldo archidiacono Autissiodorense, an no
ab incarnatione Domtni millesimocentesimo quinquagesimo
octavo.
LXXXV.
DE VENDITIONE OMNIUM RERUM QUAS HABEBANT
MONACHI DE KARITATE APUD MEVAM.
1208 Février.
Les religieux de La Charité vendent aux chanoines de
Saint-Satur , moyennant 620 livres de Gien, tout ce
qu'ils possèdent à Mêves , excepté les dîmes et Véglise de
Saint-Julien.
Ego, frater Gaufridus dictus, prior et convenais de Kari-
tate, notum facimus universis presentibus et futuris quod
nos vendidimus, pro sexcentis libris et viginti libris Giemen-
sibus, cum assensu et voluntate tocius capituli, nostris vene-
rabilibus viris, abbati et canonicis Sancti Satyri , quicquid
habebamus in territorio et in villa de Mevia, excepta ecclesia
Sancti Juliani (2) que ad nos pertinet, et exceptis decimis que
nostre sunt ab antiquo. Concessimus igitur nominatis cano-
nicis ut que eis vendidimus, in pace et in perpetuum
possideant et habeant , absque omni contracfictione. Et ne
posteris veniat in dubium, presentem paginam sigillis nostris
confirmavimus , et concessimus quod hoc idem a domino
( 1 ) Raynaud, huitième prieur, de 1154 à 1162. Alain, évêque
d'Auxerre, 1152-1167. Il confirma les biens du prieuré de La Charité
dans son diocèse, à la demande du prieur Raynaud. Voyez ci-dessus,
ch. XXV, p. 79, où les années de Raynaud sont portées par erreur de
1 1 54 à 1179.
t») L’église paroissiale de Mêves, récemment reconstruite à la place
de l’ancienne, qui datait du douzième siècle, est dédiée à saint Julien.
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Cartulaire de La Charité.
190
Cluniacensi faceremus confirmari. Rogavimus etiam venera-
bilem patrem nostrum Vuillelmum (1) Autissiodorensem
episcopum ut hoc idem suo sigillo confirmaretur. Actum
anno Domini millesimo ducentesimo octavo , mense
februario.
LXXXVI.
DE REBUS NOBIS VENDITIS QUAS HABEBANT MONACHI
DE KARITATE APUD MEVAM.
1 208.
L'abbé de Cluny autorise la vente des biens de Méves aux
conditions indiquées dans la charte précédente.
Ego, frater Wilielmus, humilis Cluniacensis abbas, notum
facio presentibus et futuris quod vendicionem quam Gau-
fridus prior (2) et conventus de Karitate leeerunt abbati et
canonicis Sancti Satiri, de omnibus rebus illis quas ecclesia
de Karitate habebat in villa et in potestate de Meva, exceptis
decimis bladi et vini et lini et canabi et milii et panicii ( 3 j
et excepta ecclesia Sancti Juiiani de Meva, que excepta réma-
nent in perpetuum ecclesie de Karitate, secundum quod in
eorumdem prioris et conventus de Karitate autentico conti-
netur, ratam habemus et sigillo nostro confirmamus. Actum
anno gratie millesimo ducentesimo octavo.
(1) Guillaume de Seignelay, évêque d’Auxerre, 1207-1220.
(2) On se rappelle la triste conduite du prieur Godefroi, frère du
comte Hervé, dont la rébellion contre l’abbé de Cluny est racontée
tout au long dans les deux lettres d’innocent III. (Voyez ci-dessus, p. 67
et suiv.) Cette charte est de la première année de Godefroi ; elle
prouve que les hostilités n’étaient pas encore commencées entre lui
et l’abbé.
( 3 ) Chanvre, millet et alpiste ou sorte de millet.
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Mêves.
191
LXXXVII.
DE DONATIONE DECIME LANARUM ET AGNORUM , DE
TOTA POTESTATE MEVE , QUAM DEDIT NOBIS GUIL-
LELMUS AUTISSIODORENSIS EPISCOPUS.
1209. — Cosne.
L'évêque d'Auxerre abandonne à Saint-Satur la dîme des
laines de Mêves , qui lui avait été donnée par le prieur
de La Charité.
Vuillelmus, Dei gratia Autissiodorensis episcopus , omni-
bus ad quos littere iste pervenerint, eternam in Domino
salutem. Noverit universitas vestra nos liberaliter et in
perpetuum dedisse dilectis in Christo R... abbati et conventui
Sancti Satyri totam decimam lanarum et agnorum de villa et
de tota potestate de Meva, quam et nobis viri venerabiles et
in Christo dilecti, Gaufridus prior et conventus de Caritate
libéré et absoiute dederunt (1), sicut plenius in eorum conti-
netur autentico ; quod nos eum presenti scripto nostro ipsis
canonicis, in testimonium hujus donationis, concessimus et
munimen. Ut autem hec nostra donatio et concessio rata et
firmior in posterum habeatur, et ne prefati canonici possint in
aliquo super hoc molestari, presentem cartam sigilli nostri
testimonio et presentis scripti patrocinio fecimus roborari.
Actum publice apud Conam, anno grade millesimo ducente-
simo nono, indictione duodecima.
(0 La donation à l’évêque Guillaume de Seignelay est datée de
février 1208; elle existe aussi aux archives du Cher. Le prieur
Godefroi fit une quantité de ventes ou donations qui réduisirent
considérablement les revenus du monastère.
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192
Cartulaire de La Charité .
LXXXVIII.
CARTA DE PATINGIIS ET DE TORTRUM.
1200 circa.
Les religieux de La Charité consentent à ce que V église de
Saint-Martin de Nevers donne deux quartauts de seigle
et d'orge à leur prieuré de Patinges , en place de la dîme
que leur devaient les chanoines de T or ter on.
Noverint universi présentes litteras inspecturi quod que-
rela que diu ventilata fuit inter ecclesiam de Cantate et
ecclesiam Sancti Martini Nivernensis (1) super décima de
Tortrum sopita est hoc modo : quod in perpetuum, singulis
annis in crastinum Sancti Remigii, solvent canonici de
Tortrum (2) prioratui de Patingiis duos cartallos siguli et
duos cartallos ordei ad mensuram de Patingiis ( 3 ), de propriis
laboribus ipsorum canonicorum etculturis. In cujus rei
testimonium, ego Guillelmus (4), prior humilis et convenais
Beate Marie de Caritate presentem cartullam sigillorum
nostrorum impressione consignavimus.
(1) Abbaye de Saint-Martin de Nevers, occupée par des chanoines
réguliers de Saint-Augustin. Cette charte, dont l'original est aux
archives de la Nièvre, vient du fonds de cette abbaye.
(2) Torteron, sur l’Aubois, entre Patinges et Menetou-Couture
(Cher).
( 3 ) Pour les mesures, les noms restent presque partout les mêmes et
les capacités varient à l'infini. A Chartres , Guérard estime le muid
pour les grains à i 5 hectolitres 17 litres (Saint-Père, préf., n* 168), et le
quartaut représente, soit le quart, soit quatre fois le muid. Ces calculs
sont très-vagues et les renseignements précis font entièrement défaut.
(4) Guillaume II, quinzième prieur de La Charité, de 1198 à 1209.
L’écriture de la première moitié du treizième siècle et la mention de
ce prieur autorisent à dater cette charte de l’an 1200 environ.
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Nogent-l’ Artaud.
193
LXXXIX.
QUOMODO GUILLELMUS, PRIOR DE CHARITATE ET DE
SEZANN1A ORDINAVIT ANNIVE RSARI A FACIENDA
PRO DOMINO ARTAUDO DE NOGENTO ET UXORE
ET FILIIS EJUS.
1198 Avril i ,r .
Artaud de Nogent donne au prieuré de La Charité une
somme de cent livres devant rapporter un revenu annuel
suffisant pour un anniversaire de famille. La rente est
établie sur les étaux des boulangers, où Von prendra dix
sous pour chaque anniversaire de lui, de sa femme et de
ses deux fils. En outre, les religieux s'engagent à dire
une messe par jour et à les faire entrer , comme les
autres moines , en participation de prières.
Ego fraterGuillelmus, priorde Charitate (1), tune temporis
tenens in manu mea domum beati Juliani de Sezania et
conventus dicte domus de Sezania, notum facimus presen-
tibus et futuris quod Artaudus de Nogento (2) tradidit nobis
centum libras, ut de ipsa pecunia comparemus aliquem
redditum qui pro anime sue, uxoris et filiorum remedio, sol-
veretur annuatim. Nos autem quoniam sufficiebamus ad
solutionem pecuniarie commissionis, annuum redditum
quem diximus, assignavimus super estallia panetariorum
que nostra esse dignoscuntur. Cujus assignationis hec est
forma : singulis annis in anniversario prefati Artaudi X
(1) Guillaume II, quinzième prieur de La Charité, 1198-1208, et
auparavant prieur de Sézanne.
(2) On trouve Gilon et Geoffroi de Nogent, en u 63 , comme bien-
faiteurs de l’abbaye de Vauluisant (Yonne). ( [Cartulaire de V Yonne,
I, p. 408; II, p. 157.) Il s’agit évidemment de Nogent-l’Artaud, arron-
dissement de Château-Thierry (Aisne).
23
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*94
Cartulaire de La Charité .
solidi exhibebuntur de nominatis estallis, ad procurationem
monachorum sancti Juliani et X in anniversario Joannis, et
X in anniversario Nicolal filiorum ejus et X similiter solidi
in anniversario Hodierneuxoris ejusdem Artaudi. Residuum
hoc quod exhibebitur de ipsis estallis, totum prêter XX
solidos qui ibidem antea assignata fuerant pro quatuor
anniversariis, Milonis videlicet Bremaut, Joannis fratris
eius, patris et matris ejusdem Milonis, totum inquam
residuum in prefatorum monachorum expendetur vestitura.
Concessimus preterea predicto Artaudo, uxori et filiis ejus ut
pro eorum animabus, singulis diebus unam missam celebra-
bimus in eternum , fecimusque eos participes omnium bene-
ficiorum que fiunt et fient imperpetuum, in ecclesia de
Charitate, tam in capite quam in membris et pro quolibet
eorum fiet, quantum pro aliquo monachorum nostrorum.
Ut igitur hec concessio firma sit et non possit infirmari
in posterum, hoc chirographum sigillo beate Marie de
Charitate et sigillo beati Juliani de Sezannia roboramus,
anno Domini millesimo centesimo nonagesimo octavo (i),
prima die aprilis.
xc.
QUOMODO SADO DE PATINGIIS DEDIT ECCLESIE DE
CHARITATE QUIDQUID IBI HABEBAT IN CENSIBUS
ET IN TERRIS.
11 99 -
Sadon de Patinges cède au prieuré tout ce qu'il possédait
sur le territoire de La Charité , à l'exception de ses
vassaux et de sa maison de ville , qu'il tiendra en censive
(i) U n’y a pas lieu de rétablir la date de l’année, cette charte étant
rendue trois jours après la fête de Pâques qui tombait, en 1198,
le 29 mars.
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Sadon de Patinges.
i 9 5
pour une redevance annuelle de deux sols , comme les
autres bourgeois , les droits de justice restant au couvent .
Il reçoit en payement deux mille livres et sa femme vingt
livres . En outre , les moines lui assurent à perpétuité une
rente de vingt livres pour laquelle Sadon sera tenu d'être
Vhomme lige du couvent.
Galterius, Dei gratia Nivernensis episcopus, omnibus pré-
sentes litteras inspecturis, in domino salutem. Notum fieri
volumusquodSadode Patingiis, miles, homonoster(i), laude
et assensu uxoris sue Agnetis, pro anime sue et animarum
predecessorum suorum remedio, donavit imperpetuam elee-
mosynam ecclesie de Charitate, quidquid ipse habebat in villa
de Charitate et in potestate ejusdem ville, in censibus, in
consuetudinibus, in terris, in pratis, in vineis, in nemoribus,
in aquis et in omni jure, prêter casatos (2) suos quorum
nomina sunt hec : Rodulfus de Bosco, Chaudero et Guido
Garaut. Et preterea domum suam de Charitate que Sala
dicitur, que sibi et heredibus suis retinuit. Domum autem
ipsam tenebit, tam idem Sado quam heredes sui, ad com-
munem censum et consuetudinem ipsius ville et reddent ex
ea, annis singulis, in Assumptione beate Marie, priori et
conventui de Charitate duos solidos censuales, et prior de
Charitate habebit in eadem domo omnimodam justitiam,
sicut in aliis domibus burgensium suorum. Sane Prior et
conventus ejusdem loci, pie recompensationis intuitu, prefato
Sadoni duo millia librarum et uxori ejus Agneti viginti
libras Giemenses liberaliter contulerunt. Insuper constitue-
(1) Patinges relevait de Cours-les-Barres, fief dépendant de l’évéché
de Nevers. Sadon avait déjà conclu Tannée précédente un accord avec
les moines au sujet d’une maison sise à La Charité. (Voyez ci-dessus,
ch. XLII 1 .)
(2) Les casati ou vassaux étaient des nobles qui n’avaient pas de
juridiction territoriale, des officiers attachés au service de la personne
ou des terres des seigneurs. (Guéràrd, Saint-Père, n* 25.)
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9 6
Cartulaire de La Charité .
runt eidem Sadoni viginti libras Giemenses annuatim, ipa
et heredibus suis imperpetuum, infra octavas sancti Remigii,
a priore vel a mandato ejus ipsius persolvendas, que viginti
libre si statuto termino non solverentur, dictus Sado vel
heredes sui possent capere vadimonia monachorum pro ipsis
XX libris, sine sue âdelitatis transgressione. Pro quibus
viginti libris et pro casatis superius nominatis, sepedictos
Sado et heredes sui erunt ligii homines prions, et quando-
cunque priorem de Charitate innovari contigerit, idem Sado
et heredes sui eidem priori de novo ligium hominium facere
tenebuntur (i). Preterea supradictus Sado sub jurejurando
promisit, quod ipse heredesque sui légitimant garaniiam
ferrent super prefata eleemosyna dicte ecclesie de Charitate,
si quis ipsam ecclesiam voluerit super ipsa eleemosyna
aliquatenus molestare, et propter hoc ibunt quocunque
eos prior ducere voluerit, ad sumptus tamen prioris. Quod si
memoratus Sado vel heredes sui de légitima garantia ferenda
deficerent, prior recursum haberet ad XX libras quas supra
diximus et ad domum et ad casatos antedictos. In hujus
autem rei memoriam, presentem cartam notari fecimus et
sigilli nostri munimine roborari. Actum anno incamad
Verbi millesimo centesimo nonagesimo nono, mense marüo.
(i) La situation faite à Sadon de Patinges se voit encore assez
souvent chez ceux qui avaient besoin d'argent. Il vend ses biens en
se réservant une jouissance et s'engage, lui et ses héritiers, à être
vassal du couvent. Il était déjà homme-lige de l’évêque de Nevers et
c’est pour cette raison que Gauthier ratifie cet acte.
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Sadon de Patinges.
197
XCI.
CONFIRMAT») SUPRADICTE DONATIONIS PER DOMINUM
PAPAM INNOCENTIUM TERTIUM.
1200 Mai 11. — Latran.
Le pape Innocent III confirme et ratifie la donation faite
au prieuré de La Charité par Sadon de Patinges .
*
Innocentius episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis
priori et conventui de Charitate, salutem et apostolicam
benedictionem. Cum a nobis petitur quod justum est et
honestum tam vigor equitatis quam ordo exigit rationis. Ut
id per sollicitudinem officii nostri ad debitum perducatur
effectum. Ea propter, dilecti in domino filii, vestris justis
postulationibus grato concurrentes assensu, possessiones et
alios redditus quos nobilis vir, Sado de Patinges, vobis et
ecclesie vestre in burgo de Charitate liberaliter in eleemosy-
nam concessit, sicut ex donatione ipsius nobilis, juste et
pacifice possidetis et in ejus autentico continetur, vobis e
per vos ecclesie vestre authoritate Apostolica confirmamus,
et presentis scripti patrocinio communimus. Decernimus
ergo ut nulli omnino hominum liceat hanc paginam nostre
confirmationis infringere vel ei ausu temerario contra ire. Si
quis autem hoc attentare presumpserit, indignationem omni-
potentis Dei et beatorum Pétri et Pauli apostolorum ejus se
noverit incursurum. Datum Laterani, V. Idus maii(i), pon-
tificatus nostri anno tertio.
(1) Innocent III fut élu pape le 9 janvier 1198. Le 5 des ides répond
au 11 mai.
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Cartulaire de La Charité.
198
XCII.
ALI A CARTA DOMINI S ADONIS DE PATINGIIS, DE
DIMIDIO MODIO SILIGINIS ET ALIO DIM 1 DIO AVENE
IN TERRAGIO DE GARNAUT.
1200 Juin.
Sadon de Patinges , en partant pour la croisade , fait au
prieur de La Charité donation pure et perpétuelle d ua
demi-muid de seigle et d'avoine sur le territoire de
Garnaut et , dans la même localité , donne la justice, le
droit de pêche et le pacage de deux ânes dans les bois.
Notum sit presentibus et futuris quod ego, Sado de Patin-
giis, iter Hierosolymitanum aggrediens (i), laude et assensa
Agnetis uxoris mee, pro anime mee et antecessorum raeonim
remedio, Deo et beate Marie de Charitate et monachis ibidem
Deo famulantibus, in puram et perpetuam donavi eleemo-
synam, in terragio de Garnaut (2) et consuetudinibusejusdem
terre, dimidium modium siliginis et dimidium modium
avene ad festum beati Germani ( 3 ) annuatim. In hac eadem
eleemosyna, ecclesie de Charitate omnimodam justitiam et
bladeaream (4) quam habebam apud Montemperret et apud
Breo concessi in perpetuum. Insuper, ab ulmo de Sanie
usque Ligerim, in omnibus aquis usuarium piscandi, gur-
(1) La cinquième croisade décidée par Innocent III et commandée
par le comte de [Champagne, puis par Boniface de Montferrat, de
1199 à environ 1206.
(2) Terragium , territoire et plutôt impôt dû sur le sol à titre de jouis-
sance de la terre. Garnaut, hameau desGarneaux, commune de Cufh.
( 3 ) La Saint-Germain, anciennement le i* r octobre, époque adoptée
pour les payements. (Voyez ci-dessus, ch. LXXVII.JJ
(4) Bladeria, droit de faire pacager les bestiaux dans les champ*
cultivés après l'enlèvement des récoltes.
«
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Hervé et Mahaut.
199
gitem Flaclard in pitanciam eleemosynarii donavi. Preterea
in mea parte nemoris communis, infirmario de Charitate
usuarium suum ad duos asinos imperpetuum donavi. Hanc
donationem et eleemosynam feci in pleno capitulo de Chari-
tate, videntibus et audientibus ex parte monachorum Guil-
lelmo (i) priore de Charitate, Hugone suppriore, Iterio infir-
mario, Hugone eleemosynario. Ex parte mea hujus rei testes
sunt, Guido Garaut, Joannes, Japhardus, Chaudero, Hugo
Suavis, Rodulfus prepositus de Chantillo, Gerardus Bau-
dini, Guarnerius Morandi, Gaufridus et Andréas, Mincetus
prepositus de Charneia, Hugo de Beffiis, Guillelmus
Saneveti, Gilo Blanchet, et multi alii. Quod ut duret invio-
labiliter, presens scriptum meo sigillo roboravi, anno Verbi
incarnati millesimo ducentesimo, mense junio.
XCIII.
CARTA DOMINI HERVEI, NIVERNENSIS COMITIS, DE
CONDONATIONE CUJUSDAM MALE TOXE SUPER
VINEAS CHARITATIS.
1200.
Le comte et la comtesse de Nevers font remise perpétuelle
d'une exaction , dite maltote , sur les vignes des environs
de La Charité .
Ego Herveus, cornes Nivernensis et uxor mea Mahaut (2),
Nivernensis comitissa, notum fieri volumus universis, tam
(1) Guillaume II, prieur de Saint-Julien-de-Sézanne, en Brie, puis
quinzième prieur de La Charité, de 1198 à environ 1208.
(2) Hervé IV de Donzy épousa Mahaut de Courtenay en 1199, et
devint par ce mariage comte de Nevers. Cette charte n’est que la
confirmation de l'abandon fait par Pierre de Courtenay, en 1193.
(Voyez ci-dessus, ch. LXXX.)
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200
Cartulaire de La Charité.
presentibus quam futuris, quod concilio et petitioni hones-
torum virorum nostrorum acquiescentes, tamen ad consilium
a Deo prius habitum appropinquantes, quitavimus penitus et
in perpetuum condonavimus quamdam malam toxam que
olim non recte habebatur in vineis que sunt a Castro Marchie
et a villa Canvoti et a bosco qui dicitur Bertrangia (i) tota-
liter usque ad Charitatem. Et in ilia, mala toxa que in illis
vineis prius exercebatur, cesset penitus et in perpetuum
deleatur. Ego Herveus , cornes Nivernensis et jamdictâ
Mahaut uxor mea, tune temporis Nivernensis comitissa,
quitationem istam et donationem , propriis manibus nostris
tenendam et observandam, ita scilicet quod homines quorum
sunt vel erunt predicte vinee in pace teneant, et sine calum-
nia sicut suas habeant. Quando voluerint, fructus vinearum
colligent et vindemiabunt sine mandato, et sine licentia a
nobis vel a nostris expetita, reddendo tamen pro illis vineis
annuatim census et décimas solum dominis quibusfdebentur
et salvo jure dominorum in quorum dominio site sunt jam-
dicte vinee. Nec deinceps nos vel alius pro nobis, vel pro
successoribus nostris habebimus in vineis illis custodes, nec
vineatores, neque aliquas pravas consuetudines in perpe-
tuum. Quod ut ratum sit et inconcussum teneatur, ego
pretaxatus Herveus, cornes Nivernensis, sigillo meo et sigillo
domini Gualterii, episcopi Nivernensis (2), et sigillo Gau-
fredi senescalli Nivernensis confirmavi. Et si quis venire
contra hoc vel facere presumpserit, volo et peto a Nivemensi
episcopo ut terram Nivernensem supponat interdicto donec
fuerit emendatum, quod contra hoc fieri presumetur. Actum
anno incarnati Verbi millesimo ducentesimo.
(1) La Marche, Champvoux, La Bertrange.
(2) Gauthier, évêque de Nevers, 1196-1201. Geoffroi de Pouguei,
sénéchal du comte de Nevers, depuis environ 1190.
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Prieuré de Sé^anne.
201
XCIV.
CARTA FUNDATIONIS PRIORATUS SANCTI JULIANI
DE SESANNA.
io 85 .
Le comte de Champagne Étienne-Henri fait don aux reli-
gieux de La Charité-sur-Loire de Véglise paroissiale de
Sé\anne , dédiée à saint Julien, avec toutes ses dépen-
dances, fief, offrandes, dîmes , sépultures, terres et
vignes . Cette église était détenue par Barthélemy de
Broyés, chevalier, qui mourut laissant un fils, Hugues ,
en bas âge ; le comte administra les biens, et à la majo-
rité de V enfant il obtint de lui la même concession que
celle qu'il avait faite. Hugues se présenta dans Véglise,
entouré de ses chevaliers , et déposa sur V autel, comme
emblème de sa donation , un couteau noir semblable à ceux
qui servent aux moines. En reconnaissance, les religieux
unirent tous les donateurs dans l'association de leurs
prières.
In nomine sanctæ Trinitatis. Notum sit omnibus, tam
futuris quam presentibus, quod nobilis cornes Stephanus
Hfcnricus, præclarissimi consulis Tbeobaldi filius (i), non
(x) Étienne, surnommé Henri, fils de Thibaud III, comte de Cham-
pagne, Brie, Blois, etc., administra le comté de 1044 à 1089, pendant
la captivité de son père et mourut en 1102. Il avait épousé Alix, fille
de Guillaume-le-B&tard, roi d’Angleterre. Il céda, en 1088, l’abbaye de
Saint-Germain d’Auxerre à l'ordre de Cluny. (Cartulaire de V Yonne,
II, p. 37.) Son troisième fils, Henri , devenu évêque de Vinchester, en
Angleterre, comparait comme témoin en 1111, à Bourges. (Voyez
ci-dessus, p. 124.)
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202
Cartulaire de La Charité .
oblivioni tradens quod scriptum esse audierat, hoc est : date
eleemosynam ut omnia munda sint vobis, et : honora
Dominum de tua substantia et : frange esurienti panem
tuum. Quodquede ædificatoribus ecclesiarum audire consue-
verat : qui domum Dei ædificat, regnum Dei sibi præparat.
Hæc, ut diximus, in libro sui cordis conscripta sentiens, pro
salute animæ suæ parentumque suorum, quamdam panro-
chialem ecclesiam in honore sancti Juliani martyris cons-
tructam, in villa quæ dicitur Sezanna, cum omnibus rebus
dictæ ecclesiæ pertinentibus, hoc est feodum presbyterorum,
oblationes, décimas, sepulturas, et ea quæ predecessores vel
successores pro animabus eorum, tam in terris quam in
vineis dederant vel daturi erant Sanctæ Manæ de Charitate
quæ est supra Ligerim, omnique conventui ibi Régi Christo
famulanti dono dare placuit. Quomodo vero hæc donatio
firmatasitmanifestandumest : Bartholomeussiquidem,domi-
nus Brehearum (i), miles famosissimus, qui et ipsam eccle-
siam quamvis injuste tenebat, quam nemo laïcus iuste tenet,
cum ex hac vita casu migraret, supradictus cornes Stephanus
Henricus ad regendum suscepit honorem , quoad usque
Hugo, ipsius Bartholomei filius, qui orfanus et parvulus
remanserat, ad virilem perveniret ætatem. Cumque ei reddi
paternam hæreditatem placeret, exhortatus et obsecratus,
comitis et multorum aliorum admonitione, et maxime pro
ejus animæ redemptione et patris sui, atque cognomine ejus,
et ipse Bardulfus cognominabatur (2), ipsam ecclesiam atque
omnem donationem concessit et tradidit, sicut et cornes
Stephanus Henricus fecerat, ut supra taxavimus. Nam ipse
( 1 ) Broyés, canton de Sézanne, arrondissement d’Épernay (Marne).
( 2 ) Les surnoms, communs à partir du onzième siècle, sont
empruntés à diverses circonstances et particuliers à la personne.
Guérard ( Cart . de Saint-Père de Charires , préf., n°68), donne une
très-longue liste de surnoms, en faisant remarquer que plusieurs sont
très-difficiles à expliquer. Bardulfus , d’après la tournure de la phrase,
paraît signifier pieux, généreux, peut-être barda , barde.
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Prieuré de Sé\anne .
203
ultroneus (i) in ipsam designatam ecclesiam ad altare accessit
et donum ut diximus confirmavit, quemdam nigrum cul-
tellum monachali usui aptum super altare posuit, astante
comitissa, uxore Stephani Henrici comitis, et militibus
ipsius juvenis faventibus et laudantibus, videlicet Nacherio,
Leonio, Fulcone, Rolando filio Arduini et Hugone filio
Germundi atque Hugone et fratribus de Bello-forte; unde
etiam testes et confirmatores, Guiomundus Stephani Henrici
comitis dapifer, Ansoldus de Carnoto, Bartholomeus et frater
ejus Radulfus de ipsa Sezanna, ac Arduinus cellerarius et
Guido de Pruvino et Philippus miles. Quapropter monachi
ibidem Deo servantes, ipsi Hugoni et omnibus qui cum eo
erant societatem dederunt, tam in orationibus quam in vigi-
liis atque eleemosynis ( 2 ), quam societatem post eum ipso die
et comitissæ supradictæ donaverunt. Fuit autem ista donatio
facta anno ab incarnatione Domini millesimo octogesimo
primo, sed millesimo octogesimo quinto firmata, Christo
régnante in cœlis, Philippo rege Francorum sceptrum tenente,
Stephano Henrico supradicto, sub pâtre suo Theobaldo con-
sulatum suum optime regente, et Domno Gerardo (3) supra-
dictæ ecclesiæ Sanctæ Mariæ Charitatis priore et fundatore
fuit, Philippo Trecensi episcopo existente et sancte et stre-
nuissime regente.
( 1 ) Ultroneus y de lui-même, de son propre mouvement.
( 2 ) Les sociétés individuelles étaient un honneur très- recherché par
les grands. Le bienfaiteur qui sollicitait le titre de frère venait, en la
présence du couvent, remettre ses biens entre les mains de l’abbé. En
retour, on s’engageait à le recevoir dans la maison , soit pendant sa
vie pour y faire profession, soit à sa mort pour y être inhumé On
lui garantissait aussi une part à toutes les bonnes œuvres de la com-
munauté. Parfois ces associations se faisaient avec solennité. (Article
de M. Delisle, Bibl. de l’école des Chartes , 2 * série, t. III, p. 365.)
(3) La donation de Sézanne. faite du temps de saint Gérard, fut
confirmée plus tard, en 1 x 53 et 1179 , parles papes Anastase IV et
Alexandre III. (Ci-dessus, p. 25, chartes VI et VII.)
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204
Cartulaire de La Charité .
xcv.
CARTA FUND ATIONI S PRIORATUS SANCTI CHRISTO
FORI IN HALATA.
1061 Avril 3o. — Compïègne.
Il est exposé dans cette charte de Philippe P 1 qu’un
chevalier nommé Valeran demande la confirmation
royale pour une abbaye dédiée à saint Christophe , qu'il
tenait en bénéfice de l’église Saint-Pierre de Beauvais.
Il donne à cette abbaye plusieurs fermes avec leurs
habitants , leurs maisons , leurs terres de toute nature et
des héritages séparés à Clermont, Beauvais , Senlis ,
Meaux, etc . De son côté, le roi abandonne un cens qui
lui était dû par Vabbaye et approuve la donation en
général .
Vidimus pur et simple de cette pièce donné par Charles IV
en juin 1326.
Karolus, Dei gratia Francorum et Navarre rex, notum
facimus universis, tam presentibus quam futuris, nos infra-
scriptas vidisse litteras, formam que sequitur continentes :
In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, ego Phiiippus
gratia Dei Francorum rex, cum status sacræ religionis quam
maxime fulciatur multimodis bonorum studiis, magis tamen
augmentari creditur sacrorum constructione locorum, ubi
semper Deum exorent vota fidelium, unde remunerationis
præmium apud Deum habet repositum quisquis sacra loca
vel edificaverit vel terrenis opibus ditaverit. Innotescat
igitur solertiæ omnium, tam præsentium quam futurorum,
quod quidam miles noster, nomine Vualerannus, nostram adiir
presentiam , una cum fratribus suis Vualtero archidiacono et
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Prieuré de Saint-Christophe.
205
Hugone, necnon Balduino atque Rainoldo, petens ut abba-
tiolam quam constructam in memoria Sancti Christofori (i)
martyris tenebat de beneficio Sancti Pétri Belvacensis eccle-
siæ, ejusdem ecclesiæ Gausberto antistite , cum consensu
clericorum suorum et militum , nostra manu firmam face-
remus. Ita ut nemo deinceps fratres ibidem Deo regulariter
servientes vel locum (psum inquietare audeat vel consuetudi-
nem aliquam exigere, sed perpetualiter absque aliqua inquie-
tudine vel contradictione sub nomine immunitatis permaneat.
Dédit autem supradictus miles ipsi ecclesiæ de rebus suæ pro-
prietatis, ipsam scilicet villam nomine Hermene, ubi ea
ecclesia sita est , et omnes consuetudines quæ sibi in eadem
villa debebantur, et hospites et servos et ancillas et clausos
vinearum et terras arabiles et prata , silvam quoque eidem
villæ adjacentem, et milites de eadem villa bénéficia tenentes,
villam similiter nuncupatam Florinas (2) cum omnibus ad
eam pertinentibus. In villa quoque Pomponiensi (3), partem
altaris sancti Pétri ecclesiæ quæ dicitur Cella, cum sua
décima et cum censu viginti trium solidorum, et servos et
ancillas sui juris , clausos quoque vinearum et terram arabi-
lem et prata et adjacentem silvam juxta suburbium Clari-
montis (4). In villa quæ dicitur Rosolum, unum clausum
vinearum. Item in pago Belvacensi , in villa quæ vocatur
Reus , très arpennos vinearum et dimidium. In villa quæ
vocatur Pontis, ancillamquamdam, nomine Richildem, cum
infan tibus suis. In civitate vero Silvanectensi (5) clausum
unum vinearum et unum fumum. In villa etiam Amima-
( 1 ) Saint-Christophe, commune de Fleurines (Oise). {Dictionnaire
des postes.)
( 2 ) Fleurines (Oise), arrondissement de Sentis, canton de Pont-
Sainte-Maxence. Hermene , Hermes, canton de Noailles (Oise).
(3) Pomponne et peut-être Chelles (Seine-et-Marne), arrondissement
de Meaux , canton de Lagny.
( 4 ) Clermont (Oise). Rosolum , Rosoy (?), près Clermont.
(5) Senlis et Rieux (Oise).
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20Ô
Cartulaire de La Charité.
censi (i) unum hospitem et terrain arabilem. In territorio
vero Meldensi (2) villam quæ vocatur Sineverie, omne hoc
quod Valterus pater suus ibi in proprio jure tenuerat. Dono
etiam, ego ipse cum matremea, censum vinearura etdedena-
riis et de vino quas habet predicta ecclesia in villa quæ
dicitur Reus, ob remedium patris nostri Henrici regis ( 3 ).
Item, in territorio Silvanectensi, predictus Vualeran nus dédit
eidem abbatiæ duas partes de décima ejusdemecclesiæSancti
Christofori, quam sub manu iirma tenebat de canonicis
Sanctæ Mariæ Silvanectensis ecclesiæ, annuente feodando
episcopo cum clericis ad quos ipsa décima pertinebat. Ut
igitur hæc omnia inconvulsa et imperpetuum rata permane-
rent, petentibus supradictis fratribus, Gualeranno scilicetet
aliis fratribus, manu nostra subterfirmavimus et principibus
nostris firmanda tradidimus. Si quis vero, quod absit, hoc
præceptum violare præsumpserit, centum libras auri coactus
regis fisco reddat. Actum Compendio, anno incarnationis
Domini nostri Jesu Christi, millesimo sexagesimo primo in-
dictione décima quarta, régnante Philippo rege, anno primo,
datum pridie kalendas maii. Ëalduinus cancellarius scripsit.
Nos igitur, prioris dicti loci Sancti Christofori in Hal-
lata (4) devotis precibus inclinati, suprascriptas litteras, quasi
jam nimia vetustate consumptas, duximus innovandas,
nolentes quod, ex innovatione hujusmodi, novum jus dicto
prioratui acquiratur, sed antiquum per innovationem hujus-
modi conservetur illesum. Quod ut firmum et stabile perma-
neat in futurum, presentibus literis nostrum fecimus apponi
sigillum. Datum apud Sanctum Christoforum in Hallata,
anno Domini millesimo trecentesimo vicesimo sexto , raense
junii.
(1) Probablement pour Ambiacensi (Amiens).
(2) Meaux (Seine-et-Marne).
( 3 ) Henri I ,r , roi de France, io3i-4 août 1060, épousa en 1044 Anne,
fille de Georges, roi de Russie.
(4) Saint-Christophe en Vexin, le même que plus haut.
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Le comte de Vendôme .
207
XCVI.
CARTA COMITIS VINDOCINENSIS DE DECEM UBRIS AB
IPSO CONCESSIS SUPER MINAGIO VINDOCINENSI.
1206 Septembre.
Jean, comte de Vendôme, confirme la constitution d*une
rente de dix livres faite par ses ancêtres en faveur des
religieux de La Charité sur le minage de Vendôme.
Ego Joannes, cornes Vindocinensis (1), notutn facio tam
presentibusquam futuris quod ego concedo, laudo etconfirmo
illas decem libras quas Joannes abavus meus, bone memorie
venerandus cornes Vindocinensis, ecclesie beate Marie de
Charitate in perpetuam eleemosynam contulit, et volo, sicut
prefatus Joannes abavus meus et Burchardus cornes , filius
ejus, institueront, ut in minagio (2) meo Vindocinensi
sumantur prefate decem libre , centum videlicet solidi in
festivitate sancti Michaelis et centum in Pascha annuatim; et
ut hec carta firmitatis robur obtineat eam sigilli nostri muni-
mine roboravimus ( 3 ). Hanc confirmationem viderunt et
audierunt Hamel abbas Vindocinensis (4), Herveus prior,
Gaufridus eleemosynarius, Gaufridus de Vindocino, avun-
(1) Vendôme (Loir-et-Cher) eut des comtes particuliers jusqu’en
1373 ; le comté passa ensuite dans la maison de Bourbon et fut érigé
en duché-pairie par François l #r en 1514.
(2) Minage, de mina , mine, mesure. Droit à payer pour le mesurage
des grains au moment de la vente.
( 3 ) Le nécrologe de La Charité porte à l’an 1206, date de la charte
et non du décès, un anniversaire pour Jean, comte de Vendôme.
(4) Abbaye de la Sainte-Trinité, de l’ordre de Saint-Benoît, fondée
pqr Geoffroi Martel en io 3 a , célèbre par ses édifices comme par ses
privilèges.
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208
Cartulaire de La Charité.
culus meus, Radulfus de Marcheil, Gaufridus de Ituola,
Andréas Rupenon. Actum est hoc apud Vindocinum , anno
incarnationis Dominice millesimo ducentesimo sexto, menst
septembri.
XCVIl.
ALLA. CARTA COMITIS VINDOCINENSIS.
xi 85 circa.
Bouchard , comte de Vendôme , ratifie la donation dm
rente de dix livres instituée par son père , au retour de
Jérusalem , quand il tomba malade à La Charité et y
mourut , après avoir pris l'habit de saint Benoit (1).
Ego Burchardus, cornes Vindocinensis, universis Christi
fidelibus ad quospresens scriptum devenerit, salutem invcro
(x) Cette charte est transcrite à la suite de la précédente sans rubrv*
que et sans date. Elle est de quelques années plus ancienae et
contient l’origine de cette donation de dix livres. Bouchard y parle de
Jean, son père, et, dans les témoins, de Geoffroi, son frère. En 1206,
Jean parle de Jean, son grand-père, et de Geoffroi , son oncle. Le»
croisades du douzième siècle ont eu lieu en 1147 et 1188, trop tôtoti
trop tard pour qu’on assigne à l’une d’elles le voyage que Jean fitec
Terre-Sainte comme expiation, à la suite de l’excommunication dont
il fut relevé en 1180 par l’évêque de Chartres. D’autre part, la charte
suivante donne la confirmation d’Urbain III, qui permet de dater de
xi 85 au plus tard la donation de rente de dix livres au prieuré de
La Charité.
Voici, à titre de renseignement, la filiation donnée par le P- Anselme
(t. VIII, p. 724) : Jean I' r , de x 147 à environ 1182, mort au prieuré de
La Charité; Bouchard IV, son fils ainé, auteur de notre première
charte, comte de Vendôme du vivant de son père en 1180, morteo
X202. Il eut un fils nommé Jean, qui mourut avant lui en laissant us
fils , qui recueillit la succession de son grand-père sous le nom de
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Le comte de Vendôme .
209
salutari. Universitati vestre notum fieri volumus quod cum
vir venerandus et bone memorie Joannes, pater meus, cornes
Vindocinensis, a peregrinatione Hierosolymitana rediret, et
apud Charitatem egrotans diem expectaret extremum, a mo-
nachis dicti monasterii in fratrem et monachum gratanter et
honorifice, per Dei gratiam , juxta sue voluntatis petitionem
est receptus, ibique eorum pia considerata devotione, consti-
tuit ut de propriis redditibus suis in Castro Vindocinensi,
pro salute anime sue et parentum suorum, decem libre pre-
dicto monasterio annuatim perpetuo darentur, quasquidem
scripto commendavit et sigilli sui testimonio nobis conceden-
tibus roboravit. Verum quia semper de jure filii tenentur
patribus obedire et eorum bonis operibus et exemplis adhi-
bere, decrevimus et constituimus ut apud Vindocinum, de
minagio nostro prefate decem libre memorate ecclesie de
Charitate annuatim redderentur, juxta mandatum prefati
patris nostri, centum solidi in festo sancti Michaelis et
centum in Pascha(i). Quod ut hec carta robur obtineat,
firmitatis sigilli nostri munimine roboravimus, statuentes et
ex parte Dei et beate Marie et omnium sanctorum prohi-
bentes, ne quis de cetero prelibatum monasterium vel fratres
super iis audeat molestare. Hoc viderunt et audierunt Gau-
fridus, frater noster (2), Gaufridus archidiaconus Turonensis,
Joannes de Laval, consanguineus noster, Matheus de Bello
Monte, Gaufridus Rulcy, Philippus Lautel , Bartholomeus
Jean II, et mourut lui-même peu de temps après, en 1207. C’est
l’auteur de la seconde charte de septembre 1206.
L’abbé Chevallier ( Répertoire du moyen-âge), d’après le Bulletin de
la Société vendômoise (t. XI, p. 54), porte : « Jean I* r , comte de Ven-
dôme vers 1 1 36 , en Terre-Sainte en 1190, mort moine à La Charité
en 1192. • Ces dates sont peut-être les vraies, bien que nos chartes
semblent les contredire.
(1) Ces deux dates forment presque exactement les deux semestres
d’une annuité : Pâques en mars ou avril , et saint Michel le 29 sep-
tembre.
(2} Geoffroi, troisième fils de Jean I* r , comte de Vendôme.
27
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210
Cartulaire de La Charité .
de Plexeio , Andréas Rupenun, Rogerius Douin, Hcnrcus
clericus noster, Guillelmus Calpa asini , Giraudus Minagc-
rius , magister Rudalteus , prior Sancti Michaelis deGuer-
chia (i), et plures alii.
XCVIII.
CONFIRMATIO PREFATE DONATIONIS PER DOMINIK
PAPAM URBANUM III.
il 85 circa. Janvier 28. — Vérone.
Le pape Urbain III accorde la sanction apostolique à h
rente de dix livres par le comte de Vendôme au profitât
prieuré de La Charité .
Urbanus, episcopus ( 2 ), servus servorum Dei, dilectis
filiis priori et fratribus de Charitate, salutem et apostolicam
benedictionem. Justis petentium desideriis dignum est nos
facilem prebere consensum et vota que orationis tramitenon
discordant, effectu prosequente complere. Quapropter, dilecti
in domino filii, vestris justis postulationibus grato concur-
rentes assensu, decem libras Vindocinenses (3) vobis, de
(iî Saint-Michel-de-La-Guierche, près Tours, prieuré dépendant de
La Charité, uni à la congrégation des Pères de l'Oratoire. Aujourd'hui
La Guierche, hameau de la commune de Saint-Michel, canton de
Langeais, arrondissement de Chinon (Indre-et-Loire).
(2) Urbain II, pape, de 1088 à 1099; — Urbain III, de 1 185 à 1187;
— Urbain IV, de 1261 à 1264. La rubrique du Cartulaire attribue U
pièce à ce dernier, ce qui est inadmissible. On doit remonter »
Urbain III, en n 85 , pour retrouver le père et le grand-père du comte
de Vendôme, qui confirme la donation en (206.
( 3 ) Cette phrase demande à être complétée ainsi : decem libras 4*#
Joannes vobis.
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Orléans et Joigny.
21 1
assensu Buchardi filii sui, percipiendas annis singulis
concessit, sicut eas juste et sine controversia possidetis, vobis
et ecclesie vestre authoritate apostolica confirmamus et pre-
sentis scripti patrocinio communimus, statuentes ut nulli
omnino hominum liceat hanc paginam nostre confirmationis
infringere, vel ei ausu temerario contra ire. Si quis autem
hoc attentare presumpserit indignationem omnipotentis Dei
et beatorum Pétri et Pauli apostolorum ejus se noverit
incursurum. Datum Verone, tertio kalendas februarii.
XCIX.
CARTA FULCONIS AURELIANENSIS DECANI DE QUIBUS-
DAM REBUS APUD JOVINIACUM, SANCTUM QUETUM,
MINGENNAM ET SANCTUM LAURENTIUM AUREUANIS.
1210 Février.
Foulques , doyen d'Orléans , et son clerc déclarent que les
biens situés à Joigny et à Orléans , qu'ils tiennent du
prieuré de La Charité, devront retourner aux religieux
après leur mort.
Fulco, decanus Aurelianensis, omnibus présentes litteras
inspecturis, salutem in Domino. Noverit universitas vestra
quod nos volumus et concedimus quod quidquid a venera-
bili viro G... (i) priore et monachis de Charitate tenemus,
tam apud Joviniacum (2) quam apud villam que dicitur
(1) Geoffroi, frère du comte Hervé, seizième prieur, de 1209 à 1212.
(Voyez ci-dessus, ch. XIX et XX.)
(2) Joigny, où se trouvaient les deux prieurés dédiés l’un à Notre-
Dame et l’autre à saint Sidoine.
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212
Cartulaire de La Charité.
Sancti Queti (i), Aurelianensis diocesis, eu ni otnni meiiora-
tione sua, ad ecclesiara de Charitate post decessum nostrum
libéré et sine conditione qualibet revertatur. Tecelinus
quoque, clericus noster, coram nobis voluit et concessit quod
quidquid, tam in parrochia de Mingenna ( 2 ), Senonensis
diocesis, quam in ecclesia Sancti Laurentii Aurelianensis (3), a
prenominatis priore et monachis ei concessum est, sicut in
eorumdem autentico continetur, post decessum ipsius cum
omni melioratione sua ad eosdem monachos devoluatur.
Datum anno ab incarnatione Dominimillesimoducentesimo
decimo, mense februario.
c.
CARTA DOMINI HERVEI, NIVERNENSIS COMITIS, DE
DOMNOPETRO.
1210 Juin.
Hervé , comte de Nevers , abandonne aux religieux de La
Charité tous les droits qu'il avait à Dompierre , sur les
hommes , les terres et les forêts , en sorte que les habitants
(1) On trouve à treize kilomètres au sud d’Orléans, commune
d’Ardon, sur la rive gauche de la Loire, une petite localité appelée
aujourd’hui Saint-Quay. Ce nom répond assez bien à celui de Sanctus
Quetus ou Quietus , Saint-Tranquille, suivant l’interprétation que notre
confrère, M. Maxime de Beaucorps, a bien voulu nous communiquer.
(2) Migennes, canton de Joigny (Yonne).
( 3 ) Saint-Laurent-des-Orgerils est une paroisse d’Orléans. La liste
des prieurés de La Charité porte : Prioritus Sancti Laurentii de
Orgeriis , prope et extra muros Aurelianis. Ce prieuré fut rétabli
en 1119 par Louis-le-Gros, d’après une charte que nous donnerons
dans la liste des prieurés.
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Le comte Hervé .
2l3
dépendront désormais du prieuré depuis Dompierre jus-
qu’au ruisseau du Ma\ou .
Notum sit presentibus et futuris quod ego Herveus, cornes
Nivemensis, quitto monachis de Charitate imperpetuum
quidquid juris habebam vel habere debebam in villa et in
tota potestate de Domnopetro (i); et quidquid homines
mei, qui mansionem hactenus habuerunt ab haiis (sic) plas-
satis de Maso (2) usque ad locum quo communes sunt terre
et justitie ipsorum monachorum et domine Cellensis (3),
habebant tam de me quam de ipsis monachis, remanet imper-
petuum eisdem monachis liberum et quittum. Nec ego, nec
successores mei, nec aliquis hominum nostrorum, poterimus
aliquid juris clamare in nemoribus de Domnopetro et de
Boyo et de Sancto Bonito (4), ratione usuarii vel alterius
modi. Nullusamodo homo seu femina poterit manere in
tota potestate de Domnopetro, nisi de assensu prioris et
conventus de Charitate ; et hec volo intelligi de hominibus et
feminis meis et antecessorum seu successorum meorum. Hoc
laudavit Matildis uxor mea. Actum anno grade millesimo
ducentesimo decimo, mense junio.
(1) Dompierre-sur-Nièvre, canton de Prémery.
(2) Le Mazou, ruisseau qui coule de Murlin à Mêves. (Voyez ci-
dessus, p. 5 , note.}
( 3 ) La Celle-sur-Nièvre, canton de La Charité.
(4) Dans le canton de Saint-Amand, au nord de Cosne, on trouve
Dampierre-sous-Bouhy et La Celle-sur-Loire ; il ne s’agit point de ces
localités. Les endroits désignés dans cette charte sont tous au nord-
ouest de Prémery; ce sont: La Celle-sur-Nièvre, Dompierre-sur-
Nièvre , la forêt de Bouy et Arzembouy, Saint-Bonnot et le Mazou,
qui coule vers [.a Charité.
Cote d’une pièce sur Saint-Bonnot (Histoire du Prieuré , folio 87) :
« Humbaut Le Blanc, fils de Mathieu d’Huben, avant de partir pour
Jérusalem, vint à La Charité et fit donation aux religieux de sa terre
de Saint-Bonnet-les-Forges, à la charge de prier Dieu pour lui et ses
parents. En reconnaissance, les religieux lui firent présent d’une cotte
de mailles du prix de 120 livres. Circa n 5 o. »
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214
Cartülaire de La Charité.
CL
ALLA CARTA HERVEI COMITIS NIVERNENSIS, DE
DOMNOPETRO.
I 2 1 I .
Hervé , comte de Nevers , déclare que les religieux de La
Charité sont les seuls possesseurs de la justice haute et
basse et de l'usage dans les bois , à Dompierre et à Saint-
Bonnot .
Ego Herveus, cornes Ni vernensis, notum facio presentibus
et futuris, quod per legitimam inquisitionem didici et inveni
quod monachi de Charitate , in villis de Domnopetro et de
Sancto Bonito, totam habent justitiam, parvam et magnam,
et quod nullus habet usuarium sive usagium (i) in nemori-
bus de Domnopetro (2) et de Sancto Bonito, nec aliquid juris
potest reclamare in ipsis, nisi monachi de Charitate tantum,
quorum sunt ville predicte cum nemoribus supradictis.
Actum anno gratie millesimo ducentesimo undecimo.
( 1 ) Usuarium est pris dans le sens d'usufruit, usage en nature.
Usagium est plutôt un impôt ou corvée. Ces deux termes ont été
souvent confondus.
( 2 ) Cote d’une autre charte sur Dompierre ( Histoire du Prieuré ,
folio i65) :
c L’an 1 33g , Guillaume de Poitiers, prieur, emprunta des sous-
prieur et couvent de La Charité la somme de 1,261 livres cinq solz,
des épargnes que les religieux avoient faites pour achetter une croix
et un calice d’or. Pour garantie et jusqu’au remboursement, il
donna la jouissance de la terre et seigneurie de Dompierre, avec le
cens dû par les prieurs de Joigny et de Saint-Moré, au diocèse de
Sens. »
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Sancoins.
2l5
CIL
CARTA EBBONIS DE CHARENTONE, DE CENCONIO.
ii 88 circa. — La Charité.
Ebbon de Charenton donne aux religieux de La Charité un
moulin et un étang près Sancoins avec les droits de
rouage et de conduit pour les deux foires de la ville .
Sciant omnes qui présentes iiteras viderint et audierint
quod ego, Ebo de Charentone (i), pro quibusdam forisfactis
que commiseram adversus ecclesiam de Charitate, donavi
eidem ecclesie quidquid habebam in molendino stagni mei
de Cenconio (2) et aquam jugiter manantem stagni, quantum
(1) Les seigneurs de Charenton en Berry se rencontrent fréquemment
avec les seigneurs de Sancerre , de Sully, de Montfaucon , de
Patinges , etc. Il en existe une filiation encore incomplète donnée par
M. de Kersers (Antiquaires du Centre , X, p. 296), à propos des deniers
de leurs monnaies. Le premier cité est Ebbes VI, vivant en 1 171-1189,
vraisemblablement auteur de notre charte, que le manque de date ne
nous permet pas de fixer. D’autre part, dans les chartes LXI et LXIV,
nous avons Ebraudus de Charentonio qui , selon toute apparence, est
le prédécesseur de celui-ci. Plus tard, en 1264, Guillaume de Courtenay
vendit la seigneurie de Charenton au comte de Sancerre.
(2) Charenton et Sancoins, cantons de l’arrondissement de Saint-
Amand (Cher); Sancoins était un prieuré dépendant de La Charité,
sous le vocable de saint Martin.
On lit dans Y Histoire du prieuré (folio 47) la cote suivante :
9 Humbaud et Hugues de Bourbon donnent à La Charité le prieuré
de Saint-Martin de Sancoins, en confirmant les biens déjà donnés. —
Étienne de Bourbon, dit Materel, donne à La Charité l’église de Saint-
Martin de Sancoins avec toutes ses dépendances. »
Ces personnages ne sont point de la branche aînée des sires de
Bourbon, qui étendaient leur puissance sur toute cette partie du Berry.
Un Humbaud de Bourbon fut Voyer de Bourges sous Eudes Arpin, au
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2l6
Cartulaire de La Charité.
scilicet opus fuerit molendinis duobus , et medietatem
roagii (i) quod accipio in villa vel extra villam, et duas nun-
dinas libéras et absolutas et ut in villa teneantur, et sint in
conductu meo euntes et redeuntes ad nundinas bona fide
quemadmodum si mee proprie essent. Hec fide mea in manu
domini Henrici Bituricensis archiepiscopi rogavi ut carta
ista firmaretur. Hec omnia eis concessi pro pace meaetsalute
anime mee. Hec viderunt et audierunt dominus Gilo de
Soliaco (2), Raimundus de Castro-novo , Bernardus de
Olchia, Stephanus Sarpel , Petrus de Chasnai et alii multi,
apud Charitatem.
commencement du douzième siècle ; c'est peut-être celui dont il est
parlé ci-dessus. (Chazaud, les Sires de Bourbon , p. 166.) On voit aussi
Hugues de Bourbon, dix-huitième prieur de La Charité, vers I2i5,
qui peut avoir contribué à cette donation.
Du 6 novembre i366. Guillaume Ferret, chanoine de l’église
d’Orléans, rend hommage au prieur de La Charité pour sa terre de
Froidefond, consistant en un château entouré de fossés, un moulin
sur la rivière de l’Auboys et en autres terres situées entre Nevers et
Sancoins. {Ibid., folio 174.)
(1) Le rouage est un impôt perçu en nature ou en argent, affecté
dans le principe à l’entretien des routes. Une charte de la comtesse
Mahaut de 1244 l’explique très-clairement : Dedimus eis in roagio
ejusdem ville quinquaginta bichetos frumenti annui redditus. ( Gall.
Christ., IV, col. 102, instr.) A Paris, le rouage se payait à l'entrée du
petit pont et portait principalement sur les vins. (Voyez Livre des
Métiers , p. 248.) Quant au conduit, c’était un droit de protection ou
de sécurité que les seigneurs se chargeaient de maintenir sur les
routes et pour le transport des denrées.
(2) Henri de Sully fut archevêque de Bourges de ii 83 à 1200; Gilon
de Sully, son frère aîné, seigneur de La Chapelle et des Aix-d’Angillon,
était mort en 1 195. Il avait épousé Luce de Charenton, fille de l’auteur
de cette charte. La vie des autres témoins n’est pas connue exactement.
En admettant que Ebbes ait fait la donation dans les dernières années
de sa vie, on peut dater cette charte au plus tard de 1188.
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La comtesse Mahaut.
217
cm.
CARTA MATILDIS , NIVERNENSIS COMITISSE , DE
JUSTITIA IN OMNIBUS VILUS ET TERRIS AD
CHARITATEM SPECTANTIBUS.
1225 Septembre.
Pour effacer les injustices et les pertes causées par elle ou
par les siens aux religieux de La Charité , la comtesse
Mahaut fait abandon de tous les droits de justice qu'elle
peut avoir sur leurs biens, dans rétendue de son comté de
Nevers.
Ego Mathildis (1), comitissa Nivernensis, notum facio
presentibus et futuris, quod ego f ob remedium anime mee et
antecessorum meorum, pro damnis et injuriis que feci et fieri
mandavi monachis de Charitate et rebus suis , in obsidione
ville Caritatensis et alibi, dono, quitto et concedo Deo et
beate Marie de Charitate et monachis ibidem Deo servien-
tibus, omnes justitias et districtus (2), si quos habeo vel
habere possum in villis, terris, granchiis, domibus, et aliis
locis suis quibuscunque, in toto comitatu meo. Nolens quod
inter me seu successor es meos et ipsos monachos discordia de
cetero oriatur, occasione justitiarum aliquarum. Preterea
concedo ipsis et confirmo , laudo et approbo omnes cartas
predecessorum meorum, et me et successores meos in perpe-
tuum observare promitto et ad hec me et heredes meos obligo
(1) La comtesse Mahaut devint veuve de Hervé de Donzy en
janvier 1223 et se remaria en 1226 à Guy de Forez ; elle administra
directement le comté pendant son veuvage.
(2) Districtus ou districtura, droit de justice, d’après cette phrase :
Bannum seu districtum aut quidquid in aliquo terrene justicie titulo
dici potes t. (Gué&ARD, Saint-Père de Chartres, n° 88 et p. 83.)
28
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218 Cartulaire de La Charité.
et astringo. Actum anno grade millesimo ducentesimo vice-
simo quinto, mense septembri.
civ.
CONSECRATIO ECCLESIE SANCTORUM PETRI ET PAULI
DE RADOLIO IN BRIA.
I 23 o Juin 29.
Consécration de Véglise de Reuil , sous le vocable de
plusieurs saints , par les évêques de Meaux et d'Avignon,
avec approbation de Marguerite d'Oisy , dame de La
Ferté-Angoult.
Anno incarnations Dominice millesimo ducentesimo
tricesimo, pridie kalendas julii, venerabilis pater Petrus,
Dei gratia Meldensis episcopus, cum quo adfuit religiosus
pater Nicolaus, Avinionensis episcopus, hanc ecclesiam dedi-
cavit, in nomine sancte et individue Trinitatis et victorio-
sissime Crucis , in honore beatissime virginis Marie et
beatorum apostolorum Pétri et Pauli, in honore beatorum
martyrum Vincentii, Blasii, in honore beatorum confesso-
rum Remigii et Hylarîi et beatorum virginum Agnetis et
Catharine atque omnium sanctorum Dei ; venerabili Petro
Galtero Cornuto cathedram Senonensem regente, viroreli-
gioso fratre Stephano existente priore de Caritate (1), fratre
Theodorico de Radolio priore, et fratre Joanne de Montyon
ejusdem ecclesie sacrista, regnum Francorum regente Ludo-
vico, filio piissimi Ludovici, qui de peregrinatione contra
(1) Gautier Cornut, doyen de l'église de Paris, évêque de Paris
en 1220, archevêque de Sens en 1222, mort en 1241. Étienne, vingt-
unième prieur de La Charité, d’environ 1225 à i 23 a.
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Narcy.
219
infidèles Albigenses, et de obsidione AvinionenSi rediens,
Vite laudabilis cursu peracto apud Montem-Pancerum (1)
spirilum reddidit creatori , possidente Firmitatem Anculphi
nobilissima domina Margarita, nomine dotis defuncti mariti
sui domini Hugonis de Oysi pie memorie (2), cujus corpus
sepultum fuerat in hac ecclesia, ante maiusaltare, antequam
dedicaretur, et requieverat per quadraginta et unum annos
quando extractum ab ecclesia pro dedicatione facienda, sicut
decet, et célébra ta dedicatione reportatum fuit in ecclesiam,
et ab episcopis superius nominatis inhumatum, cujus anima
requiescat in pace. Amen.
cv.
ACQUISITIO QUORÜMDAM MOLENDINORUM APUD NAR-
CIACUM ET GARCHIACUM.
1228.
Pierre de Moles , cellérier de La Charité , avait acheté de
Hugues Mansel : i° la moitié d'un moulin à Garchy ;
2 0 deux autres moulins à écorce et à foulon situés à
Narcy , qui tombaient de vétusté. Le prieur consent à lui
en laisser la jouissance , à la condition qu'ils retourneront
au prieuré après sa mort . Les religieux lui diront un
anniversaire .
Universis présentes literas inspecturis, frater Stephanus,
humilis prior beate Marie de Charitate, totusque ejusdem
(1) Louis VIII, mort à Montpensier, en Auvergne.
(2) Voyez ci-dessus, p. 12, la filiation des d’Oisy au sujet du prieuré
de Reuil. Hugues est mentionné ici, en i23o, comme enterré depuis
quarante-un ans, renseignement très-acceptable, car soixante ans
auparavant, en 1171, Ade, sa mire, était déjà veuve.
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220
Cartulaire de La Charité.
ecclesie conventus, salutem in Domino. Noverit universitas
vestra quod dilectus frater noster, Petrus de Molis, quondam
cellerarius de Charitate émit ab Hugone Mansello (i) medie-
tatem molendini unius, siti apud Garchi ( 2 ) ; quam medie-
tatem eidem concessimus in vita sua possidendam libéré,
pacifice et quiete et sine omni contradictione. Post mortem
vero ipsius, dicta medietas molendini supradicti ad supprio-
rem et conventum de Charitate revertetur, ut inde fiat
pitancia conventui die anniversarii sui, quod eidem conces-
simus in perpetuum faciendum. Preterea cum supradictus
Hugo a nobis haberet duo molendina, unum scilicet ad
corticem et unum ad pannos (3) , sita juxta Narciacum, in
loco qui dicitur li Boissons, que in vita sibi concessa erant a
priore et conventu Charitatensi pacifice possidenda; ipsa
quoque molendina per defectum dicti Hugonis jam pene
defecissent, supranominatus Petrus eadem molendina redemi t
a sepedicto Hugone. Nos vero eadem molendina sepedicto
Petro in vita sua possidenda concessimus libéré, pacifice et
quiete, post mortem autem ipsius sepedicta molendina ad
ecclesiam de Charitate revertentur, cum omni melioratione
qua ea melioraverit. In cujus rei memoriam et confirma-
tionem, presentem paginam sigillorum nostrorum duximus
munimine roborandam. Actum anno gratie millesimo
ducentesimo vicesimo octavo.
(1) Hugues Mansel ou Le Manceau, de Donzy, fut un des bienfai-
teurs de l’abbaye de Bourras. (Gall. Christ ., XII, col. 455, et Gillet,
1807, p. 79.)
(a) Garchy, canton de Pouilly, et Narcy, canton de La Charité.
( 3 ) L’existence de ces moulins à draps et à écorce est intéressante
pour l’industrie. On en trouve rarement la mention dans les pièces
du moyen-âge. Ducange, au mot molendinum ad corticem , cite notre
charte, in tabulario B. M. de Charitate , et le molendinum fullonarium
ou à draps, d’après une charte du Berry rapportée par La Thaumas-
sière.
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La Charité .
221
CVI.
CARTA THEOBALDI PRIORIS DE CHARITATE QUI SUO
CONVENTUI QUASDAM DOMOS CONCESSIT.
1237.
Le prieur Thibaud institue un service perpétuel d'anniver-
saire, après sa mort , pour lequel les prêtres devront
chacun dire une messe , les autres frères chanter sept
psaumes et le couvent donner un repas à treize pauvres .
Il fait donation, après son décès, de plusieurs maisons
appartenant à Pinon Saimbaut, situées dans la ville de
La Charité .
Ego Theobaldus(i), prior humilis deCharitate, notum tacio
omnibus quod ego dedi et concessi, penitus et imperpetuum
in eleemosynam , conventui de Charitate, in proprios usus
suos, totum tenementum domorum quod fuit Pinonis
Saimbaut, situm in quadrivio Corderii de Charitate , sicuti
consistit undequaque ante et rétro, superius et inferius, cum
pertinentiis ejus, excepta domo que fuit Chauveili tantum-
modo defuncti, pro anniversario meo, in perpetuum singulis
annis, postquam de me humanitus contigerit dies obitus
mei , solemniter celebrando. Ita quod unusquisque presby-
terorum dicti conventus debet et tenetur die anniversarii
mei unam missam celebrare. Unusquisque vero ceterorum
septem psalmos cantare. Debet etiam dictus conventus et
tenetur die anniversarii predicti tredecim pauperes pascere
seu reficere (2), singulis annis in perpetuum, ut per hec et
(1) Thibaud, vingt-troisième prieur, de 1237 à 1240.
(2) Les prieurs ont souvent institué des repas de ce genre en
souvenir du repas de la Cène donné aux douxe apôtres.
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Cartulaire de La Charité.
iii
alia bona, que in carne gessero, quiete merear perfrui sempi-
terna. In cujus rei testimonium présentes literas sigilli mei.
munimine roboravi. Factum anno Domini millesimoducen-
tesimo tricesimo septimo.
CVII.
ACQUISITIO DECIME DE OLCHIIS ET CUJUSDAM
GATGERIE DE CONVENTU.
1238 Mai. — La Charité.
A la demande de Pierre Berruyer, devenu prieur de
Bermundsey , qui avait acheté la dîme d* Ouche, la gager ie
d'Humbert Chauderon et une vigne à Bulcy , les revenus
de ces biens seront affectés aux usages particuliers des
moines et ne pourront 'être détournés de cet objet sans
leur consentement.
Universis présentes literas inspecturis frater Theobaldus,
prior de Charitate , salutem in Domino. Noverit universitas
vestra quod nos, ad petitionem et instantiam venerabilis et
charissimi fratris nostri Pétri Berruerii, tune temporis prio-
ns de Bremundesia, decimam de Oschiis quam émit a Morino
Temple et gatgeriam quam habebat ab H umberto (i) [milite
cognomento Chaudero, et unum quarterium vinee quod est
situm juxta clausum prions de Beluciaco (2) ; que omnia
(1) Ouche, hameau commune de La Marche. La gagerie est une
terre garnie pour la culture ; comme garantie d’un prêt d’argent elle
restait souvent entre les mains du prêteur. Il est probable que Hum-
bert, possédant des biens à Ouche (Voyez ci-dessus, charte XXXIX,
p. io 5 ), abandonna dans ces conditions la terre dont il est question
ici.
(2) Bulcy, commune du canton de PouiHy.
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Les moulins de La Marche . 223
dictus Petrus ecclesie beate Marie de Çharitate, cujus tune
erat monachus, et nunc est, acquisivit, statuimus conventus
nostri Charitatensis specialibus et propriis usibus deputanda
imperpetuum. Inhibentes in pleno capitulo, sub intimatione
divini judicii, ne quis prior aut alius, contra concessiotjenj
nostram et statutum, jam supradictam decimam et gatgeriam
et quarterium vinee a propriis usibus conventus nostri Cari-
tatensis, ut dictum est, subtrahat in posterum , nisi de com-
muni voluntate et consensu omnium de conventu. Et ut hoc
statutum robur obtineat perpetuum et jamdicti Pétri devotio
quam ergamatrem Charitatensem ecclesiam hactenus habuit,
nullatenus defraudetur, tam nos quam dictus Petrus presen-
tem cartam sigillorum nostrorum munimineduximus confir-
mandam. Actum apud Charitatem , anno Domini mijlççftqp
ducentesimo tricesimo octavo, mense maio.
CVIII.
CARTA GUILLELMI, PRIORIS DE CARITATE, DE
MOLENDINIS AD PORTAM MARCHIE.
1244. — La Charité.
Le prieur Guillaume fonde un anniversaire pour lui et ses
parents et donne deux moulins construits par lui près la
porte de La Marche , à la condition d'en affecter les
revenus aux usages particuliers des moines et spéciale-
ment à un repas général le jour de V anniversaire,
Universis présentes literas inspecturis frater Guillelmus
prior humilis de Charitate ( 1 ), salutem in Domino. Noveritis
(1) Guillaume de Pontoise, vingt-troisième prieur, de 1240 à 1244,
puis abbé de Cluny jusqu'en 1257, ensuite évêque d’Agen jusqu’à sa
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224
Cartulaire de La Charité .
quod cum in ecclesia nostra de Charitate, in vita nostra
pariter et in morte, nostri memoriam jugiter velimus perma-
nere, ut anniversaria die obitus nostri pro anime nostreet
animarum parentum nostrorum remedio , officium in
conventu solemniter celebretur, duo molendina sita subtus
portam de Charitate, per quam itur ad Marchiam , que in
fundamentis construi fecimus (i) et omnino compleri , ipsi
conventui in usus proprios assignavimus , volentes ut de
provenu bus ipsorum molendinorum dicta die anniversarii
refectionem habeant generalem. Et quia volumus hec predicta
perpetue robur firmitatis habere, présentes literas sigillo
nostro roboravimus, in testimonium veritatis. Actum et
datum apud Charitatem , anno Domini millesimo ducente-
simo quadragesimo quarto.
mort, en 1203. Il fut enterré à Paris, dans le prieuré de Saint-Martin-
des-Champs, où il avait pris l’habit monastique.
(i) Ces mots semblent indiquer que le prieur Guillaume fit relever
ces moulins sur leurs anciennes assises. En effet, dans la charte LXI,
datée de ii6i (ci-dessus, p. 147), il est question de moulins construits
près la ville de La Charité, à la porte de La Marche, et qui sont vrai-
semblablement les mêmes. Ils furent l’objet d’une convention entre
les religieux et Rodolphe du Bois, qui déclarait leurs deux moulins
réciproquement indivis , convention difficile à tenir, et à la suite de
laquelle le moulin des religieux aura été supprimé, puis reconstruit
vers 1244. A ce sujet, l’auteur du Cartulaire (folio 92^ dit : c Les reli-
gieux n’ont plus de droit sur le moulin de Munot, ni le seigneur de
Précy, propriétaire de Munot, sur ceux de La Charité. »
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Les moulins de La Marche.
225
CIX.
CONFIRMATIO PREDICTE DONATIONIS A PREFATO
GUILLELMO POST SUAM ASSUMPTIONEM AD CLUNIA-
CENSEM ABBATIAM.
1245. — La Charité.
Confirmation de la donation précédente par Guillaume ,
ancien prieur de La Charité, élevé à la dignité d'abbé de
Cluny.
Universis présentes litteras inspecturis, frater Guillelmus,
humilis abbas Cluniacensis, salutem in vero salutari. Nove-
ritis quod cum in ecclesia nostra de Charitate, in vita nostra
pari ter et in morte, nostri memoria velimus jugiter perma-
nere, et ut anniversaria die obitus nostri pro anime nostre et
animarum parentum nostrorum remedio, officium in con-
ventu solemniter celebretur, donationem illam seu conces-
sionem quam olim fecimus ratam et firmam habentes, vide-
licet ut conventus de Charitate duo molendina, sita subtus
portam de Charitate per quam itur ad Marchiam , que in
fundamentis construi fecimus et omnino compleri in usus
proprios, habeat et possideat in perpetuum, libéré pacifice et
quiete volentes ut de proventibus ipsorum molendinorum
dicta die anniversarii nostri refectionem habeant generalem.
Hec autem que olim statuimus ordinavimus et precepimus
imperpetuum conservari, approbamus et confirmamus, et
sigillo nostro présentes litteras roboramus in robur perpetue
firmitatis. Nulli ergo liceat hoc salubre statutum infringere,
vel ei aliquatenus contra ire. Si quis autem hoc attentare
presumpserit , indignationem omnipotentis Dei et beate
Marie semper virginis, et beatorum apostolorum Pétri et
Pauli et beati Benedicti, magistri nostri, et nostram et con-
29
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22 6
Cartulaire de La Charité .
ventus de Charitate se noverit incursurum. Omnibus autem
hec conservantibus et approbantibus sit pax Domini nostri
Jesu Christi, hic et in futuro. Inhibentes firmiter et districte
ne quis deinceps contra premissa aliquid attentare présumât.
Actum et datum apud Charitatem anno Domini millesimo
ducentesimo quadragesimo quinto.
ex.
COMPOSITIO INTER JOANNEM, PRIOREM DE CHARI-
TATE, ET ODONEM BELLO-JOCO, PRO JUSTITIA
DE MONESTO ET ALIIS.
1249 J u ' n 11. — Menetou-Ratel.
Conventions arretées devant arbitres entre le prieur de La
Charité , suzerain de Menetou, et le seigneur de Beaujeu.
L'église aura toute justice sur les terres qui lui appar-
tiennent, dans Menetou et dans les environs , jusqu'aux
bornes posées récemment . Eudes de Beaujeu Laura sur
toutes les autres terres . Ses hommes habitant Menetou
ne seront pas jugés par lui , mais il pourra saisir les
tailles et les gages de ces tailles. Le prieur renonce à
tous les cens donnés par Archambaud de Sully , moyen-
nant une redevance d'un muid de blé à la Saint-Michel ,
mesure de Sancerre. Il recevra aussi une première
indemnité de 20 livres tournois pour les pillages commis
par Eudes et ses hommes, et une autre de 5 o livres tour-
nois pour coups et violences contre lui et le moine Picart,
dont Renaud Mareschal est l'auteur responsable et qu'il
devra payer sur ses biens. Quant à la forêt de la Chape-
lotte , elle sera délimitée par quatre experts , et le traité
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Menetou-Ratel .
227
passé jadis entre Eudes de Sully et le prieur Savaric
sera maintenu.
In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, amen.
Omnibus présentes litieras inspecturis, frater Gautredus,
bumilis prior de Boniaco, et Odo Stampensis archidia-
conus (i), salutem in Domino. Noverint universi quod cum
vir religiosus Joannes prior humilis de Charitate (2), ex una
parte, et nobilis vir dominus Odo, dominus Belli-joci ( 3 ),
miles, ex altéra, super causisseu querelis inferius nominatis,
in nobis comproroisissent. Nos inquisitione super iis, tam
per juramenta partium, quam per instrumenta et testes
légitimé facta, die mercurii proxima, post festum beati
Barnabe apostoli, préfixa ad arbitrium proferendum, nostrum
arbitrium seu dictum protulimus in hune modum : in
primis dicimus quod ecclesia de Monesto (4) habet omni-
modam justitiam apud les Espaissailles, et apud forestam
que dicitur Gacelini, et apud Brociam ( 5 ). Item habet omni-
( 1 ) Bonniacum peut s'appliquer à Bonny (Loiret), arrondissement
de Gien, et à Bannay, près Sancerre, deux localités assez rapprochées
et sièges de prieurés, dont le premier, de l’ancien diocèse d’Auxerre,
dépendait de La Charité. L’archidiacre d’Étampes était désigné comme
second arbitre.
(2) Jean, vingt-cinquième prieur, 1244-1262.
(3) Les seigneurs de Sully paraissent dans plusieurs chartes de La
Charité, entre autres ci-dessus, charte LXXXI, où il est question de
trois générations. Il se forma une branche de Beaujeu, qui tire son
nom du château de Sens-Beaujeu, près Sancerre, dont l’auteur, Eudes
de Sully, est cité à la fin de cette charte.
(4) Menetou - Salon appartenait aux Sully; ils avaient aussi de
grands droits à Menetou-Ratel, situé à très-peu de distance. Ces deux
endroits sont presque toujours désignés simplement de Monesto et
peuvent être confondus. Dans nos chartes ils ne portent jamais leur
surnom distinctif; toutefois, il n’y a pas de doute possible ; la liste
des prieurés contient : Prioratus de Monesto Ratelli, et tous lieux dits
sont situés dans le voisinage.
(5) Les Epsailles, la forêt Gasselin, la Brosse, localités situées entre
Sancerre, Sens-Beaujeu et Menetou-Ratel.
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228
Cartulaire de La Charité.
modam justitiam apui Malumboscum (i) et in terris ecclesie
de Monesto , eidem menilio coherentibus seu continue
sequentibus. Item habet omnimodam justitiam in villa de
Monesto et in terris ejusdem ecclesie, ville de Monesto cohe-
rentibus seu continue sequentibus , scilicet infra metas quas
posuimus. Dominus autem Odo extra metas predictas habet
totam magnam justitiam, etiam in terris que sunt de censiva
vel in dominio monachorum, super quibus métis ponendis
nobis fuit a partibus al ta et bassa concessa potestas. Et sic,
ut dictum est, de consensu partium pronunciavimus, et per
hoc etiam pronunciamus, quod quilibet in justitia sua magna
potest ubi voluerit furcas facere et habere (2). Item pronun-
ciamus per dictum nostrum quod prior de Monesto habet et
potest exercere omnimodam justitiam in homines domini
Odonis commorantes seu cubantes et levantes in villis et
terris predictis, in quibus diximus ecclesiam de Monesto
habere omnimodam justitiam et quod dominus Odo non
potest homines suos justiciare, nec impedire quominus prior
vel ministri sui justicient eosdem homines domini Odonis in
villis et locis predictis, hoc salvo, dicto domino Odoni quod
ipse suos homines cubantes et levantes in magna justitia de
Monesto ibidem pro sua tallia poterit gagiare, sine licentia
prioris, et similiter pro duodecim denariis a quolibet suorum
hominum qui laborat cum carruca boum, et pro sex denariis
a quolibet suorum hominum qui sine carruca laborat, suo
preposito debitis annuatim, ut dicit idem Odo. Ita tamcn
quod pro duodecim denariis non potest capere gagium quod
valeat ultra duos solidos , nec pro sex denariis , non potest
capere gagium quod valeat ultra duodecim denarios Si
autem dicti homines domini Odonis contradicunt gagiationi,
sive pro tallia, sive pro dictis duodecim vel sex denariis,
(1) Maubois, commune de Menetou-Ratel , déjà cité ci-dessus,
charte LXXXI.
(2) Le droit attaché \ la haute justice d’élever un pibet sur les
limites du fief.
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Menetou-Ratel.
229
opportebit quod idem dominus Odogagia recredat hominibus
quos gagiaverit , et quod assignet eos coram priore de Mo-
nesto. Ita tamen quod si sine duello (1) poterit probare
légitimé quod ipse ab illis contradictoribus habuerit talliam
per duos annos, vel per très precedentes, licite pro tallia
poterit gagiare, et similiter et pro duodecim et sex denariis
antedictis. Item pro censu de Balene (2) ita est a partibus
concordatum, et de consensu partium pronunciamus quod
prior et conventus de Charitate ac prior de Monesto quita-
bunt per literas suas dicto domino Odonicensum de # Balene,
vel de Petraria et de Herdon et de Jarset et de Molendino-
novo et decem solidos de pratis de Tou et de Dardoncel cum
omni justitia et relevationibus, ac laudibus et vends, et plus
si plus ibi habent ; quemquidem censum dederat Archim-
baudus de Soliaco ( 3 ) ecciesie beate Marie de Charitate et pro
omnibus dictis, ac pro quinque sextariis quos percipiebat
ecclesia de Monesto annuatim, in terragio domini Odonis,
percipiet de cetero imperpetuum annuatim eadem ecclesia de
Monesto unum modium bladi , medietatem siguli et medie-
tatem avene, ad mensuram Sacri-Cesaris, qua scilicet mensu-
ratur emendo et vendendo in granchia de Croteto, de terragiis
domini Odonis que habet idem Odo in parrochia de Monesto,
et in locis vicinis a dicto domino Odone , in crastino beati
Michaelis reddendum. Item super eo quod idem prior de Cha-
ritate dicebat quod dictus dominus Odo, vel mandatum suum,
domum de Monesto et domos hominum ecciesie de Monesto
violenter ingressus, eis multa damna intulerat, cum de frac-
tione ilia facta , scilicet quando porci fuerunt occisi , nobis
constiterit, et per juramenta eorum qui tune in dicto prioratu
(1) Le duel était encore assez souvent une preuve admise en justice
et pour des cas fort simples ; quand les religieux s’y trouvaient con-
traints. leurs avoués étaient chargés de les remplacer dans la bataille.
(2) Balanée, près Menetou-Ratel.
( 3 ) Cette donation fut confirmée par le petit-fils d’Archambaud en
1194. (Voyez ci-dessus, charte LXXXJ.)
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23o
Cartulaire de La Charité.
morabantur ac hominum predictorum , nobis si militer
constiterit, quod usque ad summam valoris quadraginta
librarum Turonensium damnificati fuerunt , tam monachi
quam homines antedicti, taxatione a nobis super hoc facta in
hoc, dictum dominum Odonem condemnavimus quod eccle-
sie de Monesto pro hoc viginti libras Turonenses persolvat,
de quibus prior duas partes, ac eorum homines qui damnum
passi sunt, quilibet pro rata sua tertiam partem percipient et
habebunt. Item, super eo quod dicebat prefatus prior de
Charitate, quod Renaudus Marescallus et quidam alii , prio-
rem de Monesto et Petrum Picardum monachum ejusdem
domus, quiescentes in lectis suis de nocte, enormiter vulne-
raverant et male tracta verant , recepto juramento prioris de
Monesto et taxatione légitima precedente, cum idem prior de
Monesto juraverat ecclesiam suam expensas fecisse et se
damnificatum occasione hujusmodi in quinquaginta libris
Turonensibus, dictum dominum Odonem in hoc condemna-
vimus quod propter hoc priori de Monesto et de Charitate
quinquaginta libras Turonenses , de bonis prefati Renaudi
Marescalli persolvat. Item super nemora de la Chapellete (i),
sic est a partibus concordatum , et sic de consensu partium
pronunciamus, quod per quatuor bonos viros de quibus duos
nominabit dominus Odo, et alios duos nominabit prior de
Monesto, juratos super hoc quod bona fide inquirent et pro-
nunciabunt super divisione seu métis nemoris antedicti,
bona fide negotium terminabitur, ac partes quod super hoc
fecerint predicti quatuor homines ratum habebunt et gratum.
Item super hoc quod dicebat dictus prior de Charitate quod
dominus Odo quemdam hominem ecclesie de Monesto per
biennium injuste detinuerat, cum hoc coram nobis probatum
non fuerit, et super eo quod dicebat dictus prior de Charitate
quod dominus Odo non permittebat quod prior de Monesto
essertet et accenset nemus de Malo-Bosco , ipsum Odonem
(1) La Chapelotte, commune du canton de Henrichemont.
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Menetou-Ratel.
23 i
duximus absolvendum. Actum est etiam et a partibus
concordatum quod pactiones initas inter defunctum Odonem
de Soliaco patrem domini Odonis et Savaricum tune priorem
de Charitate (i) et conventum ejusdem loci tenebunt, et de
eis tradet dictus prior dicto domino Odoni literas sigillatas
sigillis ipsius prions et conventus Charitatensis et dominus
Odo similiter vice versa. Consenserunt autem in hoc partes
quod ratificatione presentis arbitrii et pronunciatione, sîcut
in presenti pagina continetur, tradat dictus prior litteras
sigiilo ipsius ac sigiilo conventus Charitatensis sigillatas, ac
dominus Odo literas suo sigiilo, et uxor ipsius literas sigiilo
reverendi patris archiepiscopi Bituricensis vel officialis ejus-
dem archiepiscopi sigillatas. Nos autem eisdem injungimus
quod infra instans festum beati Remigii, tradent alter alteri
literas prenotatas, et eidem Odoni quod solvat priori Charita-
tensi dictas summas pecunie infra terminum prenotatum.
Hec autem omnia acta sunt et hec pronunciamus salvis
literis et cartis et juramentis precedentibus istam diem ac
articulis comprehensis in eis, nisi quatenus per présentes
literas est aliquid innovatum. In cujus rei testimonium
presentem paginam sigillorum nostrorum munimine duxi-
mus roborandam. Actum apud Monestum anno Domini
millesimo ducentesimo quadragesimo nono, die mercurii
supradicto (2).
(1) Ces conventions sont de 1194. (Voyez ci-dessus, charte LXXXI.)
(2) Dans V Histoire du Prieuré , folio 1 33 , il est dit que l’original de
cette charte est au trésor du sieur prieur de La Charité. — Cotes d’au-
tres chartes : Vers 1 161, Théodoric de Montfaucon, malade à Vézelay
donne à Notre-Dame de La Charité la moitié du panage de ses bois
situés entre la Loire et la Valvise (rivière près Sancerre). {Ibid., folio 100.)
— En 1261, différend entre les religieux et Robert de Montfaucon, au
sujet de la vicairie fondée par Renaud, son père; l’archevêque de
Bourges décide qu’elle serait unie à l’église de Berry-sous-Montfaucon.
{Ibid., folio 140.) — En 1266, Jocerand de La Rivière, seigneur de Beffes,
donne six livres de rente, assises sur sa terre de Beffes, pour sa sépul-
ture et un anniversaire dans l’église de La Charité. {Ibid., folio 142.)
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232
Cartulaire de La Charité .
cxi.
RECOGNITIO GUILLELMI ET MORELLI CHAUDE RII,
ARMIGERI, QUOD QUIDQUID IPSI ET GUIDO, MILES
FRATER, ET MATER EORUMDEM , TENENT APUD
POLLIACUM EST DE FEODO ET JUSTITIE ECCLESIE
DE CHARITATE.
n 5 o Août.
Les frères Chauderon , chevaliers , reconnaissent devant
V official d'Auxerre que leurs dîmes , cens et hôtes de
Pouilly et de Charenton sont tenus en fief de V église de
La Charité , qui y possède aussi toute la justice.
Universis présentes literas inspecturis, officialis curie
Autissiodorensis, salutem in Domino. Notum facimus quod,
in nostra presentia constituti , Guillelmus et Morellus , dicti
Chauderii fratres, armigeri, recognoverunt quod quidquid
ipsi, Guido dictus Chauderius miles frater eorum, ac ipsorum
mater habent et tenent apud Polliacum et Charentonem (i)
(i) Pouilly et Charenton, aujourd’hui hameau de la commune de
Pouilly, prèsMesves. Un peu au midi, entre Mesves et La Charité, se
trouve la terre deCharant, qui a donné son nom à une famille bien
connue pour services rendus à la ville et au monastère à partir du
dix-septième siècle. Joseph Bernot de Charant est l'auteur d’une
histoire du prieuré de La Charité (Bourges, 1709, in-8*). Il fut aussi
chargé, en 1694, par le prieur Nicolas Colbert, de dresser un inven-
taire des titres, qui complète le , Cartulaire de La Charité. Au
douzième siècle, Charant était une forêt appartenant à l’abbaye de
Saint-Satur et dépendant de la terre de Mesves ; il en est question dans
les chartes de cette époque sous la qualification de Nemus de Charron .
D’autre part, il y a plusieurs Charenton dans le Cher où paraissent
nos religieux , mais ici la proximité de Pouilly ne peut laisser aucun
doute sur la fixation de cette localité.
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Garchy.
233
in decimis, censivis, sive hospitibus et rebus aliis quibus-
cunque totum de feodo ecclesie Charitatensis existit. Reco-
gnoverunt etiam quod ecclesia Charitatensis predicta totam
omoino habet justitiam in omnibus et singulis supradictis.
Promittentes dicti Guillelmus et Morellus, juramento super
hoc nobis prestito corporaliter, ab eisdem tactis evangeliis
sacrosanctis, quod contra recognitiones hujusmodi per se vel
per alium non venient in futurum, neque super premissis,
aut super aliquo premissorum in prejudicium dicte ecclesie
aliquid per se de cetero attentabunt vel per alium facient
attentari. In eu jus rei testimonium et munimen, nos, ad
petitionem predictorum armigerorum, literas présentes sigillo
curie supradicte duximus roborandas. Actum anno Domini
millesimo ducentesimo quinquagesimo, mense augusto (i).
CXII.
COMPOSITIO INTER PRIOREM ET CONVENTUM DE
CHARITATE ET PHILIPPUM DE CAMPOVOTO, SUPER
MOLENDINO DE GARCHIACO.
1254 Avril 19.
Les religieux se plaignaient de ce que Philippe de Champ -
poux détournait Veau de leur moulin de Garchy ; Philippe
prétendait en avoir le droit à cause d'un autre moulin
qui marchait autrefois. Les deux parties portent V affaire
(1) On trouve sur le même objet la cote de cette autre pièce : En
août 1 252 , Robert de Beurant et Isabelle de Pouilly, sa femme,
donnent une rente de six septiers, moitié seigle, moitié avoine, sur
les dîmes de Charenton , proche de Pouilly, sur la portion des sieurs
Chaudière (1 Chauderii ), qui partageaient avec les religieux. [Histoire
du Prieuré, folio i 38 .)
3o
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Çartulaire de La Charité .
234
devant V official d* Auxerre , siégeant à Var\y, qui auto-
rise le seigneur de Champvoux à détourner Veau, mais
seulement s* il rétablit le moulin et à la condition de la
rendre ensuite à son cours, sans pouvoir remployer à
arroser les prés.
Omnibus présentes literas inspecturis, G... archipresbiter
Varziacensis et magister J... de Charitate clericus, salutem
in Domino. Notum facimus quod cum inter religiosos viros,
priorem et conventum de Charitate, ex una parte, et domi-
num Philippum de Campivoto (1), militem, ex alia, coram
discreto viro officiali Autissiodorensi , authoritate ordinaria ,
contentio verteretur, super eo quod dictus Philippus aquam
que solebat currere ad molendinum ipsorum de Garchiaco (2)
a solito cursu divencrat, ut dicebant, et per prescriptionem
legitimam ( 3 ) cursum aque molendini predicti obtinuerant
pacifice et quiete; dicto Philippo in contrarium allegante
quod secundum consuetudines patris, non obstante prescrip-
tione predicta, dictum aque cursum divertere poterat juxta
sue libitum voluntatis, pro eo quod predecessoresipsius aliud
molendinum olim habuerant in superiori parte, quod solebat
molere de aqua predicta. Et cum dicte partes in nos, tanquam
in arbitros super iis, sub certa pena, compromisissent,
tandem nos, auditis rationibus hinc et inde, inquisita super
hec diligentius veritate, bonorum virorum usi consilio, die
dominica qua cantatur quasimodo (4), partibus assignata ad
proferendum arbitrium supradictum, arbitrando pronun-
ciamus quod predicti religiosi solitum cursum aque ad suum
(1) Champvoux, canton de La Charité.
(2) Garchy, canton de Pouilly.
( 3 ) Le mot prescriptio recevait déjà le sens juridique des coutumes.
Elle était de trente ans pour les laïques et de quarante ans pour
l’Église. (Coquille, Coutumes du Nivernois , in-folio, II, p. 377.)
(4) En cette année 1254, Pâques étant le 12 avril, le dimanche de
Quasimodo se trouvait être le 19 du même mois.
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Garchjr.
235
molendinum venientem, sicut antea tenuerant, deinceps
teneant pacifice et quiete absque impedimento dicti militis vel
suorum. Hoc tamen salvo quod quotiescumque dictus miles
vel successores sui voluerint construere molendinum in loco
qui dicitur Centcoves ( i ), ubi molendinum esse solebat, licitum
sit eisdem aquam divertere ad supradictum locum pro sue
libito voluntatis, ita videlicet quod a saltu molendini cons-
tructi, a loco ubi cadet aqua, supradicti religiosi aquam
predictam ad solitum cursum molendini ipsorum ducere
poterunt prout erit utile molendino predicto. Nec dictus
miles pro adaquandis pratis suis dictum aque cursum solitum
divertere poterit, vel aliquatenus impedire. Item pronun-
ciamus quod marrementum (2) quod confessus fuit se aspor-
tasse a molendino dictorum rcligiosorum ad idem infra octo
dies reportet , vel valorem ipsius. Preterea dicte partes
voluerunt et concesserunt sub pena predicta quod nos infra
octavas hujus instantis festi nativitatis beati Joannis
Baptiste, super expensis factis, coram officiali predicto et
super damnis que dicti religiosi incurrerunt , propter impe-
dimentum cursus aque predicti, iterum arbitremur et ipse
promiserunt per penam predictam et tenentur dictum arbi-
trium observare. In cujus rei testimonium et munimen nos,
ad petitionem partium predictarum , literis presentibus
sigilla nostra duximus apponenda. Datum die dominica
supradicta, anno Domini millesimo ducentesimo quinqua-
gesimo quarto.
(1) Nous n’avons pu découvrir la situation de cette localité.
(2) Merrementum ou roerrain, pièces de bois faisant partie de
l’outillage d’un moulin. On trouve ce mot avec un sens analogue
dans les statuts de l’Église nivernaise, en 1246: Clerici aliqui seu
canortici merrementa seu ligna aliéna comburere présumant... (Martène,
Thésaurus anecdotorum , IV, col. 1071. J
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236
Cartulaire de La Charité.
CXIII.
COMMUTATIO FACTA CUM DOMINO HENRICO DE
SOLIACO, DE FURNO ET JUSTICLA ARGENTI, PRO
QUINQUE MODIIS SIUGINIS.
1255 Mai.
Henri de Sully reçoit des religieux de La Charité les
droits de four et de justice qu'ils possédaient à Argent et
dont jouissait le prieuré de Sainte-Montaine , moyennant
une redevance annuelle de cinq muids de seigle à fournir
à la Toussaint audit prieuré . Les religieux conserveront
les cens et revenus divers sur la maison fort et les habi-
tations d' Argent.
Ego Henricus, dominus Soliaci (i), notum facio presen-
tibus et futuris quod cum viri religiosi, J. prior et convenais
de Charitate, furnum suum quem habebant in villa de
Argento et omnimodam justitiam ejusdem ville, que sua
erat, et ad domum suam de Sancta Montana (2) pertinebat,
concesserunt et quitaverunt imperpetuum mihi et heredibus
meis pro quinque modiis boni et receptabilis siliginis annui
redditus, ad mensuram de Argento, quos pro predictis furno
et justitia assignavi eisdem recipiendos, libéré et quiete sin-
gulis annis in perpetuum, in festo omnium sanctorum apud
Argentum, in meis redditibus quos habeo in potcstatede
Argento, et reddendos singulis annis, predicto termino,
priori de Sancta Montana qui pro tempore fuerit vel ejus
certo nuncio, sine contradictione aliqua vel dilatione , salvis
(1) Voyez pour les seigneurs de Sully, ci-dessus chartes LXXXI et
XCV.
(2) Argent, commune de Sainte-Montaine, canton d’Aubigny (Cher).
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Sainte-Croix de Venise .
237
eisdem et retentis censu quem habent in Castro meo,sive
domo forti de Argento, et aliis censibus et redditibus quos
habent in eadem villa, et parva justitia censuum predictorum
quam illi consueverunt habere in partibus illis in censivis
suis. Ego predictum bladum predictis loco et terminis ,
singulis annis, supradicto priori de Sancta Montana solvere
et omnia alia premissa facere et firmiter tenere bona fide
promitto et quod contra premissa per me vel per alium non
veniam in futurum. Et ad hec teuenda et firmiter servanda
imperpetuum me et heredes meos obligo et astringo. In
cujus rei testimonium presentibus literis sigillum meum
apposui. Actum anno Domini millesimo ducentesimo quin-
quagesimo quinto, mense maii.
CXIV.
LITERE CONVENTUS SANCTE CRUCIS DE VENETIIS
AD JOANNEM PRIOREM DE CHARITATE , PRO
REVOCANDO EORUM PRIORE.
1256 Mars i5.
Les religieux de Sainte-Croix de Venise adressent au
prieur de La Charité , leur suzerain, une réponse relative
à la conduite de leur ancien prieur , qui s* était représenté
comme bon et \élé dans ses fonctions. Il a quitté le couvent
sans les prévenir , disant ailleurs qu'il se rendait au
chapitre général de Cluny. Quant à sa gestion , il a fait
perdre plus de cent livres en donnant une maison à quel-
qu'un du dehors ; il a laissé s'introduire dans le cloître
des prêtres séculiers étrangers à l'ordre. Par ses mau-
vais discours , il a éloigné les amis et les soutiens du
couvent. Si ces faits ne sont pas vrais , qu'on l'interroge
publiquement. Les religieux demandent de ne pas le
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238
Cartulaire de La Charité .
conserver comme prieur ; ils ont perdu plus de mille
livres à le garder ; depuis quinze ans ils n'ont rien reçu
et pourtant ils voudraient rester sous la protection de La
Charité. Leur désir serait d % être administrés par le
sous-prieur.
Venerabili in Christo patri et domino Joanni (i), Dei
gratia Sancte Marie de Charitate priori dignissimo, conventus
Sancte Crucis de Venetiis ( 2 ) ejus subditi et devoti, reveren-
tiam cum salute, in eo qui est vera salus et oratio fructuosa.
Literas paternitatis vestre quas nobis hactenus nuncius
vester ex vestra parte presentavit gratulanter recepimus et
benigne, quibus inspectis in eis vidimus contineri quod
frater Petrus, quondam noster prior, ad vos accesserat, vobis
dicens et affirmans se negotia Sancte Crucis bene et hones-
tissime pertractasse, super quibus nos exorando misistis ut
vobis rescriberemus omnium veritatem : quas preces rece-
pimus in mandatis. Verum quia in his et in omnibus aliis
tenemur vobis super omnia obedire, ejus mérita per présentes
literas vobis veraciter duximus rescribenda. Noverit itaque
paternitas vestra quod ipse frater Petrus, nobis invitis, cum
fratre Regnaldo de Sancto Christophoro Romam ivit, secum
unum nostrum breviarium (3) continuum nobis nescientibus
(1) Jean, vingt-cinquième prieur de La Charité, 1244-1262.
(2) Venise comptait au dix-huitième siècle 54 établissements reli-
gieux et 72 églises. Le prieuré de Sainte-Croix est cité dans les
dépendances de La Charité à l’étranger; cette charte est le seul
document qui la concerne, et nous ignorons à quelle époque eut lieu
la séparation des deux couvents. Au dix-septième siècle, quand fut
rédigé le Cartulaire , c’était un fait accompli depuis longtemps.
( 3 ) Les religieux avaient des bréviaires de voyage qui se repliaieot
en trois pour tenir moins de place. Nous ne pensons pas qu’il s’agisse
ici d’un livre de prières*- Ducange cite un sens qui s’applique bien à
ce passage : Breviarium instrumentum notariorum, passim in statutis
Venetorum anno 1242. Le breviarius était le secrétaire chargé de
rédiger les brefs. On entend évidemment par breviarium une sorte
d’inventaire des titres du prieuré.
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Sainte-Croix de Venise.
239
apportans, et ad vos venit dicens et affirmans nos pro eo
misisse ut veniret ad capitulum generale. Negotia vero
raonasterii Sancte Crucis male et contra suum ordinem
pertractavit, bona monasterii nobis nescientibus, aliis vide-
licet domum Crispignage tribuendo; quam domum et bona
cuidam Rimitano dédit, nobis aliquid non reddendo, de quo
monasterium Sancte Crucis in plus quam C. libras est
omnimode pejoratum. Causam vero quam habebamus cum
presbyteris secularibus Sancte Crucis taliter terminavit quia
literas domni Apostolici contra nostram voluntatem malo
modo et nobis nescientibus apportabat ; unde misissemus
nisi quod eas ei accepimus asportanti domino inspirante ;
eosdem quidem presbyteros in unam cameram Sancte
Crucis cum eis ordinarias que redundabant ; nos vero
hoc sentientes, predictos presbyteros de monasterio expu-
limus, sicut dixerat expellendos cupere prior; postea de
monasterio ivit secum in ornua et monasterium tractaturus.
Et propter suam maliloquam linguam fecit nos amittere
dominum Joannem Badavarium, qui erat monasterii Sancte
Crucis precordialis amicus in omnibus et patronus, et alios
quamplures, quare deterioramentum monasterii plus quam
in mille libris redundat et redundare videtur. Nos itaque
verecumdamur omnia de eo rescribere ; sed vestra bepignitas
ipsum per obedientiam, si placet, interroget et compellat ad
veritatem dicendam, qualiter Venetiis et alibi duxerit vitam,
quia si dixerit vobis erit sicut et nobis publice manifestum.
Quare paternitati vestre duximus humiliter supplicandum
quatenus pro domino ad nos ipsum non dignemini amplius
destinare, quia nobis et amicis monasterii si eum mitteretis
plurimum displiceret. Scientes quod ecclesie Sancte Crucis
magna pars in terram cecidit et alia in eodem statu cadendi
permanet, et propter de Romano omnes redditus monas-
terii sunt amissi, ita quod de ipsis nihil habere possimus nec
tenere, annis XV jam elapsis. Supplicamus itaque paternitati
vestre uti ipsi monasterio dignemini taliter providere, quod
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240
Cartulaire de La Charité.
six honor altissimi creatoris, quod sit honor persone vestre et
totius conventus et quod monasterium de bono in melius
protegatur et nos vestri clerici valeamus pacifice commorari,
quod facere multimode affectamus de fratre Petro suppriore,
qui est nobiscum, qui semper ibidem benevole stetit contenti
sumus, ut ipsum nobis dare dignemini si vestre benignitati
videbitur expedire. Valete in Domino. Datum die XV
intrante martio, currente anno Domini millesimo ducente-
simo quinquagesimo quinto, indictione décima tertia.
cxv.
CARTA DE QUIBUSDAM CENSIBUS ET TERRIS
IN PARROCHIA DE PARCIACO.
1262 Janvier 6.
Agnès, fille de Robert Lepie, veuve et libre de ses droits ,
vend aux religieux de La Charité, pour cent sols parisis,
les terres , cens et autres redevances qu'elle possédait à
Par\y (1).
Omnibus présentes litteras inspecturis, officialis curie
Nivernensis, salutem in Domino. Noveritis quod in nostra
(1) Cotes d’autres pièces concernant Parzy: « En 1263, Perrin Lepy,
fils dudit Robert Lepy, confirma laditte vente. — En l'an 1275, Jeanne
de Missy, dame de Noëmy (?), donna auxdits religieux et couvent
toutte la justice, haute, moyenne et basse, avec toutes ses terres ee
appartenances situées à Parcy , moyenant dix-sept livres tournois de
rente, laquelle fut depuis racheptée par les religieux. — En < 458 ,
Jean Chambellan, prieur de La Charité, achepta de Guillaumt
d'Hérisson, seigneur de Chanteregne, sa part et portion des dismesde
bled, vin, lanage et charnage dans les villages de Parcy et Chau-
dillon (?) pour la somme de 60 escus d’or; cette vente fut agréée et
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Par\y.
241
presentia constituta , Agnes, filia Roberti Lepi (1), militis,
vidua et sui juris existens, publiée et in jure confessa fuit
se vendidisse religiosis viris conventui de Charitate, pro
centum solidis parisiensibus , suis quittis et sibi solutis,
intégré ut dicebat, tam terras quam census, bordelagia,
costumas et res alias, quocunque nomine censeantur, quas ex
quacunque causa dicta mulier habebat et habere poterat ad
presens in parrochia de Parciaco (2) ; qui census portabant
laudas et vendas, prout dicta mulier asserebat, quittans
perpetuo et irrevocabiliter jamdicto conventui omnes res
ipsas venditas et transferens in eumdem conventum totum
jus et omne dominium que ipsa mulier habebat, in quibus-
libet rebus sitis in parrochia antedicta, promittens quod per
fidem suam, in manu nostra datam, et sub obligatione
omnium bonorum suorum, quod non veniet contra ista et
quod garentizabit eidem conventui ipsas res venditas adver-
sus quemlibet querelantem. Supposuit autem dicta mulier
se, quoad observantiam premissorum , jurisdictioni curie
Nivernensis et, quantum ad ista, per suam fidem renun-
ciavit actioni in factum de dolo, conditioni sine causa, et
exceptioni non soluté pecunie, ac omni auxilio et beneficio
totius juris, tum canonici tum civilis, ceterisque actionibus
et exceptionibus universis et specialiter omni juri et omni
privilegio in favorem mulierum, super rebus dotalibus et
hereditariis intrjpiuctis, affirmans quod sponte et provide
faciebat hec omnia et dicebat. In cujus rei testimonium, ad
ratifiée par dame Catherine Cochon, sa femme. » ( Histoire du
prieuré , folio 140.)
(1) Les Lepie étaient seigneurs à Argenvières et à La Charnaye au
siècle précédent. (Voyez entre autres ci-dessus, charte LXXVIII.)
(2) La châtellenie de Parzy, aujourd’hui commune de Garchizy,
appartenait à l’évêque de Nevers. Les tailles de Parzy comprenaient
les paroisses de Parigny, Varennes, Parzy, Marzy, Soulangy, Pougues,
Chaulgnes et Tronsanges. (Voyez Terrier de Vévéché de Nevers
en 1287, p. 91 et suiv.)
3i
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242
Cartuiaire de La Charité.
petitionem dicte mulieris, presenti scripto apposuiraus
sigillum curie Nivernensis. Datum anno Domini raillcsimo
ducentesimo sexagesimo primo, die jovis ante Epiphaniam
Domini.
CXVI.
ALIA CARTA ITEM DE PARCIACO.
1261 Novembre 10.
Giraud de Pesgnes et Alix , son épouse , vendent à La
Charité , moyennant cent sols parisis, les terres et droits
qu'ils possédaient ù Par\y.
Omnibus présentés litteras inspecturis, officialis curie
Nivernensis, salutem in Domino. Noveritis quod in nostra
presentia constituti, Giraudus de Pesgnes, domiccllus, et
Aalidis ejus uxor, publice ac in jure confessi fuerunt se,
deliberaiione previa, vendidisse religiosis viris conventuide
Charitate, pro centum solidis parisiensibus, suis quittis
sibique solutis, in pecunia numerata, ut dicebant, ab eodem
conventu , tam census, laudes et vendas portâtes, quam
costumas et omnes redditus quos iidem Ger^idus et Aalides
uxor sua habebant in parrochia de Parciaco, cum omni jure
quod habebant ibidem, salva décima bladi quam ipsi habere
dicuntur in parrochia antedicta, quam decimam bladi de
feodo domine de Rupe movere dicebant, quittantes coram
nobis penitus et précisé dicto conventui, dictos ccnsumet
costumas et omnes redditus alios, quos ipsi Giraudus et
Aalidis ejus uxor habebant in dicta parrochia, et quidquid
juris sibi competebat seu competere poterat , aut debebat in
dictis rebus quoquo modo, seu quacunque ratione possi-
dendos et tenendos imperpetuum , libéré, pacifice et quiete,
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Par\y.
243
titulo légitimé emptionis, salva dictis venditoribus décima
sapradicta, promittentes quod fide in manu nostra prestita
corporali et sub obligacione omnium bonorum suorum ubi-
cumque sitorum, quod contra venditionem et quittacionem
predictas per se vel per alium non venient in futurum , et
quod garentizabunt easdem res et défendent dicto conventui
adversus omnes gentes ad usus et consuetudines Nivernenses,
preterquam adversus dominum feodi. Renunciaverunt siqui-
dem quoad ista dicti venditores, per fidem suam exceptioni
fori, exceptioni pecunie sibi non soluté, actioni in factum de
dolo, conditioni sine causa, deceptioni et revocationi cuilibet,
ceterisque actionibus et exceptionibus generaliter universis,
que contra presèntes literas et factum hujusmodi possent ab
aliquo objici seu dici ; neenon et omni auxilio et beneficio
totius juris, tum canonici tum civilis, volentes pariter et
concedentes quod nos vel officiarii qui pro tempore fuerint,
ipsos ad observantiam premissorum per censuram ecclesias-
ticam, si necesse fuerit, compellamus. Et se supposuerunt
dicti venditores, quoad hec, jurisdictioni curie Nivernensis,
quocumque loco maneant vel existant, dicta Aalidi per ejus
fidem renunciante omni juri et omni privilegio in favorem
mulierum, super rebus dotalibusaut hereditariis introductis,
ipsaque affirmante quod scienter, sponte et provide faciebat
hec omnia et dicebat. In eu jus rei memoriam et testimo-
nium, ad petitionem dictorum venditorum, sigillum curie
Nivernensis presentibus litteris duximus apponendum.
Datum die Jovis ante festum sancti Martini hyemalis anno
Domini millesimo ducentesimo sexagesimo primo.
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244
Cartulaire de La Charité .
CXVII.
CONCORDATUM INTER PRIOREM ET CONVENTUM DE
CHARITATE ET DECANUM ET CAPITULUM ECCLESIE
NIVERNENSIS, RATIONE USAGII IN FORESTA BER*
TRANGIE (i).
1266 Juillet.
La partie nord de la Bertrange sera forêt réservée as
prieur de La Charité , la partie sud consacrée aux droit $
d'usage des habitants de Chaulgnes et de Parignr-les-
Vaux , dépendants du chapitre de Saint- Cyr de Ne:’ ers
Les délits seront portés devant le prieur ou son manda-
taire, à Raveau; les agents forestiers devront avoir
des témoins contre les usagers , mais ils seront crus sur
serment contre les étrangers dans la forêt réservée. U
redevance annuelle pour droit d'usage restera fixée pur
feu à cinq deniers , payables dans la semaine de k
Toussaint, à Raveau. La justice appartiendra toui
entière au prieur de La Charité.
Universis présentes litteras inspecturis, fraterMilo, humilis
priordeCharitate, Cluniacensisordinis, Autissiodorensisdiœ*
(1) Outre la transcription de cette charte dans le Cartulaire (manus-
crit de M. Girerd, folio 145), nous en avons deux copies du dix*
septième siècle, l’une conservée en l'étude de M. Couraud, notaire a
La Charité, terminée par cette mention : « Ex cartulario Caritatem
fol. 145 », ce qui prouve qu’elle a été copiée sur notre Cartulairt ,
la seconde, conservée à la mairie de Raveau, contenant plusieurs
phrases omises dans la première copie et vraisemblablement prise sur
le texte authentique de la pièce. Cette copie est accompagnée de I 3
note suivante :
t Collation de la présente copie a esté faicte à son original estant
en parchemin non signé, scellé à double sceau de sirre verte, par nous
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Les usages de la Bertrange.
245
cesis, totusque ejusdem loci convenais, salutem in Domino et
universitati vestre ad perpetuam rei memoriam tenore presen-
tium intimamus. Quod cum inter nos, prioremet conventum
predictos, ex una parte, et decanum et capitulum Nivernense
et homines dictorum decani et capituli commorantes in parro-
chia deChaugnia, exceptis hominibusdeTremblaio, et homi-
nibus ipsorum ville de Usello, que villa de Usello est in
parrochia de Parigniaco (1), et ipsorum hominum occasione
et causa, ex altéra, concertacio versaretur super eo quod dicti
decanus et capitulum et eorum homines predicti dicebant
ipsos homines et domum dictorum decani et capituli de
Angulo (2), habere et habere debere usagium in ilia foresta,
sive nemore, que vulgariter Bertrangia Sancte Marie apel-
latur ; nobis priore et conventu predictis in contrarium
dicentibus et asserentibus quod dicti homines dictorum
decani et capituli nullum habebant usagium in eisdem.
Tandem bonorum virorum mediante concilio, inter nos
priorem et conventum predictos, ex parte una, et dictos
decanum et capitulum et homines ipsorum predictos, ex
altéra, pro bono pacis super dicta concertacione, de consensu
partium taliter extitit ordinatum : videlicet quod medietas
notaires royaux, soubz le scel du bailliage de Saint Pierre le Moustier,
pour servir lad. collation aux habitans de la paroisse de Chaulgnes,
représenté à ceste fin par Michel Garnier, ung d’iceux, auquel, après
lad. collation faicte, le tout luy a esté rendu. A Nevers le dix neufiesme
aoust mil six cents dix neuf. Par-devant lesd. notaires , led. Garnier a
dict ne sçavoir signer, de ce enquis. — Signé : Petit et Gentil. »
Ces deux copies nous ont été communiquées par M. de Flamare,
archiviste de la Nièvre.
(1) Le Tremblay, commune de Chaulgnes, et Usseau, commune de
Parigny. Ces deux paroisses dépendaient de Parchiprêtré des Vaux-
de-Nevers, et les hommes du chapitre de Saint-Cyr étaient inscrits
sur le registre de la taille de Parzy. (Voyez notre Registre-terrier de
l’évêché en 1287, p. j3 et 91.)
(2) Langle, commune de Chaulgnes.
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246
Cartulaire de Im Charité.
dicti nemoris, foresta excepta (1), sicut jam divisa est, ic
consensu partium est bornata et ab alia parte separata, vide-
licet per cherainum qui appellatur vulgariter cheminusde
Sauvages, per quem itur de Charitate ad Sauvages, eteiten-
ditur a principio nemoris, ex parte ville Charitatis, usquead
ilium locum in quo via publica de vallibus Nivernensibuset
dictus cheminus de Sauvages similiter conveniunt, et ilia
tota pars que a dextris remanet, cum quadam alia particuia
circa sexaginta arpenta continente separata, de consensu
partium, et bornata inter viam prefatam de vallibus Ni ver-
nensibus et nemora de Seriaco et Franaio (2) , ad commune
usagium predictorum hominum et domus ipsorum decaai
et capituli de Angulo, neenon et aliorum hominum cujus-
cunque dominii existentium et locorum , ratione usagii
costumam solventium, remanebit in sicco, viridi, torto et
recto nemore et magno herbagio et pacagio et panagio seu
pasturagio ( 3 ). Residuum autem, videlicet alia medietascum
foresta predicta, nobis priori et conventui predictis etecclesie
nostre absque reclamatione usus alicujus seu pasturagii vel
alterius cujuscunque rei libéra remanebit. Et si in foresta
sive in medietate predicta que nobis priori et conventui
predictis remanebit, aliquid de predictis usuariis scindere
vel aliter disjungere contigerit, emenda hujus delicti nostra
(1) Les deux parties du bois sont très-clairement indiquées. Li
partie réservée aux propriétaires, dite foresta , pour U chasse «
l'exploitation privée; la partie réservée au public ou usagers, pour I:
chauffage et le pacage. Les ordonnances prescrivent cette division
pour les forêts royales. ( Ordonnances des rois de France , L P-
et 707.)
( 2 ) La forêt des Bertranges s'étend sur plusieurs communes. Le
prieur de La Charité se réserve la partie nord, à gauche du chemin,
en allant de La Charité à Beaumont et à Sauvages, et laisse aux
usagers la partie sud , du côté de Frasnay et de Chaulgnes.
(3) Ces mots, que nous croyons inutile de traduire, exposent avec
grande précision en quoi consistait le droit d'usage dans les ton?»
pour les habitants.
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Les usages de la Bertrange.
247
erit. Si autem in alia medietate que dictis usuariis assignata
remanet aliquis alius, prêter ipsos usuarios, quoquomodo
delinquens inventus fuerit et a forestario nostro captus et
detentus fuerit, coram nobis priore de Charitate, vel coram
nostro mandato apud Ravellum juraretenebitur, presentibus
usuariis, si ad hec interesse voluerint, alioquin in ipsorum
absentia recipietur : quibus terminum sive diem faciendi et
recipiendi sacramentum hujus per dies aliquot tenebimur
significare vel mandatum nostrum, quod ipse forestarius
usagium ipsum bene et fideliter pro posse suo servabit, et
quod ipsos usuarios minus juste non arestabit, nec capiet,
nec accusabit, nec vexabit, nec odio, nec prece, nec pretio,
nec spe lucri alicujus, sed secundum quod crediderit se posse
facere bona conscientia et de jure ac ratione. Alias videlicet
si juramentum hujusmodi non prestiterit pro forestario
nullatenus habebitur. Insuper forestario predicto et jurato,
super captione dictorum usuariorum in dicto usagio nullo
modo credetur, nisi adhibitis duobus jtestibus fide dignis,
forestariis vel aliis, quod si habere non potuerit, tune homo
detentus sive arrestatus per juramentum suum se tenebitur
excusare et sic dimittetur immunis ; sed super captione
hominum in foresta et in alia medietate que nobis et ecclesie
nostre remanet , dicto forestario per sacramentum suum
credetur. Nos vero, prior et conventus predicti, tanquam
domini feudi , predictum usagium supradictis usuariis
garantizare tenebimur erga omnes qui ipsos super hoc inde-
bite molestarent, nec in ipso usagio alios usuarios poterimus
sociare, adjungere, vel etiam advocare, nec de ipso usagio
poterimus aliquid dare vel vendere, vel in ipso assartare vel
seminare, nec ad ecclesiam redigere quandiu predicti usuarii
costumam debitam nobis reddiderint. Hoc autem sciendum
est quod dicti usuarii de dicto usagio poterunt uti in edifi-
cando, ardendo, terras eorum et vineas claudendo et palis-
sando, et infra fines ipsius parrochie in qua ipsi morabuntur,
scilicet de parrochiis predictisde Chaulgnia et de Parigniaco,
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248
Cartulaire de La Charité .
et non alibi, dando unus alteri et vendendo; non tamen
poterunt vendere vel aliis dare quam usuariis nec ultra nec
extra fines predictas deportare. Quod si aliqui s aliter fecerit
et convictus fuerit vel confessus, tenebitur emendare, ita
tamen quod propter hoc usagium non poterit amittere, sed
septem solidos tantum persolvet pro emenda. Si vero super
his quispiam accusatus fuerit, nec per duos testes convictus
fuerit vel confessus, légitimé per sacramentum suum se
tenebitur excusari et sic dimittetur immunis. Locus autos
in quo dicti usuarii, propter forefactum vel suspicionen
dicti usuarii trahi poterunt, coram nobis priore predicto vel
nostro mandato, erit apud Ravellum et non ultra. Preterea
si aliquis usuariorum costumam ratione usagii débitant in
statuto termino, videlicet Dominica post festum omnium
sanctorum , quinque denarios pro quolibet foco apud
Ravellum non solverit, forestarius predictus ipsum in dicto
usagio existentem et scindentem , vel alibi ubicunque de
nemore dicti usagii çumdem portantem invenerit, nec non
pecudes ipsius in dicto usagio propter delictum hujusmodi
capere, arrestare vel detinere poterit quo usque de dieu
costuma ac etiam de duobus denariis currentis monetepro
emenda fuerit plenius fuerit satisfactum. Si vero aliquis de
usuariis predictis costumam suam predictam, predicta die
dominica post festum omnium sanctorum, forte non solverit
usque ad aliam dominicain propius subsequentem, absque
emenda aliqua expectabitur et erit immunis, in quasidefe-
cerit, et causam non allegaverit et probaverit, ex tune ut
antea ad emendam tenebitur prout superius est expressum
Et sciendum est quod quinque domus nostre Charitatis de
Ravello, de Bulcy, de Oschiis, deCharneia, et de Roca-
forti (1), usagium in dicto usagio sicuti alii usuarii habebunt
(1) Ces localités sont situées à une distance encore assez grande de
la Bertrange ; il est probable que ce droit d’usage remonte à u n,r
époque où il n’y avait pas de bois plus rapproché. Bulcy et Roche*
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Les usages de la Bertrange.
249
UOm
lfîî *£ in futurum, et promittimus bona fide, tam pro nobis quam
pro successoribus nostris quod nos grangias nostras supe-
rius expressas et habitantes in eis uti faciemus usagio
^ predicto, prout alii usuarii utentur, prout superius est
nc:pr. expressum, nec predicti usuarii nec ipsi decanus et capi-
tulum vel eorum successores in predicto usagio, sive in alia
medietate et foresta, que nobis et successoribus nostris quiete
r sscrr. rémanent, aliquam justitiam poterunt reclamare, nec se
rr: opponere in futurum quominus nos in premissis omni jus-
à-: ■ titia possimus uti, nisi forte dicta justitia a nobis per aliquem
: evinciatur ; promittentes bona fide quod contra premissa, vel
j*,-- aliquid premissorum, per nos vel per alium non veniemus
in futurum; îmo premissa omnia et singula integraliter
... observabimus , et observari ab hominibus nostris faciemus
r r firmum et ratum, renunciantes juri dicenti factum alterius
il promitti non posse. In cujus rei testimonium présentes
litteras sigillo nostro munivimus et roboravimus. Datum
fort sont commune de Mesves; Ouche, commune de La Marche, et
La Charnaye, commune de Tronsanges.
Notes de YHistoire du Prieuré. Folio 87 : Adam de La Marche, à la
1 ' suite du bref d’Eugène III (voyez ci-dessus charte XVI, p. 45, les pour-
: v suites contre ce chevalier}, en 1 1 53 donne à La Charité la moitié d’un
• ; moulin et des terres dans la Bertrange; Bernard de Chazel donne
l’autre moitié aux religieux du prieuré de Saint- Vincent, situé dans
ledit bois. A présent (1675} ce n’est qu’une petite chapelle de huit
livres de revenu, laquelle est unie à l’office de doyen du prieuré de
La Charité. — Folio 134 : En 1233 les religieux acheptèrent d’Estienne
r de Blancafort et d’Agnès, son épouse, la tierce partye de la forest de
Bertrange, pour le prix de trente livres, monnoye de Nevers, pour une
foys payée, et encore à la charge de payer par chascun an auxdits
vendeurs la rente de quatre livres tournois sur leur taille de Raveau,
au jour de Saint-Remy. Les religieux avoient la totalité de cette forest,
qu’ils possèdent encore à présent. — Folio 149 : En 1294 Philippe-
le-Bel donne au prieur Symon des lettres d’amortissement pour toutes
les possessions du prieuré, mesme de six mille arpents du bois appelé
: > le forest de la Bertrange, acheptée d’Estienne de Blancafort et d’Agnès,
sa femme.
32
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25o
Cartulaire de La Charité .
anno Domini millesimo ducentesimo sexagesimo sexto,
mense julio.
CX VI IL
CONCORDATUM INTER CONVENTUM DE CHARITATE
ET PRIOREM DE COLONGIIS PRO QUINQUE LIBRIS
ANNUI REDDITUS DICTO CONVENTÜI SOLVENDIS.
1266, Août 16.
Les religieux de La Charité renoncent, en faveur du prieur
de Coulonge , aux revenus de toute nature qu* ils avaient
à Codde et dans les environs , moyennant une redevance
annuelle de quatre livres que le prieur devra verser , à la
Saint-Denis , à La Charité , avec les vingt sols quil payait
déjà auparavant. Ces deux sommes seront affectées à la
pitance des religieux et seront perçues à partir de 126g.
Univcrsis présentes literas inspecturis, frater Milo, humilis
prior de Charitate , salutem in Domino. Noveritis quod, de
permissione et licentia nostra, actum fuit et compositum
inter charissimum conventum nostrum de Charitate, ex una
parte , et priorem nostrum de Colongiis (1), ex altéra. Vide-
licet quod dictus conventus tradidit et concessit imperpetuum,
dicto priori de Colongiis et prioratui predicto, omnes res et
omnia jura que et quas habebat predictus conventus in villa
et parrochia de Coudes (2), et in aliis parrochiis circumadja-
centibus, tam in hominibus, terris, censibus, gallinis, borde-
lagiis , costumis , talliis et rebus aliis quibuscumque et
quocunque nomine censeantur, pro quatuor libris monete
(1) Voyez ci-dessus (chartes LVI et LVII, p. 1 36) les donations faites
en 1148 et 1 1 5 1 au prieuré de Coulonge.
(2) Codde, hameau, commune de Cercy-la-Tour.
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La Charnaye.
25i
currentis in patria, reddendis imperpetuum dicto conventui
a dicto priore de Colongiis, qui pro tempore fuerit, quolibet
anno, in festosancti Dyonisii (i), apud Charitatem, vehiculo
et expensis dicti prioris, cum aliis viginti solidis monete
currentis a priore de Colongiis ipsi conventui, ab antiquo et
ante compositionem predictam debitis ; que quatuor libre
cum dictis viginti solidis in pitantiam conventus conver-
tentur. Si vero idem prior de Colongiis deficeret in solutione
prémisse pecunie, nos et successores nostri ad petitionem
dicti conventus, priorem dicti loci ad premissa solvenda
compelleremus. Et est sciendum quod predictus prior incipiet
solvere dictam pecuniam, in festo beati Dyonisii, quod erit
anno Domini millesimoducentesimo sexagesimo nono et non
ante. In cujus rei testimonium , presentibus literis sigillum
nostrum duximus apponendum. Datum die martis, post
assumptionem beate Marie, anno Domini millesimo ducen-
tesimo sexagesimo sexto.
CXIX.
CARTA DE QUINQUE ARPENTIS PRATORUM SUBTUS
CHARNAIAM.
1269 Juin 11.
Jean de Prye , seigneur de Buçançais, promet une rente de
huit livres , assise sur cinq arpents de pré situés à La
Charnaye , qu'il donne en toute propriété , moins la jus-
tice, aux religieux de La Charité , s'engageant lui et ses
héritiers à les garantir contre tous et principalement
contre la dame de Corbelain 9 et se soumettant au juge -
(1) Saint Denis, le 9 octobre.
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252
Cartulaire de La Charité.
ment du bailli de Bourges en cas de contestation. En
retour , les religieux lui versent une somme de cent livres
tournois.
Universis présentes literas inspecturis, Joannes de Pria,
dominus Busenciaci (1), miles, salutem in Domino. Nove-
ritis quod ego, ob remedium anime mee, de voluntate
Isabellis uxoris mee, dedi et concessi in perpetuam eleemo-
synam, ecclesie et conventui de Charitate, octo libratas
terre (2), ad monetam Nivernensem, annui redditus, pro
quibus octo libratis terre assedi et assignavi eidem ecclesie et
conventui quinque arpenta pratorum que habebam subtus
Charneyam ( 3 ), scilicet juxta alia prata mea et juxta pratum
(1) Buzançais, aujourd’hui canton de l’arrondissement de Château-
roux (Indre). L’illustre famille de Prye, qui posséda pendant longtemps
la seigneurie de Buzançais, était vraisemblablement originaire de Prye,
commune de La Fermeté, arrondissement de Nevers. Les seigneurs de
ce nom paraissent au moyen-âge dans tout le centre de la France et y
jouent un rôle important. Jean V fut grand panetier de France et
capitaine de la grosse tour de Bourges jusqu’en 1427. Antoine, son
fils, était grand queux de France en 1431. Leur généalogie est donnée
par le Père Anselme t Grands Officiers de la couronne , VIII, p. 109). où
Jean de Prye, auteur de notre charte, est mentionné, d’après plusieurs
chartes de i 25 o à 1271 , avec Isabelle, sa femme. « Les seigneurs de
prye avaient anciennement leur sépulture dans notre église, autour
du chœur, devant la chapelle de Saint-Jean. » (Hist. du Prieuré ,
folio 144.) Leurs armes, en 1237, sont : De gueules à trois tierces
feuilles d'or.
(2) On disait une livrée, une denrée de terre, pour indiquer l'étendue
nécessaire au produit d’une livre ou d’un denier de revenu annuel.
Dans le testament de Hervé de Donzy (septembre 1218; on lit :
Conferimus decem libratas redditus pro anniversariis nostris annuatim
imperpetuum faciendis. (Martène, Thésaurus anecdotorum, I, p. 867.)
( 3 ) Une localité de ce nom a déjà paru dans les chartes LXXVÜ et
LXXVIII. Ici , en raison de la dame d’Herry qui donne son consente-
ment, comme suzeraine, dans la charte suivante, il y a lieu de croire
qu’il s’agit de La Charnaye, canton de Sancergues. L'Histoire du
Prieuré (folio 144) porte La Charnaye dans la prairie d’Argenvières.
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La Chamajre.
253
domus de Bor (i) et juxta pratum leprosorum de Charitate
sita. Ita tamen quod predictis octo libratis terre quicquam
ulterius prêter predicta quinque arpenta pratorum a me vel
abheredibus meis, conventus dicte ecclesie petere sive exigere
non valeat in futurum. Que quinque arpenta pratorum qui-
tavi et quitto conventui et ecclesie Charitatensi predictis et
totum jus quod mihi competebat seu competere poterat aut
debebat in eis, quocunque modo seu racione quacunque pos-
sidenda in perpetuum et tenenda jure hereditario libéré,
pacifice et quiete; mihi tamen et heredibus meis in predictis
quinque arpentis pratorum omni justitia semper salva ; pro-
mittens per fidem corporaliter prestitam quod contra dona-
tionem et assignationem predictas , seu contra aliquod
premissorum, venire de cetero per me, sive per alium, nulla-
tenus attentabo. Immo quinque arpenta predicta pratorum
teneor garentire imperpetuum predictis ecclesie et conventui
de Charitate erga omnes, et specialiter erga nobilem domi-
nam Agnetem de Corbelain (2), uxorem Hugonis de Escola,
militis, que in quinque arpentis pratorum predictis dicitur
habere dotem, et damna omnia resartire, si quod absit ,pro
defectu garantie aliqua sustinerent; et pro his tenendis et
servandis dare teneor literas curie Nivernensis, et ad hec
(1) V Histoire du Prieuré (folio 147) porte la cote suivante sur les
mêmes personnages et les mêmes localités: o En 1280, différend entre
les religieux et Robert de Prye , seigneur de La Charnaye, au sujet du
bois et des terres communes de Bor (près Saint-Léger (Cher), V, p. 5 );
le tiers du bois reste aux religieux, la haute justice au seigneur de La
Charnaye, puis on fait un échange réciproque de maisons à La Char-
naye et à Argenvières.
Une autre donation de la dame de Gondrecourt, veuve de ce Robert
de Prye, et relative aux prés de La Charnaye, est transcrite ci-dessous,
charte CXXXIX.
(2) On trouve Corbelin, hameau, commune de La Chapelle-Saint-
André, canton de Varzy, et Escolives (Yonne), canton de Coulange-la.
Vineuse. Le Cartulaire de V Yonne ne donne aucune mention de ces
noms, pour les hommes ou pour les localités.
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Cartulaire de La Charité .
254
tenenda firmiter et servenda me et heredes meos, per fidem
meam obligo et astringo. Volo etiam insuper quod ballivus
Bituricensis , qui pro tempore fuerit , ad hec omnia supra-
dicta facienda et complenda me et heredes meos compellat,
per captionem rerum mearum, si me vel heredes meos conti-
gerit in aliquo defecisse. Conventus vero predictus de Chari-
tate in recompensationem predictarum octo libratarum terre
mihi dédit centum libras Turonenses, de quibus grantum
meum habui in pecunia numerata (1). In cujus rei memoriam
et testimonium, présentes literas sigilli mei munimine robo-
ravi. Datum die martis, in festo beati Barnabe apostoli (2],
anno Domini millesimo ducentesimo sexagesimo nono ( 3 ).
(1) La monnaie tournois paraît assez rarement dans nos chartes ;
Jean dePrye l’aura spécifiée, parce qu’il fréquentait principalement le
Berry et la Touraine. Quant au mot grantum , il signifie simplement
gré, satisfaction. Sous forme de donation, cette charte est en réalité le
placement d’une somme de cent livres, donnée pour un anniversaire
quelconque et en quelque sorte remployée à l’achat de ces prés de La
Charnaye. Cependant les prix ne concordent pas. U est difficile d’ad-
mettre que cinq arpents de pré aient valu cent livres et rapporté
huit livres de revenu.
(2) La fête de saint Barnabé, apôtre, tombe le 11 juin.
( 3 ) Cotes de V Histoire du Prieuré pour des localités voisines : En
1281, flans un différend, il fut décidé que le prieur de Patinges aurait
le droit de banvin et les habitants dudit lieu le droit d’usage dans le
bois du Vcrnay. (Folio 147.)
L’an 1282, le prieur acheta de Raynaud , écuyer, seigneur de Chas-
nay, Robert et Jean, ses frères, la terre de Cramain, avec ses dépen-
dances. En 1436, il était dû au prieur deux cens de fer long, au
dimanche après la Saint-Martin d’hiver, sur la forge de Cramain,
d’après une reconnaissance de Guillemette, veuve de Pierre Esperon.
(Folio 148.)
L’an 1372, la ville et le prieuré avaient encouru le crime de lèse-
majesté et félonie. Le prieur Bernard en obtint l’abolition pour La
Charité, Bonny, Sainte-Montane, Aubigny-sur-Loyre, Beffes, La Celle,
Dompierre, Saint-Bonnot, Saint-Léger-le-Petit . Argenvières, La Cha-
pelle-Montlinard , Parzy, La Cordille-sous-Herry, Pouilly, Tracy,
Mal taverne, Varennes, Narcy, Garchy, Sully, Vesvre, Bulcy, Raveau,
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La Charnaye.
255
cxx.
A LIA CARTA DE EISDEM QUINQUE ARPENTIS
PRATORUM.
1269 Juin 11.
Consentement de Aremburge , dame de Herry, suzeraine de
La Charnaye , à lacté de donation des cinq arpents de
pré par Jean de Prye.
Ego Aremburgis, Domina de Airriaco (1), notum facio
universis présentes literas inspecturis, quod ego literas sigil-
latas sigillo dilecti et fidelis mei Joannis de Pria, domini de
Busencay, militis, non canceilatas, non viciatas, nec in aliqua
parte sui abolitas, vidi et seriatim inspexi in hec verba :
Ego Joannesde Pria, dominus de Busencay, miles, notum
facio presentibus et futuris quod ego ob remedium anime
mee, de voluntate Isabellis, uxoris mee, dedi et concessi in
perpetuam eleemosynam ecclesie et conventui de Charitate
octo libratas terre (2)...
Ego vero Aremburgis predicta , de cujus feodo dicta quin-
que arpenta pratorum movere noscuntur, predictam assigna-
tionem et assessionem volui, approbavi, laudavi pariter et
concessi, bona fide promittens quod contra premissa vel
Munot, Lory, Murlin et Chasnay, soit toutes les terres et justices du
prieuré. (Folio 176.)
(1) On verra ci-dessous ^charte CXXIII) que Aremburge était morte
en 1274. Quant à Airriacus, il s’agit vraisemblablement de Herry,
commune du canton de Sancergues; il est écrit Herriacus en 1274.
M. Boyer ( Origines de Sancerre , p. 3 o 5 ) cite un passage du testament
de l’abbé de Flavigny, Widrad, daté de 721, où il est question de ces
deux localités : In pago Neverninse Senseriacum et Arriacum. (Diplo-
mate, cartœ , t. II, p. 324.)
(2) Le reste est conforme à la charte précédente.
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256
Cartulaire de La Charité .
aliquod premissorum, per me vel per alium, non veniam
ullo modo, et ad hec me et heredes meos obligo et astringo.
In cujus rei testimonium presentibus literis sigillum meum
apponere dignum duxi. Datum die martis in festo beati
Barnabe apostoli , anno Domini millesimo duceniesimo
sexagesimo nono.
CXXI.
CARTA DE VIGINTI SOLIDIS ANNUATIM SOLVENDIS
PITENTIARIO DE CHARITATE SUPER TERRAM DE
SANCTA MONTANA.
1272 Mars 27 .
Le prieur de La Charité fixe à vingt sols parisis la rede-
vance annuelle à faire au pitancier de La Charité parle
prieuré de Sainte-Mont aine , à raison des biens donnés
par Gautier de Luppy et affecte ces vingt sols à un repas
le jour de l'anniversaire du donateur.
U niversis présentes litcras inspecturis, frater Milo, prior
humilis de Charitate, salutem in Domino. Noverint universi
quod nos, considérantes bona que domnus Galterius de
Luppi domibus, monachus de Sancto Dyonisio, fecit domui
nostre de Sancta Montana quam per longum tempus noscitur
tenuisse, statuimus, voluimus et precipimus quatenus ille
qui tenet dictam domum nostram de Sancta Montana (1) et
successores ipsius in perpetuum reddant pitentiario de Cha-
ritate, qui pro tempore fuerit, viginti soliJos parisienses
(i) Prieuré dépendant de La Charité, aujourd'hui Sainte-Montaine,
commune du canton d’Aubigny (Cher). Voyez (charte CXIU) un
échange entre Henri de Sully et ce prieuré en 1255.
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Baune .
257
annuatim in festo beatorum Remigii et Germani(i); de
quibus viginti solidis dictus pitenciarius tenebitur facere
pitantiam conventui nostro de Charitate, quolibet anno, die
qua una missa de Spiritu Sancto pro dicto Galterio, ipso
vivente, celebrabitur in conventu. Post mortem vero ipsius
Galterii tenebitur idem pitenciarius facere similiter pitanciam
dicto conventui, singulis annis, de'predictis viginti solidis
die anniversarii supradicti Galterii. In cujus rei testimonium
literas présentes nostro sigillo duximus roborandas. Datum
die veneris post dominicain qua cantatur, Oculi mei (2),
anno Domini millesimo ducentesimo septuagesimo primo.
CXXII.
DECEM SOLIDI SUPER CENSUS DE LEPORIBUS PRO
ANNIVERSARIO REGNAUDI DE BELNEIS.
1273 Novembre.
Le prieur Milon autorise le pitancier de La Charité à
prélever , sur le revenu d'un cens , les dix sols de rente
que Regnaud de Baune avait constitués pour le service
d'un anniversaire dans l'église de La Charité.
Universis présentes literas inspecturis frater Milo, humilis
prior de Charitate, salutem in Domino. NoveritiS quod nos
(1) Les saints du diocèse d’Auxerre étaient spécialement vénérés
dans les pays environnants. Saint Germain est l’illustre évêque
d’Auxerre (le sixième, de 418 à 448). Il est nommé dans les calendriers
au I er octobre, avant saint Rémi, qui a commencé un peu plus tard à
avoir une fête en ce jour. (Lebeuf, Hist. d’Auxerre , I, p. 106.) Saint
Rémi était un moine de Saint-Germain d’Auxerre, mort vers 908 ; il
professa la théologie à Reims et à Paris, où il fonda la première école
publique. Sa vie et ses ouvrages sont décrits par dom Rivet ( Histoire
littéraire , t. VI, p. 99 à 122.)
( 2 ) Ce dimanche est le troisième du Carême et quatre semaines
avant Pâques, qui tombait en 1272 le 24 avril.
33
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258
Cartulaire de I*a Charité.
volumus et concedimus quod pitanciarius conventus nostri
deCharitate, vice et nomine dicti conventus, percipiat et
habeat annuatim , super census nostros de Leporibus qui
partiuntur cutn dicto conventu, decem solidos monete cur-
rentis, in quibus decem solidis Regnaudus de Belneis (i),
domicellus, pro anniversario antecessorum suorum in oostra
Charitatis ecclesia faciendo eisdem antèa tenebatur, de quibus
decem solidis et rebus aliis ad quedam predicta cum dicto
Regnaudo permutationem duximus faciendam , sigillum
nostrum presentibus apponentes in testimonium hujus rei.
Datum anno Domini millesimo ducentesimo septuagesimo
tertio, mense novembri.
CXXIII.
CENTUM SOLIDI REDDITUALES PRO ANNIVERSARIO
DOMINE DE HERRIACO.
1274 Juin 11.
L'official de Bourges transcrit une clause du testament de
la dame de Herry , par laquelle elle donne au pitancier
de La Charité , pour le service de son anniversaire , un
revenu de cent sols à prendre sur les tailles de Herry.
Universis présentes literas inspecturis. Officialis curie Bitu-
ricensis, sede vacante, salutem in domino. Noveritis nos
(1) Aujourd’hui Baune est un château situé sur la commune de
Cuffy (Cher). C’était autrefois une paroisse faisant partie de l’archi-
prctré des Vaux de Nevers, indiquée dans notre Registre-terrier de
1287, p. 74, sous le nom de Belna et sans assimilation moderne.
Près de cet endroit se trouve Lobray ou Laubrais, dans lequel on
pourrait peut-être voir la corruption du nom de Leporibus , que nous
avons cherché en vain jusqu’ici.
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Car co t.
*59
annp Domini millesimo ducentesimo septuagesimo quarto,
die veneris post festum sancti Barnabe apostoli , vidisse et
diligenter inspexisse in testamento seu ultima voluntate
defuncte Aremburgis, quondam domine de Herriaco (1),
sigillo curie Bituricensis sigillato, quamdam clausulam in
dicto testamento contentam, eu jus ténor sequitur sub hac
forma: Item, lego ecclesie beate Marie de Charitate super
Ligerim, centum solidos currentis monete reddituales et
percipiendos annuatim in tallia mea de Herriaco, ad pitan-
ciam conventus, pro anniversario meo faciendo. Ita quod si
alias alibi dictos centum solidos assignavi , illam assignation
nem revoco, et volo quod ista ultima assignatio teneatur.
In cujus visionis nostre testimonium presenti transcripto
sigillum curie Bituricensis duximus apponendum, an no et
die predictis. Data visionis nostre anno et die superius nomi-
natis et super plicam ; facta est collatio. Signatum Perellus.
CXXIV.
CARTA MILONIS, PRIORIS, DE DECEM LIBRIS SUPER
CENSUM DE CARQUOTO, DE UNO DOLIO VINI ET
DE FURNO DE VEVRA , PRO SUO ANNIVERSARIO
FACIENDO.
1275 Janvier 6#
A V intention de son anniversaire , le prieur Milon fait
donation entre-vifs et irrévocable , pour la pitance des
religieux: i° d'un revenu de dix livres à prendre sur le
cens de Carcot , acquis de Bernard de La Vieille-Porte ;
2 0 d'un tonneau de vin contenant deux muids et pro-
venant du clos acheté à Alard, livrable chaque année , le
(1) Pour la dame de Herry, voyez ci-dessus, en 1269, charte CXX.
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2ÔO
Cartulaire de La Charité.
jour de son anniversaire ; 3° du four nouvellmat
construit à Vêvres.
Universis présentes literas inspecturis , frater Milo (i
prior humilis de Charitate, salutem in Domino. Noveritb
quod nos damus et concedimus, pure et imperpetuum dona-
tione irrevocabili facta solemniter inter vivos, animo obli*
gandi nos et successores nostros, per donationem hujusmodi
et per continentiam presentium literarum, venerabili a
religioso conventui nostro de Charitate et eorum succcssû-
ribus, pro anniversario nostro in nostra Charitatensi ecclcsia
solemniter et perpetuo celebrando, ad pitantiam ipsi coa-
ventui, die obitus et anniversarii nostri plenarie faciendam,
decem libras annui redditus, et unum dolium vinoplemun
duos modios continens, ad mensuram Charitatis, perd*
piendas et habendas annis singulis in festo beatorum
Germani et Remigii (2), super censu nostro de Carquoto(?>
quem emimus et acquisivimus a Stephano dicto Chabut et
Bernardo de Porta veteri, militibus ; qui census appellatur
census domini Roberti de Bosco (4), et levatur et percipitur.
annis singulis, in festo Pentecostes, nativitatissanctiJoanms
Baptiste et in festo beatorum Germani et Remigii ; etdictum
dolium vini percipiendum et habendum a dicto conventuin
cellario nostro, de vino clausi quem emimus a defuncto
Alardo, clerico, ad usum ipsius conventus, die obitus et
anniversarii nostri. Damus etiam et concedimus dicto con*
(1) Milon, vingt-sixième prieur, de 1262 à 1275.
(2) Le i* r octobre. (Voyez ci-dessus , p. 257, note.)
( 3 ) Carquot ou Carcot, aujourd'hui ferme située à deux kilomètres
de La Charité, entre les routes de Donzy et de Raveau.
(4) Au douzième siècle, on trouve dans nos chartes Rodolphe ci
Robert du Bois, qui doivent être les ancêtres de celui-ci- Beaucoup
de chevaliers ont porté ce nom de La Porte; il serait difficile de les
reconnaître entre eux. Bernard de La Porte est fondateur du prieuré
de Valigny-le*Monial , au diocèse de Bourges (Histoire dit Pria*
folio 49.)
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Nomination du prieur .
261
ventui, pure et in perpetuum, furnum nostrum de Vevra (1)
quem acquisivimus et construximus, devestientes nos ex
nunc de predictis rebus donatis, et investientes dictum
conventum, per traditionem presentium literarum, animo in
ipsum conventum possessionem , proprietatem et verum
dominium rerum donatarum totaliter transferendi, promit-
tentes bona bde quod contra donatiqnem ipsam , seu contra
aliquod de premissis per nos sive per alium de cetero nulla-
tenus veniemus. In cujus rei testimonium dicto conventui
dedimus et concessimus présentes literas sigilli nostri muni-
mine roboratas. Datum anno Domini millesimo ducentesimo
septuagesimo quarto, die mercurii post Epiphaniam Domini.
cxxv.
LITERE PROCURATORII CONVENTUS DE CARITATE
AD IVONEM, CLUNIACENSEM ABBATEM, PRO CON-
FIRMANDO SUO PRIORE DE CHARITATE.
1275 Mars 25 .
Les religieux de La Charité envoient à Vabbé de Cluny les
prieurs de Cosne et de Montigny , Vinfirmier et le sous -
cellerier , pour recevoir la nomination de leur prieur.
Reverendo in Christo patri ac domino , charissimo
fvoni (2), Dei gratia abbati Cluniacensi, frater Joannes,
(1) Vêvres est aujourd’hui un hameau de la commune de Garchy,
à douze kilomètres au nord de La Charité. D’autres endroits plus
éloignés portent le même nom, entre autres Vêvre, près Sancerre*
dont il est question dans la charte LXXXI, à propos d’une donation
des Sully.
(2) Yves de Vergy, prieur de Saint-Marcel à Chalon, abbé de Cluny
en 1257, mort le 26 août 1275. (Chevalier, Répertoire du moyen-
âge.)
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2Ô2
Cartulaire de La Charité .
humilis supprior de Charitate, ejusdemque loci conventus,
salutem et obedientiam debitàm , cum omni reverentia a
honore. Venerabiles et charissimos fratres nostros, deConada
et de Montigniaco (i) priores, infirmariumetsubcellerariun
de Charitate, paternitati vestre duximus transmittendos,pro
provisione Charitatis ecclesie de priore (2), secundura consuc-
tudinem dicte ecclesie hactenus observatam. Ratum et
gratum habituri quidquid per ipsos super hoc factum fuerit
seu etiam procuratum. In cujus rei testimonium presentibus
literis sigillum nostrum duximus apponendum. Datumaono
Domini millesimo ducentesimo septuagesimo quarto, die
lune in festo Annunciationis ( 3 ) Dominice (4).
(1) Le prieuré de Saint-Aignan de Cosne. Montigny est indiqué
comme prieuré dédié à saint Pierre, dans le diocèse de Soissods, et
porte le surnom de Montigny-le-Chatelet. Aujourd’hui, dans le dépar-
tement de l’Aisne, il y a plusieurs endroits du même nom, avec la
qualification de Montigny-Carotte, La cour, l’AJlier, le Franc, Lepgrain,
les Condé, etc.
(2) Le prieur Milon venait de mourir à La Charité ; cette lettre et la
suivante avaient pour but de préparer le choix de son successeur.
( 3 ) La fête de l’Annonciation tombe le z 5 mars; Pâques étant cette
année-là le 14 avril, la charte doit être datée de 1275.
(4) « Les originaux, tant de l’eslection que de la lettre et accepta-
tion de l’abbé, sont au trésor du sieur prieur de La Charité, d’où
j’ay extrait les copies qui sont dans mon cartulaire. > (Note de
V Histoire du Prieuré , folio 146.)
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Simon d’Armentières.
263
CXXVI.
LITERE TESTIMONIALES PRO INSTITUTIONS DOMNI
SIMONIS DE ARMENT ARIIS IN . PRIOREM BEATE
MARIE DE CHARITATE.
1275 Avril 3.
Les prieurs réunis , après la mort du prieur Milon et le
retour des émissaires des religieux de La Charité , certi-
fient que sur la présentation régulière de trois noms ,
l'abbé de Cluny a nommé prieur de La Charité Simon
d’Armentières, prieur de Coincy et chambrier de Cluny .
Universis présentés literas inspecturis, frater P. de Longa-
villa, Rotomagensis diœcesis, frater G. de Boniaco, Autissio-
dorensis diœcesis, frater Hugo de Curtiniaco, frater Jacobus
beate Marie de Portu sancti Leonis, Senonensis, frater Symon
de Joigniaco, Senonensis diœcesis, et frater Petrus de
Brena (1), Suessionensis diœcesis, priores humiles ordinis
Cluniacensis , salutem in domino sempiternam. Quoniam
per ea que in literis inseruntur successores a predecessoribus
melius instruuntur, cum per hominum labilem memoriam
multorum jura sepe contingat deperire, ne futuris temporibus
super provisione facienda de priore in Charitatis ecclesia
cum ipSam vacare contigerit, oriatur materia questionis,
presentibus et futuris volumus non latere quod anno Domini
millesimo ducentesimo septuagesimo quinto , secundum
(t) Voici l’assimilation des localités où ces prieurés étaient établis :
Longueville, canton de l’arrondissement de Dieppe (Seine-Inférieure).
Bonny, arrondissement de Gien (Loiret); Courtenay, canton de l’arron-
dissement de Montargis (Loiret) ; Port-Saint-Léon (?) diocèse de Sens ;
Joigny (Yonne); Braisne-sur-Vesle , canton de l’arrondissement de
Soissons (Aisne). Le Cartulaire ne contient Aucune charte sur ces
prieurés, excepté celui de Longueville. (Charte V, p. i5.)
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264
Cartulaire de La Charité.
stilum Romane curie et quarto secundum quod sibi consuc*
tum est in partibus gallicanis, die mercurii, ante ramos pal-
marum (1), mense aprili, vacante dicta Charitatis ecdesia
per mortem felicis recordationis reverendi patris Milonis.
quondam prioris dicti loci , constituti in presentia reverendi
patris ac domini Ivonis, Dei gratia abbatis Cluniacensis, de
Conada et de Montigniaco priores, ac infirmarius et subcd-
lerarius de Charitate, procuratores et nuncii spéciales , cum
literis procuratoriis venerabilium et religiosorum viroruo
supprioris et conventus de Charitate, ad nominandum «
postulandum priorem, secundum consuetudinem dicteecdesie
Charitatis, ad dictum dominum abbatem specialiter desii*
nati, nobis presentibus videntibus et vocatis a dictodomioo
abbate ad ea que sequuntur audienda. Nominaverunt dicto
domino abbati dicti procuratores , vice et nomine dictonmi
supprioris et conventus, et pro ipsis, très personas, videlicet
Symonem priorem de Conciaco (2), nos de Longavilla et de
Boniaco priores, humiliter supplicantes, ut alterum istorum
(1) En 1275 Pâques étant le 14 avril, le mercredi avant les Rameaux
se trouve être douze jours auparavant, c'est-à-dire le 3 avril, et h
charte précédente est du lundi 25 mars. Dans les huit jours d’inter-
valle de ces deux dates les émissaires sont allés à Cluny, ont présente
les noms à l'abbé et sont revenus annoncer le nom du prieur s Li
Charité, où il est solennellement reconnu.
(2) Le prieuré de Coincy, diocèse de Soissons, aujourd’hui Coincy.
canton de Fère en Tardenois, arrondissement de Château-Thierry
(Aisne). Simon était d’Armentières , village de la commune d’OuIchy.
canton de Neuilly-Saint-Front , près Coincy. Nous ne savons si
prieuré dépendait de La Charité ; il manque à la liste des prieure'
donnés par les manuscrits de M. Girerd et de la Société nivernaise.
ainsi que par le livre de M. de Charant. La Charité possédait à quel-
que distance, dans ce même canton de Neuilly-Saint-Front, le prieure
de Saint-Quentin.
Simon fut prieur de La Charité de 1275 à 1294, puis cardinal-pré^
du titre de Sainte-Balbine , et mourut à Rome en 1296. Il est connu
comme littérateur sous le nom de Simon le Moine. (Dom Rivet,
littéraire de la France , 1847, XXI, p. 833 .)
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Narcy.
265
trium quem crediderit esse dicte ecclesie Charitatis idoneum
et utilem, preficeret in priorem, et de ipso dicte ecclesie pro-
videret, secundum consuetudinem retroactis temporibus
observatam et obtentam. Sicut ait sapiens : « Omnia fac cum
consilio et non penitebis » dictus dominus abbas habito
consilio cum peritis , ui ipsemet retulit viva voce dictorum
procuratorum nominationi et votis annuens, domnum prio-
rem de Conciaco , tune etiam camerarium Cluniacensem , in
priorem Charitatis concessit eisdem , secundum formam
nominationis eorumdèm in quem dicti procuratores, tanquam
in nominatum abeis authoritate commjssa adictis suppriore
et conventu ac eorum vice et nomine consenserunt , et eum
in priorem receperunt. Que autem vidimus, audivimus et
révéra esse scimus, scriptis redigi fecimus, ut futuris memo-
rie habeaiur. In cujus rei testimonium sigilla nostra una
cum sigillis dictorum procuratorum presentibus literis duxi-
mus apponenda. Datum anno, die et mense predictis.
CXXVIL
SIMON DE ARMENTERIIS, PRIOR, CONCESSIT CONVEN-
TUI DECEM LIBRAS SUPER MOLENDINO DE VALLIBUS
APUD NARCIACUM PRO SUO ANNIVERSARIO.
1285 Avril 25. — La Charité.
Le prieur Simon d’Armentières fait don aux religieux
d'une rente de dix livres tournois , à toucher la veille de
Noël , et , après sa mort , le jour de son anniversaire ;
ladite rente établie sur les moulins des vaux de Narcy ,
qu'il avait achetés de la dame de Merry.
Universis présentes literas inspecturis, frater Symon de
Hermenteriis, prior humilis de Charitate, salutem in Domino
34
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Cavtulaire de La Charité.
266
sempiternam. Noveritis quod nos, attendentes devonoaem
quam conventus ecclesie nostre Charitatensis habet et habait
ad Deum et ministros ejus in eadem ecclesia ministrante, ci
eius excellentia mérita apud ipsum regnantem in cdis,
damus eis pure et perpetuo et solemni donatione concedimus,
pro salute anime nostre et pro anniversario nostro faciendo
in dicta ecclesia, annis singulis, certa die, decem libras
Turonenses annui redditus, solvendas ipsi conventui vei
procuratori eorum, in vigilia natalis Domini, annuatiin
quamdiu vixerimus et, post mortem nostram, tali die quali
nos obire contigerit anno quolibet revoluto; quas assidemus
eis et assignamus super molendinis de Vallibus, siiisapud
Narciacum , que titulo emptionis acquisivimus et habuimus
a nobili domina Yolandi de Merriaco (i), de cujusdomini-
catura et hereditate propria dicta molendina movebant,eta
dicta ecclesia ea tenebat ad censum. Et de quibus decem
libris turonensibus dictum conventum in possessionem misi-
mus, per ipsius petitionem, numerationem et presentis litere
traditionem, obligantes nos et successores nostros, quantum
possibile est, quod si dicte decem libre Turonenses in dicta
vigilia natalis Domini vel ad tardius infra octavas dicii
natalis, et post mortem nostram ipsa die obitus, vel infra
octo dies, adveniente die obitus nostri quolibet anno soluté
non fuerint dicto conventui vel eorum mandato, quod ipsi
gagiare possint in dictis molendinis pro defectu solutions
(1 ) Il sera encore question dans la charte suivante de Yolande, veuve
de Gaucher de Merry. Nous ne voyons pas de localité portant ce nom.
En 1148 (ci-dessus, charte LVI) comparaît comme témoin Guilld**
de Marriaco ; l ’ Inventaire de Marolles mentionne au quatorzième
siècle plusieurs seigneurs de Merry. II nous semble douteux qu’il y
ait une relation entre eux et Yolande. Leur nom est peut-être tiré te
Moiry ou Merry, hameau de la commune de Saint-Pame-le-Cbitd.
Par une anomalie difficile à expliquer, l’acte de vente invoqué ici
n’était pas encore passé, puisqu’il est exposé dans la charte suivante,
datée du 28 avril, c’est-à-dire trois jours après celle-ci.
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Narcy .
267
predicte. Obligantes insuper nos et quantum possumus suc-
cessores nostros , qui pro tempofe erunt, omnes expensas,
omnia damna, et deperdita que occasione defectus solutionis
dictus conventus fecerit vel incurrerit, in integrum resartire.
In cujus rei memoriam et testimonium présentes literas
sigiilo proprio et quo communiter utebamur, voluimus et
fecimus consignari. Datum apud Charitatem, anno Domini
millesimo ducentesimo octogesimo quinto, die mercurii (1)
in festo beati Marci evangeliste.
CXXVIII.
ACQUISITIO MOLENDINORUM DE VALLIBUS APUD
NARCIACUM.
1285 Avril 28.
Yolande de Merry vend au prieur de La Charité son
moulin des vaux de Narcy avec deux prés y attenant .
pour 240 livres tournois , s'engageant à les donner libres
de dettes et de fiefs envers tous et principalement le
comte de Nevers, à supporter les contestations dans
Vavenir et à les soumettre à la juridiction de la prévôté
de Bourges .
Universis présentes literas inspecturis, Laurentius Pelorde,
custos sigilli regis prepositure Bituricensis , salutem in
Domino. Noveritisquod presens coram Joanne de Augiaco (2),
presbytero jurato sigilli dicte prepositure, vice et authoritate
(1) La fête de saint Marc, évangéliste, tombe le 25 avril, qui se
trouve être en cette année un mercredi; Pâques étant en 1285 le
25 mars, Tannée de cette charte est exacte.
(2) Augy-sur-PAubois, canton de Sancoins.
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268
Cartulaire de La Charité.
nostra, nobilis lolandis domina de Merriaco, relicta Gual-
cheri de Merriaco , müitis, vendidit et se vendidisse publiée
recognovit religiosis viris, priori et conventui de Caritate,
quoddam molendinum ad duas rotas, unam ad granum et
aliam ad pannos ( i ), quod se habere dicebat juxta Narciacum,
super riperiam de Mazo, quod vulgariter vocatur molen-
dinum de Vallibus (2), cum duabus petiis pratorum quorum
una sita est ante dictum molendinum, et alia rétro dictum
molendinum contiguis et adjacentibus pratis dictorum reli-
giosorum, pro duodecies viginti libris Turonensibus suis
quittis sibique jam solutis a dictis religiosis, ut dicebat, in
pecunia numerata, et de quibus dictos religiosos quitavit
penitus et précisé , se desaisiens dicta domina de dictis rebus
venditis, dictos religiosos saisivit per traditionem presentium
de eisdem animo in ipsos possessionem etdominium totaliter
transferendi. Quod molendinum, cum dictis duobus pratis,
promisit dicta domina, per fidem datam in manu dicti jurati
ac per stipulationem solemnem et ex pacto, garantire ac
defendere dictis religiosis libéré absque omni onere debiti
legati et cujuscunque alterius obligationis, et absque omni
feodo. retrofeodo erga quoslibet contendentes, et spécialité 1 *
erga comitem Nivernensem, excepto censu quem de rebus
predictis venditis dictis religiosis debebat ; promisit etiam
dicta domina per eamdem fidem ac per stipulationem solem-
nem et ex pacto, omnem calumniam et impedimentum a
quoque fuerit apposita et apponenda in premissis, in futurum
removeretur propriis suis sumptibus et expensis et in se
suscipiet onus litis et reddere eisdem religiosis omnia damna,
de predicta missione et expensis, que et quas pro defectibus
et occasionibus garentie incurrere plenariam restaurationem,
se et heredes suos et omnia bona mobilia et immobilia»
(1) Un moulin ayant une roue pour le blé et une autre pour fouler
les draps ; ils sont mentionnés assez fréquemment dans nos chartes.
(2) Toute cette contrée s'appelait les vaux de Nancy. Quant à la
rivière du Mazou, voyez ci-dessus, p. 5 , note.
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Symon d! Armentières.
269
presentia cura tuturis, quoad preraissorum observantiam
obligando et jurisdictioni prepositure Bituricensis totaliter
supponendo, renuncians in hoc facto exceptionibus fori, doit,
traudis, deceptionis ultra raedietatem justi pretii , exceptioni
pecunie non habite, non recepte, omni auxilio totius juris,
canonici et civilis, et privilegio crucis surapte et sumende et
omni privilegio, usui statuto, et consuetudini patrie sive loci,
omni privilegio scripto et non scripto et omnibus aliis excep-
tionibus, actionibus, allégation i bus, cavillationibus et cau-
telis juris et facti que contra présentes literas possent proponi
objici seu dici, et omni privilegio in favorem mulierum
introducto, prout dictus juratus premissa nobis retulit viva
voce. In cujus rei testimonium ad relationem dicti jurati,
cui fidem super hec adhibemus pleniorem, sigillum dicte
prepositure presentibusliterisduximus apponendum. Datum
anno Domini millesimoducentesimo octogesimo quinto, die
sabbati ante festura beatorum apostolorura Philippi et
Jacobi (,i), sic signatum. Ego Joannes feci.
CXXIX.
DE QUADAM DOMO SITA APUD CH ARITATEM .
1292 Juillet 19.
Le prieur Symon fait donation irrévocable aux religieux
d'une maison sise à La Charité , rue des Chapelains , avec
garantie contre qui que ce soit , en se réservant seulement
la justice qu'il avait sur toute la ville .
Universis présentés literas inspectons', frater Symon,
humilis priorde Charitate, salutem in Domino. Noveritis
(1) La fête de saint Jacques-le-Mineur et saint Philippe, apôtre,
tombe le i” mai, qui se trouve être un mardi en 1285 ; le samedi qui
précède répond donc au 28 avril.
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270
Cartulaire de La Charité .
quod nos , attendentes eorum mérita qui in ecdesia oostra
Charitatis jugiter Domino famulantur, et devotionem quim
ad nos licet immeritos hactenus habuerunt, precum etiin
juvamina quibus suffulti gloriam eternitatis spenunus,
domum dictam en Monnoiers, cum edificio ligneo et platea
adjacentibus, sitam in longo, in vico de Cuei , juxta domum
eleemosyne de Caritate, et in lato, in vico capellanorum (ij,
juxta domum Odonis de Beaune, quam tempore regiminis
nostri titulo emptionis acquisivimus, concedimus et donamus
donatione irrevocabili dictis venerabilibus et charissimis
fratribus nostris conventui dicte ecclesie nostre Charitatis, ab
ipsis et successoribus suis jure perpetuo possidendam, tencn*
dam et habendam cum exitibus et emolumentis omnibus de
dicta domo et pertinentiis ejus provenientibus et proventibus,
quidquid juris in dicta domo et ejus pertinentiis nobis com-
petebat vel competere poterat, in ipsos et successores coraw
totaliter transferendo, salva tamen et retenta nobis priori et
successoribus nostris in dicta domo et locis adjacentibus
omnimoda justitia, sicut in aliis locis et domibus dicte ville
Charitatis habemus. Promittentes bona fide, predicta omoia
in judicio et extra sumptibus nostris dicto conventui ergi
omnes garantire, et ad hoc nos et successores nostros expresse
et specialiter obligamus. In eu jus rei testimonium literam
hanc dicto conventui tradidimus, nostri sigilli appensione
munitam. Datum anno Domini millesimo ducentesimo non*
gesimo secundo, die sabati (1) ante festum beate Marie
Magdalene.
(1) La rue des Chapelains porte encore ce nom aujourd’hui.
(2) Sainte Marie-Madeleine, le 22 juillet, un mardi, en 1192; I e
samedi d’avant est le 19 juillet.
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Abbaye d* Or bais.
27
cxxx.
EPISTOLA PRIORIS ET CONVErTUS BEATI PETRI DE
ORBACO, DE SOCIETATE FACIENDA CUM MONACHIS
DE CHARITATE AD LIGERIM.
1294.
Les religieux d’Orbais, heureux de la réception faite à
leur abbé pendant son séjour à La Charité , accueillent
avec joie la proposition de former entre les deux cou-
vents une association de prières.
Viris religiosis et honestis , venerabilibus et discretis et
amicis suis in Christo, reverendissimis priori et conventui
beate Marie de Charitate super Ligerim , prior et conventus
beati Pétri de Orbaco (1), in Bria, Suessionensis diœcesis,
salutem et cum salute orationes devotas, et quidquid possunt
et poterunt in futurum. Quam leti sumus et quantas grates
vobis referimus in cordibus nostris, pro eo quod vos nuper,
ut relatum est nobis et rescriptum , domnum abbatem nos-
trum Orbacensem , nunc in patria vestra prope vos commo-
rantem tam honorabiliter et festive recepistis in domos
vestras, tum in capite quam in membris. Deusscitet utinam
vos sciretis ; sed parcendum est verbis ne videamur adulari.
Gaudemus etiam gaudio magno valde super hoc quod vos de
societate componenda inter vos et nos, cum dicto domno
(1) Orbais-l’Abbaye (Marne), arrondissement d’Épernay, canton de
Montmort. L’abbaye d’Orbais, de l’ordre de Saint-Benoît, était du
diocèse de Soissons. Le prieuré de Montmort, dédié à Notre-Dame,
situé à quelque distance dans le diocèse de Châlons-sur-Marne,
dépendait de La Charité. Cette charte et la suivante sont insérées
avec la mention a ex-manuscripto Caritatis » dans Martène. {Thésaurus
anecd.y I, col. 1268.
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272
Cartulaire de La Charité .
abbate nostro loquendum duxistis et tractandum , cujus
societatis componende et bene firmande nos omnes unani-
miter eidem domno abbati nostro predicto, prout omnino
voluit et melius ac salubriuS pro nobis et vobis fieri potuit,
plenam in nomine Domini concedimus facultatem ; desiderio
enim desideramus esse fratres Charitatis vestre, quippe
Charitas est re et nomine domus vestra, verum totius reli-
gionis spéculum forma et exemplum. Eya, si placet, quod
facitis tacite citius, quia ad votorum nostrorum plenitudinem
nobis deest talem in Deo vobiscum habere societatem , ut
quomodo in vita nostra fuerimus conjuncti , ita et in morte
nunquam simus separati. Valete in Domino semper et
gaudete, orantes pro nobis ut et nos pro vobis.
CXXXI.
LITERE SOCIETATIS INITE INTER ORBACENSES ET
CHARITATENSES MONACHOS.
1294 Mai 28.
Anselme , abbé d' Or bais, écrit aux religieux de La Charité
pour constater par un titre la promesse d'union de prières
et demande qu'il soit dit de part et d'autre, à cette
intention et chaque année, une messe solennelle du Saint -
Esprit .
Viris venerabilibus et honestis D. priori de Charitate,
necnon et ejusdem loci conventui, Anselmus, Dei gratta
abbas humilis de Orbaco, totusque ejusdem loci conventus,
pignus pacis et incrementum salutis in eo qui mandat salu-
tes, Jacob. Quoniam omne regnum in se divisum desolabitur,
et hostis humane salutis a Christi regno et unione nos inces-
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Orbais .
273
santer appétit separare, bonum est et jucundum habitare
spiritu nos in unum, ut in eo uniti qui caput nostrum est et
nos ejus membra , orationibusque mutuis circumfulti eorum
vincula disrumpens , qui nobis assidue tendunt insidias et
quasi quidam latrunculi iter nostrum obsident, quo ad vitam
anhelamus, eorumque de manibus liberati, pie et juste
uniendo, de virtute in virtutem proficientes , Deum Deorum
in Syon videre mereamur. Cum vero orationes et bona spiri-
tualia apud vos de cetero facienda qui bus nos vestri gratia
deinceps ex Charitate non ficta communicare voluistis, nobis
quam plurimum necessaria sint in premissis vobis ad eas
quas possumus gratiarum consurgimus actiones, habitoque
inter nos pleniori concilio, ea omnia que pro nobis facere
promisistis juxta formam a vobis traditam de cetero pro vobis
facere intendentes, hoc addito si bonum vobis visum fuerit,
quod pro vobis et ecclesie vestre statu, missam de Spiritu
sancto festive celebrabimus annuatim, supplicantes si placet
ut et vos pro nobis ita faciatis. Et quoniam ea que memorie
nostre repentina surripit oblivio, literarum munimine et
scripturarum testimonio ad noticiam reducuntur, rogamus
vos quatenus , ad memoriam presentium et notitiam futuro-
rum, premissa scribi faciatis, in publico, ubi talia et consi-
milia a vobis redigi soient in scriptis (1). Datum et nostris
(1) II existe encore un certain nombre de monuments constatant les
manières, en usage au moyen-âge, dans les communautés religieuses,
de faire des prières soit pour les vivants, soit pour les morts ; c'étaient
Us diptyques, les nécrologes, les lettres d'association et les rouleaux
des morts. Les associations se formaient entre les religieux de tous
les ordres. Ces traités se consignaient dans des lettres spéciales nom-
mées lettres de communion , de société ou de confraternité. Au treizième
siècle ils étaient pour les moines associés l'occasion d'honneurs parti-
culiers, de refuge assuré en cas de disgrâce, de choix d'arbitres dans
les contestations, d'assistance aux funérailles, etc. Bien que nous
n'ayons que celui d'Orbais, ils durent être très-fréquents à La Cha-
rité , comme dans les autres monastères. (Delisle, Monuments paléo-
graphiques concernant Vusage de prier pour les morts , Bibl. de l’École
35
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Cartulaire de La Charité .
2 74
sigillis sigillatum, anno Domini millesimo ducentesimo
nonagesimo quarto, feria secunda (i) post ascensionem
Domini.
CXXXII.
LITERE PATENTES PHILIPPI REGIS > DE REBUS AD
CONVENTUM CHARITATIS SPECTANTIBUS (2).
1295 Février. — Paris.
Philippe-le-Bel reconnaît que les religieux de La Charité
ont traité avec les gens chargés de recueillir, dans la
haillie de Bourges , la finance due sur leurs acquisitions ,
et qu'ils peuvent conserver ces possessions en toute
sécurité.
Philippus, Dei gratia Francorum rex, notum facimus
universis tam presentibus quam futuris, quod cum viri reli-
giosi , conventus prioratus de Charitate supra Ligerim,
Cluniacensis ordinis, pro infrascriptis acquisitis sibi et eorum
successoribus, ad opus conventus prioratus predicti perpetuo
des chartes, 1847, P* 36 i 4 et aussi les Rouleaux des morts, Société de
Phistoire de France, 1866.J
(1) Les fêtes célébrées pendant plusieurs jours étaient indiquées par
ces mots : secunda, tertia feria. Il s'agit donc ici du lendemain de
l'Ascension, c'est-à-dire du 28 mai, pour 1294, Pâques étant le 18 avril.
(2) Cote d'une charte précédente extraite de V Histoire du Prieuré ,
folio 149: « L’an 1294 le roy Philippe-le-Bel accorda ses lettres
d’amortissement au prieur Simon pour touttes les terres et possessions
dépendentes du prieuré de La Charité, mesme de six mille arpens de
boys dans la forest appelée le boys de Notre-Dame-de-la-Bertrange. que
les prieur et religieux avoient achettés d'Estienne, seigneur de Blanca-
fort, et d’Agnès, sa femme. » (Voyez les usages de la Bertrange, ci-
dessus, charte CXVII.)
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Lettres de Philippe-le-Bel .
275
retinendis : videlicet aPerello, Joanne et Odone de Faya
Livronis, fratribus, pro dimidio modio bladi ad mensuram
Montisfalconis super terris eorumdem fratrum in parrochia
de Faya; a Joanne dicto Faulque de Garchissiaco et Bono
amico de Colengiis et ipsius Joannis sorore, et ab Helena et
Hugueta, dictorum Joannis et Boni amici uxoribus, pro
quodam prato vocato Vermeil ; a Perello Viviani et pluribus
personis, in cartulario dicti conventus contentis pro sexa-
ginta solidis , laudas et vendas portantibus, super diversis
terris apud Guarchisiacum (1); a Durando Godeti et Isabella
ejus uxore, de Guarchisiaco , pro una petia vinee, una pecia
prati et una pecia terre apud Guarchisiacum; a Joanna dicta
Fauque de Garchisiaco et Bono-amico de Colengiis et pluri-
bus aliis, in cartulario conventus contentis pro triginta et
quatuor bichetis avene, octo gallinis et duobus solidis annui
census, in justitia domini de Poguis ; a Seguino, milite,
et Isabella ejus uxore, pro quadam oschia ab omni censu
immuni. A Morello de Noisu, clerico, filio Renaudi Benoy
et Maria uxore dicti Morelli, pro tota parte décimé quam
habebant dicti conjuges in parrochia de Chavannes (2),
(1) Cote de V Histoire du Prieuré, folio 149: « L’an i?86 Guillaume
d’Asnières, pitencier de La Charité, achepte au proffit du couvent, de
Perreau Vivian, de Nevers, 60 sols forts de Nevers de cens estably à
Garchizy, pour la somme de 79 livres 10 sols forts de Nevers. »
(2) L'Histoire du Prieuré (folio 147) donne la cote de cette pièce :
c En juin 1275 les religieux achetèrent de Morel de Noyson et Marie,
sa femme, leur part de dîme dans la paroisse de Chavannes, se parta-
geant avec le prieur de La Charité et le chapelain de Chavannes et
les nommez les Napions, laquelle dîme on appelait la dîme de Saint-
Pierre, pour la somme de 20 livres en forts de Nevers. »
Cette localité est difficile à fixer. Les Chevannes, Chevennes, Cha-
vannes sont très-fréquents. C’était une paroisse, donc un endroit d’une
certaine importance. Les deux manuscrits qui sont entre nos mains
portent, dans la liste des églises dépendant de La Charité : Ecclesia de
Chavaitna, alias Chaunes (folio 27 du manuscrit de M. Girerd), puis
dans celui de la Société nivernaise : « Chaugne, ecclesia de Chavattrta,
dépendante du chapitre de Nevers. » Cette assimilation n’est pas
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276
Cartulaire de La Charité.
vocata décima Sancti Pétri , et partitur cum priore de Chari-
tate et cum capellano de Chavannes et cum dictis les
Napions, cum omni jure quod habebant dicti venditores in
décima supradicta. A Renaudo et Morello dictis Napions,
fratribus, pro alia parte décimé quam habebant in dicta par-
rochia. A Robertodicto Lepie, pro censibus, renodo, costumis
et omnibus aliis quibuscumque redditibus quod habebat in
parrochia de Parciaco. A Philippode Campignoto, armigero,
et Agnete ejus uxore , pro quodam prato versus villam de
Narciaco, subtus perreriam de Rupeforti (1). A Guiburgi de
Bulcy, pro censu minuto, laudas et vendas portante apud
Charcelles, in parrochia de Poga. A Gerardo de Pegnes pro
censibus laudas et vendas portantibus et omnibus redditibus
quos ipse et ejus uxor habebant in parrochia de Parciaco (2),
cum omni jure quod habebant ibidem, salva décima bladi
quam habebant in dicta parrochia. Ab Agnete, filia Roberti
Lepic, militis, pro terris, censibus, bordelagiis, costumis, et
aliis rebus quibuscunque quas habere poterant ex causa qua-
cunque in parrochia de Parciaco ( 3 ). Ab Arnode de Broant
pro undecim denariis census una pitta minus, supra duabus
acceptable ; les deux manuscrits se seront copiés servilement l’un sur
l’autre. D’autre part, dans le Registre de l’évêché en 1287 que nous
avons publié sur l’original, on trouve à l’archiprêtré des vaux de
Nevers (p. 72) t Chevennes t, que nous traduisions par Chevannes,
près Coulanges, et « Chooigne », forme assez barbare qui ne peut
s’appliquer qu’à Chaulgnes. M. de Soultrait (Dict. topographique de la
Nièvre ), en parlant de paroisses des vaux de Nevers, aujourd’hui dans
l’Ailier, semble indiquer Chevannes, commune de Tresnay. Les moines
n’achetaient que dans leur voisinage, et il ne faut pas chercher aussi
loin. Chavannes s’applique peut-être à Chaulgnes, Chevigny ou Cheu-
gny, ou encore à Chevannes-Sichamps, cure dépendant de La Charité.
(Inventaire du prieur Colbert, folio 27.)
fi) La carrière de Rochefort, près Narcy, existe encore. Le même
Philippe de Champvoux avait fait en 1254 un traité pour son moulin
de Narcy. (Charte CXII.)
(2) Ci-dessus, charte CXVI.
( 3 ) Voyez cet acte de vente passé en 1261, ci-dessus, charte CXV.
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Lettres de Philippe-le-Bel.
é 2 77
peciis vinee in terri torio de Broant, tota décima vinearum
ipsarum cum omni jure quod habebat in duabus peciis
supradictis, sex denariis census quos habebat supra terris
sitis apud Villeroy (i) et décima cum omni jure quod ipsa
Arnodis habebat in predictis terris et vineis in territorio
predicto. A Joanne de Pria, Busenciaci, milite, et Isabella
ejus uxore, proquinque arpentis pratorum juxta Charneiam (2).
A Gaufrido dicto François et uxore sua pro decem solidis
annui census cum sex denariis laudas et vendas portantibus,
quatuor corveis et duabus gallinis in parrochia de Chaul-
gnes ; a Jocerando de Riparia pro centum solidis annui
redditus super terra de Vallibus ( 3 ); a Stephano de Sauveyo,
curato de Conada pro viginti solidis super quadam domo
apud Conadam ; a Gaufrido François pro decem solidis cum
dimidio annui census laudas et vendas portantibus, quatuor
corveis, duabus gallinis, in parrochia de Chaulgnes ; ab
Arremburgi, domina de Harriaco, centum solidatis terre per-
cipiendis in tallia ipsius domine de Harriaco (4), cum gen-
tibus nostris ad hujusmodi et similes financias recipiendas
pro nobis in Bituricensi bailliva deputatis, finavit ; nos
eamdem financiam ratam habentes et gratam , concedimus
memorato conventui quod predicta acquisita, ad opus ipsius
conventus prioratus jamdicti , teneat et habeat perpetuo,
absque coactione vendendi vel extra manum suam ponendi,
salvo in aliis jure nostro et in omnibus qualibet alieno. Quod
ut firmum et stabile perseveret , présentes literas sigillo
nostro fecimus communiri. Actum Parisiis, anno Domini
millesimo ducentesimo nonagesimo quarto, mense februario.
(1) « En 1260 le prieur Jean acquit de Jean Lebrun et Isabelle, sa
femme, la disme de Vyleroy, située dans la paroisse de Champvoux,
tant en bled qu’en vin. » (Hist. du Prieuré , folio i 3 q.)
(2) Ci-dessus , charte CXIX.
( 3 ) Probablement la Vallée, aujourd’hui ferme de la commune de
Parigny-les-Vaux.
(4) Ci-dessus, charte CXX 1 I 1 .
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278
Cartulaire de La Charité.
CXXXIII.
FRAGMENTUM RESCRIPTI DOMINI CELESTINI PAPE V
AD SIMONEM DE ARMENTARIIS CARDINALES.
1294 Septembre 22. — Asti.
Le pape Cèles tin V informe Simon d f Armentières de sa
nomination à la pourpre cardinalice et lui donne Tordre
de se rendre au plus vite auprès de lui .
Celestinus (1), servus servorum Dei , dilecto lilio Siraoni
de Armentariis, priori de Caritate, Cluniacensis ordinis,
sancte Romane ecclesie presbytero Cardinali, salutem et
apostolicam benedictionem. Auditis tue... tue persone vir-
tutum odorimenta nostris sensibus attulerunt ingentem
letitiam... ceperunt propter quod exultantes in Domino
personam tuam in partem sollicitudinis nostre... providenrii
divina vocavit, duximus eligendum ut secundum apostolum
nostrorum onerum... ecclesie Romane cardinalium aggre-
geris. Quocirca devotioni tue presens... presentiam nostram
propter hoc festinus accédas. Datum Asti, X kalendas octo-
bris, anno millesimo ducentesimo nonagesimo quarto.
(1) Célestin V, religieux de l’ordre de Saint-Benoît, élu pape malgré
lui le 5 juillet 1294, créa douze cardinaux, cinq Italiens et sept Fran-
çais, dont Simon faisait partie. 'Inhabile aux affaires, il abdiqua le
i3 décembre de la même année, puis mourut dix-sept mois apres, a
l’àge de quatre-vingt-un ans, retenu prisonnier par Boniface VIII, * on
successeur. Il fut canonisé par Clément V, le 5 mai i3i3.
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Lettres de Philippe-le-Bel.
2 79
CXXXIV.
LITERE PHILIPPI REGIS COGNOMENTO BELLI , AD
BITURICENSEM ET AURELIANENSEM BALLIVOS ,
PRO GARDA ET RESSORTO PRIORATUUM ORDINIS
CLUNI ACENSIS .
1297 Janvier 28.
Philippe-le-Bel ordonne à ses baillis de Bourges et
d'Orléans de retenir la garde et les appels sur les dépen-
dances de l'ordre de Cluny , malgré sa cession à Louis de
Flandre des châtellenies de Gien et d'Aubigny.
Philippus, Dei gratia Francorum rex, Bituricensi et
Aurelianensi ballivis, salutem. Cum nuper dilecto et fideli
nostro Ludovico (1) concesserimus castellanias de Giemo et
Albiniaco super Nevram (2) , intentionis nostre non fuit
eidem gardam prioratuum seu domorum Cluniacensis
ordinis in dictis castellaniis existentium, aut ressortum
ipsarum concessisse. Quare vobis mandamus quatenus prio-
ratus seu domos predicti ordinis in dictis castellaniis exis-
tentes, cum personis, bonis, rebus et pertinentiis eorumdem,
custodiatis et deffendatis, prout per vos et predecessores
vestros ante collationem hujusmodi fieri consuevit, non
permittentes predictis prioratibus seu domibus super garda
et ressorto predictis per gentes dicti fidelis nostri aliquam
molestiam inferri ( 3 ). Actum Parisiis die dominica ante
(1) Louis I* r , fils de Robert de Flandre, comte de Nevers, I28o-i332.
(2) Gien, chef-lieu d’arrondissement du Loiret. Au sud, Aubigny,
canton de l’arrondissement de Sancerre, sur la Nère, affluent de la
Saudre, rivière qui passe à Salbris et se jette dans le Cher, à quelque
distance de Blois.
( 3 ) Bien que le prieuré fût sous la sauvegarde royale, le prieur
Godefroi avait cédé ce droit de garde à son frère Hervé, comte de
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28o
Cartulaire de La Charité .
festum Purificationis beate Marie virginis (i), anno Domini
millesimo ducentesimo nonagesimo sexto.
cxxxv.
ALIE LITERE EJUSDEM REGIS, DE REMISSIONE ANNA*
LIUM SEU DECIMARUM ET DE SOLUTIONE PENSIONUM
ABBATI CLUNIACENSI.
1298 Septembre 14. — Paris.
Philippe-le-Bel ordonne aux receveurs des annates de lever
le séquestre mis sur les biens des prieurés de Vordre de
Cluny et fait défense de saisir , à Voccasion des vacances
des prieurés , les droits dus à V abbaye.
Philippus, Dei gratia Francorum rex, omnibus collecto-
ribus annalium (2) nostrorum ecclesiasticorum et super
intendentibus eorum negotio deputatis in regno nostro, ad
quos présentes litere pervenerint, salutem. Mandamus vobis
quatenus receptis presentibus manum nostram , de priora-
tibus conventualibus ordinis Cluniacensis , licet a tempore
Nevers. Une sentence rendue par un évêque entre la comtesse Mahaut
et le prieur Estienne décida qu’elle conserverait la garde, ce qui eut
lieu jusqu’en 1297, date des lettres de Philippe-le-Bel. (Histoire du
Prieuré , folio 126.)
(1) La Purification, le 2 février, tombait un vendredi en 1297; le
dimanche précédent était le 28 janvier.
(2) On appelait annates les mains-mises sur les revenus des établis-
sements religieux par les sergents royaux, pendant les vacances par
décès des prieurs. Elles furent l’occasion d’une foule d’abus plus ou
moins réprimés. Les évêques de Normandie réclamèrent un adoucis-
sement et l’obtinrent par lettres de 1299. ( Ordonnances des Rois de
France, I, p. 334.)
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De la nomination du prieur . 28 1
gratie de annalibus nobis facte vocantibus amoventes, ab
impedimento bonorum illorum quorumcunque penitus
disistatis, quousque aliud a nobis super hoc recipere conti-
gerit in mandatis. Preterea domos, domicilia vel maneria,
quocunque censeantur nomine, que ad mensam seu cellam
Abbatis Cluniacensis liquido deputantur, sibi deliberetis
omnino. Item censas seu pensiones deberi et reddi annuatim
ecclesie Cluniacensi, pro ipsius sustentatione, super aliquibus
subditis sibi prioratibus consuetas, non impediatis occasione
vacationis prioratuum hujusmodi, quominus eas prout soiito
percipi valeant et haberi, omni submoto fraudis velamine,
que si reperiatur teneatis, et ut prius procedatis, juxta potes-
tatem alias vobis super iis attributam. Actum Parisiis die
lune post festum Exaltationis sancte Crucis, anno Domini
millesimo ducentesimo nonagesimo octavo.
CXXXVI.
CONCORDATUM INTER ABBATEM CLUNIACENSEM ET
CONVENTUM DE CARITATE, DE ELIGENDO PRIORE.
1 296 Septembre.
A la suite de dissentiments entre l'abbé de Cluny et les
religieux de La Charité pour le choix du prieur , les
religieux affirmant qu'ils avaient , à chaque vacance , pré-
senté trois noms , parmi lesquels l'abbé choisissait le
prieur , de son côté l'abbé soutenant qu'il avait la nomi-
nation directe et entière comme pour tous les autres
prieurés placés sous sa dépendance , un réglement définitif
et écrit fut décidé par la sage et bienveillante interven-
tion de l'évêque d'Auxerre .
Les religieux de La Charité ne prétendront jamais à un
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282
Cartulaire de La Charité .
droit d’intervenir d'une façon quelconque dans la nomi-
nation ; aussitôt la vacance , le sous-prieur informera
l’abbaye de Cluny t où , devant les moines assemblés en
chapitre , le prieur de Cluny désignera trois personnes ,
lesquelles à leur tour en choisiront dix autres pour 9 tous
ensemble , présenter quatre noms , dont l’un au moins sera
de La Charité . L’abbé recevra ces noms, soit directement ,
soit par lettres scellées , et nommera le prieur. Quant aux
sous-prieur et religieux de La Charité , ils s'engagent à
accepter sans contradiction aucune cette nomination , et les
conventions ainsi établies devront être tenues à perpétuité
de part et d’autre.
U ni versis présentes literas inspecturis, frater Bertrandus (ij,
miseratione divina Cluniacensis ecclesie minister humilis ac
conventus ejusdem loci, necnon Petrus supprior et conventus
prioratus de Charitate, ipso prioratu vacante, salutem in
Domino. Quam sit ecclesiis et personis ecclesiasticis dam-
nosa et dispendiosa contentio , quam periculosa etiam esse
soleat animabus, non solum jura testantur sed et magistra
rerum efficax experientia manifestât. Nam animis litigantium
circa contentionis exercitium solicitis et intentis emergant
exinde corporum et animarum dispendia , erescunt invidie
rancores et odia, subditorum tepescit obedientia, exhauriun-
(1) En 1294, lorsque le prieur Simon d’Armentières, nommé car-
dinal, fit sa démission du prieuré de La Charité, Pabbé de Cluny en
pourvut Bertrand de Colombiers, de plein droit, ce qui causa un
grand différend entre Pabbé et les religieux, qui voulaient se main-
tenir dans le droit de présenter trois religieux à Pabbé, parmi lesquels
il choisirait leur prieur. On en référa au Pape, et, à la suite de
plusieurs enquêtes, Bertrand fut maintenu. L’année suivante, le
27 septembre 1295, Pabbé étant mort, les religieux de Cluny choisi-
rent pour abbé le prieur Bertrand et lui en firent porter la nouvelle
à La Charité. Promu abbé de Cluny, Bertrand de Colombiers, comme
le présent acte en témoigne, devait tenir à régler définitivement la
nomination du prieur de La Charité. ( Histoire du Prieuré , folio i 3 i.)
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De la nomination du prieur.
283
tur ecclesiarum facultates et bona , necnon et cultus fidei
Christiane contescit. Expedit igitur succensas contentionum
flammas extinguere, ac in cordibus litigantium pacis et con-
cordie spiritum suscitare, quatenus inter taies et sub talibus
quieta reperiatur conversatio. Deo grata inspicientibus pla-
cideque considérantes non solum respiciat , sed et reficiat et
confortet. Ea propter cum inter nos abbatem, nomine nostri
Cluniacensis monasterii, ac nos suppriorem et conventum de
Caritate verteretur materia questionis , super eo quod nos
supprior et conventus predicti asserebamus nos esse et fuisse
in possessione, vel quasi et ad nos pertinere, quoties priora-
tum de Caritate vacare contingit très personas , de ordine
Cluniacensi, abbati nostro Cluniacensi qui est et qui pro
tempore fuit , nomine monasterii nostri de Caritate , presen-
tare et ujiam de illis tribus personis quam maluerit, nobis
preficiat in priorem. Nobis abbate, nomine quo supra, asse-
rentibus et tenentibuscontrarium, videlicet nos esse et fuisse
in possessione vel quasi libéré instituendi in dicto prioratu
de Caritate priorem sine ipsorum aliorumve nominatione,
dicto prioratu vacante, et ad nos ibidem priorem ponere,
libéré pertinere, prout est et fieri consuevit in aliis prioratibus
nostri ordinis, nobis immédiate subjectis. Tandem de pre-
dicta questione mediante in Christo reverendo pâtre, domino
Petro, Autissiodorensi episcopo ( i ), pro bono pacis et concordia
convenimus et concordavimus in hune modum : Videlicet
quod nos, supprior et conventus predicti de Caritate, per
viam nominationis, electionis, postulationis vel alias quali-
tercumque, jus aliquod in preficiendo nobis priore non pote-
rimus petere imperpetuum vel quomodolibet reclamare. Nos
vero abbas et conventus Cluniacensis predicti , proborum et
maxime dicti reverendi patris domini Autissiodorensis épis-
copi ducti consilio, voluimus et concordavimus quod, vacante
prioratu Caritatis predicto , ad provisionem de priore in ipso
f
(i) Pierre de Mornay, évêque d’ Auxerre, de 1295 à i3o6.
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284
Cartulaire de La Charité.
prioratu faciendam hoc modo in posterum procedatur :
Videlicet quod, vacante prioratu de Caritate, vacatio per
procuratorem supprioris et conventus debebit , quant cito
scietur et commode poterit, apud Cluniacum intimari, et
postquam sic intimata fuerit apud Cluniacum, prior major
si sit ibidem , vel si non sit , prior claustralis dicti Clunia-
censis monasterii conventum in capitulo congregabit , prout
moris est et fieri consuevit , quando providetur in dicto
monasterio de abbate. Conventu vero in capitulo congregato,
prior major dicti monasterii Cluniacensis, si sit ibi, et si non
sit prior claustralis qui erit, très de probis viris dicti monas-
terii , secundum quod hactenus in electione abbatis Clunia-
censis fieri consuevit , nominabit. Et illi très nominati per
priorem majorent, vel priorem claustraient dicti Cluniacensis
monasterii si non sit, ut premissum est , ibi prior major in
capitulo Cluniacensi, in presentia conventus, ad sancta Dei
evangelia jurabunt, quod ipsi nominabunt eligent et assu-
ment secum decem alios probos viros ejusdem monasterii. Et
illi très , una cum decem assumptis et nominatis per eos
super sancta Dei evangelia jurabunt, similiter quod submota
omni affectione illicita, nobisabbati et successoribus nostris,
si apud Cluniacum présentes tuerimus, nominabunt quatuor
personas de ordine Cluniacensi , sufficientes et idoneos ad
regimen dicti prioratus Charitatis, quarum una saltem erit
de Caritatis monasterio vel de membris eidem subjectis. Et
si nos abbas Cluniacensis aut successores nostri absentes fue-
rimus, nominationem dictarum quatuor personarum nobis
et successoribus nostris per literas patentes sigillo conventus
Cluniacensis sigillatas, intimabunt, ut alteram, ex ipsis qua-
tuor nominatis concorditer ab ipsis tredecim vel majori parte
ipsorum, quem nos abbas et successores nostri abbates Clu-
niacenses maluerimus, Caritatensi monasterio preficiamus in
priorem. Et nos, abbas Cluniacensis predictus, et successores
nostri qui pro tempore fuerunt , alteram de ipsis quatuor sic
nominatis personis suppriori et conventui Caritatis dare
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De la nomination du prieur .
285
tenebiraur in priorem. Nosque supprior et conventus de
Caritate predicti qui nunc sumus et pro tempore erimus, sic
nobis ut premissum est, personam nominatam datam et tra-
ditam in priorem tenemur et in futurum tenebimur recipere,
omni contradictione postposita et submota, Hanc autem
compositionem , nos abbas et conventus Cluniacensis pre-
dicti, nosque supprior et conventus de Caritate promittimus
bona fide per nos et successores nostros tenere, attendere ac
in perpetuum inviolabiliter observare ; nec nos velle aut
posse juvare in futurum, quantum ad possessionis vel pro-
prietatis commodum , quacunque prescriptione actu seu usu
contrario quomodolibet, contra ipsam, quin in sua semper
remaneat firmitate. Promittimus insuper nos omnes superius
nominati quod contra compositionem istam imperpetuum
non veniemus facto vel verbo , in judicio vel extra, immo si
quis eam impugnare vellet, quilibet nostrum eam tenebimur
deffendere et tueri , suis propriis sumptibus et expensis ; et
omnibus aliis instruments etquibuslibet munimentis, super
dicta discordia et nominatione hactenus factis et habitis, que
pro nobis omnibus seu altero nostrum possent facere et
valere, cassis et irritis, hec nostra compositiô stabilis et firma
imperpetuum perseveret. Et hec omnia et singula, nos abbas
et conventus Cluniacensis , et nos supprior et conventus de
Caritate predicti, laudamus, ratificamus et etiam approba-
mus , aliis juribus , que in priore dicii prioratus Caritatis et
ipso prioratu, nos abbas Cluniacensis et predecessores nostri
habemus et habere consuevimus, in omnibus et per omnia,
nobis et successoribus nostris remanentibus semper salvis In
quorum omnium testimonium nos abbas et conventus Clu-
niacensis monasterii et nos supprior et conventus de Caritate
predicti, sigilla nostra presentibus litteris duximus appo-
nenda. Datum anno Domini miliesimo ducentesimo nonage-
simo sexto, mense septembri.
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Cartulaire de La Charité.
CXXXVII.
LITERE PHILIPPI REGIS PRO MOLENDINO DE NARCIACO.
1297 Février 8.
Philippe-le-Bel saisit le bailli de Bourges de la réclamation
du comte de Nevers au sujet du moulin de Narcy .
Philippus, Dei gratia Francorum rex, baillivo Bituricensi
vel ejus locum tenenti, salutem. Mandamus tibi quatenus
inquestam, ut dicitur, factam per predecessorem tuum,
quondam Bituricensem ballivum, super causa jamdudum
mota inter dilectum et fidelem nostrum, comitem Niver-
nensem (1), ex una parte, priorem et conventum de Caritate
ex altéra, super molendino de Narciaco (2), si est ita, vocatis
vocandis fine debito termines et expédias eamdem diciis
partibus, super hoc celeris justicie exhibendo complementum.
Actum Parisiis , die jovis in Candelis (3), anno Domini
millesimo ducentesimo nonagesimo sexto.
(1) Louis de Flandre, comte de Nevers, 1280-1 33 a.
(2) Ce moulin de Narcy avait été vendu par la dame de Merry au
prieur Simon, en 1285 (ci-dessus, charte CXXVIII), et garanti par elle
contre les réclamations du comte de Nevers. Simon devint cardinal en
1294 et mourut en 1296. Le comte attendit probablement sa mort
pour attaquer la vente. Le prieuré de La Charité se trouvant sous la
sauvegarde royale, le roi dut déléguer son bailli de Bourges pour
connaître de l'affaire.
( 3 ) Festum Sancte Marie Candelarum , la Chandeleur, fête de la
Purification de la sainte Vierge, le 2 février. Le jeudi de l'octave
était le 8.
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Visites des prieurés.
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CXXXVIII.
CONCORDATUM INTER ABBATEM CLUNIACENSEM ET
PRIOREM DE CHARITATE , CAUSA VISITACIONIS
IN DEPENDENTIIS DICTI PRIORATUS.
1 322 Mai 18 et i 325 Mars 3 .
Lettres d'accord pour réglement de la visite des prieurés
dépendant de La Charité , entre l'abbé et le prieur.
In nomine Domini , amen. Per hoc presens publicum
instrumentum, cunctis appareat evidentius quod anno a
nativitate Domini millesimo trecentesimo vicesimo quarto,
die tertia mensis martii, indictione septima, pontificatus
sanctissimi patris et Domini nostri, Domini Joannis, divina
providentia pape XXII anno octavo, ego Joannes de Aula
de Bellijoco, Matisconensis diocesis clericus, sancti Romani
imperii authoritate notarius publicus, vidi de verbo ad
verbum, legi ac diligenter inspexi quoddam instrumentum
publicum, sanum et integrum, non rasum nec abolitum,
seu in aliqua parte sui vitiatum, signo Pétri, iilii Bruni,
olim Bipani de Montepoliciano, clerici, authoritate aposto-
lica et imperiali notarii publici signatum , prout prima facie
apparebat, cujus instrumenti ténor de verbo ad verbum
sequitur in hune modum :
In nomine Domini, amen, anno a nativitate ejusdem
millesimo trecentesimo vigesimo secundo, indictione quinta,
die décima octava mensis maii , pontificatus sanctissimi
patris et domini Domini Joannis, divina providentia pape
vigesimi secundi anno sexto, in presentia nostrorum Pétri et
Alani notariorum et testium infrascriptorum , ad hec voca-
torum specialiter et rogatorum, constituti personaliter in
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Cartulaire de La Charité .
monasterio Cluniacensi, reverendus in Christo pater et
dominus frater Raymundus , Dei gratia abbas monasterii
Cluniacensis, Matisconensis diocesis, nomine suo et dicti
monasterii sui et quantum in eo erat, vice et nomine con-
ventus dicti monasterii ex una pane et venerabilis et reli-
giosus vir dominus frater Petrus, prior prioratus de
Charitate, ordinis Cluniacensis, Autissiodorensis diocesis ,
nomine suo et dicti sui prioratus, et quantum in eo erat vice
et nomine conventus dicti prioratus Caritatensis, nec non
priorum et conventuum, prioratuum dicto priori Caritatensi
subjectorum, ex parte altéra, sponte voluntarie et ex cena
scientia et non per errorem de lite, causa, questione, contro-
versia et differentia, tam agitata in Romana curia quam
etiam extra, coram reverendo in Christo pâtre et domino,
domino fratre Guillelmo, Dei gratia sancte Viennensis
ecclesie archiepiscope et venerabili et prudenti viro, domino
Gerardo de Lautrico , preposito ecclesie Avinionensis , capel-
lano dicti domini nostri pape, commissariis in dicta causa
ab eodem domino nostro papa specialiter deputatis, ut que
vertitur seu verti possit inter partes easdem, ratione visita-
tionis et correctionis, quas prefatus dominus abbas Clunia-
censis dicebat et asserebat posse facere et ad se spectare
et pertinere, in prioratibus monachis et personis, dicto
priori et prioratui Charitatensi médiate vel immédiate
subjectis (i)
(i) Ces lettres contiennent des formules et des définitions démesu-
rément étendues et dénuées de tout intérêt. 11 ne s’y trouve aucun
nom de lieu ni de personnes, sauf les notaires et commissaires,
étrangers à nos contrées. Bien que nous ayons copié ces textes, nous
n’avons pas cru devoir les publier en entier à cause de leur longueur;
elles tiennent dix-sept folios du manuscrit, folio 172 à 189.
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